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Recueil des amendements écrits (Version finale)

  • Doc. 13863
  • L'abus de la détention provisoire dans les Etats Parties à la Convention européenne des droits de l'homme

Projet de résolution

1L’Assemblée parlementaire souligne l’importance de la présomption d’innocence dans la procédure pénale. La détention provisoire (détention préventive) devrait être uniquement utilisée de manière exceptionnelle, en dernier ressort, lorsque les autres mesures de contrainte ne suffisent pas à garantir l’intégrité de la procédure.

2L’Assemblée constate les effets négatifs multiples de la détention provisoire, aussi bien pour le détenu que pour la société tout entière, dont la plupart se produisent également lorsque le détenu est par la suite acquitté:

2.1les effets négatifs de la détention provisoire pour les prévenus:

2.1.1le risque de perte d’emploi ou de faillite et, pour leur famille, les difficultés économiques subies en plus des conséquences humaines d’une séparation prolongée;

2.1.2le fait d’être, dans bien des cas, exposés à la violence des autres détenus et des agents, à l’influence néfaste de criminels endurcis, aux maladies contagieuses et à des conditions de détention difficiles, qui sont souvent pires pour les détenus que pour les condamnés qui purgent leur peine d’emprisonnement;

2.1.3le risque d’atteinte au droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»), en raison des conséquences psychosociales de la détention provisoire, qui s’accompagne souvent d’un profond isolement et nuit à la capacité des détenus de se défendre efficacement;

2.2les effets négatifs de la détention provisoire pour la société tout entière:

2.2.1le coût budgétaire élevé de la détention par rapport aux autres mesures de contrainte, comme la caution, l’assignation à résidence, l’imposition d’heures de couvre-feu ou de mesures d’éloignement, avec ou sans surveillance électronique. Les ressources consacrées à la détention provisoire pourraient être mieux employées à la prévention de la délinquance, à l’augmentation du taux d’élucidation des crimes et à la resocialisation des délinquants;

2.2.2la perte de la contribution économique des détenus, la dé-socialisation de la famille des détenus et les effets préjudiciables de la détention sur la diffusion des maladies infectieuses;

2.2.3le fait que la détention provisoire sans contrôle efficace génère des occasions de corruption et plus généralement nuit à la confiance de l’opinion publique dans le bon fonctionnement du système judiciaire pénal.

3La Convention européenne des droits de l’homme, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme, a posé des limites claires au recours à la détention provisoire et défini des règles relatives au traitement des détenus.

4L’Assemblée observe que la législation de la plupart des Etats membres est généralement conforme aux normes de la Convention, mais que son application par les autorités de poursuite et les tribunaux ne l’est bien souvent pas.

5Comme la diversité des pratiques en la matière, même dans les Etats membres de l’Union européenne, menace l’efficacité de la coopération judiciaire internationale, l’Union européenne a commandé une étude comparée approfondie pour recenser les problèmes et les solutions possibles.

6Le nombre élevé de détenus (en nombre absolu et en proportion de la population carcérale totale), qui sont près de 425 000 (25 % de l’ensemble des personnes détenues) en Europe (2013), indique que les motifs admissibles de détention provisoire, notamment le fait d’empêcher un suspect de prendre la fuite ou d’influencer les témoins et de porter atteinte aux autres éléments de preuve, sont généralement interprétés de manière trop large ou invoqués pour la forme, afin de justifier une détention provisoire qui poursuit d’autres buts abusifs.

7Les motifs abusifs de détention provisoire suivants ont été constatés dans un certain nombre d’Etats Parties à la Convention européenne des droits de l’homme, en ce qu’ils visent:

7.1à exercer des pressions sur les détenus pour les contraindre à avouer une infraction ou à coopérer d’une autre manière avec le ministère public, y compris en témoignant contre un tiers (par exemple le cas de Sergueï Magnitski, en Fédération de Russie);

Déposé par M. Giorgi KANDELAKI, M. Aleksandar NIKOLOSKI, M. Volodymyr ARIEV, M. Emanuelis ZINGERIS, M. Zsolt NÉMETH, Mme Elena CENTEMERO, M. Giuseppe GALATI, M. Hans FRANKEN, M. Valeriu GHILETCHI, Sir Christopher CHOPE, Mme Chiora TAKTAKISHVILI, Mme Olena SOTNYK, Mme Kristýna ZELIENKOVÁ, M. Eerik-Niiles KROSS
Dans le projet de résolution, au paragraphe 7.1, après les mots «Fédération de Russie», insérer les mots suivants: «et certains cas de dirigeants du MNU en Géorgie, comme l’ancien Premier ministre Merabishvili».

7.2à discréditer ou neutraliser par d’autres moyens les concurrents politiques (par exemple les cas de certains dirigeants du Mouvement national uni (MNU) en Géorgie);

(Si adopté, l'amendement 11 tombe)
Déposé par Mme Manana KOBAKHIDZE, Mme Eka BESELIA, Mme Guguli MAGRADZE, Mme Valentina BULIGA, Sir Alan MEALE, M. David CRAUSBY, M. Zviad KVATCHANTIRADZE, Lord John E. TOMLINSON, M. Ali ŞAHİN, M. Ahmet Berat ÇONKAR, M. Süreyya Sadi BİLGİÇ
Dans le projet de résolution, au paragraphe 7.2, supprimer les mots suivants: «(par exemple les cas de certains dirigeants du Mouvement national uni (MNU) en Géorgie)».
(Tombe si l'amendement 5 est adopté)
Déposé par M. Giorgi KANDELAKI, M. Aleksandar NIKOLOSKI, M. Volodymyr ARIEV, M. Emanuelis ZINGERIS, M. Zsolt NÉMETH, M. Giuseppe GALATI, M. Hans FRANKEN, M. Valeriu GHILETCHI, Mme Chiora TAKTAKISHVILI, Mme Olena SOTNYK, Mme Kristýna ZELIENKOVÁ
Dans le projet de résolution, au paragraphe 7.2, remplacer les mots «les cas de certains» par les mots suivants : «la majorité des cas de».

7.3à poursuivre d’autres objectifs politiques, y compris en matière de politique étrangère (par exemple le cas de Mme Nadiia Savchenko, pilote ukrainienne et membre de la délégation ukrainienne auprès de l’Assemblée parlementaire, en Fédération de Russie);

7.4à exercer des pressions sur les détenus pour les contraindre à vendre leur entreprise (par exemple l’affaire Gusinsky en Fédération de Russie) ou pour leur extorquer des pots-de-vin;

7.5à intimider la société civile et réduire au silence les voix divergentes (par exemple le cas d’un garçon de 16 ans placé en détention provisoire en Turquie prétendument pour outrage au Président commis sur les réseaux sociaux ou les cas d’avocats et défenseurs des droits de l’homme de premier plan en Azerbaïdjan, ainsi que la détention provisoire prolongée des manifestants pacifiques de la place Bolotnaïa et d’autres cas encore en Fédération de Russie).

Déposé par M. Şaban DİŞLİ, M. Süreyya Sadi BİLGİÇ, Mme Tülin ERKAL KARA, M. Ahmet Berat ÇONKAR, M. Reha DENEMEÇ, M. Ali ŞAHİN, M. Suat ÖNAL
Dans le projet de résolution, au paragraphe 7.5, supprimer les mots suivants : « le cas d’un garçon de 16 ans placé en détention provisoire en Turquie prétendument pour outrage au Président commis sur les réseaux sociaux ou ».

8La surreprésentation des ressortissants étrangers parmi les détenus fait craindre que les motifs légaux de détention soient appliqués de manière discriminatoire.

9Certains pays, comme la Pologne, ont fait des progrès considérables dans la diminution du recours à la détention provisoire, en mettant en œuvre de profondes réformes pour exécuter les arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l’homme.

Déposé par Mme Manana KOBAKHIDZE, Mme Eka BESELIA, Mme Guguli MAGRADZE, Mme Valentina BULIGA, Sir Alan MEALE, M. David CRAUSBY, M. Zviad KVATCHANTIRADZE, Lord John E. TOMLINSON, M. Ali ŞAHİN, M. Ahmet Berat ÇONKAR, M. Süreyya Sadi BİLGİÇ
Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 9, ajouter la phrase suivante: «En Géorgie, la détention provisoire a aussi fortement diminué ces deux dernières années grâce aux récentes réformes judiciaires.»

10D’autres pays, comme la Fédération de Russie, la Turquie et la Géorgie, ont adopté des réformes législatives accompagnées de mesures concrètes, qui ont entraîné une nette diminution du nombre de détenus et une amélioration considérable du traitement de la majorité des détenus, bien que des cas de recours abusif à la détention provisoire, comme ceux mentionnés ci-dessus, continuent de se produire.

Déposé par M. Şaban DİŞLİ, M. Süreyya Sadi BİLGİÇ, Mme Tülin ERKAL KARA, M. Ahmet Berat ÇONKAR, M. Reha DENEMEÇ, M. Ali ŞAHİN, M. Suat ÖNAL
Dans le projet de résolution, au paragraphe 10, supprimer les mots «, la Turquie ».

11Les causes profondes du recours abusif à la détention provisoire sont notamment les suivantes:

11.1une culture politique et judiciaire qui valorise ceux qui font preuve de fermeté avec les délinquants aux dépens de la présomption d’innocence;

11.2un déséquilibre structurel entre les pouvoirs et les moyens dont disposent le ministère public et la défense (accès aux informations pertinentes, temps, financement);

11.3le fait que les décisions relatives à la détention provisoire soient fréquemment prises par des juges débutants, généralement surchargés de travail et réticents à affirmer leur autorité face au ministère public. Cette situation aboutit, dans un certain nombre de cas, à ce que les juges entérinent en principe les demandes du ministère public sans tenir compte des circonstances de l’affaire en question;

11.4la possibilité de rechercher la juridiction la plus favorable donnée au ministère public, qui peut être tenté d’élaborer diverses stratégies pour s’assurer que les demandes de détention provisoire dans certaines affaires soient traitées par un juge qui, pour diverses raisons, devrait se montrer «accommodant» (par exemple en Géorgie, en Fédération de Russie et en Turquie);

Déposé par Mme Manana KOBAKHIDZE, Mme Eka BESELIA, Mme Guguli MAGRADZE, Mme Valentina BULIGA, Sir Alan MEALE, M. David CRAUSBY, M. Zviad KVATCHANTIRADZE, Lord John E. TOMLINSON, M. Ali ŞAHİN, M. Ahmet Berat ÇONKAR, M. Süreyya Sadi BİLGİÇ
Dans le projet de résolution, au paragraphe 11.4, supprimer les mots «en Géorgie, ».
Déposé par M. Şaban DİŞLİ, M. Süreyya Sadi BİLGİÇ, Mme Tülin ERKAL KARA, M. Ahmet Berat ÇONKAR, M. Reha DENEMEÇ, M. Ali ŞAHİN, M. Suat ÖNAL
Dans le projet de résolution, paragraphe 11.4, supprimer les mots «, et en Turquie ».

11.5la possibilité pour le ministère public de contourner la durée légale maximale de la détention provisoire en modifiant ou en échelonnant les mises en accusation (par exemple en Géorgie).

(Si adopté, l'amendement 12 tombe)
Déposé par Mme Manana KOBAKHIDZE, Mme Eka BESELIA, Mme Guguli MAGRADZE, Mme Valentina BULIGA, Sir Alan MEALE, M. David CRAUSBY, M. Zviad KVATCHANTIRADZE, Lord John E. TOMLINSON, M. Ali ŞAHİN, M. Ahmet Berat ÇONKAR, M. Süreyya Sadi BİLGİÇ
Dans le projet de résolution, au paragraphe 11.5, supprimer les mots «(par exemple en Géorgie)».
(Tombe si l'amendement 8 est adopté)
Déposé par Sir Christopher CHOPE, M. Aleksandar NIKOLOSKI, M. Volodymyr ARIEV, M. Andres HERKEL, M. Emanuelis ZINGERIS, M. Zsolt NÉMETH, M. Giuseppe GALATI, M. Hans FRANKEN, M. Valeriu GHILETCHI, Mme Chiora TAKTAKISHVILI, Mme Olena SOTNYK, M. Giorgi KANDELAKI, Mme Kristýna ZELIENKOVÁ, M. Eerik-Niiles KROSS
Dans le projet de résolution, au paragraphe 11.5, remplacer les mots «en Géorgie» par les mots suivants: «dans les cas des dirigeants du MNU, M. Ugulava et M. Akhalaia, en Géorgie. Dans l’affaire Ugulava, la Cour constitutionnelle de Géorgie a estimé que sa détention provisoire de quinze mois était anticonstitutionnelle et illégale».

12L’Assemblée appelle par conséquent:

12.1tous les Etats Parties à la Convention européenne des droits de l’homme à mettre en œuvre des mesures qui visent à diminuer le recours à la détention provisoire, notamment

12.1.1en sensibilisant les juges et les procureurs aux limites légales imposées à la détention provisoire par le droit interne et la Convention européenne des droits de l’homme et aux conséquences négatives de la détention provisoire sur les détenus, leur famille et la société tout entière;

12.1.2en veillant à ce que les décisions relatives à la détention provisoire soient prises par des juges plus anciens ou par des juridictions collégiales et à ce que les juges ne subissent pas de conséquences préjudiciables pour avoir refusé une détention provisoire conformément à la législation;

12.1.3en garantissant une meilleure égalité des armes entre le ministère public et la défense, notamment en autorisant les avocats de la défense à jouir d’un accès illimité aux détenus, en leur permettant de consulter le dossier de l’enquête avant la décision qui ordonne ou prolonge la détention provisoire et en consacrant des fonds suffisants à l’aide juridictionnelle, y compris pour les procédures relatives à la détention provisoire;

12.1.4en prenant les mesures qui s’imposent pour corriger toute application discriminatoire des dispositions qui régissent la détention provisoire aux ressortissants étrangers, notamment en précisant que le fait d’être ressortissant étranger ne présente pas en soi un risque accru de fuite;

12.2la Fédération de Russie, la Turquie et la Géorgie, notamment:

Déposé par M. Şaban DİŞLİ, M. Süreyya Sadi BİLGİÇ, Mme Tülin ERKAL KARA, M. Ahmet Berat ÇONKAR, M. Reha DENEMEÇ, M. Ali ŞAHİN, M. Suat ÖNAL
Dans le projet de résolution, au paragraphe 12.2, supprimer les mots «, la Turquie ».

12.2.1à prendre les mesures qui s’imposent pour empêcher les procureurs de rechercher la juridiction la plus favorable;

12.2.2à s’abstenir de recourir à la détention provisoire pour des buts autres que la bonne administration de la justice et à libérer tous les prévenus actuellement détenus à des fins abusives.

(Si adopté, l'amendement 13 tombe)
Déposé par Mme Manana KOBAKHIDZE, Mme Eka BESELIA, Mme Valentina BULIGA, Mme Guguli MAGRADZE, Sir Alan MEALE, M. David CRAUSBY, M. Zviad KVATCHANTIRADZE, Lord John E. TOMLINSON, Lord Donald ANDERSON, M. Ali ŞAHİN, M. Ahmet Berat ÇONKAR, M. Süreyya Sadi BİLGİÇ
Dans le projet de résolution, remplacer le paragraphe 12.2.2 par le paragraphe suivant:
«à avoir recours à la détention provisoire uniquement dans le respect de l’Article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des normes créées par la Cour européenne des droits de l’homme.»
(Tombe si l'amendement 9 est adopté)
Déposé par M. Giorgi KANDELAKI, M. Aleksandar NIKOLOSKI, M. Volodymyr ARIEV, M. Andres HERKEL, M. Emanuelis ZINGERIS, M. Zsolt NÉMETH, M. Giuseppe GALATI, M. Hans FRANKEN, M. Valeriu GHILETCHI, Sir Christopher CHOPE, Mme Chiora TAKTAKISHVILI, Mme Olena SOTNYK, Mme Kristýna ZELIENKOVÁ
Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 12.2.2, insérer les mots suivants: «ou en vertu de toute procédure abusive (voir paragraphes 11.4-11.5)».

13L’Assemblée félicite l’Union européenne des initiatives prises ces dernières années en vue de diminuer le recours à la détention provisoire dans les Etats membres de l’Union européenne et invite les organes compétents de l’Union européenne à continuer à fonder leur action sur les normes de la Convention européenne des droits de l’homme, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme.

Projet de recommandation

1L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2015) sur l’abus de la détention provisoire dans les Etats Parties à la Convention européenne des droits de l’homme et à la Recommandation Rec(2006)13 du Comité des Ministres concernant la détention provisoire, les conditions dans lesquelles elle est exécutée et la mise en place de garanties contre les abus.

2Attirant l’attention du Comité des Ministres sur les défaillances continues, notamment la surreprésentation des ressortissants étrangers dans la détention provisoire, qui ont été attestées par une étude récemment menée pour le compte de l’Union européenne, et sur les exemples de recours abusif à la détention provisoire dans un certain nombre d’Etats Parties à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) évoqués dans la Résolution … (2015), l’Assemblée appelle le Comité des Ministres:

2.1à réfléchir aux voies et moyens qui permettent de diminuer le recours à la détention provisoire en général et son usage abusif à des fins particulières, comme la poursuite d’objectifs politiques ou liés à la corruption, notamment à la lumière des faits nouveaux;

2.2à encourager les organes pertinents du Conseil de l’Europe à intensifier leur coopération avec leurs homologues de l’Union européenne, afin de garantir que toute mesure visant à remédier au problème de la détention provisoire soit prise de manière coordonnée, sur la base des normes fixées par la Convention européenne des droits de l’homme, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme.