Recueil des amendements écrits (Version révisée)
- Doc. 14229
- Attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe
Index du compendium
Amendement 22Amendement 9Amendement 20Amendement 10Amendement 21Amendement 23Amendement 12Amendement 1Amendement 13Amendement 2Amendement 14Amendement 15Amendement 24Amendement 18Amendement 17Amendement 19Amendement 4Amendement 5Amendement 6Amendement 7Amendement 8Amendement 25Sous-amendement 1 à l'amendement 25Amendement 3Amendement 11Amendement 16
- Légende :
- Pour
- Contre
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- Retiré
Projet de résolution
1Le droit à la liberté d’expression et d’information par le biais des médias est une condition nécessaire à toute société démocratique. L'Assemblée parlementaire salue donc la création, en 2015, de la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et note avec préoccupation que la pertinence de cet outil a été malheureusement confirmée par le nombre élevé de cas qui ont donné lieu à des menaces graves à la liberté des médias en Europe. Par conséquent, l'Assemblée reste attentive à la situation de la liberté des médias et de la sécurité des journalistes en Europe.
2Suite à la Résolution 2035 (2015) sur la protection de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias en Europe, quelques cas mentionnés ont été résolus. L'Assemblée se félicite en particulier de la remise en liberté de Khadija Ismayilova en Azerbaïdjan et que, comme le suggère l'Avis no 715/2013 de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le Parlement italien débat d'un projet de loi visant à abolir la détention en cas de diffamation par voie de médias.
3L’Assemblée déplore toutefois de devoir réitérer certaines préoccupations exprimées dans la Résolution 2035 (2015), en ce qui concerne:
3.1le producteur de film ukrainien Oleg Sentsov, qui a été enlevé de la péninsule de Crimée et condamné par un tribunal militaire russe à Rostov-sur-le-Don à 20 ans de prison à Iakutsk en Russie; l’Assemblée demande instamment aux autorités russes de le transférer sans plus tarder aux services répressifs compétents de l'Ukraine.
3.2la fermeture de la chaîne de télévision ATR et d’autres médias tatars de Crimée suite à l’occupation et l’annexion illégales de cette péninsule d’Ukraine par les autorités russes; préoccupée par la situation générale de la liberté des médias dans la péninsule de la Crimée occupée par la Russie, l’Assemblée appelle les autorités russes à aussi respecter la liberté d'expression et d'information par le biais des médias dans les zones qu’elles contrôlent de fait en dehors du territoire russe, en violation de la Résolution A/RES/68/262 de l’Assemblée générale des Nations Unies;
3.3la liberté des médias et la sécurité pour les journalistes dans l’est de l’Ukraine, qui est toujours sous le contrôle de fait des forces militaires séparatistes belligérantes soutenues par la Fédération de Russie;
3.4les changements de propriété des médias en Géorgie, opérés dans le passé et qui se poursuivent aujourd’hui, qui ont des répercussions sur le pluralisme et la diversité des médias en Géorgie.
4L'Assemblée note avec tristesse que 16 journalistes sont décédés à la suite d’actes de violence dans les Etats membres depuis janvier 2015 et demande fermement aux procureurs compétents de faire des enquêtes approfondies sur les décès encore non entièrement résolus de:
4.1Pavel Sheremet, journaliste bélarusse, qui travaillait pour Ukrayinska Pravda et pour Radio Vesti en Ukraine lorsqu’il a été tué dans l’explosion d’une voiture à Kiev le 20 juillet 2016;
4.2Mustafa Cambaz, photojournaliste turc pour le journal Yeni Şafak, tué d’une balle dans la tête à Istanbul tôt dans la matinée du 16 juillet 2016 lors du coup d’Etat militaire avorté;
4.3Naji Jerf, journaliste syrien qui a réalisé plusieurs films sur les atrocités commises à la fois par «EI»/Daech et l’actuel Gouvernement syrien, tué par balle à Gaziantep (Turquie) le 27 décembre 2015.
5Se référant à la Résolution A/RES/68/163 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité, l’Assemblée réitère son appel aux Etats membres afin qu’ils enquêtent pleinement sur la mort d’Elmar Huseynov (2005) et Rafiq Tagi (2011) en Azerbaïdjan, Paul Klebnikov (2004) et Anna Politkovskaya (2006) dans la Fédération de Russie, Dada Vujasinović (1994) et Milan Pantić (2001) en Serbie, Hrant Dink (2007) en Turquie, Georgiy Gongadze (2000) et Vasil Klementiev (2010) en Ukraine, ainsi que Martin O’Hagan (2001) au Royaume-Uni.
6Consciente des difficultés et des défis importants auxquels la Turquie est confrontée au regard du coup d’Etat avorté, des attentats terroristes, de la crise provoquée par le nombre énorme de réfugiés et de la guerre en Syrie, l'Assemblée est préoccupée par la situation dramatique des médias et des journalistes en Turquie du fait des décrets adoptés durant l'état d'urgence, en particulier la dissolution et la saisie d'actifs de sociétés de médias, les arrestations d’écrivains, de journalistes, de rédacteurs et de dirigeants d'entreprises de médias, ainsi que des cas d’écarts par rapport au code de procédure pénale, notamment l'accès à un avocat et le droit d'être informé dans le plus court délai de la nature et des motifs d’inculpation.
7L’Assemblée appelle les autorités turques:
7.1à remettre en liberté tous les journalistes détenus qui n'ont pas été inculpés pour participation active à des actes de terrorisme, entre autres l'écrivain et traducteur Necmiye Alpay, l'écrivain et chroniqueur Aslı Erdoğan, le journaliste et écrivain Nazlı Ilıcak, ainsi que le président du conseil d'administration du journal Cumhuriyet, Akin Atalay, son rédacteur-en-chef Murat Sabuncu, son caricaturiste Musa Kart, Kadri Gürsel et plusieurs de ses chroniqueurs, et contrôler immédiatement et éventuellement améliorer leurs conditions de détention; l’Assemblée se félicite de la déclaration du ministre de la Culture et du Tourisme de Turquie, M. Nabi Avci, selon laquelle les écrivains, les journalistes et les caricaturistes ne devraient pas être jugés en détention comme des meurtriers;
7.2à revoir les décrets d'urgence pour autant qu'ils ordonnent l'arrestation d’écrivains et membres du personnel des médias ainsi que la saisie publique de sociétés de médias et de leurs biens;
7.3à envisager de traiter en priorité les demandes présentées à la Cour constitutionnelle par les médias ou les membres du personnel des médias;
7.4à réviser les articles 216, 299, 301 et 314 du Code pénal conformément à l’Avis no 831/2015 de la Commission de Venise;
7.5à réviser la loi no 5651 de réglementation des publications sur internet et de lutte contre les infractions pénales commises par le biais de ces publications, conformément à l’Avis no 805/2015 de la Commission de Venise;
7.6à renforcer l'indépendance éditoriale du radiodiffuseur d'Etat Türkiye Radyo Televizyon conformément à sa Résolution 1636 (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie;
7.7à tenir compte du nouveau rapport sur la Turquie du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression.
8Préoccupée par la situation de la liberté des médias dans la Fédération de Russie, l'Assemblée appelle les autorités russes:
8.1à abandonner ses chefs d’inculpation de «séparatisme» et autres infractions connexes à l’encontre des journalistes ukrainiens Anna Andrievska, Natalya Kokorina et Mykola Semena pour leurs rapports au sujet de l’occupation et de l’annexion illégales de la péninsule de Crimée par la Fédération de Russie;
8.2à remettre en liberté Roman Sushchenko, correspondant pour l’agence de presse nationale ukrainienne UKRINFORM en France depuis 2010, qui est détenu à Moscou sous le chef d’accusation «d’espionnage» depuis le 30 septembre 2016;
8.3à exercer son influence sur les forces militaires séparatistes belligérantes dans l’est de l’Ukraine pour assurer que les journalistes puissent rendre compte en sécurité de la situation dans ces zones conformément à sa Résolution 1438 (2005) sur la liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes dans les zones de conflits;
8.4à répondre, aux alertes publiées sur la Plateforme visant à renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, et collaborer effectivement avec le Conseil de l’Europe au respect de la liberté des médias.
9Par ailleurs, l’Assemblée note avec une profonde préoccupation que la liberté des médias conformément à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) est également absente d’autres territoires des Etats membres qui sont de fait contrôlés par des régimes séparatistes, et notamment le Haut-Karabakh en Azerbaïdjan, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud en Géorgie, et la Transnistrie en République de Moldova. Par conséquent, l’Assemblée rend tout particulièrement hommage aux quelques journalistes d’investigation qui osent mettre en lumière les situations qui règnent dans ces zones de non-droit dont l’opacité serait sinon totale.
10Se référant au paragraphe 2.7 de sa Résolution 2064 (2015) sur la situation en Hongrie suite à l’adoption de sa Résolution 1941 (2013), l’Assemblée se félicite des progrès réalisés dans la lutte contre les expressions racistes et xénophobes dans les médias et appelle les autorités hongroises:
10.1à réviser leur législation relative aux médias conformément à l'Avis no 798/2015 de la Commission de Venise;
10.2à reconsidérer, conformément à la Décision no SA.39235 du 4 novembre 2016 de la Commission européenne, la loi XXII de 2014 relative à l’impôt sur la publicité, qui a créé une taxe discriminatoire sur la publicité dans les médias en Hongrie et a donc un effet négatif sur la liberté des médias au titre de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme;
10.3à veiller à ce que les contrats de publicité des pouvoirs publics et des entreprises d’Etat soient conclus avec tous les médias de manière transparente, indépendamment de leur position politique vis-à-vis du gouvernement;
10.4à renforcer le pluralisme et la diversité des médias et assurer la transparence de la propriété des médias, en particulier lorsqu'un média est effectivement détenu ou contrôlé par un entrepreneur commercial qui a obtenu des marchés publics.
11Prenant acte de la Recommandation du 27 juillet 2016 de la Commission européenne concernant l'Etat de droit en Pologne, qui incluait aussi des préoccupations concernant la législation relative aux médias sur le radiodiffuseur public Telewizja Polska, adoptée le 30 décembre 2015 et entrée en vigueur le 7 janvier 2016, l'Assemblée demande à la Commission de Venise de préparer un avis sur cette loi.
12Notant la récente vente aux enchères des licences de radiodiffusion privées par l’actuel Gouvernement grec, l’Assemblée rappelle que si l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme autorise les Etats à exiger des licences pour la radiodiffusion, de telles restrictions doivent être nécessaires dans une société démocratique et l’octroi de telles licences doit obéir à un processus transparent et motivé. Les seules préoccupations de rentabilité des radiodiffuseurs privés ne sont pas une raison suffisante pour retirer des licences octroyées il y a longtemps, notamment dans la mesure où la numérisation de la radiodiffusion réduit la nécessité et donc la possibilité pour les gouvernements de restreindre le nombre de licences de radiodiffusion pour des raisons techniques.
13Concernant la situation des médias au Bélarus, l’Assemblée se félicite du rapport du 21 septembre 2016 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Bélarus. L’Assemblée déplore que le pluralisme et la diversité des médias soient toujours absents. Cette situation restreint pour la population la possibilité d’exercer un contrôle public sur la conduite du gouvernement et fait obstacle au respect des normes démocratiques durant les élections, notamment.
14Plusieurs gouvernements ont durci leur législation antiterroriste en élargissant l’infraction pénale consistant à aider à perpétrer des actes terroristes, et en autorisant les autorités répressives à identifier et saisir le travail des journalistes. Toutefois, une application excessivement large de telles lois n’est pas autorisée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
15L’Assemblée est alarmée par le fait que les journalistes sont parfois visés par des actions policières lors de manifestations violentes. Si les autorités répressives peuvent interrompre ces manifestations et ordonner aux journalistes de se disperser, l’intégrité des journalistes et de leur matériel doit être respectée. Les médias ne doivent pas être empêchés de rendre compte de telles manifestations, qui sont des questions d’intérêt public en démocratie.
16Se félicitant que des journalistes d’investigation aient révélé les comportements répréhensibles de gouvernements dans des Etats membres, l’Assemblée est par ailleurs alarmée par le fait que beaucoup d’entre eux ont dû faire face aux pressions des gouvernements, des autorités répressives ou encore du crime organisé. Les droits des lanceurs d’alerte et le droit des journalistes à ne pas révéler leurs sources doivent être respectés. L’Assemblée invite le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), Transparency International et Global Investigative Journalism Network à travailler en plus étroite coopération dans ce domaine.
17Notant que la situation de la radiodiffusion de service public est difficile dans plusieurs Etats membres, l'Assemblée rappelle que l'indépendance de ces radiodiffuseurs publics vis-à-vis des gouvernements doit être assurée dans le droit et la pratique. Les gouvernements et les parlements ne doivent pas interférer dans l’administration et le travail éditorial quotidiens des radiodiffuseurs, qui devraient définir des codes internes de conduite des journalistes et d’indépendance éditoriale vis-à-vis des influences politiques. Les postes de direction devraient être refusés aux personnes ayant des affiliations politiques claires.
18Se félicitant des efforts déployés par les autorités ukrainiennes pour instaurer un système public de radiodiffusion fort, l’Assemblée souligne l’importance de ne pas retarder la mise en œuvre intégrale de la loi sur la radiodiffusion publique adoptée par le Parlement ukrainien en avril 2014, et de transformer les médias publics en médias de service public.
19Se félicitant du travail d’enquête sur les graves violations de la liberté des médias conduit par les organisations professionnelles des médias en Europe, l’Assemblée appelle les Etats membres, l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et les Nations Unies à unir leurs forces à celles du Conseil de l’Europe et apporter leur soutien à sa Plateforme pour la protection du journalisme et la sécurité des journalistes. Les alertes de la Plateforme et les réponses gouvernementales devraient servir à des analyses approfondies des cas graves d’attaques à l’encontre de journalistes et de la liberté des médias, en particulier lorsque leur gravité et leur fréquence témoignent de problèmes systémiques dans les Etats membres.
Projet de recommandation
1Rappelant sa Résolution …. (2017) sur les attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe, l'Assemblée parlementaire remercie le Comité des Ministres d'avoir établi la Plateforme visant à renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, qui est un instrument unique pour les organisations professionnelles des médias: il leur permet d’alerter le Conseil de l’Europe des graves attaques contre la liberté des médias et permet aux gouvernements des Etats membres de répondre à ces alertes à travers le Comité des Ministres.
2Eu égard au nombre élevé de cas graves portés à l'attention des Etats membres par le biais de cette Plateforme, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1d’allouer des ressources suffisantes au fonctionnement de la Plateforme, permettant un suivi ciblé des alertes;
2.2de rappeler aux Etats membres leur engagement, au titre de l'article 3 du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1), à coopérer sincèrement et efficacement à la réalisation des travaux de la Plateforme;
2.3d’inclure le Bélarus dans les pays visés par la Plateforme.
3Au regard des graves menaces pesant sur la liberté des médias dans les zones de conflit dans les Etats membres, ainsi que dans le cadre des états d'urgence déclarés par les Etats membres, l'Assemblée invite le Comité des Ministres à tenir un débat thématique sur le sujet et se tient prête à coopérer à un tel débat thématique.