Recueil des amendements écrits (Version révisée)
- Doc. 14225
- La compatibilité avec les droits de l’homme de l’arbitrage investisseur-Etat dans les accords internationaux de protection des investissements
Index du compendium
Amendement 1Sous-amendement 1 à l'amendement 1Amendement 2Amendement 3Amendement 4Amendement 5Sous-amendement 1 à l'amendement 5Amendement 6Amendement 7Amendement 8Amendement 9Amendement 10Amendement 11Amendement 16Amendement 12Amendement 13Amendement 14Amendement 17Amendement 18Amendement 15Amendement 19
- Légende :
- Pour
- Contre
- Non voté
- Retiré
Projet de résolution
1L’Assemblée parlementaire observe que les clauses de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) présentes dans les accords internationaux d’investissement ou les traités bilatéraux d’investissement autorisent les investisseurs étrangers à engager une action en justice contre l’Etat d’accueil devant des collèges arbitraux privés mis en place par les parties en cas de litige sur l’application de l’accord international d’investissement. Elle souligne que le RDIE a de graves répercussions sur les droits de l’homme, l’Etat de droit, la démocratie et la souveraineté nationale, auxquelles le Système juridictionnel des investissements (SJI) proposé vise à remédier:
1.1le RDIE/SJI soulève un certain nombre de questions en matière de procès équitable, de transparence, d’égalité d’accès à un tribunal, d’interdiction de la discrimination et de sécurité juridique que garantissent les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») et son Protocole no 12 (STE no 177);
1.2la crainte d’un contentieux engagé devant des mécanismes non étatiques de règlement des différends pourrait dissuader les gouvernements de prendre les mesures réglementaires qui s’imposent pour protéger les droits de leurs citoyens contre les sociétés multinationales étrangères, par exemple en renforçant la protection de l’environnement et des droits sociaux («effet dissuasif sur la réglementation»);
1.3la démocratie et la souveraineté nationale sont remises en question lorsque des accords conclus par des gouvernements antérieurs empêchent les Etats d’adapter leur législation et la pratique à l’évolution de la situation concrète ou à leurs priorités politiques.
2Le droit à la protection de la propriété (article 1 du Protocole no 1 à la Convention (STE no 9)) est également applicable aux étrangers, y compris aux personnes morales. Les investisseurs étrangers ne peuvent par conséquent se voir refuser une protection juridique sous prétexte qu’ils ont la possibilité de tenir compte du risque d’expropriation et des autres risques politiques qu’ils prennent dans leur décision d’investissement et leurs tarifs ou qu’ils se contentent d’exploiter les Etats d’accueil.
3L’Assemblée considère que la protection effective des investissements étrangers encourage les investissements durables à long terme, qui favorisent la croissance économique et la création d’emplois. Cette protection suppose l’existence de mécanismes de règlement des différends fiables, efficaces et neutres. L’absence de protection juridique effective des investissements encourage la maximisation à court terme des bénéfices et l’adoption de stratégies informelles destinées à assurer l’auto-protection des investisseurs, notamment le recours à la corruption et aux autres formes d’ingérence dans le processus politique des pays d’accueil.
4Elle reconnaît que les petites et moyennes entreprises, qui ont besoin de se protéger contre le traitement discriminatoire des Etats d’accueil, sont désavantagées car elles ne disposent pas de l’influence politique des grandes entreprises, qui leur assure une protection diplomatique bilatérale par l’intermédiaire de leur Etat d’origine.
5L’Assemblée observe que:
5.1les Etats européens ont conclu, avec des Etats tiers et entre eux, des milliers d’accords internationaux d’investissement et de traités bilatéraux d’investissement qui comportent des clauses de RDIE;
5.2les tribunaux arbitraux d’investissement se composent généralement d’un arbitre choisi par chaque partie au litige et d’un troisième arbitre coopté par les deux premiers. Les arbitres sont souvent choisis dans les milieux d’affaires ou les cabinets d’avocats spécialisés. Les conclusions des parties et les décisions finales demeurent souvent confidentielles, ce qui restreint la prévisibilité de l’issue de la procédure;
5.3à la suite des dispositions élaborées par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) de la Banque mondiale, la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) et la Chambre de commerce internationale (CCI), la procédure d’arbitrage a connu un certain nombre de réformes destinées notamment à renforcer sa transparence et les possibilités de tierces interventions;
5.4les juridictions nationales amenées à se prononcer sur des litiges d’investissement ont été accusées de partialité défavorables aux investisseurs étrangers, se montrant généralement réticentes à mettre en œuvre les accords internationaux ou trop lentes et trop peu efficaces pour les transactions commerciales internationales.
6L’Assemblée observe par ailleurs que:
6.1le Système juridictionnel des investissements (SJI) proposé par la Commission européenne vise à corriger les défauts des mécanismes classiques de RDIE, sans confier la protection des investisseurs étrangers exclusivement aux juridictions nationales de l’Etat d’accueil. Il consisterait en un tribunal de première instance et une cour d’appel permanents, composés de juges nommés par les Etats participants. Le SJI proposé appliquerait une procédure transparente, autoriserait les tierces interventions de droit des représentants de la société civile et devrait respecter les interprétations contraignantes de l’accord concerné retenues par les Etats Parties;
6.2les partisans du RDIE craignent que le futur SJI subisse trop l’influence des Etats et de leurs intérêts, au détriment des investisseurs. Les opposants au RDIE ne sont pas satisfaits par l’accès privilégié à une voie de recours extérieure au cadre institutionnel de l’Etat d’accueil que le SJI proposé continuerait d’accorder aux investisseurs étrangers, contrairement aux investisseurs nationaux.
7Au vu de ce qui précède, l’Assemblée estime que le remplacement des clauses de RDIE par un SJI permanent et multilatéral représenterait un compromis raisonnable entre le statu quo, qui se compose de multiples mécanismes de RDIE, et la renationalisation complète de la protection des investissements. Il supprimerait les principaux inconvénients des mécanismes existants de RDIE, tout en garantissant que les investissements étrangers, à commencer par ceux des petites et moyennes entreprises, continuent à jouir d’une protection juridique adéquate au niveau international.
8La protection des investissements est souvent prévue par les accords commerciaux et d’investissement bilatéraux. Les Etats peuvent mettre fin aux accords bilatéraux d’investissement s’ils ne correspondent plus à leurs objectifs politiques. En pareil cas, les investissements existants continuent à bénéficier d’une protection pendant une période transitoire. Dans les faits, les Etats membres de l’Union européenne se voient empêchés de recourir à cette option, puisque ces accords sont désormais conclus par l’Union. L’Assemblée considère qu’il convient de réfléchir aux voies et moyens qui permettent aux Etats membres de l’Union européenne de choisir de prendre part ou non aux accords de protection des investissements, par exemple en intégrant les dispositions relatives à la protection des investissements dans un protocole facultatif.
9L’Assemblée appelle par conséquent l’Union européenne à poursuivre de manière active, dans ses négociations actuelles et futures des accords internationaux d’investissement, y compris du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), la création d’un SJI qui remplacera progressivement les mécanismes classiques de RDIE. Elle se félicite de l’intégration du SJI dans l’Accord économique et commercial global (AECG) récemment signé avec le Canada. Le futur SJI devra être conforme aux droits de l’homme et à l’Etat de droit, et en particulier:
9.1suivre une procédure équitable et transparente, conforme à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il importe notamment que la procédure garantisse que les deux parties au litige, ainsi que tout tiers qui y a un intérêt légitime, soient entendus, que les conclusions des parties et les décisions de cette juridiction soient rendues publiques et que les juges soient impartiaux et indépendants;
9.2appliquer l’accord international d’investissement qui fait l’objet du litige de manière à éviter toute ingérence excessive dans le droit des Etats à réglementer. Il importe que les Etats demeurent libres de réglementer l’activité économique en vue de protéger l’environnement, la santé publique et la sécurité, des droits de l’homme tels que les libertés d’association, d’expression et d’information, ainsi que le droit au respect de la vie privée, sans discrimination entre les entreprises nationales ou étrangères;
9.3tenir dûment compte des obligations nées pour les Etats de la Convention, notamment de la jurisprudence établie par la Cour européenne des droits de l’homme sur la distinction entre la privation de propriété et le fait de réglementer l’usage des biens (article 1 du Protocole no 1 à la Convention);
9.4interpréter les éléments caractéristiques des accords internationaux d’investissement, comme «le traitement juste et équitable», les clauses de «stabilisation» et la protection des «attentes légitimes», de manière à ne pas compromettre le droit de réglementer reconnu à l’Etat; l’interprétation de ces clauses devrait encourager les éventuels investisseurs et les Etats qui négocient des accords d’investissement à recourir à des instruments conformes à la diligence requise en la matière, comme les évaluations d’impact sur l’environnement et les droits de l’homme.
10L’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
10.1à prendre une part active à la création d’un SJI et veiller à ce que les considérations susmentionnées en matière de droits de l’homme et d’Etat de droit soient pleinement prises en compte et à ce que les décisions de justice définitives du SJI soient rapidement et pleinement mises en œuvre à l’échelon national;
10.2à améliorer, si besoin est, l’efficacité et l’impartialité réelle et perçue de leurs juridictions nationales, de manière à inciter les investisseurs étrangers à y recourir plus fréquemment;
10.3à veiller à ce que dans les affaires soumises aux mécanismes existants de RDIE les notifications d’arbitrage, les conclusions, les décisions et les règlements amiables soient systématiquement publics et disponibles sur un registre en ligne;
10.4à définir des critères rigoureux de domiciliation des investisseurs étrangers pour déterminer leur qualité à utiliser les voies de recours de RDIE/SJI, afin de prévenir toute quête du traité le plus favorable;
10.5à passer en revue l’ensemble des clauses de RDIE des accords internationaux d’investissement qu’ils ont conclus, évaluer leur adéquation et les mettre en conformité avec les bonnes pratiques prévues pour le futur SJI.