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Recueil des amendements écrits (Version finale)

  • Doc. 15020
  • Cas signalés de prisonniers politiques en Azerbaïdjan

Projet de résolution

1La question des cas signalés de prisonniers politiques en Azerbaïdjan est une source de préoccupation majeure pour le Conseil de l’Europe depuis l’adhésion du pays à l’Organisation. L’Avis n° 222 (2000) demandait à l’Azerbaïdjan «de libérer ou rejuger ceux des prisonniers qui sont considérés comme des "prisonniers politiques" par des organisations de protection des droits de l’homme». Se conformant à une décision du Comité des Ministres, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de l’époque avait nommé trois experts indépendants pour examiner plusieurs affaires. Ces préoccupations ont perduré au cours des années qui ont suivi. La Résolution 1272 (2002) appelait l’Azerbaïdjan à «faire preuve d’une volonté politique plus forte pour résoudre l’ensemble du problème»; dans sa Résolution 1359 (2004), l’Assemblée demandait instamment l’Azerbaïdjan «de trouver une issue définitive à ce problème»; et dans sa Résolution 1457 (2005), l’Assemblée «[condamnait] fermement les dysfonctionnements graves du système judiciaire de l’Azerbaïdjan», notant que «les autorités azerbaïdjanaises [continuaient] de procéder à l’arrestation et à la condamnation de centaines de personnes, pour des raisons manifestement politiques». Ces dernières années, l’Assemblée a continué de faire part de son inquiétude, comme le montrent la Résolution 2184 (2017) et la Résolution 2185 (2017), dans laquelle elle invite instamment l’Azerbaïdjan à «libérer les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, les militants politiques et ceux de la société civile qui ont été emprisonnés pour des motifs politiques».

2Récemment, la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) a rendu un très grand nombre d’arrêts constatant des violations de la Convention européenne des droits de l’homme (la Convention) qui découlent de l’arrestation et de la détention arbitraires d’opposants politiques, de militants de la société civile, de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes critiques, souvent assorties de violations de leurs libertés d’expression ou de réunion. Six arrêts, sur un total de neuf affaires, ont exceptionnellement conclu à des violations de l’article 18 de la Convention fondées sur l’utilisation abusive par les autorités des dispositions de droit pénal relatives à l’arrestation et à la détention à des fins non admises par la Convention. Dans l’un de ces six arrêts, la Cour a indiqué qu’il existait «une troublante tendance marquée à l’arrestation et à la détention arbitraires de personnes critiques à l’égard du gouvernement, de militants de la société civile et de défenseurs des droits de l’homme au moyen de poursuites engagées en guise de représailles et d’un détournement du droit pénal au mépris de la prééminence du droit». La Cour a donc appelé l’Azerbaïdjan à prendre des mesures générales portant «en priorité, sur la protection de ceux qui critiquent le gouvernement, les militants de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme contre les arrestations et les détentions arbitraires. Les mesures à prendre doivent aussi assurer l’abandon des poursuites engagées en guise de représailles et du détournement du droit pénal contre ce groupe d’individus et la non-répétition de pratiques similaires à l’avenir.»

3De nombreux arrêts de la Cour constatant une arrestation et une détention arbitraires en Azerbaïdjan concernent la détention administrative. Selon ces arrêts, l’arrestation et la détention sans fondement des requérants, en l’absence d’un contrôle juridictionnel satisfaisant, auraient découragé ces derniers de participer à des rassemblements politiques et pourraient dissuader d’autres partisans de l’opposition ou le grand public de prendre part à des manifestations et à des débats politiques ouverts, ce qui constitue une violation de la liberté de réunion. Dans le cadre de la surveillance de l’exécution de ces arrêts, le Comité des Ministres évoque les «problèmes structurels révélés par le présent groupe d’affaires».

4Les arrêts de la Cour constatant une violation de l’article 18 et de très nombreux autres arrêts faisant état d’une détention arbitraire établissent des faits qui correspondent clairement à la définition de «prisonnier politique» donnée par l’Assemblée dans sa Résolution 1900 (2012). La mention par la Cour d’un certain nombre d’autres requêtes pendantes soulevant des questions similaires, sa description d’une «troublante tendance marquée» et son appel à prendre des mesures générales pour lutter contre les causes de cette situation, ainsi que la mention faite par le Comité des Ministres de «problèmes structurels» dont découlent les abus de détention administrative, montrent que l’Azerbaïdjan doit impérativement mener des réformes fondamentales pour satisfaire à ses obligations nées de la Convention.

Déposé par M. Samad SEYIDOV, M. Sabir HAJIYEV, Mme Sahiba GAFAROVA, M. Rafael HUSEYNOV, M. Nagif HAMZAYEV, Mme Sevinj FATALIYEVA, M. Asim MOLLAZADA
Dans le projet de résolution, paragraphe 4, remplacer les mots: «établissent des faits qui correspondent clairement à la définition de «prisonnier politique» donnée par l’Assemblée dans sa Résolution 1900 (2012). La mention par la Cour d’un certain nombre d’autres requêtes pendantes soulevant des questions similaires» par les mots suivants: «et notamment».

5Dans la première affaire où elle a conclu à une violation de l’article 18, la Cour a également statué, en vertu de l’article 46, paragraphe 4, de la Convention, que l’Azerbaïdjan avait refusé de se conformer à son arrêt précédent. L’Assemblée est préoccupée par le fait que cinq ans et demi après l’arrêt initial, et plus de deux ans après l’arrêt rendu en vertu de l’article 46, paragraphe 4, aucune mesure individuelle importante n’a encore été prise pour assurer au requérant, M. Ilgar Mammadov, une réparation intégrale. Ce constat vaut également pour deux autres requérants dans des affaires où la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à des violations de l’article 18, à savoir M. Anar Mammadli et M. Rasul Jafarov.

Déposé par Mme Margreet De BOER, M. Stefan SCHENNACH, M. Fourat BEN CHIKHA, M. Simon MOUTQUIN, M. Domagoj HAJDUKOVIĆ
Dans le projet de résolution, paragraphe 5, deuxième phrase, remplacer les mots: «plus de deux ans» par les mots suivants: «huit mois».
Déposé par Mme Margreet De BOER, M. Stefan SCHENNACH, M. Fourat BEN CHIKHA, M. Simon MOUTQUIN, M. Domagoj HAJDUKOVIĆ
Dans le projet de résolution, paragraphe 5, remplacer la dernière phrase par la phrase suivante: «Ce constat vaut également pour les autres requérants dans les affaires où la Cour a conclu des violations de l’Article 18.»

6L’Assemblée prend également note des différentes listes de prisonniers politiques signalés qui ont été établies par diverses organisations nationales et internationales de la société civile. Elle considère que les nombreux arrêts de la Cour, notamment ceux qui constatent l’existence d’une «troublante tendance marquée», confirment la crédibilité des listes les plus exhaustives, détaillées et régulièrement mises à jour. Elle conclut que les personnes figurant sur ces listes peuvent être considérées comme des prisonniers politiques dont la détention viole les droits fondamentaux, et qu’elles doivent donc être libérées. Elle reconnaît que cette présomption est réfragable, mais seulement à l’issue d’un examen approfondi des affaires par une instance indépendante et impartiale. En acceptant cette approche, les autorités azerbaïdjanaises démontreraient leur volonté de régler des affaires individuelles sans l’intervention de la Cour. Ce serait, en outre, conforme au principe de subsidiarité qui sous-tend le système de protection de la Convention.

Déposé par M. Stefan SCHENNACH, M. Constantinos EFSTATHIOU, M. Kimmo KILJUNEN, M. Liviu VOVC, M. Maurizio BUCCARELLA, M. Tiny KOX, M. Roberto RAMPI, Mme Sibel ARSLAN, M. Andrej HUNKO, Mme Ria OOMEN-RUIJTEN
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 6, insérer le paragraphe suivant:
«L’Assemblée note que les membres des familles des prisonniers politiques subissent souvent des pressions excessives, voire des agressions physiques de la part des pouvoirs publics. Elle déplore que Frangiz Huseynova – mère de Mehman Huseynov, ancien prisonnier politique, et d’Emin Huseynov, fondateur de l’Institut pour la liberté et la sécurité des journalistes – soit morte à l’hôpital dans des circonstances mystérieuses ; elle appelle les autorités azerbaïdjanaises à mener une enquête approfondie sur le décès de Frangiz Huseynova ; elle invite instamment le gouvernement azerbaïdjanais à cesser de recourir à la déchéance de nationalité pour réduire au silence les défenseurs des droits de l’homme, comme Emin Huseynov, qui a révélé des affaires d’engagements de poursuites motivés par des considérations politiques.»
Déposé par M. Constantinos EFSTATHIOU, M. Stefan SCHENNACH, M. Kimmo KILJUNEN, M. Liviu VOVC, M. Maurizio BUCCARELLA, M. Tiny KOX, M. Roberto RAMPI, Mme Sibel ARSLAN, M. Andrej HUNKO
Dans le projet de résolution, après le paragraphe 6, insérer le paragraphe suivant:
«L’Assemblée se joint à l’appel lancé par les défenseurs des droits de l’homme azerbaïdjanais en faveur de l’indispensable ouverture d’une enquête sur la mort en détention du blogueur Mehman Galandarov en 2017, de la militante de premier plan Faina Kungurova en 2007 et du journaliste Novruzali Mammadov en 2009 ; elle s’inquiète des circonstances de la tentative d’assassinat de l’éminent défenseur des droits de l’homme Ogtay Gulaliyev en 2019.»

7L’Assemblée rappelle les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) qui montrent que les détenus, y compris les prisonniers politiques, sont incarcérés dans des conditions inadéquates et exposés à de graves mauvais traitements dans les commissariats de police, les centres de détention provisoire et les prisons en Azerbaïdjan. Elle souligne que l’exercice des libertés fondamentales d’expression, de réunion et d’association ne devrait pas dépendre du fait qu’une personne soit suffisamment courageuse pour faire face à de tels risques.

8L’Assemblée prend note du recours répété à la grâce présidentielle pour libérer des détenus condamnés, notamment les nombreux détenus considérés comme des prisonniers politiques. Si la libération de personnes emprisonnées à tort est toujours une bonne nouvelle, la grâce présidentielle – qui est souvent subordonnée à la présentation d’excuses – ne peut effacer entièrement les effets de l’injustice, et son utilisation généralisée jette un doute sur le bon fonctionnement du système de justice pénale. Elle ne saurait en aucun cas se substituer à un pouvoir judiciaire indépendant qui empêcherait des détentions injustes et motivées par des considérations politiques.

9L’Assemblée se félicite des mesures prises par les autorités azerbaïdjanaises ces dernières années pour réformer les systèmes pénitentiaire, pénal et judiciaire, notamment le décret-loi de 2017 et le décret présidentiel de 2019. Elle salue, par exemple, les mesures prises pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, ainsi que la réforme du ministère public, qui supprime la mention de la «surveillance» exercée par le président. Elle se félicite de la diminution du nombre de personnes arrêtées ou placées en détention, ainsi que de la volonté croissante des juges de refuser de donner suite aux demandes de placement en détention provisoire. Elle n’est toutefois pas encore convaincue que les mesures prises jusqu’à présent suffiront à atteindre les résultats précis exigés par la Cour. Elle continuera par conséquent à suivre attentivement l’évolution de la situation et espère pouvoir collaborer avec les autorités azerbaïdjanaises à cet égard.

10Au moment de son adhésion au Conseil de l’Europe, l’Azerbaïdjan avait admis l’existence de prisonniers politiques et coopéré pour organiser leur libération. Depuis, sa position a évolué vers une attitude de déni. Au vu des nombreux arrêts rendus récemment par la Cour, en particulier ceux qui constatent des violations de l’article 18, cette position n’est plus défendable. Il ne fait plus aucun doute que l’Azerbaïdjan est confronté à un problème de prisonniers politiques et que ce problème découle de causes structurelles et systémiques. Les réformes récentes constituent un pas en avant, mais il reste encore beaucoup à faire si l’on veut résoudre ce problème de façon totale et définitive.

Déposé par M. Samad SEYIDOV, M. Sabir HAJIYEV, Mme Sahiba GAFAROVA, M. Rafael HUSEYNOV, M. Nagif HAMZAYEV, Mme Sevinj FATALIYEVA, M. Asim MOLLAZADA
Dans le projet de résolution, remplacer le paragraphe 10 par le paragraphe suivant:
«Au moment de son adhésion au Conseil de l’Europe, même si l’Azerbaïdjan n’admettait pas l’existence de prisonniers politiques, ce pays avait coopéré pour organiser leur libération. Au vu des six derniers arrêts de la Cour qui constatent des violations de l’article 18, il ne fait plus aucun doute que l’Azerbaïdjan est confronté à un problème lié à des causes structurelles et systémiques. Les réformes récentes méritent d’être saluées, mais bien d’autres restent à consentir pour résoudre ce problème de façon totale et définitive.»

11L’Assemblée appelle par conséquent:

11.1le Parlement azerbaïdjanais et ses membres, ainsi que le Gouvernement azerbaïdjanais, à reconnaître officiellement toutes les conclusions de la Cour européenne des droits de l’homme dans ses arrêts constatant une violation de l’article 18 de la Convention, y compris l’existence une «troublante tendance marquée», condition préalable au succès des mesures requises pour exécuter pleinement et efficacement ces arrêts;

11.2les membres de la délégation azerbaïdjanaise auprès de l’Assemblée parlementaire et leurs collègues au sein du Parlement azerbaïdjanais à exercer leur rôle de contrôle législatif et exécutif pour veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour exécuter pleinement et efficacement les arrêts de la Cour et empêcher de nouvelles détentions arbitraires motivées par des considérations politiques;

11.3la délégation azerbaïdjanaise auprès de l’Assemblée parlementaire à coopérer avec la rapporteure dans le cadre de ses travaux sur le suivi de la présente résolution, conformément à l’article 50, paragraphe 1, du Règlement, notamment en fournissant des informations sur les activités mises en œuvre par le Parlement azerbaïdjanais et d’autres autorités pour appliquer cette résolution;

11.4Le Gouvernement azerbaïdjanais à:

11.4.1soumettre les cas des personnes figurant sur les listes les plus complètes, détaillées et régulièrement mises à jour des prisonniers politiques présumés à l’examen d’un organe indépendant et impartial, et à libérer ceux qui se révéleraient être des prisonniers politiques conformément à la définition énoncée dans la Résolution 1900 (2012);

11.4.2adopter une approche globale, en abordant ensemble les problèmes relatifs à la magistrature, au ministère public, à la police, au système de détention et à la détention administrative de façon cohérente et coordonnée, de manière à garantir la non-répétition des détentions arbitraires motivées par des considérations politiques, comme l’exige la Cour européenne des droits de l’homme;

11.4.3prendre rapidement toutes les mesures possibles en vue de l’exécution complète des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, afin de garantir, entre autres, que MM. Ilgar Mammadov et Anar Mammadli puissent se présenter aux prochaines élections législatives et que M. Rasul Jafarov puisse exercer à nouveau ses activités d’avocat;

Déposé par M. Stefan SCHENNACH, Mme Sibel ARSLAN, M. Tiny KOX, Mme Ria OOMEN-RUIJTEN, M. Andrej HUNKO
Dans le projet de résolution, paragraphe 11.4.3, remplacer les mots: «prochaines élections législatives» par le mot: «élections».

11.4.4coopérer pleinement avec le Comité des Ministres dans sa surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, en particulier dans le cadre de sa procédure soutenue, notamment en soumettant rapidement des plans d’action détaillés et complets qui exposent les mesures à prendre et en fournissant en temps utile des informations exhaustives et actualisées avant les réunions pertinentes du Comité des Ministres.

12L’Assemblée invite les corapporteurs sur l’Azerbaïdjan de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que le rapporteur sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme à prendre en compte la présente résolution dans leurs travaux.

Projet de recommandation

1L’Assemblée parlementaire, se référant à sa résolution … (2019) «Les cas signalés de prisonniers politiques en Azerbaïdjan»:

1.1rappelle les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme contre l’Azerbaïdjan dans lesquels elle a constaté des violations de l’article 18 de la Convention européenne des droits de l’homme;

1.2se félicite de la décision du Comité des Ministres de procéder à la surveillance l’exécution de ces arrêts, ainsi que ceux dans le groupe d’affaires Gafgaz Mammadov concernant la détention administrative dans le cadre de sa procédure soutenue; salue l’attention particulière qu’il porte aux mesures individuelles et aux mesures générales requises pour résoudre les problèmes structurels et systémiques révélés par ces arrêts;

1.3encourage le Comité des Ministres à veiller à ce que les mesures à prendre pour mettre en œuvre les arrêts dans les affaires relevant de l'article 18 permettent aux requérants de se porter candidats aux prochaines élections législatives, quelle que soit la date à laquelle elles auront lieu.

Déposé par M. Stefan SCHENNACH, Mme Sibel ARSLAN, M. Tiny KOX, Mme Ria OOMEN-RUIJTEN, M. Andrej HUNKO
Dans le projet de recommandation, paragraphe 1.3, remplacer les mots: «prochaines élections législatives» par le mot: «élections».