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Rapport | Doc. 11464 | 12 octobre 2007

Recours abusif au système de justice pénale au Bélarus

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Christos POURGOURIDES, Chypre, PPE/DC

Résumé

La commission regrette vivement les nombreux recours abusifs au système de justice pénale pour des motifs politiques qui se sont produits ces dernières années et qui continuent toujours d’avoir lieu dans la République du Bélarus, y compris l’application arbitraire de dispositions spécifiques qui érigent en infractions pénales des activités pacifiques légitimes de partis d’opposition, d’organisations non gouvernementales et de médias indépendants, ainsi que la condamnation arbitraire d’opposants politiques, au terme de procès iniques intentés au titre de dispositions pénales aussi générales qu’abus de fonction, fraude, contrefaçon et fraude fiscale.

Les abus du système de justice pénale incluent aussi le refus, pour des motifs politiques, d’enquêter véritablement sur les actes criminels commis par des agents de l’Etat contre des représentants de l’opposition et de les réprimer, ainsi que la terrifiante pratique de la peine de mort dans ce pays.

La commission considère que les fonctionnaires qui ont ordonné des recours abusifs au système de justice pénale à des fins politiques ou qui y sont mêlés devraient assumer personnellement la responsabilité de ces actes. Elle appelle les juges, les procureurs et les fonctionnaires de police du Bélarus à éviter, autant que possible, de participer à ces recours abusifs et à faire preuve de courage personnel et d’imagination pour atténuer les effets de la législation inique sur les victimes.

Elle encourage les défenseurs des droits de l’homme du Bélarus et de la communauté internationale à tenir, de façon transparente et objective, une liste de victimes et d’auteurs de recours abusifs au système de justice pénale à des fins politiques. Elle encourage également l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique à continuer d’imposer des sanctions ciblées, comme les interdictions de visa ou le gel des avoirs, aux fonctionnaires et dirigeants du Bélarus responsables de graves violations des droits de l’homme, en suivant une procédure équitable et transparente.

La commission propose enfin la mise en place d’un groupe de travail comprenant aussi des défenseurs locaux et internationaux des droits de l’homme dont les tâches pourraient inclure l’assistance aux victimes de violations des droits de l’homme et à leur famille, et l’identification des auteurs de tels abus. Elle appelle tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et notamment la Fédération de Russie à intervenir auprès des autorités du Bélarus en faveur des prisonniers politiques.

A. Projet de résolution

(open)
1. Rappelant ses Résolutions 1371 (2004), 1372 (2004), 1482 (2006) et 1496 (2006), ainsi que ses Recommandations 1657 (2004) et 1734 (2006), l’Assemblée parlementaire regrette vivement les nombreux recours abusifs au système de justice pénale pour des motifs politiques qui se sont produits ces dernières années et qui continuent toujours d’avoir lieu dans la République du Bélarus.
2. Ces recours abusifs revêtent diverses formes, notamment:
2.1. l’adoption – notamment par la loi du 15 décembre 2005 («loi antirévolution») – et l’application arbitraire de dispositions spécifiques qui érigent en infractions pénales des activités pacifiques légitimes de partis d’opposition, d’organisations non gouvernementales et de médias indépendants, notamment par l’ouverture arbitraire de poursuites contre les membres et les militants de groupes civiques non enregistrés, les organisateurs et les participants de manifestations pacifiques, et les journalistes et les personnalités de l’opposition qui expriment des critiques en public, y compris par le biais d’internet;
2.2. la condamnation arbitraire d’opposants politiques, au terme de procès iniques intentés au titre de dispositions pénales aussi générales qu’abus de fonction, fraude, contrefaçon et fraude fiscale;
2.3. le refus, pour des motifs politiques, d’enquêter véritablement sur les actes criminels commis par des agents de l’Etat contre des représentants de l’opposition et de les réprimer, notamment:
2.3.1. les cas de disparitions qui ont défrayé la chronique, soulevés dans la Résolution 1371 (2004) et la Recommandation 1657 (2004);
2.3.2. les morts non élucidées de journalistes indépendants et de diplomates étrangers;
2.3.3. les actes de violence commis par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques;
2.4. le recours persistant à la peine de mort, qui revêt la forme d’une exécution par balles, particulièrement cruelle et en secret, des personnes condamnées sans que celles-ci en aient été informées jusqu’au dernier moment ni que leurs proches en soient avertis. Le Bélarus est le dernier pays du continent européen qui applique encore la peine de mort. L’existence de la peine de mort interdit toute extradition vers ce pays depuis des Etats membres du Conseil de l’Europe, de toute personne accusée d’une infraction passible de la peine de mort.
3. Les effets de la criminalisation des activités des groupes civiques non enregistrés conformément à l’article 193.1 du Code pénal, institué par la loi du 15 décembre 2005, sont aggravés par les règles administratives restrictives qui régissent l’enregistrement des associations et leur application arbitraire.
4. L’Assemblée est en particulier indignée par l’arrestation de personnes qui distribuaient des exemplaires de son propre rapport de 2004 sur les disparitions au Bélarus.
5. Les personnes condamnées abusivement pour des motifs politiques (paragraphes 2.1 et 2.2 ci-dessus) doivent être reconnues comme prisonniers politiques et dédommagées dès que possible pour le préjudice qu’elles ont subi.
6. Les fonctionnaires qui ont ordonné des recours abusifs au système de justice pénale à des fins politiques ou qui y sont mêlés devraient assumer personnellement la responsabilité de ces actes.
7. L’Assemblée est convaincue que la République du Bélarus rejoindra un jour la famille des Etats européens qui défendent les droits de l’homme et la prééminence du droit, et que justice sera faite – notamment en dédommageant les victimes et en punissant les auteurs des abus décrits ci-dessus.
8. Dans l’immédiat, l’Assemblée invite:
8.1. le Parlement de la République du Bélarus:
8.1.1. à abroger la loi no 71.3 du 15 décembre 2005 (qualifiée de «loi antirévolution») et notamment l’article 193.1 du Code pénal, qui criminalise les activités des associations non enregistrées;
8.1.2. à promulguer d’urgence un moratoire sur les exécutions et à abolir la peine de mort;
8.2. les juges, les procureurs et les fonctionnaires de police du Bélarus à éviter, autant que possible, de participer à ces recours abusifs et à faire preuve de courage personnel et d’imagination pour atténuer les effets de la législation inique sur les victimes;
8.3. les défenseurs des droits de l’homme du Bélarus et de la communauté internationale à tenir, de façon transparente et objective, une liste de victimes et d’auteurs de recours abusifs au système de justice pénale à des fins politiques.
9. De plus, l’Assemblée encourage:
9.1. les Etats membres du Conseil de l’Europe à continuer, par l’intermédiaire de leur représentation diplomatique à Minsk et en collaboration avec les défenseurs locaux et internationaux des droits de l’homme, d’intervenir auprès des autorités au nom des prisonniers politiques et de leur famille, et à offrir à ceux-ci une protection temporaire;
9.2. l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique à continuer d’imposer des sanctions ciblées, comme les interdictions de visa ou le gel des avoirs, aux fonctionnaires et dirigeants du Bélarus responsables de graves violations des droits de l’homme;
9.3. la communauté internationale à mettre en place un mécanisme d’assistance aux victimes de violations des droits de l’homme au Bélarus.
9.3.1. Ce mécanisme pourrait être administré par un groupe de travail et associer des défenseurs locaux et internationaux des droits de l’homme à Minsk ou dans une capitale proche.
9.3.2. Il est essentiel de donner aux étudiants exclus des universités bélarussiennes en raison de leur participation à des manifestations antigouvernementales la possibilité de continuer leurs études dans des Etats membres du Conseil de l’Europe.
9.3.3. Les tâches du groupe pourraient aussi inclure la mission de recenser, de manière équitable et transparente, les auteurs d’abus afin de leur imposer des sanctions ciblées (paragraphe 8.3);
9.4. le Gouvernement et le Parlement de la Fédération de Russie à intervenir de manière urgente auprès des autorités du Bélarus en faveur des prisonniers politiques et des autres victimes d’abus à motivation politique.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution... (2008) sur le recours abusif au système de justice pénale au Bélarus, invite le Comité des Ministres:
1.1. à exhorter les autorités du Bélarus:
1.1.1. à abroger la loi no 71.3 du 15 décembre 2005 (qualifiée de «loi antirévolution») et notamment l’article 193.1 du Code pénal, qui criminalise les activités des associations non enregistrées;
1.1.2. à promulguer d’urgence un moratoire sur les exécutions et à abolir la peine de mort;
1.2. à examiner les voies et moyens permettant:
1.2.1. d’encourager les autorités du Bélarus à s’abstenir à l’avenir de tout recours au système de justice pénale à des fins politiques;
1.2.2. de coordonner l’assistance aux victimes de ces abus et à leurs familles;
1.3. à inciter l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe à user de leur influence sur les autorités du Bélarus pour faire cesser ces abus.

C. Exposé des motifs, par M. Christos Pourgourides

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure menée à ce jour

1. La proposition de résolution sur le recours abusif au système de justice pénale au Bélarus a été renvoyée le 25 novembre 2005 à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 10619, Renvoi no 3155). Celle-ci m’a désigné, le 26 janvier 2006, comme rapporteur.
2. A la réunion de la commission, le 14 mai 2007, j’ai présenté une note introductive (AS/Jur (2007) 32, datée du 10 mai 2007) et obtenu l’aval de la commission pour une mission d’enquête à Minsk. Le Bureau de l’Assemblée a donné par la suite l’autorisation nécessaire et le Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire a informé les autorités du Bélarus de mon souhait de me rendre à Minsk.
3. Dans une lettre datée du 1er août 2007, celles-ci ont fait savoir au Secrétaire général de l’Assemblée qu’elles doutaient de ma compétence et de mon objectivité de rapporteur, en citant le rapport que j’avais rédigé auparavant sur les disparitions au Bélarus. Elles ne voyaient donc rien qui justifie une telle visite.
4. A sa réunion du 11 septembre 2007, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a pris note de cette lettre au Secrétaire général de l’Assemblée, par laquelle les autorités de Minsk informaient qu’elles n’acceptaient pas de coopérer avec moi, et elle m’a autorisé à parachever le rapport sur la base des informations obtenues auprès de sources diplomatiques et non gouvernementales, sans effectuer de visite sur place.
5. Le 3 octobre 2007, le Secrétaire général de l’Assemblée a écrit aux ambassadeurs de l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont des représentations diplomatiques à Minsk pour les inviter à lui transmettre toutes les informations qu’ils jugeraient pertinentes pour le rapport.
6. Au cours de la partie de session d’octobre 2007 de l’Assemblée, j’ai rencontré une délégation d’acteurs de la société civile du Bélarus qui avait été invitée à Strasbourg par le Conseil de l’Europe.

1.2. Le contexte politique, toile de fond des recours abusifs au système de justice pénale

7. Malheureusement, les raisons qui étaient à l’origine de la proposition de résolution à la fin de 2005, et qui ont donné lieu au présent rapport, restent toujours valables aujourd’hui.
8. A l’occasion du débat selon la procédure d’urgence sur la situation au Bélarus à la veille de l’élection présidentielle, l’Assemblée a adopté la Résolution 1482 (2006) et la Recommandation 1734 (2006), où elle trouve «extrêmement préoccupant» le fait que le régime de Loukachenko a pris une série de mesures visant à empêcher toute expression de dissidence politique et à faire obstruction aux activités des forces démocratiques.
9. L’Assemblée a particulièrement critiqué la «loi antirévolution», qui criminalise beaucoup d’activités légitimes des organisations de la société civile.
10. De même, l’Assemblée a dénoncé la détention d’un certain nombre de figures de l’opposition à la suite de procès reposant sur des accusations douteuses, ce qui confirme le recours abusif au système de justice pénale à des fins politiques et le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, lequel a encore été affaibli par un décret qui autorise le Président Loukachenko à suspendre l’autorité des juges et à les démettre de leurs fonctions. L’Assemblée a demandé en particulier que soient libérés Andreï Klimov, Mikhaïl Marinitch, Pavel Severinets, Sergueï Skrebets et Nikolaï Statkevitch.
11. Dans l’avis que j’ai présenté au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, je concluais que les éléments présentés dans le rapport revenaient à caractériser le régime de M. Loukachenko de véritable dictature. J’ai le regret de dire que la situation n’a pas évolué ces deux dernières années.
12. Dans la Résolution 1496 (2006) sur le Bélarus et les suites de l’élection présidentielle du 19 mars 2006, l’Assemblée a été de nouveau contrainte de demander la libération des prisonniers politiques, notamment les personnes mises en détention dans le contexte de l’élection, et de divulguer des informations sur les personnes qui ont été arrêtées ou qui ont suivi un traitement médical après la dispersion des manifestations pacifiques, ainsi que d’ouvrir une enquête transparente sur l’usage de la force contre des manifestants pacifiques par les forces de police et de sécurité.
13. Le Président van der Linden avait espéré provoquer un assouplissement de l’attitude du régime en se rendant en visite en janvier 2007 au Bélarus, ce qui dérogeait à la politique de l’Assemblée de refuser tout contact au niveau politique avec les responsables de ce pays tant que des progrès significatifs n’auraient pas été enregistrés dans l’enquête sur les «disparitions» qui avaient défrayé la chronique (voir la Résolution 1371 (2004) et la Recommandation 1657 (2004)), mais même ce geste courageux n’a pas donné les résultats escomptés. Le Président de l’Assemblée n’a même pas été autorisé à visiter les prisonniers sur leur lieu de détention, et il a encore moins obtenu leur libération, comme il l’avait demandé avant sa visite.
14. Andrea Rigoni (Italie, ADLE), rapporteur de la commission des questions politiques sur la situation au Bélarus, a pu visiter Minsk à la fin d’octobre 2007. J’attends avec intérêt d’être informé le moment venu des constats qu’il a pu faire.
15. Dans une lettre au Président van der Linden datée du 16 avril 2007, Alexandre Milinkevitch, chef de l’opposition au Bélarus, a informé l’Assemblée de nouvelles mesures répressives dirigées contre de jeunes militants. Outre un millier de personnes environ qui ont essuyé une peine administrative 
			(1) 
			Ces peines, prévues
par le Code des infractions administratives, comprennent l’avertissement,
l’amende, les travaux correctionnels (deux mois au maximum), l’arrestation
administrative (quinze jours au maximum), la privation d’un droit spécial,
l’interdiction d’exercer une activité (pendant six mois à trois
ans), la confiscation des revenus de l’infraction, l’expulsion (de
non-ressortissants) et la saisie des objets ayant servi à commettre
l’infraction administrative.pour des actes aussi «révolutionnaires» que le simple fait de parler bélarussien ou de distribuer des tracts, plusieurs responsables étudiants et d’autres militants ont été condamnés à de longues peines de travaux forcés ou d’emprisonnement, notamment Pavel Severinets, Artour Finkevitch, Dmitri Dachkevitch, Alexandre Kozakov et Dmitri Zoubro. Ce qui est plus choquant, c’est que de nouveaux procès soient en préparation contre cinq jeunes membres de Malady Front, qui ont entre 16 et 20 ans: Dmitri Fedarouk, Oleg Korban, Anastasia Palajanka, Boris Garetski et Alekséï Ianouchevski. Je ne peux que faire mien l’avis d’Alexandre Milinkevitch selon lequel il est étrange que l’Etat ait peur de ces jeunes-là: «Quand ces jeunes défilent dans le centre de Minsk en tenant une bougie à la main, les autorités appellent à l’aide une unité des forces spéciales.»
16. Dans ce contexte, des groupes internationaux de défense des droits de l’homme réputés comme Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme ont dénoncé le fait que les autorités du Bélarus abusaient du Code pénal pour décourager l’opposition politique 
			(2) 
			Ainsi, la Fédération
internationale des droits de l’homme et son organisation membre
au Bélarus, le Centre de défense des droits de l’homme Vesna: «Déclaration
sur la situation des droits de l’homme au Bélarus», 26 juin 2007 (www.fidh.org);
voir aussi la déclaration publique d’Amnesty International, AI Index
49/006/2007 du 7 juin 2007, et le communiqué de Human Rights Watch
du 14 mai 2007 sur le site www.Belarus-actions.org..
17. Pour dissimuler la situation autant que possible, les autorités du Bélarus refusent systématiquement, par ailleurs, de coopérer avec les organisations internationales de défense des droits de l’homme. Adrian Severin, notre ex-collègue de l’Assemblée nommé en 2005 rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, s’est heurté systématiquement à un refus d’autoriser les visites prévues. Les rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, Hina Jilam, et sur la torture, Manfred Novak, n’ont pu réaliser, comme moi, les visites qu’ils avaient demandé de faire ainsi que je l’ai indiqué plus haut 
			(3) 
			Paragraphe 3.. Les normes d’élections libres et équitables n’ont pas été respectées en dépit d’un grand nombre de recommandations de l’Assemblée et de l’OSCE.
18. Il n’est donc pas surprenant que l’Assemblée générale ait rejeté la candidature du Bélarus au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, qui vient d’être créé, étant donné les sombres performances du régime en matière de droits de l’homme et son refus de défendre les normes démocratiques.

2. Recours abusifs au système de justice pénale au Bélarus

19. Sur la base des renseignements disponibles de sources non gouvernementales ou diplomatiques, on peut distinguer trois types de recours abusifs au système de justice pénale au Bélarus:
i. l’adoption et l’application arbitraire de dispositions spécifiques de droit pénal ou administratif pour criminaliser ou réprimer par des sanctions administratives quasi pénales des activités pacifiques légitimes de l’opposition politique, de groupes de la société civile et de médias indépendants;
ii. les poursuites à des fins politiques de militants de l’opposition au titre de dispositions pénales générales (fraude fiscale, fraude, corruption, etc.);
iii. les autres détournements du système de justice pénale, notamment l’absence d’enquêtes véritables sur les infractions pénales dirigées contre des personnes liées à l’opposition, à la société civile ou aux médias indépendants, et l’affreuse pratique de la peine de mort au Bélarus.

2.1. Dispositions pénales et administratives qui visent l’opposition politique, la société civile et les médias indépendants

2.1.1. Dispositions pénales et administratives favorisant les abus

20. Le parlement a adopté un ensemble de dispositions législatives portant atteinte à la liberté d’action des forces démocratiques quelques jours après l’annonce des élections de 2006. La loi no 71-3 du 15 décembre 2005 «portant modification de certains textes législatifs de la République du Bélarus afin de renforcer la responsabilité pour des actions dirigées contre la personne ou la sécurité publique», qui est qualifiée de «loi antirévolution», a modifié le Code pénal, notamment en reformulant son article 193 et en instituant le nouvel article 193.1 
			(4) 
			Article 193.1: Organisation
illégale d’activités d’une organisation non gouvernementale, d’une
organisation religieuse ou d’une fondation, ou participation à leurs
activités. 
			(4) 
			L’organisation de l’activité ou la participation
à l’activité d’un parti politique, d’une autre organisation non gouvernementale,
d’une organisation religieuse ou d’une fondation à l’encontre desquels
un service d’Etat habilité a pris une décision – ayant pris effet
– de dissolution ou de suspension de leur activité, ainsi que l’organisation
de/la participation à l’activité d’un parti politique, d’une autre
organisation non gouvernementale, d’une organisation religieuse ou
d’une fondation, qui ne se sont pas soumis aux formalités d’enregistrement
officiel, est punie d’une amende ou d’une détention administrative
d’une durée maximale de six mois ou d’une privation de liberté d’une
durée maximale de deux ans. 
			(4) 
			Remarques: 
			(4) 
			1.
Par «participation à l’activité d’un parti politique, d’une autre
organisation non gouvernementale, d’une organisation religieuse
ou d’une fondation», on entend dans le présent article les actes
visant à atteindre les objectifs visés par l’organisation ou la
fondation, notamment dans ses statuts et autres documents. 
			(4) 
			2.
Le présent article ne s’applique pas à l’organisation de/la participation
à l’activité d’un parti politique, d’une autre association non gouvernementale,
d’une organisation religieuse ou d’une fondation, à l’encontre desquels
un service d’Etat habilité a pris une décision – ayant pris effet
– de dissolution ou de suspension de leur activité, ainsi qu’à l’organisation
de/la participation à l’activité d’un parti politique, d’une autre
association non gouvernementale, d’une organisation religieuse ou
d’une fondation qui n’a pas rempli les formalités d’enregistrement
officiel, qui est destinée à éliminer les violations qui ont servi
de motifs à la suspension, ainsi qu’à l’organisation de/la participation
à l’activité de ces institutions destinée à remplir les formalités
d’enregistrement officiel. 
			(4) 
			3. Une personne qui cesse
volontairement de réaliser les actes visés par le présent article
et qui en fait la déclaration aux services d’Etat est exonérée de
sa responsabilité pénale, si ses actes ne constituent pas une autre
infraction pénale. La présente disposition ne s’applique pas aux
personnes qui commettent des actes analogues pendant les deux ans
qui suivent la cessation volontaire des actes visés par le présent
article.. Cette loi prévoit des peines de prison notamment pour les infractions suivantes:
  • organiser ou participer aux activités d’une organisation non gouvernementale ou d’une fondation dissoute ou suspendue (infraction passible de six mois à deux ans de détention, article 193.1 du Code pénal);
  • former des personnes ou financer leur formation pour participer à des manifestations de rue (infraction passible de six mois à trois ans de détention, article 293 du Code pénal) 
			(5) 
			Articles 293 ou 342
du Code pénal (selon que les activités du groupe intéressé «violent»
ou non «gravement l’ordre public»).;
  • «travestir» la situation au Bélarus à l’intention de pays étrangers ou d’organisations internationales (article 369.1 du Code pénal) et les inviter à agir contre la sécurité, la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays, ou diffuser des matériels ou des informations contenant des invitations à le faire (infraction passible de deux à cinq ans de détention, article 361 du Code pénal) 
			(6) 
			Article 369.1 du Code
pénal («dénigrement de la République du Bélarus»)..
21. Le nouvel article 193.1, qui criminalise les activités des groupes non enregistrés, doit être lu en conjonction avec la Déclaration no 49 du 13 septembre 2005 du ministère de la Justice du Bélarus. Celle-ci étend les conditions d’enregistrement (telles que prévues à l’article 193.1) à différents types de groupes civiques qui étaient autorisés auparavant à fonctionner sans se faire enregistrer pour acquérir la personnalité juridique 
			(7) 
			Voir l’avis d’expert
sur la conformité de l’article 193-1 du Code pénal avec la Constitution
de la République du Bélarus et les conventions internationales ratifiées
par le Bélarus, de Garri Pogoniaïlo, président de la commission juridique
du Comité Helsinki du Bélarus (p. 4); l’avis a été transmis aux
membres de la sous-commission sur le Bélarus de la commission des
questions politiques de l’Assemblée par une lettre ouverte, datée
du 21 septembre 2007 et signée par Aaron Rhodes, directeur exécutif
de la Fédération internationale d’Helsinki, et par Tatiana Pratsko,
présidente du Comité Helsinki du Bélarus, pour inviter l’Assemblée
à demander à la Commission de Venise un avis sur la conformité de
l’article 193.1 avec la Constitution du Bélarus et les engagements
internationaux pris par ce pays..
22. Le type d’action criminalisée de cette manière est illustré par la citation suivante tirée de l’exposé introductif de l’affaire pénale intentée au titre de l’article 193.1 du Code pénal par le KGB de Minsk et de la région de Minsk contre Dmitri Fedarouk et Oleg Korban, jeunes militants du Malady Front. Selon ce texte, les jeunes gens sont tenus pénalement responsables «des actions menées entre septembre 2006 et la période actuelle et liées aux objectifs et aux méthodes suivants: réunir et entraîner des jeunes sur la base de l’idée nationale du Bélarus, organiser la société civile sur la base de la démocratie, du marché libre et d’autres objectifs, ainsi que des méthodes employées pour poursuivre ces objectifs comme mener des actions de masse, réaliser un travail de sensibilisation et des études sociologiques, publier des périodiques et d’autres matériels d’information» 
			(8) 
			Cité
dans l’avis d’expert de Garri Pogoniaïlo (voir note précédente),
p. 5..
23. Veuillez noter qu’il s’agit là de la citation d’un acte d’accusation et non de la demande d’un prix pour la défense des droits de l’homme. Les activités de MM. Fedarouk et Korban évoquées par le KGB sont parfaitement légitimes étant donné les droits et libertés consacrés par la Constitution du Bélarus et les obligations internationales qui incombent à ce pays dans le domaine des droits de l’homme, notamment au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui fait, depuis sa ratification, partie intégrante du droit de la République du Bélarus 
			(9) 
			Voir
Garri Pogoniaïlo, loc. cit..
24. Des lois antérieures, qui sont entrées en vigueur après le référendum et les élections législatives de 2004, ont pour résultats:
  • de criminaliser l’assistance étrangère à des partis politiques, à des organisations non gouvernementales et à la société civile; et,
  • d’obliger les partis politiques et les organisations non gouvernementales à avoir leur siège dans des bâtiments publics.
25. Permettez-moi d’attirer l’attention sur l’obligation faite aux partis politiques et aux organisations non gouvernementales d’avoir leur siège dans des bâtiments publics (non résidentiels). Cette exigence, associée à la pratique systématique de refus ou de dénonciation de bail pour tout groupe considéré par les autorités comme lié à l’opposition, a conduit à la suspension ou la dissolution de beaucoup d’ONG et a donc exposé leurs membres et militants à des sanctions pénales au titre de la «loi antirévolution» 
			(10) 
			Même le Comité Helsinki
du Bélarus a été menacé de dissolution après le non-renouvellement
de son bail en décembre 2006; ce n’est qu’après des protestations
internationales massives (voir US Department of State, «Belarus: Eviction
of Belarus Helsinki Committee», déclaration du 29 janvier 2007 sur
le site <a href='http://www.state.gov/'>www.state.gov</a>; Déclaration de l’Union européenne sur le Comité Helsinki
du Bélarus, 648e réunion du Conseil permanent,
PC.DEL/72/07, 1er février 2007) que le
bail a été renouvelé pour un an de plus. Les ONG œuvrant dans le
domaine des droits de l’homme et de l’éducation civique n’ont, pour
la plupart, pas eu cette chance (voir, par exemple, la déclaration
du Comité Helsinki du Bélarus lors de la réunion supplémentaire
de l’OSCE sur la dimension humaine, consacrée à la protection et
à la défense des droits de l’homme, Vienne, 12-13 juillet 2007,
sur le site www.belhelcom.org)..
26. Un autre caractère préoccupant de la législation qui vise la société civile est le fait que les mêmes faits qui sont punissables en vertu du Code pénal, décrits plus haut, sont aussi criminalisés dans le Code des infractions administratives, qui a récemment été modifié. Les articles 9.9 et 23.39 du nouveau Code des infractions administratives traite des mêmes actions liées à la participation de particuliers aux activités de partis, d’associations non gouvernementales (y compris les organisations religieuses), qui ont été dissoutes ou suspendues, ou qui n’ont pu être officiellement enregistrées par l’Etat. Les peines administratives peuvent comprendre de très lourdes amendes, ou l’arrestation (emprisonnement) pour une durée maximale de quinze jours.
27. Etant donné que les critères qui permettent de distinguer la responsabilité civile et pénale ne sont explicités nulle part, les autorités disposent d’une marge d’appréciation très large pour durcir ou non leur réaction face aux militants de la société civile. Cette zone grise facilite des tactiques d’intimidation «graduées» qui vont de sanctions pénales très dures à des sanctions administratives plus «clémentes» selon le climat interne et international, et qui violent le principe de sécurité juridique lié à l’Etat de droit et l’adage nulla poena sine lege.

2.1.2. Exemples d’application abusive de dispositions spécifiques visant la société civile

28. Je tiens à dire d’emblée qu’il n’est ni possible ni nécessaire de faire état dans le présent rapport de l’ensemble des affaires d’application abusive des règles précitées. En raison de l’absence de coopération des autorités du Bélarus, je n’ai pu confronter les renseignements communiqués par diverses sources (organisations non gouvernementales, sources diplomatiques) avec la position officielle des autorités. Je ne peux même être certain que l’ensemble des prisonniers politiques cités ci-dessous sont toujours en prison ou, s’il a été annoncé qu’ils avaient été remis en liberté, qu’ils n’ont pas été de nouveau arrêtés.
29. Cela étant dit, je pense toujours qu’il est utile de relever quelques cas spécifiques pour illustrer les conséquences pratiques de la législation décrite plus haut:
  • en octobre 2006, Katerina Sadovskaïa, militante pour la défense des droits de l’homme âgée de 60 ans, a été condamnée à deux ans de détention en colonie pénitentiaire pour «outrage à l’honneur et à la dignité du Président du Bélarus»;
  • en novembre 2006, le militant de la jeunesse Zmiter Dachkevitch a été puni de dix-huit mois de privation de liberté pour «activités menées au nom d’une organisation non enregistrée» 
			(11) 
			Voir la déclaration
de Christopher Smith, coprésident de la Commission Helsinki des
Etats-Unis au sujet du Belarus Democracy
Reauthorization Act (7 décembre 2006), www.charter97.org/eng/news/2006/12/13/dem,
p. 1.;
  • en avril 2006, quatre personnalités de l’opposition du Bélarus (Alexandre Milinkevitch, Alexandre Boukhvostov, Zmiter Dachkevitch et Serguéï Kaliakine) ont été jugées et condamnées à quatorze et quinze jours de détention pour «organisation d’une réunion non autorisée» (article 167.1 du Code des infractions administratives). Les chefs d’accusation étaient liés à la commémoration pacifique de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, le 26 avril. Les participants avaient reçu l’autorisation de manifester vers la place de Bangalore à Minsk, où ils devaient prononcer des discours. Leur «crime» dans ce cas est le suivant: M. Milinkevitch a été accusé de s’être adressé à la foule avant que la manifestation ne commence 
			(12) 
			Source: Rapport 2007
d’Amnesty International: Bélarus (23 mai 2007).;
  • en août 2006, quatre membres du groupe civique d’observation des élections Partnerstvo (Nikolaï Astréïka, Enira Bronitskaïa, Timoféï Drantchouk et Alexandre Chalaïko) ont été condamnés à des peines de six mois à deux ans de prison pour «organisation et gestion d’une organisation non enregistrée qui porte atteinte aux droits de la population» (article 193, paragraphe 2, du Code pénal) 
			(13) 
			Source: Amnesty International
(voir la note ci-dessus).;
  • au cours des manifestations massives de Minsk qui ont suivi l’élection présidentielle de mars 2006, des centaines de manifestants ont été brutalisés par la police et arrêtés. Selon le Centre des droits de l’homme Vesna, 65 personnes ont été condamnées à de courtes peines d’emprisonnement pour avoir participé à des rassemblements non autorisés et pour «hooliganisme» le 21 mars, rien qu’à Minsk. Les manifestants avaient bravé la mise en garde du chef du KGB selon lequel, après les élections, les manifestants seraient considérés comme des «terroristes» et s’exposeraient à la peine de mort 
			(14) 
			Source: Amnesty International,
EUR 49/003/2006, 22 mars 2006.;
  • des dizaines de militants ont été arrêtés et condamnés à de courtes peines de prison ou à des amendes administratives sous différents prétextes au cours des préparatifs de la «marche européenne» du 15 octobre 2007 
			(15) 
			Voir
la liste de militants détenus à la veille de la «marche européenne»,
publiée sur le site web www.spring96.org/en/news..
30. Ces affaires, et bien d’autres que je ne peux énumérer pour des questions de temps et de place, sont les manifestations d’une tactique d’intimidation caractérisée. Les observations formulées par Lubomir Rehak, chargé d’affaires de la Slovaquie à Minsk, au sujet de la «marche européenne» précitée confortent cette appréciation: «Ces dernières semaines, nous sommes témoins de l’intimidation de la population, d’arrestations et de mises en détention pour diffusion d’informations sur la marche européenne.» Il convient de saluer tout particulièrement le geste de M. Rehak, qui a rencontré deux jeunes militants, Zmiter Borodko et Leonid Novitski, aux portes de la prison le jour où ils ont été libérés après avoir purgé leur peine (quinze jours pour le recours allégué à un «langage obscène») 
			(16) 
			Voir l’article «Les
militants démocratiques ont été accueillis à la sortie de la prison
par le chef de l’ambassade de Slovaquie», Charte 97, 16 octobre
2007 (www.charter97.org).. Le fait que l’un des jeunes gens, Zmiter Borodko, a été maintenu en détention alors que sa femme accouchait de jumeaux, montre le caractère inhumain du système de persécution des jeunes militants.
31. Les jeunes militants traitent parfois l’intimidation avec un certain humour. Ainsi, Serguéï Parsioukevitch, du mouvement Pour la liberté se serait mis du sparadrap sur la bouche pour éviter d’être accusé d’employer «un langage obscène» quand il a été arrêté dans sa voiture près de chez lui par des agents de police affirmant que celle-ci était recherchée comme véhicule volé avant de l’emmener au commissariat. Quelques jours plus tôt, Vladimir Katsora, membre du même groupe, avait été interpellé sous le même prétexte, puis condamné à sept jours de détention pour «jurons obscènes en public». Ces événements se sont produits au début du mois d’octobre 2007.
32. Valeri Levanevski, président du Comité de grève national des commerçants, et son adjoint, Alexandre Vassilev, ont été condamnés, le 7 septembre 2004, à deux ans d’emprisonnement pour «outrage public au Président» (article 368, paragraphe 2, du Code pénal). Selon la condamnation, la phrase: «Venez dire que vous êtes opposés à ce qu’on skie en Autriche à vos frais», imprimée sur des tracts, constituait une atteinte à l’honneur et à la dignité du Président de la République du Bélarus 
			(17) 
			Voir
l’article sur cette affaire, daté du 15 février 2006, publié sur
le site www.charter97.org..
33. Dernier cas et non des moindres, l’affaire d’Alexandre Kozouline, chef du Parti social-démocrate du Bélarus (Narodnaïa Gramada), candidat à la présidence en mars 2006 et ancien recteur de l’université d’Etat du Bélarus, montre que les poursuites au titre des articles «contre-révolutionnaires» du Code pénal ne se limitent pas, et de loin, à des amendes ou à de courtes peines de prison. Le professeur Kozouline a été arrêté le 25 mars 2006 et accusé de «hooliganisme» (article 339, paragraphe 2, du Code pénal) et «d’organisation d’activités collectives qui portent atteinte à l’ordre public» (article 342, paragraphe 1) et condamné le 13 juillet 2006 à cinq ans et demi d’emprisonnement. Il convient de relever que l’interdiction de visa d’entrée dans l’Union européenne concernant certains responsables du Bélarus qui ont commis des violations des droits de l’homme aurait été étendue en septembre 2006 à ceux qui sont directement liés à la condamnation du professeur Kozouline 
			(18) 
			Voir
Amnesty International Etats-Unis, «Préoccupations d’Amnesty International
en 2006», Ai Index EUR–49/003/2007, p. 3..

2.2. Persécutions à des fins politiques au titre de dispositions pénales générales

34. Ce qui menace les personnes visées davantage que la condamnation à des peines de prison en général de courte durée 
			(19) 
			Voir
cependant le paragraphe 33 (cas de M. Kozouline).au titre des dispositions spécifiques précitées, c’est la fabrication d’affaires pénales en invoquant des dispositions «générales» comme la fraude, la fraude fiscale, la corruption, etc. Ces poursuites sont plus dangereuses pour deux raisons: d’abord, les infractions en question entraînent d’ordinaire des peines d’emprisonnement plus longues, et ensuite il est plus difficile aux défenseurs des droits de l’homme nationaux et internationaux d’intervenir, étant donné que d’habitude les règles de procédure pénale, qui existent dans la quasi-totalité des pays sous une forme analogue, sont grosso modo respectées. Les défenseurs des droits de l’homme, qui souvent ne peuvent avoir accès à des informations de première main, hésitent à critiquer une procédure judiciaire ou à s’exposer à l’accusation de soutenir des criminels de droit commun.
35. Dans ce cas, la première ligne de défense contre les abus à des fins politiques est la conscience professionnelle de ceux qui participent aux poursuites pénales elles-mêmes, c’est-à-dire les juges, les procureurs, les enquêteurs de police et, derniers intervenants et non des moindres, les avocats de la défense. C’est à eux qu’il incombe en premier lieu de veiller à ce que la justice soit véritablement rendue.
36. Malheureusement, dans certaines affaires qui ont été portées à mon attention, cette ligne de défense a manifestement fait défaut. Alors que je suis moi-même praticien du droit, et que je suis extrêmement réticent à l’idée de critiquer des poursuites judiciaires et leurs résultats, les affaires ci-après sont fabriquées de façon si manifeste que je ne peux qu’ajouter ma voix à celle de ceux qui critiquent les décisions. Là encore, ce ne sont que des exemples. L’expérience montre que quand les structures en place permettent des manipulations de la procédure judiciaire pour des motifs politiques, notamment quand la justice n’est pas indépendante, ces manipulations se produisent. Les affaires qui sont connues du monde extérieur ne sont que le sommet de l’iceberg.
37. L’une de ces affaires est celle de Mikhaïl Marinitch. Grande figure de l’opposition et candidat à la présidentielle de 2001, c’est un ex-ministre des Relations économiques extérieures et un ex-ambassadeur du Bélarus. Il a été jugé en décembre 2004 pour «abus de fonctions à grande échelle», et condamné à cinq ans d’emprisonnement dans une colonie de travaux forcés et à la confiscation de ses biens. La détention de M. Marinitch a commencé en avril 2004 par une arrestation pour contravention au Code de la route. Il a été libéré après qu’on lui eut confisqué ce qu’il possédait, y compris son argent, puis il a été convoqué au KGB, où on lui a dit que son argent consistait en de la fausse monnaie. Les officiers du KGB l’ont alors emmené à sa datcha, où ils ont «trouvé» un pistolet non déclaré. Bien qu’il ait été acquitté faute de preuves du chef de détention d’arme à feu, il a été condamné pour avoir détourné du matériel informatique utilisé par Delovaïa Initsiativa, l’ONG qu’il présidait. L’absurdité de cette condamnation ressort du fait que le matériel qu’il est accusé d’avoir détourné était officiellement prêté par l’ambassade des Etats-Unis. Le Département d’Etat américain a déclaré publiquement en réponse à ces accusations que «l’équipement est toujours resté la propriété des Etats-Unis. Les Etats-Unis n’ont aucune prétention à l’encontre de l’ambassadeur Marinitch ou de son organisation en ce qui concerne la mise à disposition de cet équipement» 
			(20) 
			Département d’Etat
des Etats-Unis, poursuites de Mikhaïl Marinitch, personnalité de
l’opposition, déclaration, Washington, 23 décembre 2004 (citée dans
Amnesty International Etats-Unis, «Le Bélarus, Mikhaïl Marinitch,
homme politique de l’opposition emprisonné pour ses convictions
politiques», publiée sur le site <a href='http://www.amnestyusa.org/'>www.amnestyusa.org</a>).. Amnesty International le considère comme un prisonnier de conscience et l’Assemblée parlementaire a aussi demandé sa remise en liberté 
			(21) 
			Voir la Résolution 1482 (2006), paragraphe 12.7.. Il a finalement été libéré le 14 avril 2006 alors que son état de santé s’était gravement détérioré en prison.
38. Une autre affaire est celle d’Andréï Klimov, exdéputé du Soviet suprême du Bélarus et militant pour la démocratie. Il a cumulé les condamnations pour des infractions économiques (à six ans de prison en 1998 pour des allégations de «détournement de fonds et contrefaçon») dans des affaires fabriquées de toutes pièces, ce qui a été largement reconnu, et pour l’organisation d’une réunion publique (un an et demi d’emprisonnement en 2005). Quatre mois après sa libération, il a de nouveau été arrêté en avril 2007 et condamné le 1er août 2007 à deux ans d’emprisonnement de plus pour un article littéraire publié sur internet «appelant au renversement du gouvernement» et pour «outrage au Président», ce qui serait la première condamnation au titre de l’article 361 du Code pénal 
			(22) 
			Voir la déclaration
du Comité Helsinki du Bélarus et de la Fédération internationale
Helsinki pour les droits de l’homme, 12 avril 2007: «Bélarus: l’arrestation
d’Andréï Klimov pour de prétendues déclarations sur internet montre
que le Code pénal est utilisé pour réprimer la dissidence»; déclaration
de Reporters sans frontières, 10 septembre 2007, «Deux ans de prison
ferme pour l’opposant Andrei Klimau: la justice rend public son
verdict un mois après la condamnation».. L’article en question examinait les moyens de modifier le système politique au Bélarus et associait le Président Loukachenko à la disparition de Viktor Gontchar, une des victimes des disparitions qui ont défrayé la chronique et qui ont fait l’objet d’un rapport adopté par l’Assemblée en 2004 
			(23) 
			Voir le Doc. 10062 du 4 février 2004. Dans ce rapport, j’en suis venu moimême
à la conclusion que M. Cheïman, ex-chef de l’administration présidentielle
et procureur général de la République du Bélarus, était hautement
suspect d’avoir participé à ces disparitions ou à leur dissimulation.. Ales Beliatski, vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme et critique littéraire professionnel, qualifie à juste titre d’absurdes le procès et la condamnation de M. Klimov, étant donné que cet article ne constitue d’aucune manière un programme d’action, mais une œuvre littéraire 
			(24) 
			Voir Ales Beliatski:
«Le procès et la condamnation de Klimov sont absurdes», 27 septembre
2007, Centre des droits de l’homme Vesna (www.spring96.org).. C’est aussi la première condamnation au Bélarus de «l’auteur» d’une publication sur internet. Selon Reporters sans frontières, la mère de M. Klimov, qui est allée le voir en prison le 17 septembre 2007, l’a trouvé déprimé et physiquement diminué. Il est manifestement un prisonnier de conscience et doit être libéré d’urgence.

2.3. Autres recours abusifs au système de justice pénale à des fins politiques

39. Alors que les affaires décrites ci-dessus portent sur les poursuites injustifiées d’innocents, l’inverse peut tout autant constituer un abus: le défaut, pour des raisons politiques, d’enquêter véritablement et de réprimer des actes criminels commis par des agents de l’Etat à l’encontre de membres de l’opposition.

2.3.1. Absence de poursuites des personnes responsables de la disparition de personnalités de l’opposition et manœuvres pour dissimuler les responsabilités

40. La disparition de Iouri Zakharenko, ex-ministre de l’Intérieur, de Viktor Gontchar, ex-vice-président du Parlement du Bélarus, d’Anatoli Krassovski (homme d’affaires et partisan de M. Gontchar) et de Dmitri Zavadski (cameraman de la chaîne de télévision russe ORT) en 1999-2000 a fait l’objet de la Résolution 1371 (2004) et de la Recommandation 1657 (2004). Dans le rapport sur lequel celles-ci s’appuient, j’en étais arrivé à la conclusion, après avoir achevé le travail entamé par une sous-commission ad hoc présidée par notre ex-collègue Serguéï Kovalev, que les mesures étaient prises au niveau le plus élevé de l’Etat pour dissimuler le contexte véritable de ces disparitions, et à l’idée que de hauts responsables de l’Etat eux-mêmes puissent être mêlés à ces disparitions. Ces responsables sont M. Cheïman (ex-chef de l’administration présidentielle, devenu procureur général), M. Sivakov (ex-ministre de l’Intérieur, devenu ministre des Sports) et M. Pavlitchenko (colonel des forces spéciales). Les éléments de preuve, recueillis dans des circonstances difficiles à Minsk, sont présentés en détail dans le rapport précité, qui est bien connu dans le pays, selon beaucoup de mes interlocuteurs du Bélarus.
41. Le cas de Viktor Gontchar est aussi suivi par le Comité des droits de l’homme des parlementaires de l’Union interparlementaire. Les autorités du Bélarus ont récemment soumis à ce comité un document destiné à réfuter le rapport de l’Assemblée. J’ai participé, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée, à une audition de ce comité en juillet 2007, à Genève, et j’ai pris position sur le document du Bélarus. En bref, celui-ci renforce mes conclusions antérieures, car même les «erreurs» relevées concernent uniquement des détails mineurs et non la principale suite de preuves. Sans entrer dans les détails, je tiens à donner ne serait-ce qu’un exemple: au cours de mon enquête en 2003-2004, j’ai été informé d’une note manuscrite du général de la police Lapatik (dont j’ai obtenu une copie), qui avait résumé les résultats de l’enquête de police d’une manière qui correspondait largement à mes propres conclusions. Il est notoire que M. Sivakov et le porte-parole de la Prokuratura générale chargé des relations avec la presse ont déclaré publiquement que la note du général Lapatik, qui avait filtré dans les médias, était un faux, une «provocation» à des fins politiques. Lorsque Serguéï Kovalev et moi-même eûmes proposé de réaliser une expertise graphologique, M. Sivakov et M. Cheïman ont reconnu dans les entretiens qu’ils ont eus avec moi à Minsk que la note en question n’était pas un faux après tout, mais une «version» erronée (parmi tant d’autres) qui avait effectivement été rédigée par le général, homme vieux et malade. Bien que j’aie insisté sur ce point, on ne m’a pas donné d’autres «versions» de la note du général Lapatik. Dans leur récent document adressé à l’Union interparlementaire, les autorités du Bélarus affirment maintenant qu’elles n’ont jamais soutenu officiellement que la note du général Lapatik ait été un faux. Le porte-parole de la Prokuratura et M. Sivakov, ministre de l’Intérieur, s’étaient bornés à exprimer des avis à titre privé. Cependant, au cours de mon entretien à Minsk avec le procureur général Cheïman, je lui ai demandé si son porte-parole devait obtenir son accord préalable avant de faire des déclarations d’importance quelconque au nom de la Prokuratura – et M. Cheïman m’a bien précisé qu’il en allait naturellement ainsi, comme dans n’importe quel pays.
42. Comme le montre leur attitude devant l’Union interparlementaire, les autorités du Bélarus n’ont suivi d’aucune manière les recommandations de l’Assemblée parlementaire, qui comprenaient l’ouverture d’une enquête criminelle afin de clarifier et, le cas échéant, de sanctionner:
  • la participation alléguée dans ces disparitions des trois personnes susmentionnées;
  • le crime d’entrave à la justice qui pourrait avoir été commis par certains hauts fonctionnaires impliqués dans les enquêtes menées jusque-là et qui ont falsifié, dissimulé ou détruit des preuves en leur possession pour protéger les véritables auteurs de ces crimes 
			(25) 
			Recommandation 1657 (2004), paragraphe 1.i..
43. A l’inverse, elles ont harcelé 
			(26) 
			On a porté à ma connaissance
au moins deux cas de jeunes militants qui ont été arrêtés pour avoir
distribué des exemplaires du rapport de l’Assemblée, traduit en
bélarussien et diffusé en grand nombre grâce à la veuve de M. Krassovski.ceux qui exigeaient justice et qui préservent la mémoire des personnes disparues. Celles-ci sont devenues un symbole de résistance au régime de Loukachenko un peu comme l’affaire Gongadze a galvanisé en Ukraine la protestation populaire contre le régime de Koutchma.

2.3.2. Autres allégations d’absence de poursuites d’auteurs d’infractions pénales concernant des personnes liées à l’opposition

44. Le meurtre de Veronika Tcherkassova, journaliste célèbre qui travaillait pour l’hebdomadaire indépendant Solidarnost et qui a été retrouvée morte dans son appartement en octobre 2004, le corps criblé de coups de couteau, n’a toujours pas été élucidé. Son beau-père et son fils Anton Filimonov, âgé de 16 ans et souffrant d’une maladie chronique des reins et du cœur, ont été suspectés du meurtre, bien que ces accusations aient été abandonnées par la suite. Le 13 mars 2006, Anton Filimonov a été libéré sous caution après une campagne internationale en sa faveur. Amnesty International craignait que sa détention (pour une allégation de fausse monnaie) ne soit motivée par la volonté de faire pression sur lui afin de lui faire avouer le meurtre de sa mère, ou pour incriminer d’autres proches 
			(27) 
			Voir
Amnesty International Etats-Unis, rapport 2007, Bélarus, pp. 3-4.. Selon Reporters sans frontières, Veronika Tcherkassova enquêtait sur une éventuelle vente d’armes entre les autorités du Bélarus et Saddam Hussein 
			(28) 
			Déclaration
du 10 mars 2005 sur le site: www.rsf.org/print/php3?id_article=12753.. Le Comité de protection des journalistes a déploré que le rapport éventuel entre sa mort et son travail n’ait jamais fait l’objet d’une enquête véritable 
			(29) 
			Comité
de protection des journalistes, «Attaques contre la presse en 2006»,
sur le site: <a href='http://www.cpj.org/'>www.cpj.org</a>..
45. En octobre 2005, le journaliste Vassili Grodnikov, qui travaillait pour le quotidien de l’opposition Narodnaïa Volia, a été retrouvé mort dans son appartement, fermé de l’intérieur. Alors que son frère, qui a découvert le corps, a signalé des traces de lutte, la police a classé le dossier en novembre en concluant que Grodnikov était tombé en état d’ébriété. Après avoir rouvert l’affaire, la Prokuratura générale a annoncé en décembre 2005 qu’aucun crime n’avait été commis, car Grodnikov était mort victime «de sa propre négligence» 
			(30) 
			Voir Département d’Etat
américain, «Rapports par pays sur les pratiques des droits de l’homme
en 2006» (6 mars 2007), «Rapport sur les pratiques liées aux droits
de l’homme au Bélarus», p. 2..
46. Le 22 mars 2006, le diplomate polonais Ryszard Badon-Lehr a été retrouvé inconscient dans son appartement à Hrodna (Bélarus) et il est décédé par la suite dans un hôpital polonais sans avoir jamais repris connaissance. Des procureurs polonais ont ouvert une enquête pénale au sujet d’allégations de coups qui lui auraient été infligés avant sa mort et d’une éventuelle implication des autorités du Bélarus, qui ont nié qu’il ait été frappé et ont conclu que le décès était dû à une attaque cérébrale.
47. Une autre mort mystérieuse, qui concerne un diplomate et officier de renseignement étranger, s’est produite le 23 août 2006. Vitautas Pociunas a fait une chute mortelle du neuvième étage de l’hôtel où il résidait à Brest (Bélarus) 
			(31) 
			Voir le Baltic Times du 30 août 2006 sur
le site <a href='http://www.baltictimes.com/news/articles/16214'>www.baltictimes</a>.com/news/articles/16214.. Alors que les autorités du Bélarus ont rapidement conclu à un accident, Vitautas Landsbergis, député européen et ex-Président de la Lituanie, a qualifié l’incident de «meurtre politique» 
			(32) 
			«Un
diplomate et officier de renseignement meurt dans des circonstances
mystérieuses au Bélarus», Belarus News and
Analysis, 24 août 2006, <a href='http://www.data.minsk.by/belarusnews/082006/129.html'>http://www.data.minsk.by/belarusnews/082006/129.html</a>; source http://www.axisglobe.com/article.asp?article=1040..
48. Dernier point et non des moindres, les nombreux cas de violences policières à l’encontre de manifestants pacifiques 
			(33) 
			Voir, par exemple,
Amnesty International, communiqué du 22 mars 2006 (AI Index EUR
49/003/2006); Département d’Etat américain (loc.
cit.), pp. 2-3; Vesna 96: Examen des violations des droits
de l’homme au Bélarus, mars 2006 (12 avril 2006, publié sur le site
www.belarus-actions.org)., notamment des personnes âgées fragiles et des personnes très jeunes, qui ont été décrits en détail par les victimes elles-mêmes et par des témoins indépendants, journalistes et diplomates étrangers, et qui, à ma connaissance, n’ont pas donné lieu aux moindres poursuites de leurs auteurs: fonctionnaires de police, membres des forces spéciales et du KGB. Selon moi, cette omission n’a rien de fortuit, mais elle fait partie du recours systématique au système de justice pénale à des fins politiques pour intimider les militants de l’opposition.

2.3.3. L’imposition de la peine de mort au Bélarus, recours abusif au système de justice pénale

49. Le Bélarus est le seul pays d’Europe qui prononce et exécute encore la peine capitale. Aucunes statistiques publiques ne sont publiées 
			(34) 
			Voir
la présentation officielle de la pratique de la peine de mort au
Bélarus par l’ambassade du Bélarus à Washington sur le site <a href='http://www.belarusembassy.org/humanitarian/criminalcode.htm'>http://www.belarusembassy.org/humanitarian/criminalcode.htm</a>.. Les condamnés seraient fusillés d’une balle dans la nuque. Selon Amnesty International, ni les proches ni les détenus du couloir de la mort eux-mêmes ne sont informés à l’avance de la date de l’exécution. Les proches reçoivent un certificat de décès une fois que l’exécution a eu lieu; cependant, la notification peut prendre plusieurs semaines. Après le supplice, l’Etat refuse même de dire où le corps a été enterré 
			(35) 
			Voir la déclaration
du 4 octobre 2004, AI Index: EUR 49/016/2004 sur le site -BLR..
50. Je considère cette pratique barbare comme un recours abusif de plus au système de justice pénale, auquel l’Assemblée est opposée. Selon moi, ce n’est pas par hasard que, conformément à cette pratique détestable, le pistolet même qui était utilisé pour les exécutions «officielles» à la maison d’arrêt no 1 de Minsk sous la responsabilité du colonel Alkaïev a fort probablement servi pour l’exécution de «peines de mort secrètes» dans les cas de disparitions cités plus haut 
			(36) 
			Voir
le Doc. 10062; le colonel Alkaïev était l’un des témoins qui ont déposé
devant la sous-commission ad hoc sur les disparitions et il a depuis
obtenu l’asile politique en Allemagne..
51. La pratique de la peine de mort au Bélarus devrait naturellement exclure qu’un Etat membre du Conseil de l’Europe extrade vers ce pays une personne qui risque de faire l’objet de la peine capitale. L’Assemblée devrait donc soutenir l’appel des défenseurs des droits de l’homme auprès des autorités ukrainiennes à ne pas extrader Igor Koktych vers le Bélarus 
			(37) 
			Voir
l’action urgente d’Amnesty International 264/07 du 16 octobre 2007
(EUR 50/005/2007) sur le site <a href='https://www.amnesty.be/'>https://www.amnesty.be/</a>.. Le jeune homme, qui est chanteur de rock, a été accusé d’un meurtre après s’être opposé à la police et avoir été menacé par celle-ci parce qu’il organisait des festivals de rock et qu’il avait fondé un groupe de jeunes catholiques pour combattre la toxicomanie et d’autres problèmes sociaux dans la ville de Baranovitchi. Il a d’abord été acquitté par le tribunal de district de Brest (Bélarus) en décembre 2001, décision confirmée par la Cour suprême du Bélarus un an plus tard. Cependant, à la suite d’un nouveau recours du procureur général, l’affaire a été renvoyée devant la justice pour une révision du procès, après quoi Igor Koktych est parti en Ukraine, où il a été arrêté en juin 2007.

3. Conclusions

52. Etant donné ce qui précède, il est évident que le système de justice pénale est fréquemment utilisé de façon abusive au Bélarus.
53. Ceux qui sont condamnés à des fins politiques doivent être considérés comme des prisonniers politiques et dédommagés dès que possible pour le préjudice qui leur a été infligé.
54. Le moment venu, les responsables qui ordonnent le recours abusif au système de justice pénale à des fins politiques ou qui y sont mêlés devront assumer personnellement la responsabilité de ces abus.
55. Je suis convaincu que la République du Bélarus rejoindra un jour la famille des pays européens qui défendent les droits de l’homme et la prééminence du droit et que justice sera faite – en dédommageant les victimes et en punissant les auteurs des abus évoqués plus haut.
56. Pour l’instant, l’Assemblée devrait inviter:
  • le Parlement de la République du Bélarus à abroger la loi no 71.3 du 15 décembre 2005 («loi antirévolution») et notamment l’article 193.1 du Code pénal qui criminalise les activités des organisations non enregistrées, et à abolir la peine de mort;
  • les juges, procureurs et fonctionnaires de police du Bélarus à éviter, autant que possible, de participer à ces recours abusifs et à faire preuve de courage personnel et d’imagination pour atténuer les effets de la législation inique sur les victimes;
  • les défenseurs des droits de l’homme du Bélarus et de la communauté internationale à tenir, de façon transparente et objective, une liste de victimes et d’auteurs des recours abusifs au système de justice pénale à des fins politiques.
57. L’Assemblée encourage de plus:
  • l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe à continuer, par l’intermédiaire de leur représentation diplomatique à Minsk et en collaboration avec les défenseurs locaux et internationaux des droits de l’homme, d’intervenir auprès des autorités au nom des prisonniers politiques et de leur famille et à leur offrir une protection temporaire;
  • l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique à continuer d’imposer des sanctions ciblées, comme les interdictions de visa ou le gel des avoirs, aux fonctionnaires et dirigeants du Bélarus responsables de graves violations des droits de l’homme;
  • la communauté internationale à mettre en place un fonds d’assistance humanitaire aux victimes de violations des droits de l’homme au Bélarus. Ce fonds pourrait être régi par un groupe de travail et associer des défenseurs locaux et internationaux des droits de l’homme à Minsk ou dans une capitale proche. Le groupe aurait aussi pour mission de recenser, dans un souci d’équité et de transparence, les auteurs d’abus afin de leur imposer des sanctions ciblées;
  • le Gouvernement et le Parlement de la Fédération de Russie à intervenir auprès des autorités de Minsk en faveur des prisonniers politiques et des autres victimes d’abus à motivation politique.

Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

Renvoi en commission: Doc. 10619 et Renvoi no 3155 du 21 novembre 2005.

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 12 novembre 2007.

Membres de la commission: M. Dick Marty (Président), M. Erik Jurgens, M. György Frunda, Mme Herta Däubler-Gmelin (Vice-Présidents), M. Athanasios Alevras, M. Miguel Arias, Mme Aneliya Atanasova, M. Abdülkadir Ateş, M. Jaume Bartumeu Cassany, Mme Meritxell Batet, Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, M. Erol Aslan Cebeci, Mme Pia Christmas-Møller, Mme Ingrida Circene, Mme Alma Čolo, Mme Lydie Err, M. Valeriy Fedorov (remplaçant: M. Alexey Aleksandrov), M. Aniello Formisano, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, M. Stef Goris, M. Valery Grebennikov, Mme Carina Hägg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajiyeva, Mme Karin Hakl, M. Andres Herkel, M. Serhiy Holovaty, M. Michel Hunault, M. Rafael Huseynov, Mme Fatme Ilyaz, M. Kastriot Islami, M. Željko Ivanji, Mme Kateřina Jacques, M. Karol Karski, M. Hans Kaufmann, M. András Kelemen, Mme Kateřina Konečná, M. Nikolay Kovalev (remplaçant: M. Yuri Sharandin), M. Eduard Kukan, Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. Andrzej Lepper, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Humfrey Malins, M. Andrija Mandić, M. Pietro Marcenaro, M. Alberto Martins, M. Andrew McIntosh (remplaçant: Lord John Tomlinson), M. Murat Mercan, Mme Ilinka Mitreva, M. Philippe Monfils, M. João Bosco Mota Amaral, M. Philippe Nachbar, Mme Nino Nakashidzé, M. Fritz Neugebauer, M. Tomislav Nikolić, Mme Ann Ormonde, M. Ángel Pérez Martínez, M. Claudio Podeschi, M. Ivan Popescu, Mme Maria Postoico, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, M. Jeffrey Pullicino Orlando, M. Valeriy Pysarenko, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. Francesco Saverio Romano, M. Paul Rowen, M. Armen Rustamyan, M. Kimmo Sasi, M. Ellert Schram, M. Christoph Strässer (remplaçant: M. Jürgen Herrmann), M. Mihai Tudose, M. Vasile Ioan Dănuţ Ungureanu, M. Øyvind Vaksdal, M. Egidijus Vareikis, M. Miltiadis Varvitsiotis (remplaçante: Mme Elsa Papadimitriou), Mme Renate Wohlwend, M. Marco Zacchera, M. Krzysztof Zaremba, M. Vladimir Zhirinovsky, M. Miomir Žužul.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.