Autres documents liésRapport
| Doc. 11564
| 14 avril 2008
Observation de l’élection présidentielle en Arménie (19 février 2008)
Auteur(s) : Bureau de l'Assemblée
Rapporteur : M. John PRESCOTT,
Royaume-Uni, SOC
Origine - Approuvé
par le Bureau lors de sa réunion du 14 avril 2008. 2008 - Deuxième partie de session
L’élection présidentielle du 19 février 2008 en Arménie s’est,
d’une manière générale, déroulée conformément aux normes du Conseil
de l’Europe. Les autorités ont apporté des améliorations au cadre
juridique mais n’ont pas fait preuve d’une volonté politique égale
dans son application. La commission ad hoc demande instamment aux
autorités de s’attaquer aux carences et problèmes exposés dans ce
rapport, notamment ceux liés au manque de confiance du public dans
le système électoral et son résultat.
1. Introduction,
par M. John Prescott, chef de délégation
1. A l’invitation du Président
de l’Assemblée nationale arménienne, le Bureau de l’Assemblée a
décidé de constituer une commission ad hoc chargée d’observer l’élection
présidentielle en Arménie, prévue pour le 19 février 2008, et m’a
nommé président et rapporteur de ladite commission.
2. Le 4 octobre 2004, un accord de coopération a été signé entre
l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (la «Commission de Venise»). Conformément à son article
15, qui dit que «lorsque le Bureau de l’Assemblée décide d’observer
des élections dans un pays où la législation électorale a été précédemment
examinée par la Commission de Venise, l’un des rapporteurs de la Commission
de Venise sur cette question pourra être invité en qualité de conseiller
juridique à participer à la mission d’observation de l’Assemblée»,
le Bureau de l’Assemblée a invité un expert de la commission à se joindre
à la commission ad hoc en tant que conseiller.
3. Sur la base des propositions avancées par les groupes politiques
de l’Assemblée, la commission ad hoc se présentait comme suit:
- Groupe socialiste (SOC)
- M. John Prescott, Royaume-Uni
- M. Vidar Bjørnstad, Norvège
- M. Michael Hagberg, Suède
- Mme Sinikka Hurskainen, Finlande
- M. Reijo Kallio, Finlande
- M. Neven Mimica, Croatie
- M. René Rouquet, France
- Groupe du Parti populaire européen (PPE/DC)
- M. Jean-Guy Branger, France
- M. Georges Colombier, France
- Mme Danuta Jazłowiecka, Pologne
- Mme Corien Jonker, Pays-Bas
- M. Eduard Lintner, Allemagne
- M. Dariusz Lipiński, Pologne
- Mme Marietta de Pourbaix-Lundin
Suède
- M. François Rochebloine, France
- M. Egidijus Vareikis, Lituanie
- Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe
(ADLE)
- Mme Aneliya
Atanasova, Bulgarie
- Lord Russell-Johnston, Royaume-Uni
- Mme Nursuna Memecan, Turquie
- M. Andrea Rigoni, Italie
- M. Frans Weekers, Pays-Bas
- Groupe démocrate européen (GDE)
- M. Nigel Evans, Royaume-Uni
- M. Igor Chernyshenko, Russie
- Mme Aldona Staponkienė, Lituanie
- Groupe pour la gauche unitaire européenne (GUE)
- M. Bjørn Jacobsen, Norvège
- Commission de Venise
- M. Owen
Masters, Royaume-Uni
- Secrétariat
- M. Bas
Klein, chef adjoint, coopération interparlementaire et observation
des élections
- Mme Danièle Gastl, assistante,
coopération interparlementaire et observation des élections
- Mme Nathalie Bargellini, attachée
de presse
4. La commission ad hoc faisait
partie de la mission internationale d’observation des élections
(MIOE), qui comprenait aussi des délégations de l’Assemblée parlementaire
de l’OSCE (OSCE-AP), du Parlement européen et de la Mission d’observation
des élections du Bureau européen des institutions démocratiques
et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE/BIDDH).
5. La commission ad hoc s’est réunie à Erevan du 18 au 20 février
2008 et a rencontré, entre autres, les candidats se présentant aux
élections, le président de la Commission centrale des élections
(CCE), le chef de la Mission d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH
et son personnel, ainsi que des représentants de la société civile
et des médias.
6. Le jour du scrutin, la commission ad hoc s’est divisée en
15 équipes, qui ont observé les élections à et autour d’Ararat,
Artashat, Ashtarak, Erevan, Masis, Sevan et Yeghvard.
7. Pour évaluer la campagne électorale et le climat politique
à l’approche des élections, le Bureau avait envoyé une mission préélectorale
en Arménie du 29 au 31 janvier 2008. Cette délégation interpartis
se composait de M. John Prescott (Royaume-Uni, SOC), président de
la commission ad hoc et chef de la délégation, Lord RussellJohnston
(Royaume-Uni, ADLE) et M. Bjørn Jacobsen (Norvège, GUE). Malheureusement
les groupes PPE/DC et GDE n’avaient pu trouver un membre disponible
aux dates prévues. A Erevan, la délégation préélectorale a rencontré,
entre autres, le Président arménien, le Président de l’Assemblée
nationale arménienne, les membres de la délégation arménienne à
l’APCE, le président de la Commission centrale des élections, les
candidats à la présidence, le ministre des Affaires étrangères,
le Président de la Cour constitutionnelle, le chef de la police,
et des représentants de la communauté internationale en Arménie
ainsi que des médias et de la société civile. La déclaration de
la délégation pré-électorale à la fin de sa visite est donnée en
annexe I.
8. Dans sa déclaration de constatations et conclusions préliminaires
présentée le lendemain des élections alors que le processus de tabulation
n’était pas encore terminé, la MIOE note que «les élections présidentielles arméniennes
du 19 février 2008 se sont déroulées en gros conformément aux normes
et engagements de l’OSCE et du Conseil de l’Europe (…). Cependant,
des améliorations sensibles et une volonté politique égale s’avèrent
toujours nécessaires pour s’attaquer aux défis que posent, par exemple,
l’absence de limite précise entre les fonctions de l’Etat et celles
des partis, le manque de confiance du public dans le processus électoral et
la garantie d’un traitement égal entre tous les candidats à l’élection».
Le communiqué de presse conjoint de la MIOE est donné en annexe II.
9. La commission ad hoc remercie l’Assemblée nationale arménienne,
la Mission d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH et le représentant
spécial du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à Erevan de
leur coopération et du soutien qu’ils ont fourni à la commission
ad hoc et à la mission préélectorale.
2. Le contexte politique et
juridique
10. Le déroulement des élections
en Arménie a toujours été cause de préoccupations pour l’Assemblée.
Les élections parlementaires et présidentielles de 2003 avaient
été jugées non conformes aux normes et engagements du Conseil de
l’Europe pour des élections démocratiques. Cependant, chose qui
avait été saluée par l’Assemblée, les dernières élections parlementaires
du 12 mai 2007 avaient révélé des améliorations et avaient été jugées
largement dans la ligne des normes et engagements du Conseil de l’Europe,
même si un nombre de questions importantes n’avaient toujours pas
été résolues. Dans la période précédant l’élection présidentielle,
les autorités avaient fréquemment déclaré leur intention de continuer
à améliorer le processus électoral et d’organiser une élection entièrement
conforme aux normes internationales. Cette élection était donc un
indicateur important de la volonté politique et de la capacité des
autorités de mener des élections vraiment démocratiques et de consolider
le processus démocratique en Arménie.
11. L’élection présidentielle était aussi un important signal
quant à la future direction politique du pays, le Président en place,
Robert Kotcharian, ne pouvant se représenter du fait de la limite
de deux mandats imposée par la Constitution.
12. Si une élection présidentielle est en principe une lutte entre
deux candidats, celle-ci était en réalité une lutte entre un candidat
soutenu par le gouvernement et un certain nombre d’autres candidats
soutenus par les forces et les partis de l’opposition. Les partis
de la coalition gouvernementale soutenaient la candidature du Premier
ministre, Serge Sarkisian; les partis de l’opposition, unis dans
leur opposition à cette candidature, n’avaient pu se mettre d’accord
sur un candidat unique, ce qui montre bien la nature fragmentée
de l’opposition en Arménie.
13. La dynamique des élections a changé avec l’annonce inattendue
de la candidature de Lévon Ter-Petrosian, qui avait été le premier
Président de l’Arménie de 1991 à 1998. Sa candidature a considérablement renforcé
la compétition et contribué à durcir la rhétorique de la campagne,
y compris par les autorités.
14. L’élection s’est tenue dans un climat de très faible confiance
publique dans le processus électoral et la légitimité du résultat.
Des rumeurs et des allégations ont circulé pendant toute la période
préélectorale selon lesquelles la fraude électorale et les abus
– tels que des achats de voix – seraient endémiques et que les résultats
seraient truqués. Il faut cependant noter que ces allégations faisaient
quelquefois partie de la tactique de la campagne de certains candidats.
Il semblait aussi n’y avoir guère de confiance dans l’indépendance
du pouvoir judiciaire et dans l’intégrité de l’arbitrage de l’administration
des élections en cas de contestation. C’est ce que la délégation
préélectorale a entendu de nombreuses fois de la part des candidats
et d’autres interlocuteurs lorsqu’elle leur demandait pourquoi si
peu de plaintes officielles avaient été déposées auprès de la CCE
et des tribunaux. Chose plus inquiétante, différents interlocuteurs
ont mentionné que le manque de plaintes officielles pouvait s’expliquer
par la peur des représailles de la part des autorités. La confiance
dans le système électoral et dans son administration est indispensable
à la conduite d’élections vraiment démocratiques. La mission préélectorale
a donc instamment demandé aux autorités de prendre toutes les mesures
nécessaires pour garantir le plus haut degré possible de confiance
dans le processus électoral et dans son résultat.
15. Aux termes de la Constitution arménienne, le Président est
élu au suffrage direct au premier tour de scrutin pour un mandat
de cinq ans s’il reçoit la majorité absolue des voix. Si aucun candidat
ne reçoit la majorité absolue, un deuxième tour est organisé deux
semaines plus tard entre les deux candidats ayant reçu le plus de
voix. Au second tour, la majorité simple détermine le gagnant.
16. De l’avis de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe,
le Code électoral de l’Arménie constitue une base appropriée pour
la conduite d’élections démocratiques s’il est mis en œuvre de bonne
foi. Depuis les élections parlementaires de 2007, il a été modifié
deux fois: le 16 novembre et le 18 décembre 2007. Si la Commission
de Venise n’a pas été consultée directement à ces occasions et n’a
pas été en mesure de donner son avis sur ces modifications au Code
électoral, celles-ci semblent avant tout suivre les recommandations faites
pour s’attaquer aux faiblesses notées pendant les élections parlementaires
de 2007. Il faut cependant noter que l’adoption de modifications
si peu de temps avant des élections et après que ces dernières ont
été annoncées – les modifications de décembre ont été adoptées après
la date de clôture de l’inscription des candidats – est contraire
aux normes du Conseil de l’Europe pour des élections démocratiques,
qui précisent que le cadre juridique des élections doit rester stable
après que celles-ci ont été annoncées.
17. Les modifications adoptées le 16 novembre 2007 visaient notamment
à abolir la nécessité pour les candidats d’obtenir des signatures
de parrainage, à introduire la possibilité d’autonomination des
candidats à la présidence, à abolir la possibilité de nomination
des candidats à la présidence par des initiatives ou des coalitions
civiques, et à permettre aux électeurs de voter dans la circonscription
de leur lieu de résidence réelle, non de résidence officielle. D’autres
modifications avaient pour but de simplifier les procédures de comptage et
de tabulation des bulletins de vote. Les modifications du 18 décembre
prévoyaient que les nouveaux tribunaux administratifs, et non les
tribunaux de première instance, seraient compétents pour juger les
appels relatifs aux élections et pour clarifier les règles des dépenses
de campagne.
18. Malheureusement, les modifications au Code électoral ne prévoyaient
pas d’introduire l’encrage des doigts des électeurs pour prévenir
les votes multiples, préférant à cela l’apposition d’un timbre sur
les papiers d’identité de l’électeur. Tout en saluant la volonté
des autorités de s’attaquer au problème des votes multiples, rappelons
que l’encrage des doigts est un mécanisme plus sûr que l’apposition
d’un timbre sur les papiers d’identité. De plus, comme cela a été
noté à l’occasion d’autres élections, cette dernière procédure laisse
des traces publiques et de longue durée de qui a voté et qui n’a
pas voté, ce qui nuit au secret de la participation et met cette
information à la disposition de tierces parties qui peuvent en faire
un usage impropre alors qu’elles n’y auraient pas eu accès autrement.
19. En février 2007, le Code électoral avait été modifié à la
suite de l’abolition de l’interdiction de la double citoyenneté
dans la Constitution arménienne. Ces modifications donnent le droit
de vote aux Arméniens ayant une double nationalité mais elles leur
interdisent de se présenter à des élections législatives ou présidentielles. Ces
restrictions au principe du suffrage universel sont contraires aux
normes du Conseil de l’Europe pour des élections démocratiques.
20. Les modifications de février 2007 abolissaient aussi le vote
à l’étranger. Les citoyens arméniens vivant à l’étranger et souhaitant
participer à une élection devaient maintenant avoir une adresse
enregistrée et revenir en Arménie pour voter. Compte tenu de la
taille de la diaspora arménienne, cela a privé de ses droits électoraux
une importante partie de l’électorat arménien, ce que regrette la
commission ad hoc.
21. Les plaintes contre les décisions, actions ou inactions des
commissions électorales subalternes peuvent être déposées auprès
de la CCE et des commissions électorales territoriales (CET). En
outre, dans le cadre du Code électoral révisé, il peut être fait
appel des décisions, actions ou inactions de la CCE et des CET auprès des
nouveaux tribunaux administratifs. Le procureur général est responsable
des délits électoraux tombant sous le coup du Code pénal. Les recours
contre le résultat des élections sont de la compétence de la Cour constitutionnelle.
Mais le Code électoral ne dit pas clairement quels délits électoraux
sont des infractions criminelles et lesquels sont des infractions
administratives et donc quelle Cour est compétente pour décider.
3. Administration des élections
22. L’élection présidentielle était
administrée par un système à trois niveaux comprenant la Commission centrale
des élections (CCE), les 41 commissions électorales territoriales
(CET) et les 1923 commissions électorales de circonscription (CEC).
23. La CCE et les CET sont des organes permanents alors que les
CEC sont constituées à l’occasion de chaque élection. Pour garantir
la qualité de l’administration des élections, le Code électoral
dispose que tous les membres d’une commission électorale doivent
avoir suivi une formation et reçu un certificat de qualification.
24. La CCE comprend 8 membres: un nommé par le Président arménien,
5 nommés par les cinq factions politiques de l’Assemblée nationale
et 2 nommés par le Conseil des tribunaux de la République arménienne. Les
membres des commissions subordonnées sont nommés dans le cadre d’une
chaîne de nominations: chaque membre de la CCE nomme un membre de
chacune des 41 CET, qui chacun nomme un membre de la CEC relevant
de sa CET.
25. Le président, le vice-président et le secrétaire des commissions
électorales – la troïka directrice – sont élus par les membres de
leur commission. Cependant, dans toutes les commissions, ces postes
étaient majoritairement détenus par des représentants des partis
qui soutenaient la candidature du Premier ministre ou par le président
qui appuyait ouvertement la candidature de ce dernier. Cela suscite
des inquiétudes quant au contrôle des commissions électorales par
un intérêt politique et sape gravement la confiance du public et des
candidats dans l’impartialité de l’administration des élections.
26. Tous les candidats peuvent avoir un mandataire présent dans
les commissions électorales. Le Code électoral leur donne des compétences
importantes, dont le droit de faire des commentaires et des suggestions au
président de la commission sur le travail de la commission.
27. D’une manière générale, la CCE s’est occupée des préparatifs
techniques de ces élections d’une manière ouverte et transparente.
Cependant, la CCE et les CTE ont tenu très peu de sessions formelles, préférant
des dispositions informelles pour organiser les élections, ce qui
a terni la transparence de l’administration des élections.
28. La commission ad hoc salue les mesures prises par la CCE pour
accroître la transparence du processus de tabulation, dont la publication
directe – et en ligne – des résultats des élections dans les CEC:
un système informatique avait été mis en place pour permettre aux
CTE de publier directement les résultats des CEC sur le site web
de la CCE, sans intervention de cette dernière. Cependant, ce système
ne s’appliquait pas aux CTE de Erevan où résidait près de la moitié
des candidats. Pour ces CTE, les résultats des CEC devaient être entrés
dans le système informatique par la CCE, ce qui limitait dans une
certaine mesure l’efficacité du système en tant qu’outil visant
à accroître la transparence et, partant, la confiance du public
dans le processus de dépouillement.
29. Pour accroître la transparence du décompte et de la tabulation,
le Code électoral prévoit que les CEC doivent afficher les procès-verbaux
des résultats. Il ne dit cependant pas pendant combien de temps
ces procès-verbaux doivent rester affichés. Pendant les élections
parlementaires de 2007, il avait été noté que, dans la majorité
des cas, ils avaient été retirés juste quelques heures après avoir
été affichés, limitant ainsi la possibilité d’examen par le public.
Compte tenu de l’objectif déclaré de rendre le processus de tabulation
aussi transparent que possible, la mission préélectorale a été désagréablement
surprise de se voir opposer un refus catégorique par la CCE lorsqu’elle
lui a demandé de préciser une durée minimale d’affichage des procès-verbaux
des résultats des CEC.
30. Le Code électoral ne dit pas que les commissions électorales
doivent prendre une décision formelle sur les plaintes qu’elles
reçoivent. En conséquence, la CCE n’a pas examiné la plupart de
ces plaintes lors d’une session formelle. De plus, le 17 février
2008, elle a convoqué une session extraordinaire sur préavis court
au cours de laquelle elle a rejeté, en une seule décision, 25 plaintes
de violations alléguées des procédures de la campagne électorale.
Cette décision a été prise sans qu’aient été examinés les mérites
des plaintes et en l’absence des plaignants qui n’avaient pas pu
être présents à la réunion du fait du court préavis. Cela suscite de
graves inquiétudes parmi les membres de la commission ad hoc. Même
si la plupart des plaintes émanaient d’un seul candidat, la manière
dont la CCE les a traitées sape sérieusement la confiance en la
procédure de la CCE et suscite des questions sur l’efficacité des
recours légaux des parties prenantes aux élections qui pensent que
leurs droits ont été violés.
4. Inscription des candidats
et des électeurs
31. Pour se présenter à une élection
présidentielle, les candidats doivent avoir au moins 35 ans, être citoyens
arméniens et avoir vécu en Arménie pendant au moins les dix années
précédant les élections. Comme il a été mentionné plus haut, et
contrairement aux normes du Conseil de l’Europe, les personnes ayant une
double citoyenneté ne peuvent se présenter à ces élections. Les
candidats peuvent être nommés par un parti ou s’autonommer et doivent
verser une caution de 8 millions d’AMD (soit l’équivalent de 17
000 euros).
32. La date limite de dépôt des candidatures était le 6 décembre
2007. Le processus d’inscription des candidats a été ouvert, inclusif
et non discriminatoire. Au total, 9 candidats ont été inscrits:
Arthur Baghdasaryan (ancien président du parlement et chef du parti
Orinats Yerkir – Parti de l’Etat de droit); Artashes Geghamyan (chef
du Parti d’unité nationale); Tigran Karapetyan (chef du Parti du
peuple); Aram Harutiunyan (chef du Parti de l’accord national);
Vahan Hovhannisyan (vice-président du parlement et candidat du parti
de la Fédération révolutionnaire arménienne Dashnaktsutiun); Vazgen
Manukyan (ancien Premier ministre et chef du parti de l’Union démocratique
nationale); Arman Melikyan (candidat autonommé); Serge Sarkisian
(Premier ministre en poste et candidat du Parti républicain – au
pouvoir); et Lévon Ter-Petrosian (ancien Président et candidat autonommé).
33. Une gamme aussi large de candidats créait un climat électoral
très concurrentiel et donnait un vrai choix aux électeurs le jour
du scrutin.
34. L’Arménie a un système central informatisé de listes des électeurs
qui est unique dans la région. Le registre des électeurs, qui est
mis à jour en permanence, est tenu par le Département des passeports
et des visas (OVIR) de la police. 2 328 320 électeurs étaient inscrits
sur les listes de vote pour ces élections. La commission ad hoc
salue les efforts des autorités pour assurer l’exactitude des listes,
y compris par des vérifications porte-à-porte par la police, la
publication des listes sur le site web de la CCE et une ligne téléphonique
directe permettant aux électeurs de vérifier et, le cas échéant,
de modifier leur inscription sur les listes. Conformément aux dispositions
légales, les listes d’électeurs étaient aussi affichées dans les
CEC pour que le public puisse les examiner.
35. Le Code électoral tel que modifié permet aux électeurs de
voter dans la circonscription de leur lieu de résidence réelle s’il
est différent de leur lieu de résidence où ils sont inscrits (résidence
officielle). Selon les informations fournies par l’OVIR et la CCE,
19 024 personnes ont demandé à voter dans leur lieu de résidence réelle:
ils ont donc été ajoutés sur les listes correspondantes et éliminés
des listes de leur résidence officielle.
36. En application des dispositions légales, les citoyens arméniens
qui vivent à l’étranger mais qui ont une résidence officielle en
Arménie continuent d’être inscrits sur les listes électorales. Cela
a donné lieu à des allégations selon lesquelles leur présence sur
les listes électorales pouvait être utilisée pour faciliter les
votes multiples.
5. La période préélectorale
et les médias
37. La campagne commençait officiellement
le 21 janvier 2008. Pendant sa durée, elle est régie par les dispositions
du Code électoral qui prévoient des conditions égales pour tous,
y compris en termes d’accès aux médias et de couverture par les
médias. Or, la date limite de nomination des candidats était le
6 décembre 2007, c’est donc alors que la campagne a en fait commencé.
En conséquence, pendant une grande partie de sa durée, elle n’a
pas été couverte par les dispositions du Code électoral; de plus,
il faut noter que ce code ne donne pas de définition claire de ce
que peuvent être les activités de la campagne.
38. La plupart des candidats ont mené des campagnes actives. La
majorité des activités se sont déroulées librement et les libertés
d’assemblée et d’expression ont été dans l’ensemble respectées.
Malheureusement, les observateurs ont noté que, dans un certain
nombre de cas, les citoyens étaient injustement empêchés d’assister
à des manifestations organisées par M. Lévon Ter-Petrosian et M. Arthur
Baghdasaryan. En dépit de cela, les candidats ont pu faire passer
leurs messages de campagne aux électeurs sans ingérence.
39. La campagne a été marquée par un discours particulièrement
vif qui est devenu de plus en plus virulent à mesure que progressaient
les campagnes de M. Lévon Ter-Petrosian et de M. Serge Sarkisian
et de ses supporters au gouvernement, dont le Président Kotcharian.
L’atmosphère a donc été très tendue, exacerbée par des cas isolés
de violence et d’attaques contre les supporters et les bureaux de
campagne des trois candidats en tête, M. Lévon Ter-Petrosian, M. Arthur
Baghdasaryan et M. Serge Sarkisian.
40. Un point important de controverse dans la campagne a été la
décision de M. Serge Sarkisian de conserver son poste de Premier
ministre alors qu’il faisait campagne comme candidat aux élections.
Si la législation lui permettait de le faire, cela lui donnait un
avantage déloyal et brouillait les lignes de séparation entre les
fonctions de l’Etat et celles du parti. La situation a empiré en
raison du traitement favorable accordé à sa campagne par les élus
locaux dont la participation active a créé de fait des conditions
de campagne inégales pendant la période préélectorale.
41. La commission ad hoc est préoccupée par des rapports faisant
état de pressions exercées sur les fonctionnaires pour qu’ils assistent
aux manifestations du candidat appuyé par les autorités, voire qu’ils
votent pour lui. Ces rapports semblent être corroborés par la participation
d’un grand nombre de fonctionnaires locaux et du gouvernement central,
souvent pendant leurs heures de travail, à des manifestations organisées
pour la campagne du Premier ministre.
42. Il existe en Arménie de nombreux organes de radiodiffusion
dont certains ont une couverture nationale. Cependant, le pluralisme
des médias et la structure de contrôle et de possession des médias
sont cause de préoccupations. En dépit d’importantes améliorations
dans la législation, en décembre 2007 le Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe a noté que la situation des médias arméniens n’était,
en général, pas conforme aux normes du Conseil de l’Europe. Les
organes d’information imprimés sont plus divers et indépendants
mais, du fait de leur faible circulation, ils ne touchent qu’un
nombre limité de personnes. La télévision est, de loin, la source
d’information la plus importante en Arménie.
43. Pendant la période officielle de la campagne, les médias publics
ont suivi les dispositions légales concernant l’égalité de l’accès
de tous les candidats au temps d’antenne gratuit. Cependant, la
télévision publique, avec l’accord de la CCE, a diffusé des spots
publicitaires gratuits et payants pendant une plage d’antenne commençant
chaque jour à 17 h 15, bien avant les heures de grande écoute, alors
que la plus grande partie de la population faisait la navette entre
les lieux de travail et la maison. Les médias publics et privés
ont également respecté les dispositions légales concernant l’égalité
des conditions de publicités payantes pendant la période officielle,
même si les prix de ces publicités sont restés élevés.
44. La couverture des différentes campagnes par les nouvelles
de la télévision publique a été, dans l’ensemble, équitable, même
si celle de M. Ter-Petrosian a été sélective, déformée et souvent
négative. La surveillance exercée par la Mission d’observation des
élections de l’OSCE/BIDDH a montré, dans l’ensemble, un fort déséquilibre
de la couverture des médias privés en faveur de M. Serge Sarkisian.
Comme à la télévision publique, la couverture de la campagne de
M. Ter-Petrosian dans les nouvelles diffusées par les médias privés a
été surtout négative. Dans l’ensemble, les médias ont failli à leurs
obligations légales de donner au peuple arménien des informations
impartiales sur la campagne électorale.
6. Jour du scrutin – Décompte
et tabulation des votes – Plaintes
45. Le jour de l’élection, le scrutin
s’est déroulé dans une atmosphère relativement calme. Malheureusement,
on a noté un petit nombre de problèmes graves, dont des cas de violence
contre des fondés de pouvoir et des tentatives d’influencer et d’intimider
des électeurs, voire d’acheter leur voix.
46. Malheureusement, la situation s’est dégradée pendant le décompte
des votes: de graves erreurs de procédure ont été notées dans un
important nombre de bureaux de vote, allant de méthodes de comptage
non transparentes à des anomalies dans la détermination de la validité
des bulletins de vote. Dans plusieurs cas, on a aussi vu des membres
de CEC signer des procès-verbaux de résultats non remplis ou partiellement remplis.
Du côté positif, du fait des modifications apportées au Code électoral,
beaucoup moins de CEC ont connu des problèmes de remplissage des
procès-verbaux de résultats que lors des élections parlementaires de
2007.
47. La commission ad hoc a été surprise de voir que les membres
des commissions utilisaient constamment leurs téléphones portables
pendant le décompte des votes, apparemment pour transmettre les
résultats en cours au siège du parti. Cette utilisation constante
des téléphones fait se poser la question d’ingérences possibles
de l’extérieur dans les procédures de décompte.
48. La commission ad hoc est particulièrement préoccupée par les
falsifications délibérées des résultats du décompte qui ont été
notées dans un certain nombre de bureaux de vote, dont un cas, notamment,
noté par une équipe de l’Assemblée.
49. En infraction à la législation, un nombre important de CEC
n’ont pas affiché les procès-verbaux des résultats dans leur bureau
de vote à des fins d’inspection publique.
50. Le processus de tabulation a été suivi par les observateurs
dans les 41 CET: la grande préoccupation résidait dans le manque
de transparence du processus. De plus, un certain nombre d’irrégularités
ont été notées, notamment des paquets de matériaux électoraux arrivant
dans des enveloppes non scellées ou des membres des CEC quittant
les CET avec des matériaux électoraux en leur possession, en infraction
à la législation.
51. Le 20 février, la CCE a annoncé les résultats préliminaires:
avec un taux de participation de quelque 70 %, Serge Sarkisian avait
obtenu 52,9 % des voix, ce qui indiquait qu’un second tour de scrutin
ne serait pas nécessaire.
52. La MIOE a publié ses constatations préliminaires le jour suivant
les élections, avant les résultats finaux du processus de tabulation.
Le processus de tabulation ainsi que le nouveau décompte des votes
et la manière de traiter les plaintes et les recours après le jour
du scrutin ont été observés pour la MIOE par la Mission d’observation
des élections de l’OSCE/BIDDH.
53. Le Code électoral prévoit que les mandataires des candidats,
qui se sont inscrits dans une CEC, peuvent demander un nouveau décompte
des voix de cette CEC au CET correspondant. La date limite de dépôt
des demandes d’un nouveau décompte est fixée à 14 heures le jour
suivant le jour du scrutin. Les CET ont un maximum de cinq jours
pour recompter les votes. De nouveaux décomptes ont été demandés
dans 25 CET pour 159 CEC. Les CET en ont refusé 34 au motif qu’ils
étaient sans mérite. Un certain nombre de plaintes ont été déposées
auprès de la CCE alléguant que les CET avaient bloqué la présentation
de demandes d’un nouveau décompte ou que des demandes n’avaient
pu être déposées parce que les CET n’avaient pas été ouvertes en
permanence pendant la période précédant la date limite de dépôt
des demandes.
54. Dans un nombre important de cas, les résultats du nouveau
décompte ont fait apparaître des différences importantes avec les
résultats du premier comptage, ce qui soulève des questions quant
à l’impartialité des CEC et/ou des CET. Des anomalies ont également
été notées dans les procédures de nouveau décompte d’un certain
nombre de CET. Il n’y a pas eu de nouveau décompte dans 24 CEC parce
que la date limite de finalisation du processus était passée.
55. Malgré le nombre des allégations de fraude électorale, très
peu de plaintes officielles ont été déposées dans les CEC le jour
du scrutin. Les membres de la campagne de M. Ter-Petrosian ont cependant
allégué que de nombreux CEC ainsi que la CCE avaient refusé d’accepter
un grand nombre de plaintes déposées par leurs mandataires. Dans
certains cas, les observateurs de la MIOE ont confirmé cela le jour
du scrutin.
56. La CCE a reçu 19 plaintes le lendemain des élections. Malheureusement,
et malgré les fortes critiques des observateurs internationaux à
ce propos, les problèmes déjà notés quant à la manière dont elle
traitait les plaintes et les recours ont continué après le jour
du scrutin. Ces 19 plaintes n’ont pas été examinées lors d’une session
officielle de la CCE et leur fonds n’a même pas été considéré. Les
plaignants n’ont donc pas eu accès à un recours légal efficace,
ce qui a contribué à saper la confiance du public dans l’impartialité
de l’administration électorale.
57. Le Code électoral est ambigu pour ce qui est des recours contre
les décisions des commissions électorales. Plusieurs recours a été
rejetés parce qu’ils n’avaient pas été déposés auprès des nouveaux tribunaux
administratifs. De fait, peut-être à cause de l’ambiguïté du Code
électoral, ces tribunaux n’ont reçu aucune plainte: leur rôle dans
le processus électoral reste donc inconnu.
58. Le 24 février, la CCE a annoncé les résultats définitifs de
l’élection présidentielle: M. Serge Sarkisian avait gagné avec 51,6 %
des voix, rendant inutile un second tour. M. Lévon Ter-Petrosian
avait obtenu 21,5 % des suffrages, M. Arthur Baghdasaryan 16,7 %
et M. Vahan Hovhannisyan 6,1 %. Tous les autres avaient obtenu moins
de 2 % des voix. Le procès-verbal de la CCE sur les résultats définitifs
était signé par six des huit membres de la commission, les représentants
des partis Orinats Yerkir et Heritage ayant refusé de le faire. Selon
les informations affichées sur le site web de la CCE, certains bureaux
de vote avaient enregistré des taux de participation de près de
– voire plus de – 100 %, avec des résultats tout aussi improbables
de près de 100 % des voix en faveur de M. Serge Sarkisian.
59. Après l’annonce des résultats, M. Tigran Karapetyan et M. Lévon
Ter-Petrosian ont fait appel des résultats auprès de la Cour constitutionnelle,
les 27 et 29 février 2008 respectivement. Conformément à la législation,
les deux affaires ont été jointes par la Cour qui devait donner
une décision dans les dix jours. Elle a rendu un arrêt le samedi
9 mars dans lequel elle confirmait les résultats annoncés et rejetait
les recours.
60. La CCE a annoncé qu’elle avait déféré 23 cas de fraude électorale
au procureur général à des fins d’enquête. Le 1er mars, celui-ci
a annoncé qu’il avait ouvert 35 affaires pour fraude électorale
et incidents violents le jour du scrutin.
7. Evolution de la situation
après les élections
61. Il n’entre pas dans le mandat
de la commission ad hoc non plus qu’il n’est dans le cadre de ce
rapport d’analyser en détail ou de discuter l’évolution de la situation
après le jour du scrutin, qui a mené aux événements tragiques du
1er mars 2008 et à la déclaration de l’état d’urgence à Erevan par
le Président Kotcharian. Il reste que ce rapport serait incomplet
s’il ne donnait pas un bref résumé des événements politiques qui
ont suivi le scrutin.
62. Dès l’annonce des résultats préliminaires, le 20 février 2008,
M. Ter-Petrosian a déclaré que les élections avaient été entachées
de «falsifications et de violations à grande échelle» et qu’en réalité
il avait gagné les élections. De son côté, M. Arthur Baghdasaryan
a mis en doute la légitimité des élections du fait des violations
alléguées et M. Vahan Hovhannisyan, qui était arrivé en quatrième
place, a démissionné de ses fonctions de vice-président de l’Assemblée
nationale pour protester contre les irrégularités selon lui commises pendant
les élections.
63. M. Lévon Ter-Petrosian, qui avait déclaré les élections frauduleuses
avant même qu’elles n’aient lieu, a transformé son rallye de victoire
prévu pour le 20 février 2008 en manifestation de protestations
et a appelé ses supporters à se joindre à lui pour les dénoncer.
Par la suite, des marches et des manifestations quotidiennes ont
été organisées dans le centre de Erevan, demandant l’annulation
des résultats et l’organisation de nouvelles élections. De plus,
les supporteurs de Ter-Petrosian ont érigé un campement permanent
de tentes sur la Place de la liberté à Erevan.
64. Au départ, les rallyes et les manifestations ont été tolérés
par les autorités mais, le 23 février, le Président Kotcharian a
durci le ton, les qualifiant de «tentatives illégales de saisir
le pouvoir».
65. Le camp de Ter-Petrosian a reçu un appui inattendu lorsqu’un
certain nombre de hauts fonctionnaires ont publiquement dénoncé
l’élection comme frauduleuse et déclaré leur soutien à M. Lévon
Ter-Petrosian. Ils ont été démis de leurs fonctions et un certain
nombre d’entre eux et de supporters de Ter-Petrosian ont été arrêtés
sous des inculpations apparemment fantaisistes, ce qui a donné l’impression
que leur mise en examen était politiquement motivée. Selon l’association
Helsinki, 13 personnes auraient été mises en examen entre le 20
et le 29 février 2008.
66. Le 26 février, le Premier ministre et Président élu, Serge
Sarkisian, a offert de coopérer avec les autres candidats à la présidence.
Le 29 février, après avoir conclu un accord de coopération politique,
M. Arthur Baghdasaryan a accepté cette offre.
67. Tôt le matin du 1er mars 2008, la police a tenté de perquisitionner
le camp de tentes de la Place de la liberté. Devant la résistance
des manifestants, elle a décidé de faire évacuer le camp: 31 personnes
ont été blessées – selon les informations officielles – et M. Lévon
Ter-Petrosian a été assigné de fait à résidence.
68. Les manifestants se sont regroupés plus tard dans l’après-midi
dans un autre quartier de Erevan, ce qui a amené des confrontations
avec la police. Le soir du 1er mai, la situation s’était tellement
aggravée – selon les chiffres officiels, 7 manifestants et 1 policier
avaient été tués – que le Président Kotcharian a décidé qu’elle menaçait
la stabilité du pays et il a déclaré l’état d’urgence à Erevan.
69. Dans les jours qui ont suivi la proclamation de l’état d’urgence,
un grand nombre de supporters de Ter-Petrosian ont été arrêtés à
la suite de ce qui semble être des mesures de répression contre
l’opposition.
8. Conclusions
et recommandations
70. D’une manière générale, l’élection
présidentielle du 19 février 2008 en Arménie a été administrée conformément
aux normes du Conseil de l’Europe. Les autorités ont apporté des
améliorations au cadre juridique mais n’ont pas fait preuve de la
même volonté politique pour les mettre intégralement en œuvre. La commission
ad hoc demande instamment aux autorités de s’attaquer aux faiblesses
et aux problèmes indiqués dans ce rapport, surtout pour ce qui est
du manque de confiance du public dans le processus électoral et
son résultat.
71. Les restrictions constitutionnelles concernant le droit de
vote passif des citoyens ayant une double nationalité sont contraires
aux normes du Conseil de l’Europe et devraient être abolies.
72. La commission ad hoc est extrêmement préoccupée par le manque
de confiance du public dans le processus électoral et, partant,
dans son résultat. Ce manque de confiance est un des principaux
obstacles à la consolidation de la démocratie en Arménie. Malheureusement,
les inégalités constatées au cours de la campagne électorale, les
carences et les violations observées le jour du scrutin ainsi que
la manière dont ont été traités les plaintes et les recours n’ont
en aucune manière contribué à renforcer la confiance du public dans le
système électoral.
73. La commission ad hoc regrette la manière dont l’administration
électorale et plus particulièrement la CCE a traité les plaintes
et les demandes en appel, sans donner aux plaignants accès à des
recours juridiques effectifs et sapant ainsi la confiance du public
dans l’impartialité de l’administration électorale. Le Code électoral
devrait stipuler que les plaintes concernant les élections ne peuvent
être traitées que lors de sessions formelles de la CCE.
74. Un certain nombre de parties concernées par les élections
ont exprimé leur peu de confiance dans l’impartialité du judiciaire
lorsqu’il est pris comme arbitre dans des différends électoraux.
Si cela met en lumière l’importance accordée par tous les participants
à l’Etat de droit, cela soulève aussi des questions sur la perception
de l’indépendance du système judiciaire, ce qui devrait préoccuper
l’Assemblée.
75. Le manque de session formelle de la CCE a terni la transparence
de l’administration des élections. Lors d’élections futures, il
faudra éviter les sessions informelles retenues en cette occasion,
voire, le cas échéant, promulguer une loi les interdisant.
76. Cette élection a clairement montré les limites de l’efficacité
du timbrage des papiers d’identité comme mesure visant à prévenir
le vote multiple et donc la fraude électorale. La commission ad
hoc demande donc instamment aux autorités d’introduire l’encrage
des doigts des électeurs, technique qui a montré son efficacité dans
nombre d’autres pays européens.
77. S’il n’entre pas dans le cadre de ce rapport d’analyser les
événements qui ont mené à la proclamation de l’état d’urgence, le
1er mars 2008, il est clair que leur cause sous-jacente tient au
manque de confiance total du public dans le processus électoral
et donc dans la légitimité de ses résultats. Le cadre électoral
doit donc être réformé d’urgence. Ces réformes devront être menées
dans le cadre d’un dialogue entre les autorités et l’opposition
(parlementaire et extraparlementaire), et viser à éliminer tout
contrôle ou toute domination du processus et de l’administration
des élections par les intérêts d’une force ou d’une faction politique.
Annexe –
Communiqués de presse
(open)
Arménie:
les efforts doivent se poursuivre pour gagner la confiance de l’opinion
publique dans des élections démocratiques (Strasbourg, le 31 janvier
2008)
La poursuite des progrès est
indispensable pour garantir la confiance du public dans des élections démocratiques,
déclare la délégation de l’APCE
Strasbourg, le 31 janvier 2008 – Une mission préélectorale
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe vient de se
rendre à Erevan pour évaluer le climat politique et les préparatifs
de la prochaine élection présidentielle en Arménie. Sa principale
mission était d’évaluer les progrès réalisés dans la mise en application du
cadre électoral parce que la poursuite des progrès dans la manière
dont les élections sont administrées est indispensable pour établir
la confiance du public dans le processus électoral dans ce pays.
La délégation a noté que les élections parlementaires de 2007
avaient montré des signes d’amélioration par rapport aux précédentes
et elle a exprimé l’espoir que cette tendance va se poursuivre lors
des prochaines élections présidentielles, prévues pour le 19 février
2008. Elle a donc été encouragée par la volonté politique exprimée
des autorités de s’attaquer aux carences notées précédemment et
d’organiser des élections démocratiques entièrement conformes aux
engagements de l’Arménie envers le Conseil de l’Europe. A ce propos,
la délégation salue les améliorations apportées au cadre juridique
de ces élections: elles correspondent à un certain nombre de recommandations
de l’Assemblée parlementaire. Elle n’en veut pas moins souligner
que la tenue d’élections démocratiques va entièrement dépendre de
la mise en application intégrale du cadre électoral, tant dans sa
forme que dans son fonds.
Les élections vraiment démocratiques et la légitimité de leurs
résultats aux yeux du peuple dépendent du degré de confiance que
le public accorde au processus électoral. A cet égard, la délégation
est préoccupée par le manque apparent de confiance exprimé par un
certain nombre d’interlocuteurs dans le processus électoral et dans
l’impartialité du processus juridique de plaintes et de recours.
Elle recommande donc que les autorités prennent toutes les mesures
nécessaires pour établir la confiance du public dans le processus
électoral, notamment en ce qui concerne le secret du vote et la
transparence des processus de comptage et de tabulation des votes.
Si la disposition des cabines de vote a été modifiée pour
empêcher les achats de voix et les votes multiples, certains s’inquiètent
qu’elle ne laisse certains électeurs montrer comment ils votent,
surtout si de nombreuses personnes sont présentes dans le bureau
de vote. La délégation a pu examiner un exemple de cabine de vote et
elle est persuadée qu’elle est conforme aux normes internationales.
Elle n’en demande pas moins à la Commission centrale des élections
de prendre toutes les précautions voulues pour garantir le secret
du vote le jour du scrutin. D’un autre côté, si la CCE a également
fait des efforts louables pour accroître la transparence du processus
de tabulation, les mesures prises n’ont pas donné toute satisfaction
lors des dernières élections parlementaires. La délégation espère
que les problèmes techniques rencontrés alors ont été résolus et
elle recommande à la CCE de fixer une durée minimum durant laquelle
les procès-verbaux des résultats devront être affichés dans les
bureaux de vote.
Le Code électoral prévoit une composition équilibrée de toutes
les commissions électorales or il a été noté que cet équilibre n’apparaît
pas dans la composition de la troïka directrice de la Commission
centrale des élections. La délégation espère que ce déséquilibre
ne se retrouvera pas au niveau des commissions électorales de circonscription.
Pour que des élections soient démocratiques, il faut que les
conditions de concurrence soient les mêmes pour tous les candidats
pendant, mais pas exclusivement, la durée de la campagne électorale.
La délégation regrette donc l’inégalité de la couverture des candidats
par la plupart des médias de radiodiffusion, y compris la télévision
publique, avant l’ouverture officielle de la campagne comme l’ont
signalé plusieurs organisations de suivi, y compris la Mission d’observation
des élections de l’OSCE-BIDDH dont la délégation soutient pleinement
les conclusions – publiées dans son premier rapport intérimaire.
Plusieurs personnes se sont plaintes à la délégation que le
Premier Ministre, qui est aussi candidat à la présidence, allait
être injustement avantagé du fait de sa décision de conserver son
poste pendant la campagne. Si sa décision de rester en fonctions
en dépit de sa candidature est légale, elle ajoute à la responsabilité
du gouvernement d’éviter toute perception que les ressources administratives
sont utilisées au profit ou à l’encontre d’un candidat particulier.
La délégation se réjouit de ce que jusqu’à présent la campagne se
soit déroulée dans un climat ouvert et sans entraves bien qu’elle
note certains rapports disant que quelques candidats ont eu des
difficultés à obtenir des bureaux de campagne dans certaines régions.
La délégation est persuadée que les autorités répondront aux
préoccupations des candidats et continueront leurs efforts d’organiser
des élections présidentielles pleinement démocratiques ayant toute
la confiance du peuple arménien.
La délégation souhaite remercier les autorités de leur coopération
et de leur aide pendant cette visite. L’Assemblée parlementaire
reviendra en Arménie observer les élections avec une délégation
de 30 membres.
La délégation préélectorale de l’Assemblée parlementaire s’est
rendue à Erevan du 29 au 31 janvier 2008. Cette délégation interpartis
se composait de M. John Prescott (Royaume-Uni, SOC), chef de la
délégation, Lord Russell-Johnston (Royaume-Uni, ADLE) et M. Bjørn
Jacobsen (Norvège, GUE). Pendant sa visite, elle a rencontré le
Président arménien, le Président de l’Assemblée nationale arménienne,
les membres de la délégation arménienne à l’APCE, le président de
la Commission centrale des élections, tous les candidats à la présidence
sauf un, le ministre des Affaires étrangères, le président de la
Cour constitutionnelle, le chef de la police et des représentants
de la communauté internationale en Arménie ainsi que des médias
et de la société civile.
Contact: Bas Klein, mobile: +33 662 265 489.
L’élection
présidentielle arménienne est en grande partie conforme aux engagements
internationaux, mais des améliorations sont encore nécessaires (Strasbourg,
le 20 février 2008)
Dans l’ensemble, l’élection présidentielle
a été conforme aux engagements internationaux mais des progrès supplémentaires
sont encore nécessaires
Erevan, le 20 février 2008 – Hier, l’élection présidentielle
a, dans l’ensemble, été conforme aux engagements internationaux
mais des progrès supplémentaires sont encore nécessaires pour s’attaquer
aux problèmes restants, annonçait la Mission internationale d’observation
des élections dans une déclaration publiée aujourd’hui.
Les observateurs ont trouvé que les autorités arméniennes
avaient fait de vrais efforts pour corriger les déficiences notées
lors des élections précédentes. Mais des améliorations complémentaires
sont encore nécessaires, comme la volonté politique de s’attaquer
à des problèmes tels que le manque de confiance du public dans le
processus électoral et à l’absence de séparation nette entre les
fonctions de l’Etat et celles du parti. La conduite du comptage
n’a pas contribué à réduire les soupçons parmi les personnes intéressées.
«Dans une élection active et concurrentielle, les Arméniens
sont venus en masse choisir entre de vraies alternatives politiques.
Les problèmes que nous avons notés, notamment durant le comptage,
doivent être résolus pour augmenter la confiance dans le processus
électoral.» a déclaré Anne-Marie Lizin, vice-présidente de l’OSCE
AP et coordinatrice spéciale des observateurs à court terme de l’OSCE.
«Si nous avons constaté des améliorations dans le cadre de
ces élections, des problèmes de mise en œuvre, surtout pendant le
comptage des bulletins, ont dans quelque cas sapé la confiance du
public. En dernière analyse, le choix appartient aux Arméniens:
sa confiance dans le processus électoral est indispensable à une vraie
démocratie» a noté John Prescott, chef de la délégation de l’APCE.
«Par rapport aux élections précédentes, nous avons noté des
progrès considérables pour ce qui est des préparatifs et de la conduite
du processus électoral. Cependant, tout le climat électoral et les
ingérences qui ont été signalées devront être soigneusement analysés.
L’UE continuera à soutenir le renforcement de la démocratie en Arménie
par la biais de sa Politique de voisinage» a précisé Marie Anne
Isler Béguin, chef de la délégation du Parlement européen.
«Une élection n’est pas un événement d’une seule journée et
la déclaration d’aujourd’hui est préliminaire. Nous allons rester
en Arménie pour observer la fin du processus de tabulation et la
résolution des différends par le biais des mécanismes existants.
Cela devrait mettre en lumière les aspects des élections qui doivent
être examinés plus avant» a annoncé de son côté l’Ambassadeur Geert
Ahrens, chef de la délégation du BIDDH d’observation à long terme
des élections.
Près de 400 observateurs, dont quelque 75 parlementaires,
ont suivi les élections pour le Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l’homme de l’OSCE (OSCE-BIDDH), l’Assemblée parlementaire
de l’OSCE (OSCE AP), l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
(APCE) et le Parlement européen.
Pour plus d’information, contacter:
Jens-Hagen Eschenbächer, OSCE BIDDH, mobile: +374 94 46 4297
or +48 603 683 122 [email protected]
Andreas Baker, OSCE AP, mobile: +374 94 43 70 22, [email protected]
Nathalie Bargellini, APCE, tel.: +33 665 40 32 82, [email protected]
Thomas Grunert, Parlement européen, mobile: +32 49 89 83 369,
[email protected]