Imprimer
Autres documents liés

Proposition de résolution | Doc. 11905 | 06 mai 2009

Démantèlement de la forteresse de l’Europe – protection active de la vie des réfugiés en Méditerranée

Signataires : M. Hakki KESKIN, Allemagne ; Mme Pernille FRAHM, Danemark, GUE ; M. Aristophanes GEORGIOU, Chypre ; M. John GREENWAY, Royaume-Uni ; M. Andreas GROSS, Suisse, SOC ; Mme Gultakin HAJIBAYLI, Azerbaïdjan, PPE/DC ; M. Bjørn JACOBSEN, Norvège ; Mme Birgen KELEŞ, Turquie, SOC ; M. Haluk KOÇ, Turquie, SOC ; M. Jaakko LAAKSO, Finlande, GUE ; M. Aleksei LOTMAN, Estonie, GUE ; Mme Hermine NAGHDALYAN, Arménie, ADLE ; M. Grigore PETRENCO, République de Moldova ; M. Sergey SOBKO, Fédération de Russie ; Mme Tineke STRIK, Pays-Bas, SOC ; M. Tuğrul TÜRKEŞ, Turquie, GDE ; Mme Özlem TÜRKÖNE, Turquie, PPE/DC

Cette proposition n'a pas été examinée par l'Assemblée et n'engage que ses signataires.

Fin mars 2009, les Européens ont appris qu’une autre catastrophe impliquant des réfugiés avait eu lieu en Méditerranée. Plusieurs embarcations transportant des réfugiés ont chaviré au large des côtes libyennes, entraînant la noyade de plus de 200 personnes. Les réfugiés venaient de pays d’Afrique et du Moyen-Orient.

Ils ont trouvé la mort alors qu’ils avaient entrepris un voyage très risqué vers l’Europe, fuyant le désespoir, la persécution et la pauvreté. Cet accident est à ce jour le plus grave de ce qui est une série de catastrophes. En 2008, plus de 11 000 personnes avaient péri aux abords des frontières fermées de l’Europe, et on peut supposer qu’il y a eu d’autres victimes dont le décès n’a simplement pas été documenté («United Against Racism»: Liste des 11 105 réfugiés qui cherchaient à atteindre l’Europe et dont le décès a été avéré, 7 mai 2008).

Dans ce contexte, il est évident que les victimes qui se trouvaient sur les embarcations venues de Libye ne sont aucunement des cas isolés, même s’il s’est agi de «la pire catastrophe impliquant des réfugiés dans l’histoire de l’Union européenne» (Association Pro Asyl). Il faut au contraire conclure que le régime frontalier mis en place par les Etats méditerranéens, dans une large mesure à l’instigation de l’Union européenne, est le premier responsable de ce désastre humanitaire. Ceux qui utilisent des canonnières pour recueillir les réfugiés en mer avant de les reconduire dans leur pays contribuent à ce que des itinéraires encore plus dangereux soient empruntés à l’avenir, mettant en péril davantage de vies humaines.

Compte tenu de leur responsabilité traditionnelle dans la protection des droits de l'homme universels, le Conseil de l'Europe et l’Assemblée parlementaire se doivent d’examiner cette situation déplorable, d’établir clairement les responsabilités, et d’appeler instamment les parties prenantes en Europe à trouver une solution humanitaire.

L’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l'Europe:

  • à s’attaquer aux raisons qui poussent les réfugiés à fuir leur pays, non aux réfugiés eux-mêmes. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient par conséquent renforcer considérablement leur aide au développement aux pays pauvres et aux pays les plus pauvres, pour y mettre en place une infrastructure sociale qui entraînera une amélioration de la vie et de la stabilité politique. Sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce et dans le cadre de futurs accords économiques bilatéraux et multilatéraux, les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient œuvrer de toute urgence pour une répartition plus équitable des richesses mondiales, afin de mettre en place un cadre structurel qui permettrait notamment d’éradiquer la pauvreté en Afrique.
  • à mettre un terme immédiat à la pratique qui consiste à sanctionner pénalement les réfugiés de Méditerranée et à les priver de leurs droits. Le droit fondamental à l’intégrité physique doit une fois encore être érigé en priorité absolue, sans être sacrifié plus longtemps à l’obsession de la fermeture des frontières européennes. Toutes les parties prenantes en Europe sont vivement invitées à respecter les accords internationaux applicables, parmi lesquels bien sûr la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.
  • à informer la population des Etats membres du Conseil de l'Europe du lien de causalité qui existe entre la fermeture des frontières et l’augmentation du nombre de victimes. C’est uniquement la surveillance policière et militaire des courts itinéraires maritimes entre les continents africain et européen qui oblige les réfugiés à emprunter d’autres voies, longues et dangereuses.
  • à examiner attentivement la nature des centres pour les réfugiés qui arrivent en Europe sur la côte méditerranéenne et à procéder à des modifications si nécessaire. Les individus qui atteignent l’Europe ont besoin de toutes les formes imaginables d’assistance médicale, logistique et financière – pas d’un séjour dans un centre de rétention qui les assimile à des criminels. Enfin, la capacité d’accueil des centres doit être ajustée pour correspondre au nombre des arrivants.
  • à déterminer si des acteurs locaux, régionaux ou nationaux dans leur sphère d’influence utilisent à mauvais escient la question des réfugiés dans le cadre de campagnes xénophobes ou racistes. Si tel est le cas, les Etats membres sont priés de prendre des mesures juridiques et policières énergiques.
  • à remplacer les réglementations en vigueur par une forme de législation sur l’immigration tenant compte de la mobilité mondiale et des interactions culturelles. Après des décennies pendant lesquelles les nations occidentales industrialisées ont revendiqué avec succès la liberté de circulation à l’échelle mondiale des biens et des capitaux, la même liberté doit aussi être accordée aux personnes.
  • à suspendre toute extension supplémentaire des compétences de FRONTEX, l’agence de gestion des frontières européennes, tant que les institutions de l’Union européenne seront incapables d’exercer une surveillance politique et démocratiquement légitime, même limitée, des appareils de sûreté. Les Etats membres du Conseil de l'Europe qui font partie de cette agence en tant que membres de l’Union européenne sont invités à user de leur influence pour soit éliminer complètement FRONTEX, soit la transformer en une agence de protection des réfugiés de Méditerranée et renforcer ses capacités en termes de sauvetage maritime. La chasse aux réfugiés avec les impôts européens ne peut plus continuer.
  • à lancer des travaux de recherche approfondis sur la situation humanitaire dans la région méditerranéenne et à diffuser les résultats auprès du grand public. Il faut mettre un terme à la manière impersonnelle dont les agences, les gouvernements et les médias dans les Etats membres du Conseil de l'Europe traitent les personnes qui perdent la vie aux frontières extérieures de l’Europe.