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Rapport | Doc. 11944 | 08 juin 2009

Les institutions économiques mondiales face aux défis de la crise financière

(Ancienne) Commission des questions économiques et du développement

Rapporteur : M. Kimmo SASI, Finlande, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11402; Renvoi n° 3384 du 23 novembre 2007. 2009 - Troisième partie de session

Résumé

Le rapport analyse l’impact de la crise économique et financière sur certaines des grandes institutions internationales qui avaient été créées pour contribuer à stabiliser et à réguler l’économie mondiale, notamment le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce, l’Organisation internationale du travail, l’Organisation de coopération et de développement économiques, la Banque des Règlements internationaux, le nouveau Financial Stability Board établi par le G20 à son Sommet de Londres du 2 avril 2009 ainsi que le G20 lui-même.

Le rapporteur estime que le principal défi auquel sont confrontées les institutions financières internationales et les banques de développement multilatérales, ainsi que les gouvernements qui les financent, est de garantir une liquidité et une stabilité suffisantes au niveau mondial pour restaurer la croissance et donc l’emploi. En outre, ces institutions doivent jouer un rôle majeur pour restaurer la confiance dans le système financier international en contribuant au renforcement de son cadre réglementaire. L’une des priorités essentielles doit également être de faire en sorte que le système bancaire international récupère. Et les efforts doivent être renforcés pour veiller à ce que les pays les moins développés ne souffrent pas de manière disproportionnée du fait de la crise.

C’est pourquoi le rapporteur se réjouit des mesures coordonnées prises par le G20 à son Sommet de Londres du 2 avril 2009 ainsi que des mesures de réforme en cours prises par les organisations concernées, qui devraient leur permettre de répondre plus efficacement à la crise actuelle et d’agir pour prévenir de futures turbulences.

A. Projet de résolution

(open)
1. L’Assemblée parlementaire exprime sa solidarité avec les gouvernements et les parlements européens et du reste du monde qui luttent actuellement pour contrer les effets de l’une des pires crises économiques et financières que le monde ait connu depuis des décennies, d’une crise qui entraîne dans son sillage, partout dans le monde, de lourdes conséquences en matière de croissance, de commerce, d’investissement et d’emploi, avec des retombées sociales et humaines incalculables. Entre autres choses, la crise a replacé sur le devant de la scène et avec un sentiment d’urgence accrue le rôle et la pertinence des institutions économiques et financières mondiales et de leur gouvernance, déjà suivis de près avant la crise, en particulier pour déterminer jusqu’où leur vocation leur permet effectivement de contribuer à surmonter la crise et quel rôle elles devraient jouer pour prévenir de telles tempêtes à l’avenir.
2. Dans ce contexte, l’Assemblée réaffirme la teneur de sa Résolution 1651 (2009) sur les conséquences de la crise financière mondiale, dans laquelle elle énonce les principes qui devraient être pris en compte pour s’efforcer d’adoucir la récession et d’en sortir ainsi que réformer le système financier, notamment la nécessité de préserver les droits sociaux et économiques des citoyens. À cet égard, l’Assemblée encourage l’Organisation internationale du travail à intensifier ses travaux pour atténuer le coût souvent dramatique de la crise en termes humains. L’Assemblée réaffirme aussi le droit de chaque citoyen à être informé complètement et précisément sur les produits financiers et les marchés, de manière transparente, afin que chacun puisse gérer de manière optimale le risque pesant sur son épargne. Pour qu’une économie fonctionne bien, il faut impérativement que les consommateurs disposent d’informations complètes et précises.
3. L’Assemblée se réjouit des progrès déjà accomplis dans la réforme de l’architecture financière internationale, sous l’égide du groupe des 20 plus grands pays industrialisés et émergents, dont les responsables politiques se sont réunis à Washington le 15 novembre 2008 et à Londres le 2 avril 2009, et se réuniront encore une fois avant la fin de cette année pour faire le bilan des progrès. Le fait que le G20, organe plus représentatif de l’économie mondiale que le G7 ou le G8, prenne la tête de ces efforts est en soit un changement majeur dans la gouvernance financière internationale et garantit que ses délibérations auront un certain poids. En effet, il compte parmi ses membres les grandes économies émergentes et représente quelque 90% du PNB mondial, 80% du commerce planétaire et deux-tiers de la population mondiale.
4. L’Assemblée juge que le principal défi auquel sont confrontées les institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et les banques multilatérales de développement comme la Banque mondiale, ainsi que les gouvernements qui les financent, est de garantir suffisamment de liquidités et de stabilité au niveau planétaire pour renouer avec la croissance, et donc avec l’emploi. En outre, les institutions financières internationales doivent jouer un rôle majeur pour restaurer la confiance dans le système financier international en contribuant à la consolidation de son cadre réglementaire. Sur ce point, l’Assemblée se félicite des travaux du Forum pour la stabilité financière et de sa transformation en une instance au périmètre élargi et au mandat renforcé, le Financial Stability Board. L’Assemblée estime qu’une des premières priorités doit être de remettre le système bancaire international sur rails. Pour leur part, les banques multilatérales de développement doivent intensifier leurs efforts pour veiller à ce que les pays les moins développés ne souffrent pas de manière disproportionnée du fait de la crise.
5. L’Assemblée se déclare particulièrement satisfaite que le G20 ait accordé des ressources supplémentaires au FMI et aux banques multilatérales de développement pour répondre aux demandes engendrées par la crise. Les ressources du FMI vont tripler, pour s’établir à 750 milliards de dollars, et le FMI s’est vu donner pouvoir d’émettre 250 milliards de dollars de nouveaux droits de tirage spéciaux. Les banques multilatérales de développement se sont vues garantir des capitaux adéquats pour augmenter leurs prêts d’au moins 100 milliards de dollars, y compris à des pays à faible revenu. Néanmoins, l’Assemblée se dit préoccupée qu’une bonne part de ce financement soit encore en attente. Elle invite donc les gouvernements des pays du G20 et ceux d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore apporté leur contribution à faire en sorte que les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement se voient garantir des fonds suffisants pour mener à bien la mission qu’elles doivent assumer.
6. La crise économique montre que le rôle des Etats nations dans un monde globalisé est limité. C’est pourquoi il convient de renforcer la coopération économique et financière internationale. Les structures financières présentent des problèmes systémiques globaux, et c’est pourquoi il faut changer ces structures. Il faut également développer la supervision des systèmes de notation. Le système de réserves international basé sur les monnaies nationales doit être révisé. Il faudrait également prendre en compte la nécessité d’un tribunal international des faillites.
7. L’Assemblée note avec inquiétude que, bien que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ait indiqué que l’aide publique au développement a atteint son record en 2008, bon nombre de pays donateurs ne remplissent toujours pas les promesses qu’ils avaient faites lors du Sommet du G-8 à Gleneagles, Ecosse, en 2005. De plus, l’OCDE s’attend à ce que le niveau des transferts d’argent par les travailleurs migrants, une source majeure de revenus pour les pays en développement, recule sérieusement en 2009.
8. L’Assemblée se réjouit des prêts montés par le FMI avec des pays gravement touchés par la crise, y compris plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle appelle instamment tous les pays à suivre des politiques budgétaires responsables, mais invite également le FMI à donner le plus tôt possible des conseils de prévention aux pays qui risquent de rencontrer des difficultés, plutôt que de devoir être obligé ensuite d’imposer des conditions draconiennes pour leur accorder des prêts, lorsqu’il est trop tard pour trouver d’autres solutions. À cet égard, l’Assemblée se réjouit des mesures prises par le FMI pour assouplir ses prêts, notamment en relevant les plafonds, en accordant davantage de prêts concessionnels aux pays à faible revenu, en assouplissant ses conditions, en améliorant ses crédits stand-by et par l’introduction de la nouvelle Ligne de crédit flexible destinée à prémunir les pays dont les économies sont pour l’essentiel saines contre de brutales fuites de capitaux.
9. L’Assemblée se réjouit des mesures déjà prises par les institutions de Bretton-Woods pour améliorer leur gouvernance, leur légitimité, leur crédibilité et leur degré de responsabilisation, notamment en donnant davantage voix au chapitre aux pays émergents et en développement, mais elle souligne que, pour s’acquitter efficacement de leurs nouvelles responsabilités, elles devraient accélérer la mise en œuvre des réformes en vue de progresser.
10. Consciente qu’un commerce international équitable et équilibré est un facteur majeur pour la croissance économique mondiale et également sur l’emploi et qu’il devrait, selon les estimations, reculer de 9% en 2009, l’Assemblée se rallie à l’appel du G20 pour rejeter les mesures protectionnistes et se réjouit qu’il ait pris la décision de garantir la mise à disposition d’au moins 250 milliards de dollars au cours des deux prochaines années pour soutenir le financement du commerce par les agences de crédit à l’export et d’investissement et grâce aux banques multilatérales de développement. L’Assemblée réitère son appel aux membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir en vue de conclure le Cycle de Doha de négociations commerciales, dans un esprit de solidarité constructive, en particulier à l’égard des pays à faible revenu. L’Assemblée invite également l’OMC à examiner comment introduire davantage de souplesse dans le cadre des négociations.
11. L’Assemblée se félicite des travaux de l’OCDE pour traiter l’impact de la crise, en particulier dans le contexte de la norme fiscale adoptée au niveau international et de la réglementation du système financier international, et attend avec intérêt de discuter de la contribution de l’OCDE plus en détail à l’occasion de son débat annuel sur les activités de cette organisation.
12. L’Assemblée invite les parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe qui votent les contributions budgétaires nationales nécessaires au financement des institutions financières et économiques internationales à exercer une étroite vigilance sur tous les aspects de leurs activités.

B. Exposé des motifs par M. Sasi, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Les gouvernements de l’Europe et du reste du monde s’efforcent actuellement de remédier aux conséquences de l’une des pires crises économiques et financières que le monde ait connu depuis des décennies, crise dont l’impact se fait sentir sur la croissance, le commerce, l’investissement et l’emploi et dont les conséquences sociales et humaines sont imprévisibles. Entre autres choses, la crise a replacé sur le devant de la scène et avec un sentiment d’urgence accrue le rôle et la pertinence des institutions économiques et financières mondiales et de leur gouvernance, éléments déjà suivis de près avant la crise, en particulier pour déterminer jusqu’où la vocation de ces institutions leur permet effectivement de contribuer à surmonter la crise et quel rôle elles devraient jouer pour prévenir de telles tempêtes à l’avenir. Du fait de la crise, les efforts se sont donc intensifiés pour reconstruire l’architecture financière internationale, actuellement sous la direction du Groupe des 20 plus grands pays industrialisés et émergents, dont les responsables politiques se sont réunis à Washington le 15 novembre 2008 et à Londres le 2 avril 2009, et se réuniront encore une fois avant la fin de cette année pour faire le bilan des progrès. Le fait que le G20, organe plus représentatif de l’économie mondiale que le G7 ou le G8, prenne la tête de ces efforts est en soit un changement majeur dans l’architecture financière internationale et garantit que ses délibérations auront un certain poids. En effet, il compte parmi ses membres les grandes économies émergentes et représente quelque 90% du PIB mondial, 80% du commerce planétaire et deux-tiers de la population mondiale 
			(1) 
			<a href='http://www.g20.org/about_what_is_g20.aspx'>http://www.g20.org/about_what_is_g20.aspx</a>.
2. Ces efforts internationaux ont été comparés à un «Bretton Woods II», par référence à la première Conférence monétaire et financière du même nom organisée par les Nations Unies, qui avait réuni 44 gouvernements à Bretton Woods, New Hampshire (Etats-Unis), en juin 1944, pour arrêter ensemble une stratégie et s’entendre sur des institutions en vue de promouvoir la croissance économique de l’après-guerre, la reconstruction et la stabilité monétaire internationale, sur la base d’un système de taux de change fixe. Aujourd’hui, plus de 60 ans après leur création à cette conférence, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), qui fait désormais partie du Groupe Banque mondiale, et le Fonds monétaire international (FMI) ont toujours le même mandat de promotion du développement international et de sauvegarde de la stabilité financière. Bien que ces objectifs se soient révélés toujours aussi pertinents, et de fait urgents, dans la crise actuelle, le monde dans lequel ces institutions opèrent a changé radicalement. Il n’est pas surprenant dès lors que leur rôle, qui a alimenté par le passé la controverse, fasse l’objet d’un tel débat aujourd’hui. Leurs objectifs, leur gouvernance et leurs principes d’action sont passés au crible.
3. Comment ces institutions économiques mondiales et d’autres (telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque des règlements internationaux (BRI)) s’efforcent-elles d’évoluer pour relever les défis que posent la crise économique et financière et les transformations rapides de l’économie mondiale? Quelle place leurs politiques devraient-elles accorder aux droits de l’homme et à la conditionnalité? Les institutions de Bretton Woods font depuis quelques années l’objet d’une couverture médiatique considérable; elles ont nommé de nouveaux dirigeants et ont engagé des réformes structurelles d’une grande portée. Le moment semble bien choisi pour présenter une évaluation parlementaire du cadre évolutif de la gouvernance économique et financière mondiale et de ses perspectives futures.
4. C’est ce que se propose de faire le présent rapport, en commençant par un bref inventaire des facteurs qui ont inspiré le projet et les objectifs initiaux de ces institutions (en particulier le FMI et la Banque mondiale) et les ont fait évoluer par la suite. Il examinera les principaux problèmes et les principales critiques auxquels elles ont été en butte et la manière dont elles y ont fait face. Il s’attachera à l’activité de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), organisme qui, bien que sa création ait été envisagée au moment de la conférence de Bretton Woods et partiellement réalisée sous la forme de l’Accord général sur les tarifs et le commerce (General agreement on Tariffs and Trade – GATT), n’a vu officiellement le jour qu’en 1995, mais dont la crédibilité et la mission en tant que régulateur du système de commerce multilatéral sont aujourd’hui considérées comme ayant atteint un carrefour où un choix décisif de perspectives s’impose.
5. Le travail du rapporteur repose en partie sur une mission d’information qu’il a effectuée à Washington (1er-3 juillet 2008), au cours de laquelle il a rencontré, avec la sous-commission des relations économiques internationales, les représentants des institutions de Bretton Woods, de la Brookings Institution, du Cato Institute et du Département des Affaires étrangères des Etats-Unis. Le rapporteur a également tiré profit des débats de la Conférence parlementaire sur l’OMC (11-12 septembre 2008) 
			(2) 
			Organisée conjointement
par le Parlement européen et l’Union interparlementaire., du Forum public de l’OMC "Trading into the future" (24 et 25 septembre 2008) auxquels il a participé et d’auditions organisées par la commission des questions économiques et du développement de l’Assemblée parlementaire.

2. L’esprit de Bretton Woods

6. Il a beau être l’un des lieux les plus célèbres de l’histoire économique, le village de Bretton Woods, dans le New Hampshire (Etats-Unis), consiste en tout et pour tout en une gare et un hôtel, lesquels, en juillet 1944, n’étaient plus utilisés depuis deux ans. Mais les délégués représentant 44 pays qui y sont arrivés en trains spéciaux qualifiés de «Tours de Babel sur roues» ont été ravis de cette solitude, qui a manifestement été pour eux une source d’inspiration. Pendant les trois semaines qu’a duré la Conférence monétaire et financière des Nations Unies, l’architecture d’un nouvel ordre financier international a été mise en place. Les conflits portant sur les questions de représentation et l’intérêt national auxquels on assiste aujourd’hui faisaient aussi rage à l’époque. Il existait toutefois des objectifs communs et prioritaires; pour les atteindre, les institutions créées à Bretton Woods étaient, de propos tout à fait délibéré, d’une envergure et d’une ampleur inédite.

Reconstruction et développement

7. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) – désormais partie du Groupe Banque mondiale 
			(3) 
			Le Groupe Banque mondiale
se compose de cinq organisations: la Banque internationale pour
la reconstruction et le développement (BIRD), l’Association internationale
pour le développement (IDA), la Société financière internationale (IFC),
l’Agence multilatérale pour les garanties d’investissement (MIGA)
et le Centre international pour le règlement des différends en matière
d’investissement (ICSID). – avait pour but de stimuler la reprise et de soutenir de croissance, comme le précise l’article 1 de son statut, dans les territoires de ses membres en facilitant l’investissement de capitaux à des fins productives» 
			(4) 
			On peut consulter la
version intégrale des Statuts de la Banque mondiale et du FMI à
l’adresse: 
			(4) 
			<a href='http://www.brettonwoodsproject.org/glossary/item.shtml?x=507156'>http://www.brettonwoodsproject.org/glossary/item.shtml?x=507156</a>.. La Banque devait promouvoir la croissance équilibrée sur le long terme du commerce et de l’investissement internationaux en contribuant par là même à augmenter la productivité, relever le niveau de vie et les conditions de la main-d’oeuvre dans les territoires de ses membres. Dans la pratique, on attendait d’elle qu’elle consente des prêts essentiellement à des gouvernements au titre de projets importants ayant des incidences à long terme. Les priorités étaient des projets d’infrastructure dans des secteurs tels que les transports, l’assainissement et l’électricité, et des programmes sociaux, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation. La Banque mettant ses ressources financières à la disposition de ses membres donateurs, sa structure de gestion ressemblerait à celle d’un club: elle serait dirigée par un conseil des représentants, le pouvoir de chaque pays lors des votes étant fonction du montant de sa contribution.

Stabilité financière

8. Durant les années 30, les économies mondiales avaient connu toute une série de problèmes interconnectés, notamment une pénurie d’or, des instabilités dans les taux de change, la circulation rapide de capitaux fébriles et l’incapacité à traiter des problèmes de balance des paiements. Ceci avait contribué à entraîner les places mondiales dans une spirale de batailles monétaires et de politiques visant à dépouiller le voisin, qui avaient fait le lit de la Grande Dépression et de la montée du fascisme. Le Fonds monétaire international (FMI) a donc été créé à Bretton Woods en tant qu’organisme de contrôle chargé de promouvoir la coopération financière et d’encourager les échanges en harmonisant les politiques monétaires et en maintenant la stabilité des devises.
9. Les membres du FMI devaient s’affilier à un régime de taux de change, leurs monnaies ayant une parité fixe avec le dollar des Etats-Unis et donc, à cette époque, avec le cours de l’or. Une certaine marge d’ajustement monétaire était prévue, mais un pays ne pourrait s’en prévaloir qu’avec l’autorisation du FMI. Celui-ci aurait le pouvoir d’accorder des prêts à court terme aux gouvernements membres ayant des problèmes de balance des paiements, leur offrant ainsi, comme l’indiquent ses Statuts, la «possibilité de corriger les déséquilibres... sans recourir à des mesures préjudiciables à la prospérité nationale ou internationale». En échange, les membres accepteraient de mettre en place des réformes destinées à prévenir un retour des mêmes difficultés et les décaissements au titre des prêts ne seraient versés jusqu’au bout que si le pays bénéficiaire respectait ses engagements.
10. Comme la Banque mondiale, le FMI devait être organisé comme un club. Chaque membre verserait une «souscription égale à sa quote-part», qui déterminerait le montant qu’il pourrait emprunter en cas de nécessité. En outre, le niveau de la quote-part déterminerait les droits de vote de chaque membre, ce qui donnait un pouvoir de contrôle aux plus gros contributeurs. La Banque et le FMI devaient être des institutions distinctes, mais elles étaient liées par la règle selon laquelle tout membre de la Banque devait également être membre du FMI.

Ambitions, tensions et limitations

11. D’un côté, l’objectif de Bretton Woods était de bâtir un système basé sur des règles afin de garantir pour la coopération internationale un cadre qui fonctionne bien. On s’est réellement efforcé de mettre en place ce que Lord Keynes a, dans son discours d’adieu aux délégués, décrit comme «une mesure commune, une norme, une règle commune applicable à tous et agaçante pour personne». Cependant, étant donné le caractère ambitieux et inédit des pouvoirs proposés, l’impact de Bretton Woods sur la souveraineté nationale a été dès le départ loin de faire l’unanimité.
12. Pour commencer, le système était dominé par les grandes puissances de l’époque, en particulier les Etats-Unis, qui se présentaient alors comme la principale force économique. En fait, d’aucuns ont toujours considéré Bretton Woods comme un moyen de confirmer la prédominance de ce pays qui avait été imposée pendant la guerre. Mais il convient de noter que, si la délégation des Etats-Unis était naturellement en position de force, elle était également inhibée par la peur d’être désavouée par le Congrès des Etats-Unis. Certains Américains craignaient que le FMI ne fasse faillite, ce qui ferait perdre au pays son investissement. Cette délégation a donc été amenée à exiger la suprématie du Conseil du FMI et l’institution du lien entre le droit de vote et l’importance de la quote-part, bien que les pays moins importants aient demandé que chaque membre dispose d’emblée de 100 voix.
13. En fait, toutes les délégations ont essayé d’obtenir un avantage. Les Britanniques, par exemple, ont exercé de fortes pressions pour obtenir que les nouvelles institutions aient leur siège à Londres et ont été parmi ceux qui ont demandé à avoir accès de plein droit aux fonds du FMI, tandis que les Français menaçaient de se retirer de l’accord du FMI si leur quote-part n’était pas augmentée, car ils redoutaient que l’accord récemment signé sur le Benelux ne les prive de la cinquième plus grosse part et d’un siège au Comité exécutif. Si surprenant que cela puisse paraître, chaque problème a trouvé sa solution; c’est sans doute l’urgence internationale qui a permis d’obtenir si rapidement ce résultat. Mais les problèmes soulevés montrent très clairement pourquoi il a, depuis, été aussi difficile pour la Banque et le FMI de réformer leurs propres structures.
14. En dépit de tout ce qui avait été décidé de concert, un élément du projet de Bretton Woods a été laissé de côté. L’Organisation internationale du commerce devait se faire le chantre du libre-échange, surveiller un système fondé sur des règles et régler les différends de façon à empêcher les Etats d’avoir recours au protectionnisme. Mais comme il s’agissait d’une question délicate et qu’aucun déléguécommercial n’avait fait le voyage de Bretton Woods, on a remis son examen à plus tard. Par la suite, des négociations se sont ouvertes à Genève en présence des représentants de 23 pays, et ont débouché sur l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et sur l’élaboration d’un «Protocole portant application provisoire», signé en octobre 1947.
15. Le projet de Charte de l’OIC était ambitieux. Il allait au-delà des disciplines en matière de commerce mondial pour couvrir les règles relatives à l’emploi, les accords liant les matières premières, les pratiques restrictives dans les affaires, l’investissement international et les services. Mais le Congrès des Etats-Unis l’ayant rejeté à maintes reprises, il a été abandonné à la fin de 1948. Il n’empêche que, dans le climat commercial instauré par les Accords de Bretton Woods, il était bien évident qu’il fallait un «arbitre en dernier ressort» dans les litiges commerciaux et un avocat de la déréglementation. De plus en plus, les pays se sont ainsi tournés vers l’unique instance commerciale internationale, le GATT, pour régler ces problèmes.

2.1. Bretton Woods en pratique

16. Des changements spectaculaires se sont produits dans les premières années de l’après-guerre. La liquidation des empires coloniaux et le début de la guerre froide ont incontestablement conféré aux Etats-Unis une position dominante, tandis que les économies occidentales qui avaient le plus souffert de la guerre se redressaient plus rapidement que prévu, en particulier grâce au lancement du Plan Marshall, initialement géré par l’intermédiaire de l’Organisation de coopération économique européenne (devenue en 1961 l’Organisation de coopération et de développement économiques ou OCDE, une organisation de portée mondiale, dont la composition actuelle regroupe majoritairement les économies industrielles avancées). Les institutions de Bretton Woods ont donc été amenées à recentrer leurs activités.
17. Comme il avait été prévu, les premiers clients de la Banque mondiale étaient européens, mais, en 1948, la Banque avait élaboré un plan de financement d’un projet hydroélectrique au Chili. En 1950, un financement a été proposé à l’Ethiopie et à l’Uruguay et, l’année suivante, au Nicaragua et à la République démocratique du Congo. La reconstruction restait à l’ordre du jour de la Banque pour faire face aux guerres et aux catastrophes naturelles, mais sa mission allait englober les prêts au secteur social, le développement, l’allégement de la dette et la gouvernance. Au fil du temps, on en est venu à voir explicitement dans la réduction de la pauvreté un «objectif général» de la Banque, qui s’est donné pour mot d’ordre de travailler à libérer le monde de la pauvreté.
18. A ces nouvelles fins, la Banque a créé ou contribué à créer un certain nombre d’organes spécialisés internes ou affiliés: la Société financière internationale (SFI) a été créée en 1956 pour promouvoir l’investissement privé durable et, en 1960, l’Association internationale de développement (IDA) a commencé à consentir des prêts à taux préférentiel et des dons aux pays les plus pauvres. A cette époque, les pays en développement avaient généralement du mal à se procurer des fonds et, de ce fait, leur niveau d’endettement était faible alors que le monde occidental disposait de beaucoup de capitaux inutilisés. Les nouveaux membres ont donc rapidement afflué: en 1954, la Birmanie est devenue le 57e membre de la Banque, tandis qu’en 1964, le Kenya devenait son 102e membre et, en 1974, le Samoa occidental son 124e membre; le nombre des membres de l’IDA et de la SFI a lui aussi augmenté rapidement 
			(5) 
			Actuellement, le nombre
de pays membres est de 185 pour la BIRD, 166 pour l’IDA, 179 pour
la SFI, 171 pour l’Agence multilatérale de garantie des investissements
et 143 pour le CIRDI, qui forment ensemble le Groupe de la Banque
mondiale. Environ 10 000 spécialistes du développement travaillent
pour ce Groupe..
19. Parallèlement, le système des taux de change de Bretton Woods ne cessait de se désintégrer. Après la guerre, le dollar était devenu la monnaie de réserve internationale. Cependant, après avoir connu une situation d’excédent commercial, les Etats-Unis ont commencé à enregistrer des déficits et, bien que les autres pays aient d’abord voulu des dollars pour honorer leurs obligations commerciales, il était devenu clair que si les Etats-Unis tentaient de combler leur déficit, cela entraînerait une crise de liquidités. Mais s’ils laissaient le déficit se creuser, les autres pays perdraient confiance dans le dollar et convertiraient leurs réserves en or (ce que l’étalon or autorisait). Le déficit des Etats-Unis s’est maintenu, en partie à cause de la guerre du Vietnam, et la confiance dans le dollar a diminué. En 1971, voyant que le dollar était de plus en plus souvent converti en or, les Etats-Unis ont abandonné l’étalon or.
20. Cela a nui à la clarté de l’objectif du FMI, les autres Etats se trouvant plus ou moins obligés de laisser flotter leurs monnaies. De plus, la croissance des échanges réduisait le rôle du Fonds en tant que source de crédit à court terme: au milieu des années 70, la Grande-Bretagne a été le dernier pays développé à l’utiliser. Le FMI a alors recentré son activité sur les problèmes d’endettement du monde en développement, sans toutefois assouplir les obligations fixées en matière de réformes dans les pays.
21. A la fin des années 70, l’emprunt avait progressé si rapidement dans le monde entier que les turbulences économiques ont déclenché une série de crises d’endettement. Cet endettement concernait pour une large part le secteur privé, mais la Banque mondiale s’est vue critiquer de toutes parts pour avoir poussé à cet état de choses. D’après ces critiques, non seulement la Banque avait consenti un volume de crédits trop important, mais une bonne partie de son assistance avait été «liée» à des services fournis par l’Occident, services qui pouvaient ne pas être appropriés et étaient souvent considérés comme préjudiciables pour l’économie des pays débiteurs. Les questions sociales et environnementales étant de plus en plus largement débattues, une société civile de plus en plus prompte à s’exprimer a soutenu que la Banque n’avait pas respecté ses propres règles dans plusieurs projets importants.
22. Un pays après l’autre, le FMI s’est alors engagé dans la gestion de la crise-dette. Comme la Banque, le FMI s’est taillé la réputation de chantre de la liberté des marchés – en réclamant la maîtrise de l’inflation, en insistant sur une rapide libéralisation, en prônant la réforme des marchés agricoles et de l’emploi, tout en exigeant une baisse des dépenses publiques. Cette démarche, que l’on a appelé le «Consensus de Washington», a été couronnée par la fameuse expression «ajustement structurel», perçue par beaucoup comme un euphémisme pour un contrôle imposé de l’extérieur. Le monde développé a été accusé d’exiger l’application à l’extérieur de politiques qu’il n’appliquerait pas chez lui.
23. Les pays en développement, en particulier en Afrique, ne pouvaient pas toujours atteindre de tels objectifs ni rembourser les crédits à court terme qu’on leur proposait; il fallait donc négocier des conditions plus favorables. En somme, on avait l’impression que la recette de Bretton Woods n’était plus applicable, que les rôles des deux institutions étaient brouillés et que leur crédibilité était compromise.
24. Dans les années 90, la Banque a publié le rapport Wapenhans et engagé une série de réformes, y compris la création d’un groupe chargé d’enquêter sur les réclamations déposées contre elle. Les critiques n’ont pas cessé, mais on a assisté à un important recentrage des politiques sur les besoins réels des bénéficiaires. La «stratégie en faveur des pays pauvres très endettés», lancée par la Banque et le FMI, a engagé un processus d’allégement de la dette gérée, tandis que les «documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté» visaient à aider les pays à concevoir leurs propres solutions. En 1999, les deux institutions ont commencé à faire dépendre l’ensemble des prêts concessionnels et de l’allégement de la dette de la formulation de stratégies par les pays eux-mêmes. De plus en plus, la Banque s’est faite le champion des programmes sociaux, tels que les campagnes d’alphabétisation et de vaccination, et a lancé l’«Education pour tous».
25. Cette démarche a abouti au démarrage du projet du Millénaire, à l’occasion duquel la Banque et le FMI ont fait cause commune avec l’ONU pour diriger l’exécution du programme de lutte contre la pauvreté le plus ambitieux de tous les temps, qui fixait 15 objectifs spécifiques – les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) – qu’il s’agissait d’avoir atteint en 2015. Pour y parvenir, les deux institutions ont mis à disposition leurs ressources, leurs compétences et leur expertise en matière de suivi et de communication d’informations. À cette époque, le Président de la Banque avait résumé en quelques mots ce qui semblait être une transformation particulièrement réussie: “Depuis le recentrage des activités de la Banque après qu’elle a atteint les objectifs initiaux de Bretton Woods, elle se concentre sur le développement, la pauvreté et le développement.’ 
			(6) 
			J. Wolfensohn, à l’Assemblée
annuelle du Comité de Bretton Woods à Washington, en juin 1999,
cité dans The international Monetary Fund and the World Bank: the challenges ahead (Rapporteur:
M. Alfred Gusenbauer), Doc.
9478 de l’Assemblée, 3 juin 2002, §23.

2.2. Légitimes et utiles? Les institutions de Bretton Woods aujourd’hui

26. Nous en sommes aujourd’hui plus qu’à mi-chemin, et force est de constater que les progrès dans la réalisation du projet du Millénaire sont inégaux. La plupart des objectifs fixés ne seront probablement pas atteints et tous les pays n’ont pas honoré les engagements pris à Monterrey en matière d’aide 
			(7) 
			Le Consensus de Monterrey
a été adopté à l’issue de la Conférence internationale sur le financement
du développement organisée sous l’égide de l’ONU en 2002. Il a proposé
six domaines d’intervention prioritaires: mobilisation des ressources
financières intérieures pour le développement; mobilisation des
ressources internationales pour le développement (investissements
étrangers directs et autres flux privés); promotion du commerce
international en temps que moteur du développement; renforcement
de la coopération financière et technique internationale pour le développement;
plus grande attention accordée à la dette extérieure et à l’allégement
de la dette; et renforcement de la cohérence des systèmes monétaires,
financiers et commerciaux internationaux au service du développement., mais on doit à l’équité de dire que des progrès ont été réalisés et que le projet lui-même a contribué à concentrer les activités et les ressources. De plus, une phase d’expansion du commerce mondial et un programme concerté d’allégement de la dette qui ont précédé la crise actuelle sont allés dans le sens de la réduction de la pauvreté structurelle dans bien des régions, même si l’augmentation en 2008 des prix de l’énergie et des denrées alimentaires a eu l’effet inverse sur certains pays et si la récession actuelle sera particulièrement dure pour le monde en développement. De fait, son impact probable sur la croissance, les échanges et l’aide sera tel que le calendrier de mise en œuvre des OMD souffrira vraisemblablement de graves retards. Cela mettra les institutions deBretton Woods encore plus sous pression pour accroître leur soutien au projet du Millénaire, faute de quoi elles seront encore plus en butte aux critiques.

Un ensemble de mesures d’austérité pour le FMI

27. Avec la crise actuelle, le FMI a redécouvert son rôle de pompier financier. Mais, avant cela, bon nombre d’économies émergentes avaient bénéficié d’une forte croissance de leurs échanges et de prix des matières premières élevés et, grâce à cela, pouvaient disposer de confortables réserves en devises. Les principaux clients du FMI (tels que le Brésil et l’Argentine) ont remboursé par anticipation leurs dettes à l’Organisation. Dans un monde de marchés des capitaux globalisés afin de couvrir les besoins financiers d’un nombre croissant de pays, la capacité de prêt du FMI a été moins sollicitée. Étant donné que son budget de fonctionnement est traditionnellement financé par les intérêts de ses prêts, le FMI a donc été confronté à sa propre crise budgétaire. Fin août 2008, le FMI avait une capacité de prêt de 250 milliards €, mais qui ne pouvait pas être entièrement mobilisée. Ses ressources étaient mises à rude épreuve du fait des demandes actuelles et à venir dues à la crise financière et économique. L’une des principales préoccupations à laquelle le FMI devait faire face était de renforcer sa capacité de financement et d’apporter rapidement les fonds demandés pour la gestion de crise et la prévention. À cette fin, une nouvelle facilité de liquidités à court terme a été établie en octobre 2008 pour aider les pays dont les fondamentaux économiques sont forts et les politiques nationales saines à faire face à des pénuries de liquidités à court terme. Cette ligne de crédit a été remplacée, en mars 2009, par la ligne de crédit flexible, avec le même objectif. Le Mexique et la Pologne sont les premiers pays à bénéficier de ce type de prêt préventif. De fait, l’ensemble du cadre de prêt du FMI a été toiletté. En outre, à leur réunion du 2 avril 2009 à Londres, les responsables du G20 ont décidé de faire passer les ressources du FMI de 500 à 750 milliards $, et de l’autoriser à émettre pour 250 milliards de dollars de nouveaux droits de tirage spéciaux (DTS 
			(8) 
			Le DTS, l’unité de
compte du FMI, se compose d’un panier de monnaies fixe (révisé tous
les 5 ans pour prendre en compte les variations dans l’importance
des diverses monnaies au sein du système mondial d’échange) composé
de dollars US, d’euros, de la livre sterling et du yen, exprimé
en dollars US au taux de change actuel. Récemment, la Chine a proposé
qu’il soit adapté pour devenir une monnaie de réserve au lieu du
dollar américain.) pour accroître la liquidité. A cette date (7 mai 2009), des engagements ont été pris par le Japon, l’Union européenne et les Etats-Unis qui ont promis chacun d’apporter 100 milliards $. Le Canada et la Suisse ont promis 10 milliards $ chacun et la Norvège 4,5 milliards $, soit au total 324,5 milliards $, et il reste donc à trouver 175,5 milliards $ à lever pour atteindre les 500 milliards $ supplémentaires requis. Les pays du G20 qui n’ont pas encore pris d’engagements devraient être encouragés à le faire.
28. Dans le passé, la direction du Fonds était apparue peu disposée à faire évoluer les choses. Pour ce qui est du processus de sélection du Directeur général, certains se sont demandé si l’Europe devrait conserver sa mainmise officieuse sur le poste. La course pour le poste de Directeur général, en 2007, a révélé l’existence d’un nombre élevé d’excellents candidats venus de tous horizons, ainsi que l’écart entre la diversité des talents potentiellement disponibles et le fait que cette course se soit jouée dans un mouchoir de poche, faisant ainsi ressortir tout l’anachronisme de la façon dont est désigné le plus haut responsable du Fonds. En définitive, c’est un excellent candidat – européen – qui a été retenu. Il est désormais temps que les pays européens ouvrent le processus de sélection à une gamme plus large de candidats compétents.
29. Le Directeur général actuel, Dominique Strauss-Kahn (entré en fonctions le 1er novembre 2007), semble le comprendre et avoir été d’emblée conscient du tort que la nature de la course pouvait injustement faire à son image. Il a donc fait montre d’un degré d’enthousiasme que l’on n’avait pas vu au FMI depuis un certain temps, se déplaçant pour rencontrer les gouvernements actionnaires, s’engageant à aller jusqu’au bout de son mandat et faisant campagne comme s’il se battait réellement pour ce poste. Depuis qu’il a pris ses fonctions, son énergie n’a pas faibli et il a beaucoup utilisé les médias. Parallèlement, ayant dit au Conseil du FMI que c’est «l’existence même» du Fonds qui était en jeu, il a entrepris d’en réformer les structures de gestion et d’en redéfinir le rôle dans le monde, soulignant que le Fonds doit être à la fois légitime et utile.

Pertinence

30. Le processus de réforme du FMI pourrait renforcer son avantage comparatif en resserrant les liens entre l’évolution des secteurs réel et financier et entre les économies nationales et l’économie mondiale. La priorité absolue du Fonds reste d’aider ses membres à faire face à leurs facteurs de vulnérabilité économique et financière. En réaction à des pénuries de liquidités dans plusieurs pays affectés par la crise financière, le FMI a monté des prêts en faveur de l’Arménie, du Bélarus, de la Géorgie, de l’Islande, de la Hongrie, de la Lettonie, du Mexique, du Pakistan, de la Pologne, de la Roumanie, de la Serbie et de l’Ukraine, venant ainsi compléter les interventions d’urgence des banques centrales (coordonnées par la Banque des règlements internationaux). En outre, les conseils du FMI demeurent essentiels s’agissant d’aider les pays à améliorer les systèmes de réglementation et de contrôle qui n’ont pas su prévenir l’escalade du risque financier. Les pays en développement peuvent tirer des enseignements des erreurs des grands pays en matière de gestion du risque et de réglementation en mettant en place des systèmes qui les prémunissent contre les risques liés aux instruments non transparents et les excès en matière de prêts.
31. Dans son Rapport mondial sur la stabilité financière (Global Financial Stability Report) publiédeux fois par an (au printemps et à l’automne), le FMI présente de façon approfondie et originale l’état des marchés financiers et ses travaux en vue de stabiliser les systèmes financiers. Afin de fournir une assistance pratique et d’identifier les vulnérabilités des divers pays comme sur le plan international, il a intensifié les travaux d’élaboration de nouveaux outils d’analyse, tels que le RiskMeasures Project, les modèles de stabilité financière et une série de simulations de scénarios de crise («stress tests»), tandis qu’on a accéléré la préparation et la réalisation d’évaluations et de mises à jour par pays dans le cadre du programme conjoint FMI/Banque mondiale d’évaluation du secteur financier. Des appels ont été lancés pour faire assumer au FMI un rôle majeur dans la mise en place d’un mécanisme d’alerte précoce au niveau mondial, mais le Fonds a déploré que ses membres aient fait peu de cas des avertissements qu’il avait lancés avant l’explosion de la crise des crédits hypothécaires à risque (subprimes). Nous savons également que presque tout le monde était resté sourd à une mise en garde analogue de l’OCDE. Il convient donc de se réjouir de la décision des responsables du G20 à leur Sommet de Londres du 2 avril 2009 pour que le FMI, en collaboration avec le Financial Stability Board (qui a succédé au Forum pour la stabilité financière – voir Partie VII ci-dessous) donnent rapidement l’alerte en cas de risques macro-économiques et financiers et indiquent ce qu’il convient de faire pour y remédier.
32. Tenant beaucoup à demeurer actif dans les pays les plus pauvres, le Fonds développe actuellement son rôle dans le domaine de la «surveillance multilatérale», en étudiant la manière dont les turbulences financières peuvent contaminer les pays les uns après les autres et en faisant fonction de super-arbitre économique. Cela implique également d’intervenir dans les différends monétaires qui opposent ses membres les plus importants. Avec le soutien enthousiaste des Etats-Unis, il s’est récemment vu accorder des moyens accrus pour passer au crible et signaler les politiques de taux de change dont il a le sentiment qu’elles sont préjudiciables aux autres pays. De l’avis du Fonds, un pays comme la Chine a à présent un poids économique suffisant pour ne pas se contenter de fixer un taux de change qui soit adapté à ses propres fins politiques. Ce débat est bienvenu autant qu’approprié. Il convient de noter que les responsables du G20, à leur Sommet de Londres du 2 avril 2009, ont décidé «Nous mènerons toutes nos politiques économiques de manière coopérative et responsable en prenant en considération leur impact sur d’autres pays, nous nous abstiendrons de toute dévaluation concurrentielle de nos monnaies et nous favoriserons la stabilité et le bon fonctionnement du système monétaire international. Nous apportons également notre soutien, dès à présent et à l’avenir, à une surveillance objective, équilibrée et indépendante par le FMI de nos économies et de nos secteurs financiers, des effets de nos politiques sur les autres pays, et des risques auxquels est confrontée l’économie mondiale.”

Légitimité

33. Le rôle de super-arbitre est difficile à jouer. Voilà bien longtemps que les pays développés font peu de cas de ceux des conseils du Fonds qu’ils jugent inopportuns et il n’y a guère de raisons de penser que les pays en développement en pleine expansion se comporteront différemment. Cette priorité nouvellement accordée à une analyse monétaire objective a exaspéré la Chine: elle y a vu une mesure prise à son encontre à l’initiative des Etats-Unis. Accommoder les souhaits des deux parties dans ce différend s’est révélé difficile. Le FMI aurait besoin d’un rôle plus fort de conseiller, voire de pouvoirs quasi-judiciaires, sous une forme ou une autre, peut-être inspirés de ceux de l’OMC, s’il entend jouer un rôle déterminant en matière de litiges monétaires.
34. A la suite d’une attribution temporaire de voix supplémentaires au FMI à la Chine, au Mexique, à la Turquie et à la Corée du Sud (en 2006), une redistribution plus vaste du pouvoir a été décidée en avril 2008 dans le cadre de la réforme du mécanisme de répartition des quotes-parts et des voix. La réforme visait à faire en sorte que les quotes-parts reflètent plus rapidement le poids évolutif des membres dans l’économie mondiale et à augmenter la voix des pays à faible revenu dans le processus de décision du FMI. Parallèlement à une formule 
			(9) 
			Remplaçant
cinq formules utilisées jusqu’alors. unique, plus transparente, de répartition des quotes-parts, la réforme augmente les quotes-parts nominales de 54 pays (de 12 à 106%) et le nombre de voix de 135 pays, et triple les voix des plus petits membres du FMI (dont un grand nombre sont des pays à faible revenu). Les plus grands pays émergents – Chine 
			(10) 
			Même après cette initiative,
la Chine se retrouve avec moins de voix que les pays du Benelux,
dont l’influence avait jadis tellement inquiété la France. , Corée du Sud, Inde, Brésil et Mexique – seront les principaux bénéficiaires de cette réforme en part de voix. Un Directeur exécutif adjoint a été ajouté aux deux Directeurs exécutifs représentant l’Afrique au sein du Conseil de direction. Il conviendra désormais de procéder à un rééquilibrage des quotes-parts et des voix tous les cinq ans. Les dirigeants du G20 ont donné leur aval à ces réformes à leur Sommet de Londres du 2 avril 2009. Vu le niveau de mécontentement des membres dont la croissance économique est la plus forte, le changement s’impose d’urgence. En septembre 2008, le Directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn a annoncé la nomination d’un Comité de personnes éminentes sous la présidence de M. Trevor Manuel, ministre sud-africain des Finances, pour évaluer si le cadre managérial et décisionnaire du Fonds est approprié. Ce Comité a rendu ses conclusions le 24 mars 2009. Comme l’a indiqué Dominique Strauss-Kahn, le Comité propose un train de mesures pour renforcer la légitimité et l’efficacité du Fonds, notamment la formation d’un conseil ministériel de haut niveau pour promouvoir l’engagement politique en faveur de décisions stratégiques et critiques, l’accélération de la réforme des quotas et des voix entamée l’an dernier, un mandat plus étendu pour la surveillance, des lignes de responsabilité et de responsabilisation plus claires entre les divers organes du Fonds et l’introduction d’un processus de sélection du Directeur général qui soit ouvert, transparent et indépendant de toutes considérations liées à la nationalité 
			(11) 
			IMF
Managing Director Dominique Strauss-Kahn Welcomes Experts’ Report
on Fund Decision Making, communiqué de presse du FMI
n° 09/88, 25 mars 2009. .
35. Une supervision parlementaire contribue également à donner une légitimité institutionnelle. Le Réseau parlementaire Banque mondiale (PnoWB) permet aux parlementaires de mieux comprendre comment fonctionne cette institution et de faire des propositions pour ses travaux. Le FMI n’ayant pas d’organe équivalent pour dialoguer avec les parlementaires, il conviendrait de l’encourager à rechercher davantage d’interaction avec les parlements nationaux sous la forme qui lui semblera en accord avec son mandat. Cette interaction devrait inclure une supervision régulière des activités des institutions de Bretton Woods par l’Assemblée, conformément au mandat de sa commission des questions économiques et du développement.
36. Lors d’une réunion annuelle du FMI tenue en 2007, le Groupe des 24 pays en développement a soutenu que les efforts réglementaires devraient de nouveau porter en priorité sur les membres les plus riches, faisant valoir que c’étaient leurs défaillances qui étaient à l’origine de l’instabilité mondiale actuelle. Cette position a été relayée par le Gouverneur adjoint de la Banque de Chine en octobre 2008 
			(12) 
			A l’occasion
de la 18e réunion du Comité monétaire
et financier international, le 11 octobre 2008, M. Yi-Gang a déclaré
que dans le cadre du système monétaire international actuel, l’absence
de surveillance effective des pays émetteurs de monnaie de réserve
et leur peu de discipline en matière de politique financière ont
abouti à un excès de liquidités au niveau mondial et à des flux
de capitaux erratiques, les autres pays ayant du coup beaucoup plus
de mal à préserver la stabilité macroéconomique et à stimuler la
croissance, alors que la stabilité financière et économique mondiale
court de réels dangers. La crise financière actuelle, a-t-il ajouté,
a montré que ces comportements pénalisent aussi les pays émetteurs
de monnaie de réserve. Le Fonds doit tirer les leçons de la crise
et prendre des mesures correctives pour renforcer sa surveillance
des pays développés.. Bon nombre ont également reçu avec hostilité l’appel des Etats-Unis pour que le Fonds s’occupe de la croissance des fonds souverains. Avec l’OCDE, le FMI a néanmoins élaboré un code de conduite volontaire pour encourager les bonnes pratiques et la transparence.
37. S’il veut faire approuver la réforme, le Fonds doit mettre lui-même de l’ordre dans ses affaires. A l’heure actuelle, il a entrepris un train de mesures d’austérité digne de l’une de ses propres règles, en ajournant les travaux de rénovation de son siège, en diminuant les dépenses et en comprimant ses effectifs d’environ 15% (ce qui représente à peu près 400 personnes). Il a aussi étudié la possibilité de facturer son assistance technique, en particulier dans le cas des pays riches; il pourrait vendre une partie de ses importantes réserves d’or, comme l’a suggéré un groupe d’experts en 2007, afin de créer une fondation destinée à assurer le financement à long terme des dépenses.
38. La réforme de la structure managériale et décisionnaire, des capacités de prêt, de la politique de surveillance et d’autres réformes en cours transformeront le FMI, mais elles ont également besoin de l’appui des membres, en particulier de ceux dont l’influence relative décline. Tout en conservant leur appui, le nouveau Directeur général doit faire le nécessaire pour conférer au Fonds autorité et légitimité parmi les pays en développement, et pour permettre aux pays dont la croissance économique est la plus forte d’exercer une influence en rapport avec leur poids économique. C’est un compromis difficile à atteindre, mais il est largement admis qu’un bon départ a été pris. Les décisions des dirigeants du G20 au Sommet de Londres du 2 avril 2009 ont eu certainement pour résultat de consolider le rôle mondial du FMI. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent approuver les efforts que le Fonds déploie pour réaliser des réformes aussi utiles et s’engager à appuyer ce processus de changement radical et sans précédent.

Les défis que la Banque mondiale doit relever: des problèmes autres que ceux des instances dirigeantes?

39. La nomination de Paul Wolfowitz à la fonction de Président de la Banque mondiale en 2005, après son passage dans les hautes sphères du gouvernement américain en tant que Sous-Secrétaire à la Défense, a mis en lumière le rôle dominant joué par les Etats-Unis dans la Banque. L’absence de responsabilité et de transparence internes sous sa présidence est souvent invoquée par les détracteurs de la Banque. Une fronde prolongée du personnel et des actionnaires a amené M. Wolfowitz à donner sa démission en mai 2007 et, bien que le fait que les Etats-Unis aient nommé Robert Zoellick à sa succession ait anéanti l’espoir d’une réforme rapide de la procédure de sélection, il semble à présent possible d’envisager un changement important au niveau de la gestion de l’institution. Dans une déclaration présentée au Conseil pour examen, le Groupe d’évaluation indépendante de la Banque (GEI) a défini ce qu’il considère être les principaux champs de la réforme institutionnelle à engager, l’accent étant mis sur l’amélioration des mécanismes de contrôle de la gestion, de la transparence, de la gouvernance et des dispositifs de contre-pouvoirs internes. L’un des éléments cruciaux est la sélection du Président de la Banque selon des critères transparents et objectifs 
			(13) 
			http://www.worldbank.org/ieg/issues_for_review.pdf. Le rapporteur soutient les principes énoncés dans la déclaration, et se réjouit de l’accord de principe sur un processus de sélection de la présidence au mérite auquel la Banque est parvenue lors de l’Assemblée annuelle d’octobre 2008, avec une nomination ouverte aux 185 Etats membres sans exception.
40. Ce type de réforme a déjà abouti à la nomination, en juin 2008, d’un chercheur chinois, Justin Yifu Lin, au poste de Vice-Président senior et Economiste en chef, une fonction de premier plan dans l’institution. En février 2009, à la suite de l’Assemblée annuelle d’octobre 2008 de la Banque, le Conseil des gouverneurs de la Banque mondiale a également approuvé une première phase de réforme pour accroître l’influence des pays en développement au sein du Groupe Banque mondiale, notamment en ajoutant un troisième siège pour l’Afrique subsaharienne afin de permettre aux pays en développement d’obtenir une majorité de sièges au Conseil exécutif, et en faisant passer les parts du capital et des droits de vote des pays en développement à 40% du total. Ces réformes sont désormais soumises à un vote par les 185 Etats membres. Il convient de noter que près des deux tiers du personnel de la Banque et 42% de l’ensemble de ses dirigeants viennent de pays en développement, et que, sur les 9 nominations à des postes élevés effectuées par le Président Zoellick, 7 sont allées à des personnes originaires de pays en développement.
41. Plusieurs groupes travaillent actuellement sur des propositions pour la réforme de la Banque mondiale. L’un d’entre eux est la commission dirigée par l’ancien Président du Mexique Ernesto Zedillo. La «Commission Zedillo» est un organe indépendant de haut niveau composé de 12 membres occupant ou ayant occupé récemment des positions internationales de premier plan, en provenance de pays développés comme en développement. Créée par le Président Zoellick, de la Banque mondiale, elle a pour mission de formuler des recommandations sur la manière dont la situation est gérée, afin que la Banque puisse mieux s’acquitter de sa mission qui est d’éradiquer la pauvreté dans le monde. L’ancien Economiste en chef de la Banque mondiale Joseph Stiglitz préside une «commission d’experts sur les réformes du système monétaire et financier international», créée par le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Miguel D’Escoto.
42. La presse s’est surtout focalisée sur les péripéties liées au départ de M. Wolfowitz, mais il est bon de rappeler que sa nomination avait été due en partie au fait que les Etats-Unis – qui étaient alors le premier bailleur de fonds de la Banque, tout en lui devant aux alentours de 300 millions de dollars représentant des contributions annoncées, mais non versées – étaient préoccupés par la façon dont elle était dirigée. Avant la crise financière et économique, et comme le FMI, la Banque était confrontée à des questions fondamentales dans un monde de plus en plus prospère et interconnecté:
  • Quelle était l’utilité de son activité de prêt institutionnel? Les niveaux de pauvreté ayant reculé, en particulier en Asie, bon nombre de gouvernements étaient désormais en mesure d’emprunter sur les marchés des capitaux; or, il s’agissait là des clients les plus lucratifs de la Banque, et ceux qui avaient tendance à obtenir les meilleurs résultats: la Banque pouvait-elle s’en passer?
  • Les autres bailleurs de fonds étant de plus en plus nombreux, quel était le rôle de la Banque dans le domaine de l’aide internationale? Devait-elle mieux compléter différentes modalités d’octroi de dons, telles que les plans présidentiels, les comptes du Millénaire et les fonds mondiaux philanthropiques? On voyait de plus en plus certains pays émergents, qui avaient soif d’influence et de ressources, offrir de l’aide alors même qu’ils empruntaient de l’argent à la Banque.
  • Face à la concurrence dans tous les domaines, quelle sorte d’équilibre établir? Pour certains, la Banque restait trop intransigeante et trop insensible aux besoins des pays et de l’environnement. Pour d’autres, sa volonté d’éviter l’affrontement réduisait son efficacité: par exemple, le consensus était-il la bonne façon de lutter contre la corruption? Les tenants des deux points de vue se demandaient si la Banque était, pour les bailleurs de fonds, le meilleur moyen d’obtenir des résultats.

Les meilleurs clients de la Banque

43. Les opérations les plus productives de la Banque ont toujours été celles qu’elle concluait avec le groupe des quelque 86 pays à revenu intermédiaire (PRI), comme le Brésil et les Philippines. Ces pays, qui représentent un peu moins de la moitié de la population mondiale et qui hébergent un tiers des êtres humains vivant avec moins de 2 $ par jour, avec un PIB par tête allant de 1000 à 6000 $ par an, se sont montrés plus efficaces en termes de réduction de la pauvreté et ont bien mieux remboursé leurs échéances. Il n’est donc pas surprenant que ce groupe de pays ait représenté près des deux tiers des prêts consentis par la Banque et la moitié de son budget administratif.
44. Avant la crise que nous connaissons actuellement, ces pays utilisaient leurs excédents pour solder d’anciennes dettes. En fait, au cours de la période 1995-2006, ils ont remboursé en moyenne annuelle 3,8 milliards de dollars de plus qu’ils n’ont emprunté et, en 2005, la contribution de la Banque mondiale au financement de l’investissement national des PRI avait été réduite de plus de la moitié par rapport au niveau atteint 10 ans auparavant et n’en représentait plus que 0,6%.
45. Le Groupe d’évaluation indépendante de la Banque (GEI) 
			(14) 
			Banque mondiale, GEI,
Résultats du développement dans les pays à revenus moyens.Une évaluation de l’aide de la Banque
mondiale, 2007. a indiqué en 2007 que la tendance à une réduction des activités était, à bien des égards, un signe de réussite. D’une façon générale, les pays à revenu intermédiaire ont connu une croissance plus rapide que tous les autres pays du monde: et de fait, cinq pays sont sortis de ce groupe depuis le milieu des années 1990, tandis que plusieurs autres – la Chine, en particulier – y sont entrés. Fait décisif pour la Banque, beaucoup d’entre eux ont amélioré leur bilan au point qu’ils pouvaient emprunter sans difficulté sur les marchés financiers. De ce fait, dans la période 2001-2006, 31% des prêts de la Banque aux PRI sont allés à des pays dont la cote de crédit rassure les investisseurs, tandis que 62% allaient à des pays qui ne sont pas considérés comme des pays où l’on peut investir sans risque et 7% seulement à des pays pour lesquels les agences de notation n’établissaient aucune cote de crédit et qui n’avaient, de ce fait, guère accès aux capitaux privés.
46. La question essentielle de savoir si, alors que les besoins sont de moins en moins forts dans les PRI, la Banque pourrait être encore utile à ces pays a bien entendu trouvé sa réponse dans la crise financière et économique. En réaction, la BIRD devrait quasiment tripler ses prêts, qui passeraient de 13,5 milliards de dollars en 2008 à 33 à 35 milliards de dollars par an, selon les estimations, sur les années 2009 à 2011.
47. Au fil des ans, la Banque a soutenu que la meilleure chose qu’elle prête est son expertise. Récemment, elle s’est aperçue que bon nombre de pays se passeraient bien de ses conseils, à moins que le reste des conditions soient extrêmement attrayantes. Comment, donc, retoquer ses compétences? Certains observateurs ont proposé de séparer les prêts de la Banque des conseils fournis par ses services et de laisser les pays choisir les uns ou les autres ou le tout. Comme l’indique Nancy Birdsall, qui dirige le Center for Global Development,«les prêts et les dons au niveau des pays ne devraient être ni une finalité, ni une fin en soi. Ils devraient être un instrument au service de la fourniture de conseils et de la reconstitution permanente du stock de connaissances de la Banque» 
			(15) 
			Voir <a href='http://www.cgdev.org'>http://www.cgdev.org</a>. La citation ci-dessus est extraite d’un article intitulé
“Wolfowitz is not the World Banks biggest problem”, publié pour
la première fois dans Time, 3.5.2007.. Le fait de cultiver son stock de savoir-faire pourrait permettre à la Banque de mettre en place une panoplie d’outils d’investissement et de développement plus spécifiques et mieux différenciés, à l’instar d’un cabinet-conseil privé.
48. Il se peut que la Banque ne soit pas encore prête à adopter une solution aussi draconienne, en particulier du fait de ses incidences financières. Selon l’évaluation faite par le GEI en 2007 de toute une série de projets, et selon le point de vue des emprunteurs 
			(16) 
			GEI Banque mondiale, op. cit. 2007, p. 20 (édition anglaise)., la Banque devrait tirer le meilleur profit de son expertise grâce à une meilleure coopération en interne et au recours cohérent aux meilleures pratiques, qui s’accompagneraient de la production de plans collaboratifs et spécifiques afin de répondre aux besoins locaux, au lieu de se contenter de principes généraux. En outre, si la majorité des programmes atteignent leurs objectifs, fréquemment, ils ne traitent pas les réformes de politique sous-jacentes, et ils pêchent par manque d’incitations et de procédures encourageant la coopération régionale. Néanmoins, le rapport a noté que la plupart des stratégies par pays se sont focalisées sur des secteurs et des thèmes importants pour les besoins des pays en développement, en particulier sur la promotion de la croissance. En outre, le rapporteur estime que le rôle de la Banque en matière de coordination des actions des donateurs d’APD et sa participation à la préparation et à la mise en œuvre des stratégies par pays pour la réduction de la pauvreté sont extrêmement utiles. En outre, quelles que soient ses imperfections, elle a réellement une certaine influence sur la conception de la gouvernance et de la bonne pratique dans des grands projets, même lorsque l’enjeu financier est modeste. Les marchés financiers sont rassurés par sa présence, et elle peut être utile pour gagner la confiance des autorités locales et traiter avec leur bureaucratie.

2.3. Opérations locales – les principaux défis

49. Si la Banque mondiale a, en tant que banque, pour fonction d’apporter de la valeur, il lui faudra de plus en plus améliorer l’efficacité de ses prêts aux yeux du grand public. Ceux-ci reposent sur un socle: des politiques de prêt responsables. Dans une évaluation publiée en 2005, le GEI critiquait le mécanisme de la Banque en matière de sélection des projets, ainsi que sa capacité à suivre les résultats et à mesurer la performance. Il est vital de se doter de processus efficients sur le plan financier et responsables sur le plan éthique, et cela peut être rendu plus facile grâce à une coopération plus étroite au niveau local et par une gouvernance plus transparente. De plus, dans trois domaines clés – la corruption, l’inégalité et l’environnement -, la performance pourrait être améliorée.
50. Lutter contre la corruption n’est pas chose aisée, ce que le Conseil de l’Europe peut confirmer, et le problème s’aggrave lorsque la richesse s’accumule rapidement. Dans les pays les plus pauvres, les politiques et décisions de la Banque – bonnes ou mauvaises – peuvent changer le destin de l’économie. En pareil cas, la Banque ne peut manquer d’avoir un rôle et une voix politiques. Mais dans un pays à revenu intermédiaire en pleine expansion, sa meilleure chance d’exercer une influence peut être de faire œuvre de sensibilisation et de donner l’exemple, et de faciliter une osmose permanente entre ses principes et le débat politique du pays concerné. Si la pression est trop forte, l’emprunteur peut lever des fonds ailleurs.
51. Beaucoup pensent que la Banque devrait être plus stricte. Lorsque Paul Wolfowitz a commencé à suspendre des prêts se rapportant à des projets ou des gouvernements en raison de soupçons de corruption, il s’est attiré une volée de bois vert, en particulier émanant de la Banque elle-même. Il se peut que ces suspensions aient été décidées d’une façon abrupte et aient perturbé des années de travail, mais il existait des raisons sérieuses de prendre ces décisions. Lorsqu’une telle partie des travaux de la Banque consiste à soigner les efforts locaux qu’elle ne contrôle pas directement, il arrive qu’elle ait parfois besoin de défendre publiquement ses propres principes en disant non. Même si l’emprunteur peut très facilement s’adresser ailleurs, le refus par une institution aussi prestigieuse a un fort effet dissuasif. Qui plus est, à une époque où l’information est facile à se procurer, c’est la réputation même de la Banque qui est en jeu 
			(17) 
			Le site Web
«ifiwatch», par exemple, a créé un blog qui permet aux lecteurs
de diffuser des exemples de corruption liée à des projets qui parviennent
à leur connaissance (<a href='http://www.ifiwatchnet.org/?q=en/featured_blog/369'>http://www.ifiwatchnet.org/?q=en/featured_blog/369</a>)..
52. Pour certains observateurs, l’approche la plus pragmatique consiste à rendre les bénéficiaires plus clairement comptables des résultats obtenus et, au besoin, à être prêts à suspendre le financement. Cela étant, la dernière campagne anticorruption a eu des effets si pénalisants que le management de la Banque devra faire preuve de prudence. Les tentatives antérieures faites pour étendre les pouvoirs de l’unité d’enquête interne de la Banque avaient déclenché une telle colère qu’il avait fallu constituer une nouvelle équipe chargée d’enquêter sur les membres de cette unité! Certains changements de politique antérieurs avaient été, certes injustement, considérés comme un appui déguisé à la politique étrangère des Etats-Unis, et avaient amené le chef de l’opposition kényane à élever une protestation officielle au sujet de la partialité dont l’unité contestée aurait fait preuve.
53. Dans ce contexte, il convient de mentionner, d’une part la Commission Volcker, qui avait, en 2007, passé en revue les efforts de la Banque en matière de lutte contre la corruption, et, d’autre part, les mesures prises par la Banque mondiale à la suite de ses travaux. En janvier 2008, la Banque a annoncé qu’elle mettrait en oeuvre les recommandations du rapport Volcker en vue de renforcer son Département de l’intégrité institutionnelle (DII), chargé d’enquêter dans les cas de fraude et de corruption. Les recommandations vont de la création d’un conseil consultatif indépendant composé d’experts internationaux de la lutte contre la corruption pour protéger l’indépendance et renforcer la responsabilisation du DII à la création d’une unité chargée de donner des conseils préventifs pour aider les agents de la Banque à se prémunir contre la fraude et la corruption dans les projets de cette dernière, en passant par la proposition de donner au chef du DII le rang de Vice-Président. Le premier Vice-Président du DII a été nommé en mai 2008, et le Conseil consultatif indépendant annoncé en septembre 2008. 
			(18) 
			Voir
synthèse des mesures prises par la Banque Mondiale, dans le communiqué
de presse sur: 
			(18) 
			<a href='http://go.worldbank.org/TD8TR47PO0'>http://go.worldbank.org/TD8TR47PO0</a>
54. L’inégalité est pour la Banque un problème encore plus difficile à régler. La mondialisation a contribué aux inégalités de revenus stupéfiantes constatées entre les pays: en Suisse, le revenu moyen est à présent plus de 400 fois plus élevé qu’en Ethiopie et il n’est pas exagéré de dire qu’à un niveau macroéconomique, chaque projet soutenu par la Banque devrait viser à réduire cet écart. Autre tendance déterminante, qui devrait peut-être donner lieu à des interventions plus efficaces: on assiste à une aggravation des inégalités à l’intérieur même des pays. Cette tendance est manifeste dans le cas du groupe des pays à revenu intermédiaire, dans lequel plus de la moitié des emprunteurs ont vu les inégalités s’aggraver au cours de la période 1993-2004 
			(19) 
			GEI Banque mondiale, op. cit. graphique 3.7., p. 25 (édition
anglaise).. Mais même cela n’est pas simple: la Banque a pour profession de foi de lutter contre la pauvreté et le fait de faire face au dénuement relatif peut être interprété comme un acte d’hostilité à l’égard de l’avantage relatif. La Banque doit éviter d’adopter toute position pouvant être considérée comme idéologique, en particulier si elle semble dirigée contre les segments de la société auprès desquels elle travaille.
55. Le rapport 2007 du GEI décrit la difficulté qui se pose lorsqu’on veut s’attaquer à l’inégalité dans un État 
			(20) 
			Ibid.. En Chine, par exemple, les bénéficiaires locaux sont responsables du remboursement des prêts; des problèmes se posent en Russie, en Turquie et en Ukraine, où les gouvernements n’adoptent pas une approche régionale, alors même que l’écart se creuse en termes d’inégalités. On n’a toujours pas déterminé si la Banque pouvait concevoir des instruments efficaces pour remédier à cette situation. Toutefois, la persistance des inégalités dans des pays qui se développent rapidement justifie que l’on continue à appuyer des projets locaux, même dans le cas des pays qui, au niveau national, semblent être devenus riches. Malgré les nombreux obstacles spécifiques qui se posent dans le monde du travail du fait de l’inégalité entre les races, les religions et les sexes, les programmes sociaux donnent des résultats. L’éducation reste la priorité absolue, avec les services de santé et le déplacement des emplois du secteur agricole vers les autres secteurs.
56. Les questions environnementalessont importantes pour la Banque, qui est l’un des partisans actifs majeurs au niveau mondial de projets relatifs à la biodiversité puisqu’elle finance actuellement à hauteur d’environ 11 milliards de dollars des projets ayant des objectifs environnementaux clairs. En Inde (Etat du Karnataka), par exemple, elle a aidé des agriculteurs à construire des barrages, à recueillir l’eau de pluie et à protéger le sol contre les moussons. Ces activités ont permis d’augmenter de 24% le rendement des cultures et des deux tiers le revenu des ménages, tout en revitalisant l’écosystème local. Mais si la Banque s’emploie à faire en sorte que tous les projets qu’elle appuie soient écologiquement rationnels, les questions en jeu sont complexes et souvent techniques; elles imposent de peser mûrement les faits au niveau local. Si la réduction de la pauvreté et la protection de l’environnement pourraient être synonymes à long terme, les besoins à court terme sont souvent divergents. La protection de l’environnement peut se cantonner à indiquer aux pays pauvres ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire. Parfois, elle peut même accroître l’inégalité: au Congo, le soutien de la Banque à «la déforestation évitée» par le biais de versements locaux a été critiqué, puisqu’il a provoqué des disparités de richesse entre tribus locales. Deux projets qui ont récemment défrayé la chronique illustrent bien quelques-uns des dilemmes que cela implique:
  • Dans une très large mesure, l’accueil a été favorable pour le Fonds en faveur des technologies propres, relevant des Fonds d’investissement climatique administrés par la Banque et mis en oeuvre par les banques de développement multilatérales (Banque africaine de développement, Banque asiatique de développement, Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Banque de développement interaméricaine et Groupe Banque mondiale) et financés par l’Australie, la France, l’Allemagne, le Japon, l’Espagne, la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis. Dans le même temps, ils sont nombreux à trouver paradoxale la proposition de la Banque visant à construire une grande centrale à charbon au Botswana. Le Centre pour le développement mondial a estimé qu’une installation solaire serait plus rationnelle et plus propre, et incite vivement la Banque à imputer immédiatement et explicitement des frais carbone dans tous ses projets d’énergie (malgré le fait que les pays en développement se soient dits mal à l’aise avec cette approche). Cela semble raisonnable, mais le Botswana ne devrait-il pas avoir le droit de donner du travail à ses mineurs et d’utiliser son propre charbon?
  • La controverse au sujet des incidences sociales du barrage de Nam Theun 2 enfle au Laos, où les mesures à prendre pour atténuer l’impact sur l’environnement se font attendre. Selon le groupe de pression International Rivers, qui était hostile au barrage depuis le départ, le budget social de 16 millions de dollars n’est pas suffisant pour indemniser plus de 120 000 villageois en aval pour les pêcheries perdues, «à plus forte raison pour fournir d’autres moyens de subsistance et assurer une protection contre les inondations et l’érosion». Toutefois, le Laos est l’un des pays d’Asie les plus pauvres et le barrage est indispensable pour que le pays puisse devenir une «source d’énergie» pour la région. La Banque, qui est un important bailleur de fonds, a admis l’existence de problèmes sociaux et environnementaux, mais estime que le projet a sensiblement amélioré la vie des personnes touchées en ce qui concerne le logement, les écoles, les soins médicaux et le réseau routier.
57. Ces exemples peuvent amener à s’interroger sur la place des droits de l’hommedans la politique de prêt. Il importe de signaler qu’aucune des institutions de Bretton Woods n’est un organisme à mission fondée sur les droits; en fait, les Statuts de la Banque précisent que, dans toutes les décisions prises par celle-ci, «les considérations économiques sont les seules pertinentes». Pour certains, il s’agit là d’une restriction inacceptable. La Banque insiste sur le fait que son approche économique et sociale à l’égard du développement promeut une vision globale et interconnectée des droits de l’homme trop souvent ignorée 
			(21) 
			<a href='http://www.worldbank.org/html/extdr/rights/hrintro.htm'>http://www.worldbank.org/html/extdr/rights/hrintro.htm</a>. Étant donné que ses décisions de prêt se basent sur la qualité du projet, et sur la capacité de celui-ci à réduire la pauvreté, la Banque estime qu’elle a été capable d’échapper aux égarements de considérations politiques ou idéologiques à court terme qui peuvent être très coûteux et n’ont fréquemment que peu à voir avec la lutte contre la pauvreté. En d’autres termes, elle s’est donné les moyens d’être objective. Elle affirme ne pas considérer les droits civils et politiques comme une chose sans importance et elle fait observer qu’elle peut «apporter sa plus grande contribution au développement – et (qu’)elle peut tout simplement aider un plus grand nombre de personnes – en continuant de se focaliser sur l’importante activité de développement économique et social» 
			(22) 
			Ibid..
58. Les normes en matière de travailsont un bon exemple du type de questions liées aux droits de l’homme que la Banque s’emploie à traiter. Ses politiques du travail entendent reprendre les principaux éléments de développement social figurant dans la Déclaration de Copenhague de 1999 sur le Développement social et qui font à présent partie intégrante de ses stratégies de dépaupérisation. Tout en estimant que le secteur privé doit généralement être le moteur de la création d’emplois, la Banque considère qu’il importe de protéger les droits fondamentaux en matière d’emploi. Ses directives concernant les pays à faible revenu exigent donc la prise en considération des normes fondamentales en matière de travail lors de la formulation de toute stratégie d’assistance de la Banque et dans le cadre de l’évaluation ultérieure des résultats.
59. Pour insister sur cet aspect, la Banque appuie toute une série d’initiatives liées au travail, telles que le programme CASM (communautés et exploitation minière à petite échelle), lancé en 2001, qui est un programme à donateurs multiples visant à améliorer la situation des personnes travaillant dans des petites exploitations minières. Elle a également incorporé les normes en matière de travail dans ses pratiques de prêt à des conditions favorables: la politique que la SFI applique à ses opérations tient compte des quatre normes de travail de l’OIT (interdiction du travail forcé, réglementation du travail des enfants, non-discrimination et liberté d’association et de négociation collective) et exige que tout accord de financement tienne compte d’une approche globale de l’emploi et des conditions de travail. La Banque participe à des programmes de développement social spécifiques, comme la formation des cadres des fabriques de vêtements dispensée en partenariat avec «Better Factories Cambodia», le programme local de l’OIT.
60. Enfin, il est intéressant d’analyser la portée réelle de l’encouragement de la Banque et du FMI à la réforme dans les pays emprunteurs. Si la notion d’ajustements structurels apparaît encore dans certains pans du débat, aujourd’hui, les Institutions de Bretton Woods insistent sur la prise en main nationale des réformes, notamment l’alignement sur les stratégies existantes de développement du pays. Néanmoins, un rapport du Bureau d’évaluation indépendant du FMI, publié en janvier 2008, a critiqué l’abus persistant de la «conditionnalité structurelle». Après avoir passé en revue les opérations de prêt du Fonds entre 1995 et 2004, il a relevé une moyenne de 17 conditions structurelles par accord. Si le rapport n’analyse pas la nature des conditions dans le détail, il note cependant que leur efficacité est relativement faible, avec un taux de conformité tournant autour de 54%, taux qui descend à moins de 33% pour ce que le rapport appelle des réformes de «grande profondeur structurelle» 
			(23) 
			<a href='http://www.ieo-imf.org/eval/complete/eval_01032008.html'>http://www.ieo-imf.org/eval/complete/eval_01032008.html</a>. Ceci illustre bien l’importance de la prise en main nationale de la réforme des investissements, des prêts et des conditions à l’appui de ces réformes.
61. Il est certes légitime pour un organisme public de subordonner l’octroi d’un prêt à des conditions, mais celles-ci doivent être raisonnables, appropriées et réalistes. L’un des mécanismes clés de la Banque mondiale pour y parvenir est son outil de «Principes de bonne pratique» (’Good Practice Principles’ (GPP)) pour l’application de la conditionnalité (prise en main, harmonisation, personnalisation, esprit critique, et enfin transparence et prévisibilité); cet outil est largement adopté par les fournisseurs d’aide et semble avoir donné des résultats, la Banque ayant largement réduit le nombre des conditions de décaissements depuis la fin des années 1990. Pour les exercices 2007 et 2008, les conditions liées aux décaissements ont reculé d’environ 9 à 10 conditions par opération (alors qu’elles étaient au nombre de 31 à 35 par opération en 1995). Un rapport de Eurodad 
			(24) 
			“Untying the knots: how the World Bank is failing
to deliver real change on conditionality” (Eurodad, novembre
2007). affirme qu’en réalité, la situation est tout autre, étant donné la pratique de fusionner plusieurs «conditionnalités», mais la Banque mondiale répond que l’utilisation relativement rare de cette technique ne modifierait pas de manière substantielle le nombre de conditions. Selon une analyse de la Banque, les réformes sensibles (définies par cette dernière 
			(25) 
			Voir <a href='http://www.worldbank.org/conditionality'>www.worldbank.org/conditionality</a> pour des définitions, conclusions et processus de consultation,
en particulier Banque mondiale (2007), Conditionality
in Development Policy Lending. comme étant la privatisation, la libéralisation des prix, les réformes des subventions, les ajustements des prix des matières premières, la réforme du commerce et les marges des utilisateurs) ont été utilisées dans moins d’un tiers des opérations durant les exercices 2007 et 2008.
62. Un non-spécialiste a du mal à apprécier le bien-fondé d’un tel argument, mais il est clair qu’il est difficile pour une institution publique de trouver le juste équilibre entre les intérêts de ses investisseurs et les besoins de ses emprunteurs tout en conservant la confiance de la société civile. En revanche, les créanciers privés ne se soucient pas de la manière dont leur argent est utilisé, dès lors qu’il leur est remboursé. Cela peut impliquer que les pays les plus pauvres, qui ne peuvent pas se procurer des capitaux ailleurs, sont davantage assujettis à des conditions. Il convient de ne pas perdre de vue que si les institutions de Bretton Woods n’intervenaient pas, on accorderait beaucoup moins d’attention à des questions telles que l’environnement et les inégalités. Cela en soi justifie la poursuite de leurs activités de prêt et des efforts qu’elles déploient pour le faire d’une manière plus consensuelle.
63. Alors que, cette année, la situation économique mondiale ne cesse de s’aggraver, des raisons encore plus immédiates militent toutefois pour que les Institutions de Bretton Woods poursuivent, voire accroissent, leurs prêts et dons. Les économies en développement de la planète sont particulièrement vulnérables aux chocs économiques. Les marchés des capitaux se sont asséchés, les échanges se sont contractés et les prix des matières premières ont chuté; de ce fait, bon nombre des pays classés aujourd’hui dans la catégorie à revenu intermédiaire, et sans aucun doute ceux à faible revenu, s’aperçoivent qu’ils ont de plus en plus besoin de l’aide de la Banque. C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale a appelé les pays donateurs à engager 0,7% de leurs enveloppes consacrées à la relance économique à un Fonds Vulnérabilité pour aider les pays qui n’ont pas de ressources à ce type d’initiative budgétaire. Les donateurs pourraient canaliser ces ressources par le biais des Nations Unies, de la Banque mondiale ou d’autres banques de développement, en utilisant par là-même les mécanismes existants et qui fonctionnent bien pour que les fonds soient acheminés rapidement, de manière transparente et sûre. La Banque mondiale a identifié trois grandes priorités pour les investissements du Fonds Vulnérabilité: les filets de sécurité 
			(26) 
			Une aide est également
accordée pour la création d’un «Fonds social de réaction rapide'
pour aider les pays en développement à assurer une protection sociale
aux plus pauvres et aux plus vulnérables (voir discours de M. Douglas Alexander,
Secrétaire d’Etat britannique au Développement international, 24
février 2009)., l’infrastructure et le financement des PME et institutions de microfinance. En outre, la BIRD a annoncé de nouveaux engagements à hauteur de 100 milliards de dollars au cours des trois prochaines années, et une augmentation, en 2009, des prêts qui passeraient à 35 milliards de dollars contre 13,5 milliards de dollars en 2008. En décembre 2008, la Banque a approuvé un prêt de 500 millions de dollars pour la réforme structurelle en Ukraine, et a accepté d’aider l’Inde avec 3 milliards de dollars d’investissements supplémentaires. Ironiquement, comme pour le FMI, c’est l’adversité qui a été à l’origine d’un regain de confiance dans le rôle de la Banque. Ceci vaut non seulement pour les prêts mais aussi pour l’aide conditionnelle décaissée par l’agence spécifique de la Banque dans ce domaine, l’IDA.
64. Entre autres choses, les efforts de M. Zoellick pour redonner confiance au personnel et aux actionnaires depuis sa nomination à la présidence de la Banque ont abouti à une augmentation majeure des contributions pour l’IDA durant le cycle de collecte de fonds finalisé en décembre 2007 pour la période allant jusqu’au 30 juin 2011 (IDA 15). Compte tenu de l’existence d’un aussi grand nombre d’autres voies possibles pour effectuer des dons et de l’écart entre les contributions annoncées et celles effectivement versées, en particulier dans le cas des Etats-Unis, l’IDA s’était trouvée avoir sérieusement besoin d’un financement plus solide et cette dernière session de négociations avait été considérée comme déterminante pour la crédibilité de la Banque. Les négociations ont abouti à la prise d’engagements à hauteur de 25,1 milliards de dollars, soit 42% de plus que lors de la session de négociations précédente. A l’origine de ce vote de confiance, il faut signaler que l’Allemagne, l’un des pays les plus préoccupés par l’approche adoptée par l’ancien Président de la Banque, a donné plus de deux milliards de dollars, tandis que la Grande-Bretagne s’est engagée pour 4,3 milliards de dollars, devenant ainsi le plus important donateur. Parmi les 45 contributeurs, plusieurs pays à revenu intermédiaire, comme la Chine, l’Egypte et la Lettonie, ont annoncé pour la première fois une contribution. Les 24,1 milliards $ de contributions des donateurs ont permis à la Banque de refaire le plein d’IDA 15 avec 45 milliards $ au total. Sous la direction de M. Zoellick, la Banque mondiale a amélioré sa capacité de réaction à la crise, et établi une nouvelle facilité pour apporter rapidement 2 milliards $ d’aide aux pays les plus pauvres sur les 42 milliards $ d’IDA 15. La priorité ira aux filets de sécurité, à l’infrastructure, à l’éducation et à la santé. Dans le droit fil de la nouvelle manière de mener ses activités, la Banque accélère ses processus d’approbation. Elle a lancé un programme de 1,2 milliard $ (le Global Food Response Program (GFRP)) en mai 2008 pour accélérer l’assistance aux pays les plus démunis, et des prêts ont été traités en moyenne en moins de deux mois.
65. Pour encourager les contributions, M. Zoellick a fait virer à l’IDA 3,5 milliards de dollars, provenant pour partie de la SFI (qui disposait de réserves accumulées de 11,7 milliards de dollars en 2007 et de 13,2 milliards de dollars en 2008) et pour partie de ses opérations de prêt aux pays à revenu intermédiaire. L’IDA a désormais un capital égal à environ un tiers du montant de ses prêts. La Banque a donc mis la main à la poche et également diminué le montant de ses honoraires. D’aucuns ont estimé qu’il faudrait également procéder à une réévaluation des clients, certains pays (comme le Vietnam), qui bénéficient actuellement de l’aide de l’IDA, étant désormais en mesure d’accepter des prêts consentis à des conditions plus commerciales.
66. La SFI a, pour sa part, répondu à la crise en augmentant son soutien au secteur privé dans les pays en développement, grâce au lancement ou à l’expansion d’initiatives conçues pour aider les institutions de microfinancement en difficulté, notamment par le biais d’une facilité de 500 millions de dollars dans ce domaine; en doublant son programme global de financement du commerce, passé à 3 milliards de dollars sur 3 ans, et en mobilisant des fonds émanant d’autres sources, notamment un engagement de un milliard de dollars du Japon, pour aider à recapitaliser les banques dans les pays en développement et à revenu moyen, y compris en Europe centrale et orientale, grâce à un fonds de recapitalisation de 3 milliards de dollars créé en décembre 2008, pour étayer des projets d’infrastructure bénéficiant d’un financement privé en butte à des difficultés et pour améliorer ses services de conseil dans le domaine de la finance.
67. Selon M. Zoellick, les pays d’Europe centrale et orientale ont besoin de 120 milliards de dollars pour recapitaliser leurs établissements bancaires en difficulté, les banques occidentales ayant retiré leurs liquidités. La Banque mondiale travaille donc avec la BERD et la BEI ainsi qu’avec le FMI et l’Union européenne et ses Etats membres pour aider à restructurer et à recapitaliser le secteur bancaire. Dans le cadre d’une enveloppe conjointe avec la BERD et la BEI, le Groupe Banque mondiale apportera un soutien d’environ 7,5 milliards de dollars pour aider le secteur bancaire d’Europe de l’Est et pour financer les prêts aux entreprises touchées par la crise économique mondiale.
68. La Banque mondiale a un autre objectif, non lié à la crise, à savoir ’’unifier’ l’univers en expansion rapide de l’aide au développement. Avec plus de 280 bailleurs de fonds, l’activité internationale est incroyablement fragmentée. Ce sont les pays ayant le moins de ressources bureaucratiques qui paient le prix fort: la Tanzanie, par exemple, a reçu 542 visites de donateurs en 2007, contre 791 pour le Vietnam, alors que l’Inde a décidé de restreindre le nombre de partenaires avec qui elle travaille dans le domaine de la dette. La Banque peut servir de plate-forme commune à partir de laquelle d’autres peuvent opérer: elle le fait déjà en Afghanistan, où la reconstruction de routes rurales et de ponts est soutenue par un fonds multilatéral géré par la Banque. La Banque crée indubitablement moins de difficultés à ceux avec qui elle travaille que beaucoup d’autres bailleurs de fonds et elle est moins disposée à fractionner l’aide en l’attribuant à des projets minuscules ou à court-circuiter les systèmes budgétaires des Etats bénéficiaires.
69. Par ailleurs, il existe des problèmes qui découlent de l’absence de planification d’ensemble, et en premier lieu celui des «pays orphelins»: l’aide se concentre sur les pays favoris avec lesquels existent des liens datant de l’époque coloniale ou pouvant procurer un avantage commercial, au détriment de pays qui, ayant le moins de choses à offrir, sont souvent ceux dont les besoins sont les plus grands; mais aussi celui des «secteurs orphelins» tant il est vrai que, si ce ne sont pas les sources de financement qui manquent pour les causes en vue, telles que le sida et le paludisme (qui sont aussi des causes auxquelles s’intéressent beaucoup les médias), on risque de perdre de vue des secteurs importants comme les réseaux d’eau chaude/froide et climatisation dans les établissements de santé ou les réseaux d’évacuation des eaux usées.
70. Les succès récents ne font qu’accroître pour la Banque la nécessité de la transparence et d’une évaluation objective des résultats de ses activités. Or, cela soulève souvent des difficultés: par exemple, la Banque a soutenu la construction ou la réparation de plus de 22 000 salles de classe dans les 12 mois ayant précédé juin 2007, mais n’a guère le moyen de savoir combien d’enfants y étudient. Elle s’emploie systématiquement à améliorer ses propres indicateurs d’évaluation des progrès accomplis et elle ne devrait pas se laisser arrêter par ses récents échecs ou s’endormir sur les lauriers de sa réussite actuelle et devrait évaluer de plus près ses résultats.

2.4. Quel avenir pour l’approche de Bretton Woods?

71. La Banque doit se demander quels devraient être ses clients. Au milieu de 2007, le montant global de ses prêts à la Chine s’élevait à près de 42,2 milliards de dollars affectés à 284 projets. Avec 70 de ces projets en cours d’exécution, le portefeuille de la Chine est l’un des plus gros de la Banque 
			(27) 
			La Banque vient de
rendre publique une très intéressante carte d’opérations (<a href='http://geo.worldbank.org/'>http://geo.worldbank.org/</a>). Elle permet à l’utilisateur de passer en revue les
données de pays et les détails des projets en cours. Pour l’instant,
elle contient des liens vers d’autres sites, tels que l’atlas du
projet du Millénaire; les indicateurs de développement ne tarderont
sans doute pas à être ajoutés.. La Chine devenant elle-même un donateur de la Banque mondiale et étant entrée en concurrence avec elle en tant qu’apporteuse d’aide dans de nombreux pays en développement, doit-on considérer cette situation comme normale? Le présent rapport a déjà indiqué plusieurs raisons pour lesquelles une situation aussi inédite pourrait se justifier, mais il sera de plus en plus difficile de le faire admettre aux contribuables du monde développé, d’autant que la Chine utilise une bonne part des fonds qu’elle reçoit au titre de l’aide afin d’entrer en compétition avec ces mêmes pays pour élargir son influence et acquérir des ressources naturelles. De surcroît, la poursuite de l’assistance peut même retarder certains pays en développement en renforçant leur dépendance, en y décourageant la mise en place de structures de responsabilisation et en les empêchant de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins.
72. Ces questions ont été discutées à la Banque asiatique de développement (BAsD), dont le plus gros emprunteur et le troisième bailleur est la Chine (en 2007, celle-ci a même offert des conditions plus avantageuses que la BAsD dans le cadre d’un prêt destiné à améliorer l’approvisionnement en eau de Manille, où cette Banque est implantée). Un rapport interne a estimé que la BAsD devrait réduire ses activités de prêt et jouer un rôle de conseillère et de coordonnatrice pour la région. Le rapport a préconisé de maintenir le financement des infrastructures, en faisant observer que l’Asie devra dépenser jusqu’à 4 700 milliards de dollars dans ce secteur au cours des 10 prochaines années, mais cette somme est à peine supérieure aux réserves détenues récemment par les gouvernements des pays asiatiques.
73. On ne s’étonnera pas de constater la résistance à laquelle les idées de la BAsD se heurtent parmi les pays les plus pauvres de la région, comme le Cambodge – et, assurément, il y a encore des pays, dans toutes les régions du monde en développement, qui restent plus ou moins tributaires de l’aide. Mais bon nombre des pays en développement les plus riches s’interrogent eux aussi: pour eux, des institutions comme la BAsD et la Banque mondiale conservent un rôle en matière de financement à long terme, en particulier lorsqu’il s’agit de projets aussi vastes et complexes que des projets d’infrastructure. Bien que ces gouvernements aient, ces dernières années, été en mesure d’utiliser les marchés pour mobiliser une partie de ces fonds, ils s’efforcent en général, par prudence, de diversifier leurs emprunts. Autre raison pour eux de se montrer prudents, les marchés financiers s’attendent plus ou moins à ce que les pays qui leur empruntent de l’argent soient membres du FMI et de la Banque mondiale.
74. La situation est analogue en Amérique latine, où la Banque, comme le FMI, a, au fil des ans, gagné une bonne partie de son argent. A présent, seuls quelques pays de la région sont assez pauvres pour remplir les conditions requises pour bénéficier de son aide; la plupart sont emprunteurs et, en 2006, la Banque y a gagné 1,7 milliards de dollars en intérêts et commissions, soit plus du tiers du total de ses bénéfices. Comme ailleurs, cependant, la tendance a connu une baisse: avant la crise financière, la Banque et ses homologues régionaux avaient du mal à rivaliser avec le capital privé et certains critiques disaient qu’elle devrait déclarer forfait. Pour des raisons différentes, certains protagonistes de la région voudraient également voir la Banque céder la place. En 2006, le Venezuela a proposé de créer une énorme banque d’investissements, dégagée des contraintes de Bretton Woods, à laquelle il a offert de faire don de la moitiéde ses réserves en devises, évaluées à 30 milliards de dollars. Le Venezuela, puis l’Equateur, ont indiqué qu’ils allaient se retirer de la Banque et du FMI. On a également laissé entendre que les pays africains seraient eux aussi invités à devenir membres de la nouvelle institution.
75. Pourtant, la «Banco del Sur» n’a guère suscité l’enthousiasme. L’Amérique latine a été l’un des plus gros clients du FMI dans le passé et, sans doute, le lieu de quelques-uns de ses plus grands succès. Mais elle est également un bon exemple de l’un de ses plus gros problèmes: les gouvernements, certes, adoptent voire apprécient sans le dire les mesures de rationalisation, mais ils aiment également blâmer le FMI lorsque ces mesures sont impopulaires – un syndrome que les représentants de l’Union européenne reconnaîtront sans peine!
76. Cela étant, le retrait des institutions de Bretton Woods comporterait de nombreux risques. Tout d’abord, le fait de quitter le FMI entraînerait un défaut technique de paiement des obligations émises par un pays et ferait renchérir le coût des emprunts futurs; le retrait de la Banque mondiale annulerait les traités bilatéraux d’investissement qui ont été signés avec d’autres pays et qui utilisent les mécanismes de règlement des différends en matière d’investissement de la Banque. Il est probable que seul un Etat enrichi par le pétrole comme le Venezuela pourrait envisager de le faire (et ce, avant la crise financière et la chute des cours du pétrole), et même la Bolivie, qui est peut-être le plus proche allié du Venezuela, a dit d’emblée que le fait de devenir membre de la nouvelle banque n’impliquerait pas de se retirer du FMI. Le Brésil, particulièrement sceptique, s’est employé à limiter le champ d’activité de la banque. Il craint en effet qu’une telle institution ne consente, pour des raisons politiques, des prêts concessionnels qui risqueraient de n’être jamais remboursés. Il s’inquiète aussi de l’équilibre du pouvoir à l’échelon régional et pour ses propres intérêts commerciaux: il a déjà sa propre banque de développement, qui fonctionne avec succès parallèlement aux projets de la Banque mondiale et qui atteint un volume d’opérations de prêt bien supérieur. Ainsi, en décembre 2007, sept pays sont-ils devenus membres de la ’Banco del Sur’, sans s’entendre définitivement sur son champ d’activité. Il semble, à ce stade, qu’elle finisse par n’être qu’une entreprise relativement modeste qui se concentrerait sur l’infrastructure transfrontalière; à ce jour, personne ne s’est retiré du FMI ou de la Banque.
77. Il y a donc bien des raisons qui expliquent pourquoi les pays se montrent prudents avant d’apporter des changements radicaux à l’ordre économique international – il peut s’agir de raisons de nature économique ou politique. Comme nous le voyons une fois encore, le système peut être extrêmement fragile, et la stabilité financière avec laquelle certains pays latino-américains avaient renoué récemment est maintenant rudement mise à l’épreuve par la crise mondiale. Une fois encore, c’est des institutions de Bretton Woods que l’on attend le salut.

3. L’OMC: comment récolter les fruits les plus accessibles?

78. Bien qu’officiellement, il ait été «provisoire», le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) est parvenu à mener à bon port huit cycles de libéralisation du commerce entre 1947 et 1994. Au début, la priorité allait aux réductions tarifaires, mais dans les années 60, le cycle de Kennedy a permis d’obtenir un accord antidumping et des mesures de promotion du développement. Dans les années 70, le cycle de Tokyo a abouti à une diminution d’un tiers en moyenne des droits de douane des principales économies et a entrepris pour la première fois d’éliminer les obstacles non tarifaires. Dans ce domaine, toutefois, les résultats ont été inégaux, certains membres acceptant d’appliquer un grand nombre d’initiatives sous la forme non d’accords juridiquement contraignants, mais de «codes», et l’on n’a pas su faire face au problème du commerce des produits agricoles. Jusque-là, le GATT avait obtenu des résultats tangibles: les réductions tarifaires ont aidé le commerce à progresser plus vite que la production, avec des taux moyens d’environ 8% pendant les années 50 et 60; mais par la suite, les pays ont commencé à imaginer de nouvelles formes de protection et de subventions. De plus, le GATT n’était pas applicable au commerce des services et ne pouvait s’opposer à une tendance à la conclusion d’accords bilatéraux sur le partage des marchés.
79. On s’est donc employé de concert à renforcer les principes du GATT, ce qui a abouti au cycle de l’Uruguay (1982-1995) et à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995. Le cycle a mis en branle la plus importante réforme du commerce mondial jamais lancée. Tous les secteurs avaient été passés au crible, avec un élargissement aux services et à la propriété intellectuelle et des réformes dans les secteurs sensibles de l’agriculture et du textile. On y trouvait également un projet d’OMC, assorti d’un système de règlement des différends et du mécanisme d’examen des politiques commerciales, ce qui instituait l’arbitre officiel que les pays avaient appelé de leurs vœux. La conclusion du cycle d’Uruguay a coïncidé avec le lancement officiel de l’OMC.
80. La période qui a suivi a été marquée par une certaine lassitude face à la succession des cycles de négociations commerciales. Le cycle de l’Uruguay avait été si ambitieux et un si grand nombre de pays avaient participé aux négociations qu’il fallait un peu de temps pour en «digérer» les résultats. Le cycle de Doha n’a commencé qu’en 2001, à la suite des événements du 11 septembre, mais n’a pas été aussi fructueux. Les Etats-Unis et l’Union européenne semblent ne pas avoir cessé de se quereller entre eux et avec une grande partie du reste du monde au sujet de l’agriculture; mais il existe bien des sujets de préoccupation au sein des pays émergents également, s’agissant en particulier de l’abaissement de leurs propres droits de douane. A l’été 2007, alors qu’il semblait davantage possible de s’entendre sur l’agriculture, le Brésil a pris la tête d’un groupe de pays qu’inquiétait la perspective de l’’importation d’articles manufacturés bon marché, en particulier en provenance de Chine. Par une coïncidence ironique, la Chine elle-même était sur le point de perdre en appel lors de la première procédure engagée contre elle en tant que membre de l’OMC 
			(28) 
			Appel basé sur les
droits de douane de caractère restrictif fixés par la Chine sur
les pièces détachées de voitures étrangères..
81. La nouvelle tentative importante de conclure un accord commercial faite un an après, en juillet 2008, a également échoué sur fond de renforcement des positions protectionnistes, de méfiance et de désaccord sur les subventions à l’agriculture et un mécanisme de sauvegarde pour les articles sensibles. On a laissé échapper une autre occasion d’éliminer les distorsions nuisant au commerce mondial, à la concurrence et à l’esprit d’entreprise, ce dont les pays en développement ont eu le plus à se plaindre.Les droits de douane sont beaucoup plus élevés sur les articles produits principalement par les pays en développement que sur ceux que produisent les pays riches 
			(29) 
			Même
aux Etats-Unis, où les droits de douane sont en moyenne inférieurs
à 2%, les droits fixés sur des articles tels que les chaussures,
les légumes, les jus de fruits, les arachides et le sucre s’échelonnent
entre 40% et plus de 100%. D’autres pays importateurs prélèvent
sur ces articles des droits pouvant aller jusqu’à 1 000%., ce qui tient en partie au fait que les premiers n’étaient pas représentés dans les cycles de négociations commerciales antérieurs.
82. Le cycle de négociations de Doha a été déclaré dans l’impasse si souvent – et pour tant de raisons différentes – que c’est à se demander comment il peut encore être sauvé. Bien qu’à la suite de l’échec des négociations ministérielles de juillet 2008, plusieurs appels se soient fait entendre pour une revitalisation des négociations comme moyen de stimuler la croissance mondiale, l’argument du protectionnisme tend à gagner les esprits en période de récession. Aujourd’hui, la question principale qui se pose à l’OMC est la suivante: jusqu’à quel point et à quel rythme les intérêts nationaux peuvent-ils être subordonnés à la cause du libre-échange?
83. Selon le Center for Global Development, l’élimination des entraves au commerce mondial permettrait d’arracher 500 millions de personnes à la pauvreté, l’ouverture des marchés agricoles produisant environ la moitié de cet effet. Le monde en développement sera largement bénéficiaire puisqu’en moyenne, une hausse de 1% du ratio commerce/production du pays augmente en définitive son revenu d’un demi pour cent, soit 1% de réduction de la pauvreté. Les études du Département de l’Agriculture américain montrent que le fait d’éliminer les subventions agricoles dans les pays riches aboutirait à un gain de 24% sur la valeur des exportations agricoles des pays pauvres, soit un quart de leurs exportations totales, alors que ce secteur emploie environ la moitié de la population.
84. Toutes les parties s’accordent sur un point: les enjeux sont élevés. En ce qui concerne les services – longtemps exclus des négociations commerciales, mais devenus le secteur de l’économie mondiale dont la croissance est la plus rapide –, les gains pourraient, selon l’OCDE, atteindre 500 millions de dollars. Cette organisation estime également que les avantages socioéconomiques globaux pourraient se chiffrer à environ 100 milliards de dollars en cas de libéralisation complète des droits de douane fixés pour les produits industriels et agricoles – et à encore autant en cas d’accord sur la facilitation du commerce (l’élimination des obstacles de procédure). Les pays en développement pourraient récolter jusqu’aux deux tiers de ces avantages. Pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraître, les études de la Banque mondiale montrent que plus de la moitié du fardeau qui pèse sur les exportations des pays en développement découle des restrictions imposées par d’autres pays en développement. Cela tient en partie au fait que les pays en développement continuent souvent d’imposer des droits de douane élevés et en partie au fait que les échanges de beaucoup de ces pays se font essentiellement avec d’autres pays de leur catégorie. Il n’existe donc aucune bonne alternative à une ouverture mondiale des marchés.
85. Sans accord de Doha, les distorsions existantes risquent de devenir indéracinables et le système multilatéral fondé sur des règles risque de s’affaiblir, tandis que les pays auraient de plus en plus recours aux accords bilatéraux et régionaux, ce qui rappellerait les années d’avant-guerre. On assiste d’ores et déjà à une prolifération de ces types d’accords. Les Etats-Unis, par exemple, ont conclu toute une série d’accords bilatéraux, en particulier avec des pays d’Amérique latine, cependant qu’en Asie, on envisage un accord de libre-échange «réservé à l’APEC” (FTAAP). Il ne resterait bientôt plus à l’OMC qu’à arbitrer les différends, les échanges mondiaux s’organisant par le biais non plus de la loi, mais du contentieux. On ne s’étonnera donc pas que l’OCDE considère le cycle de Doha comme une police d’assurance à faible coût contre un retour en force du protectionnisme et des guerres commerciales, et enjoigne aux principaux protagonistes de cueillir ce qu’elle appelle les «fruits les plus accessibles» de la structure commerciale mondiale.
86. Quelles sont alors les perspectives? Pour le moment, les responsables du processus refusent de baisser les bras. Pour conclure un accord, il faudrait consentir un immense effort de volonté politique et peut-être prendre des risques soigneusement calculés pour obtenir des conditions acceptables par toutes les parties. Des observateurs tels que l’OCDE estiment que la base d’un accord existe: on note une large convergence de vues sur diverses questions importantes. Mais aucun cycle de négociations commerciales n’a jamais été aussi complexe et certains se demandent si les principaux Etats approuveraient ce que leurs négociateurs peuvent proposer.
87. Après s’être efforcée de parvenir à une conclusion à plusieurs reprises, l’OMC semble ne plus avoir beaucoup de latitude en matière de négociation: le ralentissement économique rendra certainement les concessions plus difficiles à accepter, alors qu’elles sont plus nécessaires que jamais pour stimuler la croissance, et que jusqu’ici, les négociations commerciales multilatérales ne semblent pas figurer parmi les principales priorités de la nouvelle Administration américaine. Néanmoins, à leur Sommet de Londres du 2 avril 2009, les responsables du G20, ayant appelé à rejeter le protectionnisme, ont en outre ajouté qu’ils demeurent engagés en faveur d’une conclusion ambitieuse et équilibrée du Cycle de développement de Doha, dont nous avons tous un besoin urgent. Ceci pourrait stimuler l’économie mondiale d’au moins 150 milliards de dollars par an. Pour y parvenir, les gouvernements se sont engagés à capitaliser sur les progrès déjà enregistrés, y compris en ce qui concerne les modalités. Ils se pencheront sur cette question critique avec un regain d’intérêt et d’attention politique dans les mois qui viennent, et mettront à profit leurs travaux et toutes les réunions internationales pertinentes pour alimenter les progrès.
88. Entre-temps, la communauté internationale devrait continuer d’aider les pays les plus faibles à lever les obstacles qui les empêchent d’exploiter les nouvelles possibilités commerciales. C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale travaille avec l’OMC et les partenaires du développement à un programme d’“aide au commerce” (aid for trade) destiné à mobiliser des ressources pour aider les pays pauvres à consolider leur capacité commerciale et profiter des avantages potentiels de la mondialisation. L’effet du resserrement du crédit sur le commerce est un problème encore plus urgent. Le financement du commerce international doit figurer en priorité immédiate sur les agendas de la Banque mondiale, du FMI et de l’OMC. D’où l’importance de la promesse faite le 2 avril 2009 par les responsables du G20 de garantir la disponibilité d’au moins 250 milliards de dollars au cours des deux prochaines années pour soutenir le financement du commerce par le biais des agences de crédit et d’investissement à l’export et grâce aux banques de développement multilatérales, les responsables ayant également promis de demander à leurs régulateurs d’utiliser la flexibilité disponible en matière de besoins en capitaux pour le financement du commerce.
89. Pour le rapporteur, une approche multilatérale telle que celle-ci représente à la fois une reformulation intéressante et une extension des idéaux de Bretton Woods 
			(30) 
			Une
série de textes juridiques de l’OMC envisagent l’instauration d’une
relation spéciale avec la Banque mondiale et le FMI, et une coopération
avec plusieurs autres organisations internationales, à savoir, notamment,
le Codex Alimentarius (FAO/OMS),
la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture),
l’OIT, l’IPPC (Convention internationale pour la protection des
végétaux, accueillie par la FAO), l’UIT (Union internationale des télécommunications),
le CCI (Centre du commerce international), l’OCDE, l’ONU, la CNUCED
(Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement),
le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement), l’OMD (Organisation
mondiale des douanes), l’OMS (Organisation mondiale de la santé),
l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale) et l’OMPI (Organisation
mondiale de la propriété intellectuelle).. L’Assemblée a exprimé son soutien à ces objectifs et invité les principaux protagonistes à ne pas ménager leurs efforts pour faire en sorte que le Cycle de Doha aboutisse. Nous devons être bien conscients que si tel n’était pas le cas, cela pourrait retarder l’action entreprise par la communauté internationale pour conclure d’autres accords multilatéraux de grande envergure, notamment pour maîtriser le réchauffement de la planète et s’attaquer aux dysfonctionnements de la mondialisation.
90. En matière de réforme, nous devrions prendre note de l’appel lancé par le chef de l’OMC, Pascal Lamy, en ce qui concerne la nécessité de changer les règles en vue des futures négociations, et de l’opinion de l’ancien Directeur général de l’OMC Supachai Panitchpakdi, qui avait constaté le «dysfonctionnement» de certains rouages de l’OMC. La complexité du jeu multidimensionnel est telle que les négociations marathons semblent devoir rester dans l’impasse: la règle de l’OMC selon laquelle chaque membre dispose d’un droit de veto et celle selon laquelle «rien n’est adopté jusqu’à ce que tout soit approuvé» ont trouvé leurs limites. Il est difficile de dégager un consensus sur chaque problème. Il est temps que les 153 membres de l’OMC admettent que des accords de moindre envergure devraient pouvoir être négociés dans des secteurs commerciaux spécifiques entre les pays souhaitant faire avancer les choses et rendre ainsi possible la conclusion de l’accord définitif. Parmi les autres idées évoquées, on parle d’une négociation en bloc par des groupes de pays, et de l’élaboration des propositions par des experts neutres plutôt que par les pays eux-mêmes.
91. Ce sont les gouvernements qui négocient à l’OMC au nom de leurs pays, mais il ne faudrait pas sous-estimer le rôle des parlements. L’OMC n’a pas d’assemblée parlementaire, mais les parlements nationaux sont invités à valider les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux négociés par les gouvernements, notamment dans le cadre de l’OMC, et à voter des lois qui doivent être compatibles avec les engagements commerciaux pris au niveau international par leurs pays. Le Parlement européen 
			(31) 
			Voir également le rapport
«Towards a reform of the World Trade
Organisation» (A6-0104/2008) établi par Cristiana Muscardini
pour la Commission du commerce international du Parlement européen., l’Assemblée parlementaire et l’Union interparlementaire appellent depuis quelque temps à donner à l’OMC une dimension parlementaire, qui a jusqu’à présent pris la forme de conférences parlementaires sur l’OMC.
92. L’une de ces conférences (qui s’est tenue à Genève les 11 et 12 septembre 2008) a adopté une déclaration soulignant qu’il est crucial que les parlements exercent encore plus vigoureusement et efficacement leurs fonctions constitutionnelles de supervision et de contrôle de l’action de l’exécutif dans le domaine du commerce international, et jouent un rôle bien plus important dans la supervision des activités de l’OMC et dans la promotion de l’équité du processus de libéralisation du commerce.
93. Il est à souhaiter qu’une conférence ministérielle de l’OMC en plénière puisse être organisée dès que possible pour discuter de l’orientation stratégique de l’Organisation à la lumière de la crise économique et financière mondiale, afin de passer en revue les perspectives pour le Cycle de Doha, de mettre en lumière la nécessité de lutter contre le protectionnisme et de discuter des questions de réforme interne.

4. L’OIT: promouvoir les normes fondamentales en matière de travail

94. A mesure que la mondialisation a modifié la nature des relations entre les Etats en éliminant les frontières nationales dans bien des secteurs, certaines questions épineuses touchant les travailleurs migrants, les normes en matière de travail et la justice sociale sont passées au premier plan. L’Organisation internationale du Travail (OIT), née en 1919 à la même époque que la Société des Nations et devenue en 1946 la première institution spécialisée de l’ONU, offre, à l’échelle mondiale, un cadre institutionnel destiné à élaborer des solutions permettant d’améliorer le développement et la condition humaine par la création d’emploi et un travail décent. Parmi ses réalisations passées, certaines sont devenues indissociables de la société moderne, telles que la journée de travail de huit heures, la protection de la maternité, l’interdiction du travail forcé, la réglementation du travail des enfants, les politiques de sécurité sur le lieu de travail, les recommandations concernant l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes et les droits fondamentaux à la liberté d’association, à la négociation collective et à la grève. La Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée en 1999, réaffirme l’engagement pris au niveau multilatéral de respecter les droits des travailleurs et des employeurs (à la liberté d’association et à la négociation collective) et engage les Etats à éliminer le travail forcé, le travail des enfants et la discrimination sur le lieu de travail.
95. Comme l’OIT le reconnaît, le travail des enfants est une question des plus préoccupantes sur les plans social, économique et des droits de l’homme: on estime à 218 millions le nombre des enfants qui travaillent dans le monde 
			(32) 
			Selon
le rapport de l’OIT de 2007 intitulé «Worldwide movement against
child labour: progress and future directions», environ 122 millions
d’enfants travaillent dans la région de l’Asie et du Pacifique,
environ 49 millions en Afrique subsaharienne et environ 5,7 millions
dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes. Ils travaillent
surtout dans l’agriculture (69%) et dans l’industrie (9%)., souvent au détriment d’une éducation et de soins médicaux suffisants. La volonté d’éliminer les pires formes de travail des enfants (parmi lesquelles l’esclavage, l’exploitation sexuelle, les activités illicites et les pratiques nuisibles pour la santé, la sécurité ou la moralité) a conduit à faire adopter en 1999 une convention essentielle de l’OIT et, dans une perspective plus générale, la communauté internationale s’est engagée, en adoptant les objectifs du Millénaire pour le développement, à faire en sorte que, d’ici à 2015, tous les enfants finissent leurs études primaires. Encore faut-il faire appliquer les dispositions de cette Convention, ce qui n’est pas chose aisée, en particulier dans les pays en développement. Plusieurs institutions spécialisées de l’ONU, la Banque mondiale, les banques de développement régionales et les organisations de la société civile sont les principaux partenaires de l’OIT dans cette entreprise.
96. La population mondiale augmentant d’environ 84 millions de personnes par an (dont 97% vivent dans les pays en développement), ce sont à peu près 100 millions de personnes qui se présentent chaque année sur le marché du travail alors que l’on compte plus d’un milliard de personnes au chômage ou en situation de sous-emploi. Surtout à cause de la crise économique et financière, mais aussi pour toute une série de raisons sociales et politiques, la promesse de la mondialisation de procurer des avantages économiques par le biais d’’emplois plus nombreux et de meilleure qualité ne s’est toujours pas concrétisée. À cet égard, le Directeur Général de l’OIT, M. Juan Somavia, dans sa déclaration du 20 octobre 2008, indiquait que les dirigeants mondiaux ne devraient pas se contenter de se focaliser sur les institutions financières lorsqu’ils traitent de plan de sauvetage, mais, et c’est là le point le plus important, sur les gens, en particulier les personnes les plus vulnérables. Il a souligné la nécessité d’une action prompte et coordonnée des gouvernements pour éviter une crise sociale qui pourrait être grave, de longue durée et mondiale 
			(33) 
			ILO/08/45.. La crise aggraverait de manière significative le chômage 
			(34) 
			Selon les Tendances mondiales de l’emploi 2009
de l’OIT, en 2009, le monde pourrait compter de 198 millions à 230 millions
de chômeurs, selon l’efficacité plus ou moins forte des politiques
de lutte contre la récession. , et c’est pourquoi il faudrait prendre des mesures pour étendre la protection sociale et la prise en charge du chômage, faciliter la formation, consolider les services de placement et mettre en oeuvre des programmes d’urgence en faveur de l’emploi. La crise ayant déjà laminé les fonds de pension investis en bourse, les régimes de retraite devraient se voir doter de liquidités suffisantes pour éviter d’avoir à vendre des actifs dans un marché effondré afin de pouvoir servir les prestations.
97. Dans sa Résolution 1651 (2009) du 29 janvier 2009 sur les conséquences de la crise financière mondiale, l’Assemblée parlementaire a apporté son soutien à la déclaration de M. Somavia et déploré le fait que «le plan d’action du G20 [adopté le 15 novembre 2008] ne fasse pas référence à la protection des droits sociaux et économiques des citoyens en période de crise.» C’est pourquoi il y a lieu d’être satisfait que les responsables du G20, à leur Sommet de Londres du 2 avril 2009, aient déclaré reconnaître la dimension humaine de la crise. Ils se sont engagés à soutenir tous ceux qui sont touchés par la crise en créant des opportunités d’emplois et par le biais de mesures de soutien au revenu. Ils construiront un marché du travail équitable, respectueux des familles, pour les femmes comme pour les hommes. Ils se réjouissent donc des comptes-rendus de la Conférence de Londres sur les emplois et du Sommet social de Rome, ainsi que des principes clés qui y ont été proposés. Ils soutiendront l’emploi en stimulant la croissance, en investissant dans l’éducation et la formation et grâce à des politiques actives du marché du travail, en se focalisant sur les plus vulnérables. Ils ont invité l’OIT, conjointement avec d’autres organisations pertinentes, à évaluer les actions entreprises et celles qu’il serait nécessaire d’entreprendre ultérieurement.
98. Les mauvaises conditions de travail, le travail forcé et précaire et le traitement inéquitable des travailleurs migrants (qui sont environ 81 millions dans le monde) demeurent de très graves sujets de préoccupation à l’échelle planétaire. Toutefois, si les pays développés considèrent être moralement tenus d’aider le monde en développement à appliquer les normes fondamentales en matière de travail, ce qui doit permettre d’ancrer les droits fondamentaux et de garantir une concurrence plus loyale, les pays en développement y voient trop souvent une forme de néoprotectionnisme de la part des pays industrialisés. Il est donc indispensable de promouvoir la compréhension mutuelle dans ce domaine par le canal des institutions économiques mondiales (en particulier l’OIT, la Banque mondiale et l’OMC) et d’élaborer autour des problèmes qui se posent des instruments d’action positive propices à l’aboutissement d’un accord gagnant-gagnant pour toutes les parties.

5. L’OCDE en tant que pionnière

99. Capitalisant sur son expertise économique incontestable, l’OCDE, qui regroupe 30 des pays industriels les plus avancés au monde et traverse actuellement un processus d’expansion au terme duquel elle va accueillir également des économies émergentes, a défini une réponse stratégique à la crise financière et économique 
			(35) 
			La Stratégie de l’OCDE
couvre deux grands domaines., qui met l’accent sur la nécessité d’aligner les réglementations et les incitations dans le secteur financier pour garantir une supervision et une gestion des risques plus strictes. L’OCDE pousse également les gouvernements à réviser et à améliorer leurs politiques nationales, ainsi qu’à améliorer la coordination internationale afin de restaurer les conditions propices à la croissance économique.
100. De son point de vue, pratiquement tous les Etats membres de l’OCDE peuvent adopter des politiques structurelles de stimulation de la croissance qui pourraient, potentiellement, la consolider à court terme autant qu’à long terme. Parmi les pistes à explorer, elle cite l’introduction de réformes pour adapter la réglementation anticoncurrentielle des marchés des produits, la réduction de la charge des prélèvements obligatoires pour les travailleurs à bas revenus ainsi que le démarrage de grands projets d’infrastructure et des programmes de formation obligatoire pour les chômeurs.
101. Au-delà de ces actions, cependant, l’OCDE souligne la nécessité de repenser le fonctionnement de l’économie mondiale. Il faut absolument viser la mise en place d’une économie mondiale qui ne soit pas seulement plus forte et plus stable, mais aussi plus éthique, respectueuse de l’environnement et plus équitable. Les mesures nécessaires pour consolider l’économie et accroître la prospérité passent par une amélioration des réglementations, le renforcement de la gouvernance d’entreprise, la promotion du commerce, de l’investissement et de la concurrence et l’élaboration de politiques propices à une croissance durable. Dans le même temps, il convient de prêter attention à la dimension environnementale en s’attaquant au problème du changement climatique.
102. Pour améliorer les normes éthiques dans l’économie, il est nécessaire de promouvoir la transparence et l’intégrité, de lutter contre la corruption et le blanchiment de capitaux et de combattre la fraude fiscale. Afin de promouvoir une économie plus équitable, il conviendrait de partager les dividendes de la prospérité en stimulant l’emploi et l’inclusion sociale, en facilitant le développement et en assurant une éducation et des soins de santé adéquats.
103. L’OCDE travaille actuellement de concert avec d’autres institutions internationales économiques et financières pour renforcer la coordination de la réponse mondiale à la crise. Ainsi, ses experts ont rencontré leurs homologues du FMI et de la Banque mondiale le 4 février 2009 pour un séminaire sur la réponse à la crise et les stratégies de sortie de crise 
			(36) 
			<a href='http://www.oecd.org/document/7/0,3343,en_2649_33725_42177095_1_1_1_1,00.html'>http://www.oecd.org/document/7/0,3343,en_2649_33725_42177095_1_1_1_1,00.html</a>. Les participants ont souligné le besoin urgent de restaurer la confiance des marchés dans le secteur financier et de stimuler l’économie réelle, de se montrer vigilant à l’égard du protectionnisme tant dans le commerce que dans les investissements, de soutenir la formation de capital humain et d’éviter les politiques qui viendraient saper les récentes réformes ou réduire l’offre de main-d’oeuvre, ainsi que de se mobiliser au niveau des tribunes internationales et institutions multilatérales pour coordonner la réponse politique et concevoir la nouvelle architecture réglementaire.
104. Pour leur part, les responsables du G20, à leur Sommet de Londres du 2 avril 2009, ont noté, dans le cadre de la lutte en faveur de la transparence fiscale et de leurs promesses d’agir à l’encontre des juridictions non coopératives, y compris les paradis fiscaux, que l’OCDE a publié le jour même une liste des pays évalués par le Forum mondial de cette organisation en comparaison avec les normes internationales d’échange d’informations à des fins fiscales. À la suite de la réunion du G20, l’OCDE a publié un rapport détaillé sur les progrès réalisés par les centres financiers du monde entier sur la voie de la mise en oeuvre de la norme concernant l’échange d’informations à des fins fiscales, approuvée par la communauté internationale 
			(37) 
			La
norme fiscale adoptée au niveau international, élaborée par l’OCDE
en coopération avec des pays non membres de l’OCDE et adoptée par
les ministres des Finances du G20 à leur réunion de Berlin en 2004,
et par le Comité d’experts des Nations Unies sur la coopération
internationale en matière fiscale à sa réunion d’octobre 2008, fait
obligation d’échanger des informations sur demande dans toute question
fiscale, pour l’administration et la répression en droit fiscal interne,
sans que l’on puisse opposer sur le plan national une condition
d’intérêt fiscal ou de secret bancaire aux fins fiscales. Elle prévoit
également des contrepoids importants pour protéger la confidentialité
des informations échangées. [cf. <a href='http://online.wsj.com/documents/progressreport0402.pdf'>http://online.wsj.com/documents/progressreport0402.pdf</a>]. Par la suite, les quatre pays qui ne s’étaient pas encore engagés en faveur de cette norme, à savoir le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay, ont annoncé leur intention de le faire. Toutefois, la liste a été critiquée dans certains cercles, qui y voyaient une initiative visant à blanchir le Royaume-Uni (Jersey, Guernesey etc.) par exemple, et qui déploraient son absence de clarté à l’égard d’un certain nombre de paradis fiscaux, notamment Hong-Kong et Macao 
			(38) 
			Cf.
Tax Justice Network, at <a href='http://taxjustice.blogspot.com/2009/04/oecd-global-forum-list.html'>http://taxjustice.blogspot.com/2009/04/oecd-global-forum-list.html</a>.
105. Pour beaucoup, l’OCDE reste une organisation purement économique, une fournisseuse de données, un groupe de réflexion et une instance d’élaboration de politiques; pourtant, elle replace les questions économiques dans le contexte plus général. A l’ère de la mondialisation, l’OCDE s’est donné les moyens de mieux aborder les problèmes liés à l’environnement, à la santé, à l’éducation, à l’innovation, à la gouvernance et aux mutations sociales, les considérant comme des éléments du progrès et de la prospérité de la société. Elle surveille les tendances, et partage les expériences et l’expertise au niveau politique avec plus d’une centaine de pays – bien au-delà du cercle de ses 30 Etats membres. Toutefois, les critères d’adhésion ne sont pas tout à fait clairs et devraient, à l’avenir, être précisés. Œuvrant en collaboration avec des organisations partenaires très diverses (dont les institutions de Bretton Woods, le Conseil de l’Europe, l’OIT et beaucoup d’autres institutions onusiennes), elle veille attentivement sur la planète et nourrit une réflexion approfondie sur le développement équilibré.
106. Quant à l’avenir, la capacité de l’OCDE à détecter les problèmes de fond à mesure qu’ils se dessinent, les risques systémiques et les défis à long terme qui se posent au développement la met en mesure de jouer le rôle d’un acteur principal de la modernisation et de l’élaboration de politiques plus cohérentes au niveau multilatéral. Sachant à quel point il est difficile de concevoir et de mettre en œuvre des réformes structurelles, les membres de la Commission des questions économiques et du développement de l’Assemblée apprécient tout particulièrement l’éclairage sous lequel elle présente l’«économie politique des réformes», ses conseils sur les questions de réforme structurelle, ses travaux en cours sur «la mesure des progrès dans les sociétés» et ses orientations, avec le FMI, sur les meilleures pratiques d’application volontaire à l’intention des fonds souverains.
107. Les rapport et débat sur l’OCDE organisés chaque année par l’Assemblée parlementaire, élargie aux délégations parlementaires des Etats membres de l’OCDE non européens, constituent une opportunité unique de faire qu’une tribune parlementaire exerce une supervision démocratique sur les activités aussi complexes qu’étendues de l’OCDE, dans l’intérêt de tous les participants concernés. Cette pratique devrait être poursuivie.

6. La BRI en tant que coordonnatrice mondiale

108. Créée en 1930, la Banque des règlements internationaux (BRI) est la plus ancienne institution financière du monde à promouvoir la stabilité financière internationale (et nationale), l’assainissement des systèmes bancaires et la coopération entre banques centrales. Elle compte 55 membres, des banques centrales (dont celles de 32 Etats membres du Conseil de l’Europe et la Banque centrale européenne) qui s’emploient à harmoniser leurs politiques monétaires avec les réalités du marché, à intervenir en injectant des ressources massives dans les situations d’urgence et à exercer un pouvoir de réglementation de nature à accroître la transparence et la prévisibilité des marchés financiers.
109. Le Comité de Bâle sur la supervision bancaire de la BRI fait autorité pour ses conseils en matière de politiques bancaires et est surtout connu pour ses normes d’adéquation des fonds propres (Accord de Bâle I de 1988 – remplacé en 2004 par l’Accord de Bâle II), les Principes fondamentaux de Bâle pour un contrôle bancaire efficace et le Concordat sur le contrôle bancaire transfrontalier. Toutefois, des divergences importantes continuent d’opposer les Etats-Unis, l’Union européenne et l’ONU en ce qui concerne le degré d’adéquation des fonds propres et de contrôle des réserves à atteindre dans le système bancaire mondial. Les organismes des Nations Unies se sont montrés particulièrement critiques à l’égard d’arrangements qu’ils ont considérés comme purement techniques et insuffisants pour désamorcer les risques fondamentaux. Certains détracteurs constatent par ailleurs que la BRI ne dispose pas de moyens suffisants pour faire appliquer plus largement sa réglementation afin d’éliminer ce qui fausse et rend asymétrique la concurrence sur le marché financier mondial. Du reste, on s’accorde de plus en plus largement à penser que la BRI devrait jouer le rôle d’un filet de protection financière en s’attaquant à certains problèmes spécifiques tels que le développement des centres financiers offshore, les institutions à fort coefficient d’endettement, l’assurance des dépôts, le blanchiment d’argent et les systèmes comptables.
110. À leur Sommet de Londres du 2 avril 2009, les responsables du G20 sont convenus que toutes les institutions, marchés et instruments financiers ayant une importance systémique devraient faire l’objet d’un niveau de régulation et de supervision approprié, décidant en particulier de modifier les systèmes réglementaires pour faire en sorte que les autorités soient à même d’identifier et de prendre en compte les risques prudentiels macro-économiques transversalement, dans tout le système financier, y compris dans le cas des banques réglementées, des banques occultes et des pools privés de capitaux, afin de limiter l’inflation du risque systémique. Ils ont invité le FSB (voir ci-dessous) à travailler avec la BRI et les organismes internationaux normatifs pour élaborer des outils prudentiels macro-économiques et à faire rapport d’ici l’automne 2009 
			(39) 
			Déclaration sur le
renforcement du système financier, p. 3.

7. Le Forum pour la stabilité financière (FSF), rebaptisé Financial Stability Board (FSB)

111. La crise économique et financière a ramené au coeur du débat sur une réponse politique une institution jusqu’ici assez peu connue, le Forum pour la stabilité financière (FSF), dont les responsables du G20, à leur Sommet de Londres du 2 avril 2009, ont fait le Financial Stability Board (FSB). Basé auprès de la BRI à Bâle, dont il partage les ressources de secrétariat, le FSF s’est réuni aussi souvent que nécessaire, regroupant de hauts représentants d’autorités financières nationales (en d’autres termes de banques centrales, d’autorités de tutelle et de ministères des finances) des pays du G7, de l’Australie, de Hong-Kong, des Pays-bas, de Singapour et de la Suisse, d’institutions financières internationales, de groupementsinternationaux de supervision et de réglementation, de comités d’experts de banques centrales et de la Banque centrale européenne. Le FSB va maintenant inclure, outre les membres du FSF, tous les autres pays du G20, l’Espagne et la Commission européenne.
112. Le FSF s’est réuni pour la première fois en avril 1999, à l’initiative des ministres des Finances et gouverneurs des Banques centrales des pays du G7, pour promouvoir la stabilité financière internationale, améliorer le fonctionnement des marchés financiers et réduire la tendance des chocs financiers à se propager d’un pays à l’autre, déstabilisant ainsi l’économie mondiale.
113. Le mandat du FSF consiste à apprécier les vulnérabilités du système financier international, à identifier et à superviser l’action nécessaire pour traiter ces vulnérabilités et à améliorer la coordination et l’échange d’informations entre les diverses autorités responsables de la stabilité financière.
114. Le FSF s’efforce de faire avancer rapidement un ordre du jour multilatéral élargi pour renforcer les systèmes financiers et la stabilité des marchés financiers internationaux. Les changements nécessaires sont mis en œuvre par les autorités financières nationales et internationales concernées.
115. Depuis 2001, le FSF tient également des réunions régionales avec les autorités financières d’Etats non membres d’Amérique latine, de la zone Asie-Pacifique et d’Europe centrale et orientale.
116. En avril 2008, le FSF a soumis aux ministères des finances et gouverneurs des Banques centrales des pays du G7 un ensemble complet de recommandations pour traiter les faiblesses à l’origine de la crise financière et pour consolider le système financier. Le rapport sur la consolidation des marchés et la résilience institutionnelle s’appuyait sur des travaux de fond menés par les autorités nationales et les principaux organes internationaux de supervision et de réglementation et des Banques centrales.
117. Les principes directeurs sous-tendant ces travaux visaient à recréer un système financier opérant avec moins d’effet de levier, qui soit immunisé face à l’ensemble d’incitations malencontreuses à la source de cette crise, dans lequel la supervision prudentielle et réglementaire est renforcée et où la transparence permet une meilleure identification et une meilleure gestion des risques 
			(40) 
			<a href='http://www.fsforum.org/press/pr_081009f.pdf'>http://www.fsforum.org/press/pr_081009f.pdf</a>.
118. Les actions recommandées par le FSF et adoptées par le G7 devaient être mises en oeuvre avant la fin de 2008. Elles prévoyaient des mesures supplémentaires pour renforcer les normes et la supervision du capital bancaire et des liquidités, les normes de gestion de risque dans les institutions financières, les pratiques d’évaluation et les normes comptables.
119. Le FSF a annoncé, en octobre 2008, dans son rapport de suivi, qu’il continuerait de superviser et de coordonner la mise en œuvre des recommandations de manière à préserver les avantages présentés par des marchés financiers mondiaux intégrés et des règles du jeu identiques d’un pays à l’autre. En outre, le FSF superviserait et traiterait l’interaction internationale et la cohérence des arrangements et réponses d’urgence qui seraient mises en place pour traiter la crise financière actuelle, travaillerait à pallier les sources des phénomènes procycliques dans le système financier, réévaluerait la portée des réglementations financières, en mettant particulièrement l’accent sur les institutions, les instruments et les marchés actuellement non réglementés, et travaillerait à mieux intégrer la supervision macroéconomique et la supervision prudentielle, pour aider à traduire plus efficacement des préoccupations systémiques en réponses concrètes sur le plan de la supervision et de la réglementation. 
			(41) 
			Ibid,
p. 2.
120. Partant des travaux actuels du FSF pour aller plus loin, les dirigeants du G20 ont donné au nouvel organe, le FSB, un rôle très large pour renforcer le système financier, notamment sa supervision et sa réglementation, et l’ont également chargé de suivre les progrès avec le FMI.

8. Le défi de la coordination économique et financière mondiale

121. Alors que le monde globalisé traverse une crise économique et financière, plus que jamais nous avons besoin, au niveau planétaire, d’une coordination plus intensive au plan mondial. Jusqu’ici, on peut dire que les gouvernements ont pris la tête de la réaction à la crise en se réunissant pour discuter de ce qu’il conviendrait de faire, notamment sous l’impulsion des dirigeants de la France et du Royaume-Uni. Plusieurs des institutions mentionnées dans le présent rapport sont impliquées, et, tant ces institutions que le système financier et économique mondial devraient sortir renforcés des discussions sur les décisions actuelles (complexes et présentant des aspects fort divers) qui doivent encore être mises en œuvre.
122. Un premier pas a été fait par les dirigeants des pays industrialisés et en développement du G20 lors de leur Sommet de Washington, le 15 novembre dernier. Dans leur déclaration, les dirigeants étaient déterminés à renforcer la coopération et à travailler ensemble à restaurer la croissance au niveau mondial et à mettre en œuvre les réformes nécessaires dans les systèmes financiers mondiaux. Ils avaient analysé les sources de la crise et les actions détaillées déjà prises et à prendre pour stabiliser les marchés financiers et soutenir l’économie mondiale. Pour ce qui concerne les institutions internationales économiques et financières, le G20 insistait sur le rôle important du FMI dans la réaction à la crise, se réjouissait de sa nouvelle facilité de liquidités à court terme et insistait vivement pour que ses instruments et facilités fassent l’objet d’une révision permanente afin d’en garantir la souplesse. Ils encourageaient la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement à mettre leurs pleines capacités au service de leur programme de développement et se réjouissaient de la récente introduction de nouvelles facilités par la Banque mondiale dans les domaines de l’infrastructure et du financement du commerce. Ils prenaient également l’engagement de veiller à ce que le FMI, la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement soient dotées de ressources suffisantes pour continuer à jouer leur rôle en vue de surmonter la crise.
123. En ce qui concerne la réforme des institutions financières internationales, les dirigeants du G20 avaient déclaré qu’ils s’engageaient en faveur de la progression de la réforme des institutions de Bretton Woods pour que celles-ci puissent mieux refléter les puissances économiques évolutives dans l’économie mondiale afin d’accroître leur légitimité et leur efficacité. À cet égard, avaient-ils déclaré, les économies émergentes et en développement, y compris les pays les plus démunis, devraient avoir davantage voix au chapitre et être plus représentés. Le FSF devait d’urgence s’ouvrir à une plus large participation des économies émergentes, et d’autres grands organes normatifs rapidement revoir leur composition. Le FMI, en collaboration avec le FSF élargi et d’autres organes, devrait s’atteler à mieux identifier les vulnérabilités, à anticiper les contraintes potentielles et à réagir très rapidement pour jouer un rôle clé dans la réponse à la crise. Des propositions plus détaillées étaient formulées dans le plan d’action pour mettre en œuvre les principes de réforme.
124. Le deuxième pas en avant majeur a été le Sommet de Londres du 2 avril 2009 des responsables du G20, qui ont pris plusieurs décisions dont le présent rapport s’est fait l’écho à diverses reprises. Les résultats de ce Sommet ont suscité de manière générale des commentaires positifs, teintés de prudence. D’une part, la promesse de croissance triplée pour le FMI (allant jusqu’à 750 milliards $) afin de lui permettre de venir au secours de pays en difficulté, une augmentation de 250 milliards $ de ses DTS (droits de tirage spéciaux) pour stimuler la liquidité mondiale, 250 autres milliards $ pour garantir le financement du commerce international, l’engagement d’éviter les mesures protectionnistes, la décision de s’attaquer aux paradis fiscaux et la détermination de renforcer la réglementation du système financier par des institutions telles que le nouveau Finance Stability Board sont autant d’initiatives bienvenues. L’on s’inquiète en revanche de savoir d’où viendra une bonne partie des nouveaux fonds, du fait que la divergence fondamentale n’est toujours pas résolue pour déterminer le niveau de relance économique nécessaire pour tirer l’économie mondiale hors de la récession, et l’on ne sait toujours pas clairement comment le système bancaire va être assaini.
125. Si force est de reconnaître que seuls les gouvernements et les banques centrales contrôlent les ressources réelles pour les plans de relance et opérations de sauvetage nécessaires afin de contrer la récession, ces deux acteurs institutionnels se sont montrés à la hauteur dans le cadre coordonné du G20 et de l’Union européenne, qui devrait continuer de donner des orientations et des objectifs. Une coopération mondiale et régionale de cette nature est vitale pour surmonter une crise économique et financière qui a paralysé l’économie mondialisée.

9. Conclusion

126. Lorsque le rapporteur a commencé à travailler sur ce rapport, les perspectives pour les institutions économiques internationales n’étaient pas particulièrement roses. L’économie mondiale était en plein essor et le crédit était de manière générale accessible à de bien meilleures conditions que celles proposées par le FMI ou la Banque mondiale aux pays souhaitant emprunter. Les institutions de Bretton-Woods en étaient réduites à s’efforcer de se trouver une nouvelle raison d’être. Elles étaient prises sous le feu des critiques qui stigmatisaient leur manque de pertinence et leur incapacité à se réformer. Paradoxalement, la crise qui a mis sur le flanc le système financier et économique mondial, avec des conséquences que l’on est encore loin de mesurer pleinement sur le plan social et humain, a représenté pour ces institutions une bouée de sauvetage. Le FMI et la Banque mondiale en sont sortis considérablement renforcés, non seulement grâce à l’augmentation significative des ressources dont on les a dotés, mais également grâce aux réformes qui ont été mises en chantier par leur direction. Ce paradoxe n’a rien d’énigmatique. En effet, ces institutions ont été créées à la suite de la 2e guerre mondiale, précisément dans le but de garantir un système financier sain et de promouvoir la croissance économique et le développement. Elles doivent maintenant revenir à leurs fondamentaux, alors que les circonstances ont changé.
127. Pour ce qui concerne l’OMC, elle a été pénalisée du fait des déceptions engendrées par l’incapacité persistante à conclure le cycle de Doha des négociations commerciales, et, contrairement aux deux autres institutions mentionnées plus haut, la crise n’aboutit pas forcément à un retour à meilleure fortune pour cette organisation, puisque la récession mondiale a plus de chances de déclencher des réactions protectionnistes que des réactions libérales. Mais c’est précisément la raison pour laquelle les gouvernements et les parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir que le cycle de Doha se conclura sur un succès.
128. A l’évidence, les organisations intergouvernementales n’ont d’autre pouvoir que celui que leur accordent les gouvernements qui les gèrent. L’Assemblée parlementaire devrait non seulement continuer de servir de tribune pour un débat sur l’important travail de ces institutions, mais également inviter les parlements qui votent les contributions budgétaires nationales nécessaires à leur financement à exercer une vigilance étroite sur tous les aspects des activités de celles-ci.

(open)

***

Commission des questions économiques et du développement

Renvois en commission: Doc. 11402; Renvoi n° 3384 du 23 novembre 2007

Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 18 mai 2009

Membres de la commission: M. Márton Braun (Président), M. Robert Walter (1er Vice-Président), Mme Doris Barnett (2e Vice-Président), Mme Antigoni Papadopoulos (3e Vice-Président), MM. Ruhi Açikgöz, Ulrich Adam, Pedro Agramunt Font de Mora, Roberto Antonione, Robert Arrigo, Viorel Riceard Badea (remplaçant: M. Traian Constantin Igaş), M. Zigmantas Balčytis, Mme Veronika Bellmann, MM. Radu Mircea Berceanu, Vidar Bjørnstad, Luuk Blom (remplaçant: M. Tuur Elzinga), Mme Maryvonne Blondin, MM. Predrag Bošković, Patrick Breen, Erol Aslan Cebeci, Lord David Chidgey, Mme Elvira Cortajarena Iturrioz, MM. Valeriu Cosarciuc, Joan Albert Farré Santuré, Relu Fenechiu, Guiorgui Gabashvili, Marco Gatti, Zahari Georgiev, Paolo Giaretta, Francis Grignon, Mme Arlette Grosskost, Mme Azra Hadžiahmetović, Mme Karin Hakl, MM. Norbert Haupert, Stanisław Huskowski, Ivan Nikolaev Ivanov, Igor Ivanovski, Čedomir Jovanović, Mme Nastaša Jovanović, MM. Antti Kaikkonen, Oskars Kastēns, Emmanouil Kefaloyiannis, Serhiy Klyuev, Albrecht Konečný, BronisławKorfanty (remplaçant: M. Piotr Wach), AnatoliyKorobeynikov, Ertuğrul Kumcuoğlu, Bob Laxton, Harald Leibrecht, Mme Anna Lilliehöök, MM. Arthur Loepfe, Denis MacShane, Yevhen Marmazov, Jean-Pierre Masseret, Miloš Melčák, JoséMendes Bota, Attila Mesterházy, Alejandro Muňoz Alonso, Mme Olga Nachtmannová, Mme Hermine Naghdalyan, MM. Gebhard Negele, Jean-Marc Nollet, Mme Mirosława Nykiel, M. Mark Oaten,Baroness Detta O’Cathain, Mme Ganira Pashayeva, Mme Maria Pejčinović-Burić, MM. VictorPleskachevskiy, Jacob Presečnik, MM. Maximilian Reimann,Andrea Rigoni, Mme Maria de Belém Roseira (remplaçant: M. MaximianoMartins), MM. Kimmo Sasi, Giuseppe Saro, Hans Christian Schmidt, Samad Seyidov, Steingrímur J. Sigfússon, Leonid Slutsky, Serhiy Sobolev, Christophe Steiner, Vyacheslav Timchenko (remplaçant: M. Nikolay Tulaev), Mme Arenca Trashani, M. Mihai Tudose, Mme Ester Tuiksoo, MM. Oldrich Vojir, Konstantinos Vrettos, Harm Evert Waalkens, Paul Wille, Mme Maryam Yazdanfar (remplaçant: Mr Göran Lindblad)

N.B.: Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: M. Newman, M. de Buyer, M. Chahbazian, M. Pfaadt.