Imprimer
Autres documents liés

Proposition de recommandation | Doc. 11804 | 27 janvier 2009

Protéger les droits fondamentaux des personnes déplacées de longue date en Europe

Signataires : Mme Corien W.A. JONKER, Pays-Bas, PPE/DC ; Mme Tina ACKETOFT, Suède ; M. Pedro AGRAMUNT, Espagne, PPE/DC ; M. Laurent BÉTEILLE, France, PPE/DC ; M. Luc Van den BRANDE, Belgique, PPE/DC ; Mme Anne BRASSEUR, Luxembourg ; M. Márton BRAUN, Hongrie, PPE/DC ; M. David DARCHIASHVILI, Géorgie, PPE/DC ; Mme Herta DÄUBLER-GMELIN, Allemagne ; M. Mátyás EÖRSI, Hongrie, ADLE ; M. Bill ETHERINGTON, Royaume-Uni ; M. Jean-Charles GARDETTO, Monaco, PPE/DC ; Mme Gisèle GAUTIER, France, PPE/DC ; M. John GREENWAY, Royaume-Uni ; Mme Claude GREFF, France, PPE/DC ; M. Andreas GROSS, Suisse, SOC ; M. Holger HAIBACH, Allemagne ; M. Davit HARUTYUNYAN, Arménie, GDE ; M. Serhiy HOLOVATY, Ukraine, ADLE ; M. Joachim HÖRSTER, Allemagne, PPE/DC ; Mme Françoise HOSTALIER, France, PPE/DC ; Mme Danuta JAZŁOWIECKA, Pologne ; M. Tiny KOX, Pays-Bas, GUE ; M. Göran LINDBLAD, Suède, PPE/DC ; M. René van der LINDEN, Pays-Bas ; Mme Christine McCAFFERTY, Royaume-Uni ; Sir Alan MEALE, Royaume-Uni, SOC ; M. José MENDES BOTA, Portugal, PPE/DC ; M. Jean-Claude MIGNON, France, PPE/DC ; M. Fritz NEUGEBAUER, Autriche, PPE/DC ; Mme Kristiina OJULAND, Estonie ; M. Pieter OMTZIGT, Pays-Bas ; M. John PRESCOTT, Royaume-Uni, SOC ; M. Frédéric REISS, France, PPE/DC ; M. André SCHNEIDER, France, PPE/DC ; M. Samad SEYIDOV, Azerbaïdjan, GDE ; M. Rudi VIS, Royaume-Uni ; M. Luigi VITALI, Italie, PPE/DC ; M. Paul WILLE, Belgique ; M. David WILSHIRE, Royaume-Uni, GDE

Cette proposition n'a pas été examinée par l'Assemblée et n'engage que ses signataires.

Régulièrement, l’Assemblée se déclare préoccupée par la situation non réglée des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, qui s’observe dans 11 des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe 
			(1) 
			Il
s’agit des pays suivants: l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine,
la Croatie, Chypre, la Géorgie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
la Moldova, la Russie, la Serbie et la Turquie.. Elle encourage constamment les gouvernements à rechercher des solutions durables pour le retour des personnes déplacées et à garantir la protection de leurs droits, conformément aux dispositions des instruments pertinents du Conseil de l'Europe et aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, adoptés par l’ONU en 1998.

En 2006, à la suite de la Recommandation 1631 (2003) de l’Assemblée, le Comité des Ministres a adopté un ensemble de 13 recommandations sur les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, qui mettent en évidence les obligations contraignantes que les Etats membres se sont engagés à respecter. Malheureusement, depuis la dernière recommandation de l’Assemblée, la situation des personnes déplacées en Europe n’a guère évolué.

On estime qu’en Europe entre 2,5 et 2,8 millions de personnes restent déplacées dans leur propre pays; 99 % d’entre elles ont quitté leurs foyers il n’y a pas moins de 15 à 25 ans, à cause de conflits liés à des revendications d’indépendance non satisfaites ou à des différends territoriaux. Seuls un quart de tous les déplacés internes ont trouvé une solution durable à leur déplacement, principalement dans les Balkans, et la plupart se sont installés hors de leur région d’origine.

La majorité des déplacés vivent dans le dénuement, doivent se battre pour faire reconnaître leurs droits et sont marginalisés, faute de recevoir un minimum d’attention et de bénéficier d’une protection de leurs droits fondamentaux, notamment de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

En Europe, nombre de gouvernements n’exercent toujours pas un contrôle effectif sur l’intégralité de leur territoire car des conflits y perdurent. En conséquence, des systèmes juridiques parallèles se mettent en place, les négociations de paix sont bloquées, un climat d’insécurité continue à régner et aucun mécanisme de réconciliation raisonné n’est établi, ce qui limite les possibilités, pour les déplacés, d’exercer leurs droits et entrave leur retour. Le Conseil de l'Europe doit contribuer plus efficacement au règlement des conflits gelés en Europe et à la création des conditions de stabilité et de sécurité nécessaires au retour des déplacés. Aucune vraie solution ne peut être envisagée pour les déplacés tant que les conflits persistent.

Par ailleurs, les déplacés ne doivent pas servir de pions sur l'échiquier politique. En l’absence de règlement politique, il convient de ne pas décourager l’intégration (temporaire). De fait, l’intégration locale n’est pas nécessairement incompatible avec le retour. En outre, les gouvernements ne devraient pas minimiser l’ampleur des déplacements pour tenter de faire croire que le problème est réglé et de détourner l’attention de la communauté internationale.

C’est aux gouvernements qu’il incombe au premier chef de protéger les droits de leurs citoyens, y compris les personnes déplacées. Quoique déplacées, ces personnes restent des citoyens de leur pays, qu’elles n’ont d’ailleurs pas quitté, et, à ce titre, doivent bénéficier du même niveau de protection de leurs droits et des mêmes possibilités de les exercer que le reste de la population, même s’il peut être nécessaire de prendre certaines mesures supplémentaires spécifiques pour faire respecter ces droits.

Permettre aux déplacés de mener une vie normale et protéger leur droit au retour sont deux démarches qui ne s'excluent pas l'une l'autre. Bien au contraire, des personnes qui ont repris leur vie en main et qui ne sont pas inhibées par des atteintes continuelles à leurs droits ont plus de chances de retourner chez elles et de rebondir que des personnes ou des communautés qui ont été marginalisées et souffrent d’un syndrome de dépendance.

Il faut respecter le droit, pour les personnes déplacées, de choisir entre trois solutions: soit retourner dans leur foyer, soit s’intégrer là où elles ont été déplacées, soit s’installer ailleurs dans le pays. Ce choix doit être volontaire et éclairé; les autorités sont tenues de créer les conditions nécessaires pour que ces trois options puissent réellement être mises en œuvre.

En négligeant les intérêts des personnes déplacées, on prend un grand risque politique, celui de voir se réactiver à tout moment les conflits gelés auxquels ces personnes sont associées. La courte guerre qui a opposé l’an dernier la Géorgie à la Russie a rappelé de bien sinistre manière que l’indifférence de la communauté internationale à des situations de déplacement qui perdurent peut entraîner un nouveau conflit, des pertes humaines considérables et des déplacements de populations supplémentaires.

L’impunité généralisée des violations des droits de l'homme subies par de nombreuses personnes déplacées est un autre danger. Or, rares sont les affaires portées par ces personnes devant les juridictions nationales ou devant la Cour européenne des droits de l'homme. Cela s’explique en partie par le fait que les déplacés ne connaissent pas bien leurs droits et ne bénéficient que d’une assistance juridique limitée.

Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres,

concernant les solutions politiques:

  • d’intensifier les efforts visant à aboutir à un règlement pacifique des conflits dans la région, en vue de permettre à tous les réfugiés et déplacés qui le souhaitent de se réinstaller dans leur lieu d’origine;
  • de collaborer avec les gouvernements concernés et les acteurs internationaux pour trouver des solutions durables pour les personnes déplacées, en tenant compte notamment de la nécessité de planifier les retours et de prévoir des procédures de restitution des biens et d'indemnisation;
  • de lutter contre l’impunité des violations subies par nombre de personnes déplacées; de demander instamment aux Etats membres de mener des enquêtes sur les violations des droits de l'homme et les crimes commis au cours des différents conflits armés ayant conduit à des déplacements, et de traduire en justice les auteurs de ces violations et de ces crimes;

concernant le respect des normes de protection internationales:

  • d’évaluer dans quelle mesure les Etats membres concernés ont suivi les différentes recommandations de l’Assemblée concernant la protection des droits des personnes déplacées;
  • d’encourager les Etats membres à respecter scrupuleusement les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays et la Recommandation (2006)6 du Comité des Ministres, à intégrer les dispositions de ces textes dans la législation nationale, s’ils ne l’ont pas encore fait, et à manifester la ferme volonté de mettre en œuvre les cadres juridiques et normatifs nationaux et internationaux;
  • d’envisager l’élaboration d’une convention européenne contraignante sur la protection et l’assistance en faveur des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe, à l’exemple de l’Union africaine, qui a élaboré un projet de convention sur le même sujet;
  • de faire mieux connaître les mécanismes de protection déjà établis en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme et le mécanisme de réclamations collectives instauré par la Charte sociale européenne;

concernant la protection des droits des personnes déplacées:

  • d’examiner les politiques nationales en vue d’assurer la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays;
  • d’appeler les Etats membres:
  • à assurer la sécurité des personnes déplacées, notamment dans les lieux où elles reviennent;
  • à respecter pleinement le caractère volontaire du retour, de l’intégration ou de l’installation dans une autre région;
  • à restituer les biens et à réparer ou rebâtir les habitations et les infrastructures de base;
  • à développer des systèmes de protection sociale dont puissent bénéficier les personnes déplacées qui ont besoin d’aide;
  • à informer les personnes déplacées sur toutes les mesures pertinentes et à les associer à ces mesures, et, dans la mesure du possible, à leur donner la possibilité d'intervenir dans les décisions qui les concernent;
  • de soutenir les institutions nationales de défense des droits de l'homme lorsqu’elles encouragent les gouvernements à résoudre les difficultés des personnes déplacées à exercer leurs droits;
  • d’encourager les gouvernements à soutenir des programmes d’assistance juridique accessibles.