Imprimer
Autres documents liés
Avis de commission | Doc. 11961 | 22 juin 2009
Energie nucléaire et développement durable
(Ancienne) Commission des questions économiques et du développement
A. Conclusions de la commission
(open)1. La commission des questions économiques et du développement
salue le rapport de M. Bill Etherington sur l’énergie nucléaire
et le développement durable, et partage les principales conclusions
et suggestions contenues dans le projet de résolution présenté par
la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions
territoriales.
2. Tout en reconnaissant les nombreuses qualités de l’énergie
nucléaire, la commission des questions économiques et du développement
souligne que la préservation de l’environnement et le développement durable
doivent demeurer à tout prix les priorités de toutes formes d’approvisionnement.
A ce titre, elle appelle de ses vœux à prendre en compte la question
fondamentale de la gestion des déchets nucléaires et à engager une
véritable coopération internationale sur ce sujet afin d’assurer
une sécurité environnementale totale.
3. Si l’énergie nucléaire représente aujourd’hui une forme d’approvisionnement
énergétique parmi d’autres, la commission appelle les gouvernements
des différents Etats membres à poursuivre leurs recherches pour
développer d’autres formes d’énergies, en particulier parmi les
énergies renouvelables.
B. Exposé des motifs
(open)1. Introduction
1. Les crises pétrolière et financière ont souligné
la nécessité d’anticiper les grands défis de nos sociétés et notamment
celui de l’approvisionnement énergétique. Cette nécessité oblige
les gouvernements européens à agir avec plus d’efficience. Dans
une perspective de reprise économique et de demande énergétique
accrue, il apparaît donc que l’énergie nucléaire représente une
solution économique parmi d’autres.
2. Les budgets des différents Etats du Conseil de l’Europe ont
intégré de nombreuses dépenses liées aux divers plans de relance
et de sauvetage pour faire face aux effets de la crise. D’autres
dépenses seront également consacrées aux mesures économiques et
sociales pour faire face à la montée du chômage, au redressement
de l’activité industrielle et à la progression des inégalités dont
les premiers signes sont aujourd’hui perceptibles en Europe.
3. Il apparaît donc vital que les gouvernements, qui ont à l’esprit
l’approvisionnement énergétique de leur pays, investissent à long
terme des ressources financières dans un système qui leur assure
une indépendance et une rentabilité économique dans le domaine de
l’énergie tout en alliant ces mesures avec le respect de l’environnement
et la promotion du développement durable.
4. Une énergie nucléaire bien contrôlée est aujourd’hui en mesure
de fournir toutes ces garanties économiques sans pour autant fournir
toutes les garanties nécessaires en termes écologiques.
2. Les avantages de l’uranium
5. L’option de l’énergie nucléaire de la même manière
que les autres types d’énergies renvoie à la rentabilité économique
de son combustible. On a vu que les énergies fossiles (pétrole et
gaz) étaient extrêmement dépendantes des prix internationaux qui
ont connu une envolée au troisième trimestre 2008 (le prix du baril
de pétrole dépassant les 140 dollars en juillet 2008). Et cette
dépendance a créé pour certains Etats membres du Conseil de l’Europe,
une forme de dépendance économique et politique, comme l’a prouvé la
«guerre du gaz» entre la Fédération de Russie et l’Ukraine.
6. L’uranium, combustible nécessaire aux centrales nucléaires,
présente, à ce titre, l’avantage d’être disponible en quantité suffisante.
Selon certaines estimations , les réserves
d’uranium sont estimées à 5,3 millions de tonnes, situées principalement
en Australie (23 %), au Kazakhstan (16 %), au Canada (11 %) et aux
Etats-Unis (10 %). Il est consommé environ 64 000 tonnes d’uranium
par an, entraînant de ce fait une disponibilité pour quatre-vingt-cinq
ans, disponibilité qui peut être multipliée par 100 selon les experts
avec les réacteurs de quatrième génération utilisant aussi bien
de l’uranium 235 que de l’uranium 238.
7. De plus, à l’inverse du rapport de prix très sensible entre
hausse du baril de pétrole et hausse du prix de l’essence, le prix
de l’électricité pour le consommateur est extrêmement peu dépendant
du prix de l’uranium. Du point de vue économique, l’énergie nucléaire
offre une diversification et une meilleure sécurité dans la mesure
où les coûts restent bas et stables après l’investissement initial
et sont moins sujets aux fluctuations à court terme d’approvisionnement
en matières premières, représentant à peine 7 % du prix du kilowatt,
ce rapport est lié aux nombreuses transformations chimiques et physiques
subies par l’uranium dans sa transformation en électricité. Cependant,
les techniques d’extraction de ce combustible restent très polluantes.
8. Enfin, sur le marché des prix, l’uranium est une matière première
qui n’apparaît pas, comme le gaz, comme une «arme» économique car
de nombreux pays producteurs d’uranium tel que le Niger ou la Namibie n’ont
pas de programme nucléaire. En tout, près de 70 % de la production
vendue sur le marché international est le fait de pays n’ayant pas
de programme nucléaire. Afin de garantir cette liberté d’accès au
marché de l’uranium, une coopération internationale devrait s’organiser.
9. Cette relative sécurité du marché des prix de l’uranium n’empêche
pas les grands fournisseurs de combustibles fossiles de se positionner
sur le marché du nucléaire pour y jouir d’une position importante,
voire dominante. La Fédération de Russie, qui a investi, en décembre
2008, 22 milliards d’euros dans son programme électronucléaire,
et qui détient 8 % des ressources d’uranium, s’est lancée via Rosatom,
la holding russe de l’énergie nucléaire, dans une politique de développement
et de contrôle du nucléaire vis-à-vis de l’Europe. Ainsi, selon
le quotidien russe Izvestia, «l’uranium
russe est utilisé dans les centrales allemandes, britanniques, suisses,
néerlandaises, finlandaises. Rosatom détient 40 % du marché des
services d’enrichissement de l’uranium naturel. Une centrale sur
six dans le monde fonctionne au combustible russe».
10. A ce propos, la commission des questions économiques et du
développement rappelait en janvier 2007 que «pour garantir une sécurité
énergétique actuellement et à long terme, il conviendra de rechercher
des solutions à long terme sous la forme de projets énergétiques
durables et de politiques de l’énergie cohérentes, ce qui suppose
avant toute chose l’émergence progressive d’un marché unique de
l’énergie en Europe, basé sur une réglementation saine, une coopération
efficiente, des investissements suffisants et des réseaux solides» .
3. Le coût des installations
11. Outre le prix du combustible, les perspectives économiques
du marché des centrales nucléaires amènent également à considérer
le paramètre des installations nucléaires lorsqu’il s’agit de procéder
à des investissements à long terme en matière énergétique.
12. Parmi les Etats du Conseil de l’Europe, la Russie, la Finlande,
le Royaume-Uni, l’Albanie, la Croatie, l’Italie, l’Ukraine, la Bulgarie
et la France ont décidé de construire de nouveaux réacteurs nucléaires.
Pour ce dernier pays, la France, qui produit 76,9 % de son électricité
de manière nucléaire, le défi est de taille. Outre la prochaine
construction de l’EPR (European Pressurized Reactor), le marché
des installations nucléaires est une question économique fondamentale.
Plus gros détenteur de centrales nucléaires, la France est également une
grande exportatrice de matériel nucléaire grâce à l’entreprise Areva.
Or, la concurrence est de plus en plus difficile avec le rapprochement
récent entre l’entreprise russe Rosatom et son homologue allemande
Siemens. Ces rapprochements illustrent en tout cas la volonté de
certains Etats d’investir de manière efficiente dans une source
d’énergie rentable à long terme, dans un futur où les besoins énergétiques
seront plus importants.
13. La construction de nouvelles installations représente cependant
un coût important (environ 4 milliards d’euros pour un EPR) sans
compter la durée des travaux de construction que l’on estime entre
cinq à sept ans pour chaque centrale nucléaire et les divers travaux
préparatoires qui bien souvent ont augmenté les charges financières.
C’est le pari qu’a fait l’Italie qui prévoit de construire entre
quatre et cinq réacteurs de 1 800 mégawatts chacun dans les cinq
prochaines années. Plusieurs Etats, et notamment ceux dont le parc nucléaire
est vieillissant, envisagent quant à eux d’investir dans un allongement
de la durée de vie des réacteurs, de 30 à 40 ans, qui ne coûterait
que 400 millions d’euros (soit dix fois moins que la construction d’une
centrale). Pour le consommateur, cet investissement ne représenterait
que 1,2 centime d’euro contre 2,8 centimes pour une centrale neuve.
14. L’allongement de la durée de vie des réacteurs amène inévitablement
à la question fondamentale de la sécurité, impératif absolu aussi
bien pour l’homme que pour son environnement naturel. Le rapport
de M. Etherington a montré combien l’énergie nucléaire
était profitable au développement durable en raison de sa production
minime de gaz à effet de serre. La sécurité est aujourd’hui communément
admise comme étant la préoccupation première et il convient d’être
le plus vigilant possible comme dans la construction de la future centrale
nucléaire albano-croate sur les bords du lac Skadar en Albanie.
Ainsi les investissements dans les centrales nucléaires comprendront
des budgets spécifiquement liés à la sécurité pour rendre cette
dernière encore plus fiable. Une directive en préparation de la
Commission européenne devrait traiter de cette préoccupation majeure.
15. Enfin, le système de gestion des déchets représente l’un des
défis majeurs de l’énergie nucléaire. Souvent décrié, celui-ci fait
également l’objet d’attentions toutes particulières pour les Etats
qui ont décidé d’investir dans le nucléaire. L’investissement financier
et les recettes doivent bien évidemment se concentrer sur cette
question si importante aussi bien pour la sécurité que pour le développement
durable. Ainsi, des ressources financières devront être allouées
pour couvrir les frais à long terme occasionnés par la gestion des déchets.
Il serait fort souhaitable que s’organise une véritable concertation
internationale sur la question centrale des déchets.
4. L’investissement à long terme
16. Outre les avantages liés à l’uranium et le coût des
installations, l’énergie nucléaire offre également des perspectives
économiques en terme d’investissement à long terme dans les domaines
de la recherche ou de la formation nucléaire.
17. Investir dans la recherche nucléaire n’aboutit pas uniquement
à la production d’énergie et d’électricité. Bien peu de gens savent
que cette recherche a des applications bénéfiques dans de nombreux
domaines qui touchent à la vie quotidienne des citoyens telle que
la santé (matériels médicaux à base de radio-isotopes, recherches
contre le cancer), le social et bien entendu l’environnement avec
une réduction des gaz à effets de serre. Certes, il convient surtout
de contrôler avec fermeté le commerce qui pourrait être fait de
cette technologie dans le domaine militaire et aboutir à la production
d’armes nucléaires.
18. Certaines universités en Belgique ou en Allemagne ont créé
des cycles de formation sur la recherche nucléaire. Enfin, de nombreuses
politiques de financement de la recherche nucléaire, aussi bien
dans le secteur privé que dans le secteur public, ont été adoptées
en Espagne, en Hongrie, en Allemagne ou au Royaume-Uni qui a investi
plus de 10 millions de livres (en 2000). Toutes ces initiatives
permettent de disposer d’une solide expertise dans ce domaine.
19. Concernant la formation aux métiers du nucléaire, elle représente
un formidable défi économique. La plupart des spécialistes en conviennent:
il y a pénurie de professionnels ou d’ingénieurs dans le domaine
de l’énergie nucléaire. La formation a certes un coût mais elle
constitue surtout la maîtrise d’une expérience, d’un savoir-faire
pour un pays. Certains pays, devenus peu concurrentiels dans certains
secteurs économiques où ils ne peuvent rivaliser avec le coût extrêmement
faible de la main-d’œuvre asiatique ou indienne, vont, grâce à l’énergie
nucléaire, dont le poids économique va s’accentuer durant les prochaines
années, exporter leurs compétences. Pour un Etat, c’est également
la valorisation économique d’un savoir-faire national, reconnu internationalement.
C’est le choix qu’a fait par exemple la France avec son entreprise
Areva qui fabrique le réacteur EPR et qui concurrence fortement
ses homologues américains et japonais.
20. De plus, la construction de centrales nucléaires entraîne
la création de milliers d’emplois en ces temps de crise économique
qui voit le chômage augmenter dans la plupart des Etats membres
du Conseil de l’Europe. Et même sans parler de créations d’emploi,
l’énergie nucléaire permet également d’obtenir une électricité à
un prix stable, condition essentielle à la croissance économique,
à la prospérité industrielle et à la sécurité de l’emploi pour les
salariés de ces mêmes industries.
5. Conclusion
21. Aucune politique énergétique n’est idéale car chacune
présente des défauts, soit dans le respect de l’environnement ou
en terme de développement durable, soit dans la sécurité absolue
des installations. L’énergie nucléaire, malgré ses incontestables
qualités, doit toujours être améliorée et progresser notamment dans
l’extraction de l’uranium et dans la gestion des déchets.
22. Cette forme d’énergie apparaît cependant comme l’une des plus
efficientes et des plus économiques des sources d’énergie dans une
Europe qui augmentera dans les prochaines années, sa consommation d’électricité
notamment. C’est aussi un pont lancé vers la recherche et le développement
de nos sociétés. Mais ce pont doit aussi être franchi vers l’acquisition
et le développement d’autres sources d’énergies, encore plus respectueuses
de l’environnement et du développement durable telles que les énergies
renouvelables et douces.
Commission saisie pour rapport: commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales.
Commission pour avis: commission des questions économiques et du développement.
Renvoi en commission: Renvoi 3333 du 16 avril 2007.
Projet d’avis approuvé à l’unanimité par la commission des questions économiques et du développement le 19 juin 2009.
Secrétariat de la commission: M. Newman, M. de Buyer, M. Chahbazian et M. Pfaadt.