1. Introduction
«Une alternative sûre au silence
ne peut être créée que si les bonnes intentions de toute loi vont
de pair avec un changement de culture»
1. Je tiens à clarifier d’emblée le fait que «donner
l’alerte» est un acte généreux et positif, par lequel une personne
met sa carrière en jeu afin d’empêcher qu’un grave problème ne cause
à autrui du tort qui pourrait être évité. Les «donneurs d’alerte»
ne sont pas des «traîtres» mais des personnes courageuses qui préfèrent agir
contre les abus dont elles sont témoins plutôt que d’opter pour
la facilité en restant silencieuses. La plus grande contribution
que pourrait apporter le présent rapport serait de répandre ce message
en Europe. Pour cela, il faut infléchir des attitudes culturelles
profondément ancrées depuis les régimes sociopolitiques de dictature
et/ou de domination étrangère sous lesquels il était tout à fait
normal de se méfier des «informateurs» des autorités méprisées.
C’est probablement parce que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont
été longtemps épargnés qu’ils ont pu développer un climat bien plus
favorable aux «donneurs d’alertes» que la plupart des pays d’Europe.
Le membre de la Chambre des Représentants Derwinski
a résumé comme suit
l’attitude générale avant l’adoption de la loi sur la protection
des «donneurs d’alerte» («Whistleblower Protection Act» ou WPA):
«Il en va de «donneur d’alerte» comme de «maternité», personne ne
pourrait être contre». C’est dans ce contexte que la WPA a été adoptée
à l’unanimité, à la fois à la Chambre des représentants et au Sénat –
tout politicien américain surpris à voter contre aurait commis l’équivalent
d’un «suicide politique»
. Toutefois, nous verrons qu’un décalage persiste
entre discours et réalité, également aux Etats-Unis; quant à nous
autres Européens, à l’exception peut-être des Britanniques, nous
n’avons pas même encore atteint le niveau américain pour ce qui
est de la justification du «signalement». J’aimerais vraiment que
l’on saute l’étape de la rhétorique pour passer directement à celle
de la prise de mesures concrètes de protection.
2. Deux exemples qui nous viennent des Etats-Unis – l’un plutôt
amusant, l’autre fort inquiétant –démontrent l’importance du «signalement»
pour la société dans son ensemble, qui devrait le considérer comme
un atout et non comme une menace.
3. Le premier exemple porte sur la lutte contre la corruption,
au cœur des activités du ministère américain de la Justice. Un «donneur
d’alerte» a provoqué la révocation de hauts fonctionnaires du ministère
après avoir révélé la corruption systématique dans le cadre de son
programme de formation des forces de police d’autres nations aux
techniques d’enquête et de poursuite de la corruption au sein du
gouvernement américain
. Nous ne pouvons que féliciter le «donneur
d’alerte» et le ministère de la Justice pour avoir réagi de telle
sorte que l’affaire est devenue un cas d’école de la lutte contre
la corruption par l’exposition au grand jour.
4. Le second exemple concerne la construction d’une centrale
nucléaire en Californie. Au lieu d’utiliser un acier spécial de
«qualité nucléaire» fort cher, des pièces essentielles du réacteur
ont été fabriquées en ferraille, tandis qu’un agent empochait la
différence de coût. Heureusement pour des millions de Californiens,
un «donneur d’alerte» a révélé la supercherie et la centrale, dont
la construction était quasiment achevée, a été convertie en centrale
à charbon
.
5. Parmi les célèbres «donneurs d’alerte» européens, citons l’ex-fonctionnaire
européen néerlandais Paul van Buitenen, dont les révélations sur
la corruption endémique à la direction de l’Union européenne ont provoqué
la démission de l’ensemble de la Commission Santer. Ce «donneur
d’alerte» a fait l’objet de graves représailles de la part de ses
supérieurs, qui l’ont poussé à quitter son poste et à retourner
aux Pays-Bas où il a fini par être élu député européen. Au Parlement,
il continue d’agir en sentinelle intransigeante de la lutte contre
la corruption.
6. Est-il nécessaire de reparler des courageux «donneurs d’alerte»
russes dont la situation critique a déjà été décrite dans les précédents
rapports de l’Assemblée parlementaire, notamment celle de MM. Alexander Nikitine
et Grigoriy Pasko
, emprisonnés
pour des présumées violations de secrets d’État après avoir mis
en garde contre la pollution causée par des sous‑marins vétustes
et des largages de déchets nucléaires dans l’océan Arctique et en
mer du Japon, et de M. Mikhail Trepashkin, ancien agent du Service
fédéral de sécurité (FSB) de la Fédération de Russie, qui a raconté
son histoire sur des conspirations pénales ne faisant pas encore
l’objet d’une enquête et impliquant ses anciens employeurs, le 11
novembre 2008 à l’audience de notre commission à Moscou
?
7. Au Royaume-Uni, l’adoption de la loi de 1998 sur les révélations
d’intérêt public («Public Interest Disclosure Act») a été provoquée
par une série de catastrophes qui auraient pu être évitées, notamment
le naufrage du ferry «Herald of Free Enterprise» et la destruction
d’une plateforme pétrolière en mer du Nord. Si les employés – qui
étaient au courant des problèmes et avaient tenté en vain de les
faire remonter via leur hiérarchie – avaient eu à leur disposition
des moyens sûrs de faire entendre leurs inquiétudes sans consulter leurs
supérieurs directs, des centaines de vies auraient pu être sauvées.
C’est précisément à cela que servent les procédures internes de
signalement.
8. Selon les recherches effectuées aux Etats-Unis, les «donneurs
d’alerte» potentiels tendent à rester silencieux principalement
pour deux raisons: tout d’abord, le sentiment que leurs mises en
garde ne seront pas suivies des effets attendus, ensuite, par crainte
des représailles
. Pour que la société en général ou
des organismes en particulier bénéficient pleinement du potentiel
des «donneurs d’alerte» en matière d’alerte précoce, il importe
de répondre à ce double enjeu en s’assurant d’une part que leurs
avertissements sont dûment pris en compte et en leur apportant d’autre
part une protection crédible. Le présent rapport entend faire des
propositions concrètes dans ce sens.
2. Etat
de la situation
9. Ce rapport découle de la proposition de recommandation
déposée par M. Bartumeu Cassany et plusieurs de ses collègues le
23 avril 2007 (
Doc. 11269), invitant l’Assemblée à examiner la protection des «donneurs
d’alerte», gardant à l’esprit le rôle essentiel que jouent ces derniers,
non seulement dans le contexte de la corruption mais également dans
le signalement d’autres activités illégales de la part des autorités.
10. Il convient de rappeler que la proposition de recommandation
susmentionnée était elle-même motivée par la
Résolution 1507 (2006) sur les allégations de détentions secrètes et de transferts
interétatiques illégaux de détenus concernant des États membres
du Conseil de l’Europe, par laquelle l’Assemblée parlementaire invitait
les États membres à «
s’assurer que les
lois régissant le secretd’État
protègent les whistle-blowers, personnes qui révèlent les activités
illégales des organes de l’Etat, contre d’éventuelles sanctions
disciplinaires ou pénales».
11. Le 27 juin 2007, en ma qualité de membre de la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée,
j’ai été nommé rapporteur et chargé d’élaborer un rapport sur la
protection des «donneurs d’alerte».
12. A la partie de session de janvier 2008 de l’Assemblée, j’ai
présenté une note introductive
énonçant
les objectifs de ce rapport, qui compare les différentes législations
et pratiques relatives aux «donneurs d’alerte» dans les Etats membres
et observateurs du Conseil de l’Europe, en vue de présenter une
recommandation demandant instamment aux États membres d’apporter
les améliorations nécessaires dans ce domaine du droit.
13. A sa réunion des 10 et 11 novembre 2008 à Moscou, la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme a tenu une audition
avec les cinq experts suivants:
- Mikhail
Trepashkin, célèbre «donneur d’alerte» russe qui a passé quatre
ans en prison pour avoir accusé ses anciens employeurs du Service
de sécurité fédérale russe de graves méfaits;
- Martin Tillack (magazine STERN), journaliste d’investigation
allemand qui a révélé des cas sérieux de corruption à la Commission
européenne avec l’aide de «donneurs d’alerte» et a eu gain de cause
dans une affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme
contre la Belgique, qui avait tenté de le forcer à divulguer ses
sources;
- Elaine Kaplan, juriste américaine, ancienne Conseillère
spéciale pour la protection des «donneurs d’alerte» aux Etats-Unis;
- Anna Myers, juriste britannique, Représentante de «Public
Concern at Work», principale organisation non gouvernementale du
Royaume-Uni dans le domaine de la protection des «donneurs d’alerte»;
- Drago Kos (Croatie), Président du Groupe d’Etats contre
la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe.
14. Afin de dresser un panorama complet de la législation existante
concernant la protection des «donneurs d’alerte» dans les États
membres du Conseil de l’Europe, une demande, sous forme d’un questionnaire,
a été adressée par le Secrétariat de l’Assemblée parlementaire en
septembre 2007, via le Centre européen de recherche et de documentation
parlementaires (CERDP), aux services de recherche de la plupart
des parlements des 47 États membres du Conseil de l’Europe et au
Congrès des États-Unis d’Amérique, ce dernier ayant récemment élaboré
une législation intéressante dans ce domaine. Les questions étaient
les suivantes:
14.1. Quelles sont
les dispositions statutaires pertinentes dans la législation ou
les projets de loi de votre pays en matière de protection des «donneurs
d’alerte» (sous l’angle, inter alia, de la responsabilité pénale
ou civile, du licenciement pour violation du secret, de la révélation
de leur identité, des représailles, etc.)? Cette protection s’étend-elle
uniquement aux «donneurs d’alerte» eux-mêmes, ou également aux personnes
et entités qui divulguent publiquement les informations ou ont le
pouvoir de prendre des mesures correctives?
14.2. Quelle est la définition d’un «donneur d’alerte» en vertu
de la législation ou des projets de législation pertinents?
14.3. Existe-t-il une législation ou des projets de législation
uniformes au plan national sur la protection des «donneurs d’alerte»?
14.4. La protection législative (et les projets législatifs
en la matière) s’étendent-ils aux secteurs privé et public?
15. Le Secrétariat a reçu 26 réponses des États membres du Conseil
de l’Europe et une du Congrès des États-Unis d’Amérique. Les 26
États membres du Conseil de l’Europe ayant répondu sont: l’Allemagne, l’Autriche,
la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, Chypre, la Croatie,
le Danemark, l’Estonie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
la France, la Géorgie, la Grèce, l’Italie, la Lituanie, la Norvège,
les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Serbie,
la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse, et la Turquie. Les
autres pays n’ayant pas donné suite au questionnaire, nous ne disposons
donc que d’une image partielle de l’Europe dans ce domaine. Par
ailleurs, j’ai pu recueillir des informations sur la législation pertinente
en Hongrie et en Espagne.
3. Définition des
concepts
16. Les réponses reçues montre la fréquente méconnaissance
du concept de «whistle-blowing» (signalement).
Dans la plupart des pays, le «whistle-blowing»
(le terme anglais est souvent repris dans les pays non anglophones)
suggère l’action d’une personne qui révèle des informations, généralement
dans l’intérêt général et sans intérêt personnel direct, sur des
inconduites de types divers, y compris des fraudes, des faits de
corruption, des comportements dangereux, ou des violations de la
loi et de la réglementation.
17. En l’absence de définition statutaire généralement acceptée
du «
whistle-blowing» dans
l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe, nous avons
pris comme point de départ la définition suivante, proposée par
M. Guy Dehn, Directeur de l’ONG britannique «Public Concern at Work»
et auteur d’un rapport clé pour la Commission de l’Union européenne:
«
Alerter les autorités en dévoilant des
informations laissant raisonnablement entrevoir l’existence de sérieux
dysfonctionnements, lorsque ces informations ne sont pas connues
par ailleurs ou autrement décelables et que la personne les divulguant
(par exemple un employé) est soumise à un devoir de tenir ces informations
secrètes, à condition qu’elle ait, dans la mesure du possible, soulevé
au préalable la question au sein de l’organisation». (traduction non officielle)
18. La définition employée par Transparency International («la
révélation par les membres (anciens ou actuels) d’un organisme de
pratiques illégales, immorales ou illégitimes sous le contrôle de
leurs employeurs, à des personnes ou organismes en mesure de les
suivre d’effets» (traduction non officielle)) n’exige pas des «donneurs
d’alerte» qu’ils évoquent le problème dans un premier temps au sein
de l’organisme.
19. Dans certains cas, comme dans les services secrets et ou dans
l’armée, des normes et procédures spéciales peuvent s’avérer nécessaires.
Mais étant donné que, dans ces instances, les abus sont possibles
et avérés, et que leur exposition peut très bien être dans l’intérêt
collectif, leurs membres ne devraient pas être exclus d’emblée des
lois sur la protection des «donneurs d’alerte». Les abus commis
dans le cadre de la guerre dite «contre la terreur» que décrivent
de récents rapports de l’Assemblée parlementaire sont un exemple typique
.
20. «Donner l’alerte» n’est en rien comparable à un dépôt de plainte
(intérêt personnel). Bien sûr, lorsqu’une personne effectue un signalement,
elle fait part de ses préoccupations concernant un danger ou des
actes illégaux affectant d’autres personnes (par exemple les clients,
le public, ou leur employeur). Le «donneur d’alerte» n’est généralement
pas directement ou personnellement concerné. De ce fait, il n’a
que rarement un intérêt personnel dans les conclusions d’une enquête
relative à ses préoccupations et devrait être considéré comme «
un messager soulevant un problème affectant
d’
autres personnes pour qu’
il y soit remédié»
. (traduction non officielle)
21. Dans la Loi sur la protection des «donneurs d’alerte» (WPA)
,
qui prévoit des règles de protection des fonctionnaires fédéraux
des États-Unis qui «donnent l’alerte», le «
whistle-blowing»
est défini comme «
la divulgation d’informations
démontrant des activités illégales ou indues du gouvernement».
(traduction non officielle)
22. Le thème du «
whistle-blowing»
a fait l’objet de recherches et de rapports au sein de diverses organisations
internationales. A titre d’exemple, pour ne citer que les plus récents,
le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe
a abordé la question de la protection des «donneurs d’alerte» dans son
Septième rapport général d’activité (2006)
et la Commission du contrôle budgétaire
du Parlement européen a traité de ce thème dans le contexte de la
gestion du risque
.
La protection des «donneurs d’alerte» a également été abordée dans
des instruments juridiques internationaux tels que l’article 9 de
la Convention civile sur la corruption du Conseil de l’Europe (STE
174) qui énonce que chaque partie est tenue de prévoir «
dans son droit interne une protection adéquate
contre toute sanction injustifiée à l’égard des employés qui, de
bonne foi et sur la base de soupçons raisonnables, dénoncent des
faits de corruption aux personnes ou autorités responsables»;
l’article 33 de la Convention des Nations Unies contre la corruption stipule
«
Chaque État Partie envisage d’incorporer
dans son système juridique interne des mesures appropriées pour
assurer la protection contre tout traitement injustifié de toute
personne qui signale aux autorités compétentes, de bonne foi et
sur la base de soupçons raisonnables, tous faits concernant les infractions
établies conformément à la présente Convention».
23. En dépit de l’intérêt croissant porté par les organisations
internationales à la protection des «donneurs d’alerte», il reste
beaucoup à faire au niveau des législations nationales des pays
européens. L’analyse des 26 réponses reçues des États membres du
Conseil de l’Europe démontre la persistance d’un grand vide juridique
dans ce domaine dans bon nombre de pays, même si dans certains d’entre
eux, les tribunaux, dans leur interprétation des obligations légales
de secret et de discrétion inscrites dans le droit pénal ou du travail, ont
abordé des questions liées à la protection des «donneurs d’alerte»
au travers de la jurisprudence.
4. Vue d’ensemble
des législations nationales concernant la protection des «donneurs
d’alerte»
24. Au plan mondial, la législation sur la protection
des «donneurs d’alerte» en est toujours à ses premiers balbutiements.
Cependant un examen rapide de la liste des États ayant à ce jour
élaboré des lois complètes sur ce thème montre que cette tendance
est plus présente dans les pays ayant une tradition de common law. Ainsi,
des pays tels que l’Australie, le Canada, la Nouvelle Zélande, l’Afrique
du Sud, le Royaume-Uni et les États-Unis ont de telles législation.
En Europe, il semble que la majorité des législations nationales
aient besoin d’aborder ce thème de manière plus détaillée. Ce chapitre
est consacré à la situation en Europe, sur la base des réponses
au questionnaire reçues de 26 États membres du Conseil de l’Europe.
25. Avant d’aborder plus en détail la situation au plan national,
il est intéressant de souligner quelques aspects généraux ressortant
des 26 réponses reçues.
26. Pour commencer, nous avons immédiatement relevé un problème
de terminologie et de définition. Il n’existe pas de définition
commune du terme «
whistle-blower»
et certains pays, tels que l’Estonie, la Pologne ou la Turquie,
ne disposent d’aucun mot équivalent dans leurs langues. Le service
de recherche du Bundestag allemand emploie tout simplement le terme
anglais. Même parmi les pays ayant promulgué une législation spécifique
dans ce domaine, aucune définition
stricto
sensu n’apparaît dans la législation sauf en Roumanie, qui
donne comme définition dans sa législation:
«un
«donneur d’alerte» (avertizor) est une personne qui signale des
violations des lois dans les institutions publiques commises par
des personnes investies d’une autorité publique ou des responsables
de ces institutions» (traduction non officielle) .
27. La difficulté à trouver une définition appropriée du terme
«whistle-blower» engendre un problème de plus grande envergure dans
la plupart des pays examinés ici dans la mesure où, lorsqu’ils sont
interrogés sur leur législation nationale en matière de protection
des «donneurs d’alerte», beaucoup d’entre eux font référence à leurs
lois sur la protection des témoins (Bulgarie, Estonie, Italie, Pologne,
Turquie, …), qui couvrent certains aspects de la protection des
«donneurs d’alerte» mais ne peuvent remplacer une loi plus générale
qui traite de la protection des «donneurs d’alerte» sous tous ses
aspects. Les lois sur la protection des témoins peuvent et devraient
bien entendu s’étendre aux «donneurs d’alerte» lorsqu’ils comparaissent
devant un tribunal pour apporter leur témoignage. Mais la notion
de «donneur d’alerte» ne doit en aucun cas être confondue ou limitée
aux seuls témoins. Un «donneur d’alerte» ne souhaitera pas nécessairement,
ou ne sera pas contraint de comparaître devant le tribunal, compte
tenu du fait que les mesures de signalement sont conçues avant tout
pour décourager les inconduites ou y remédier à un stade précoce.
28. Les 26 réponses laissent également transparaître que la question
du signalement est étroitement liée aux cultures juridiques en général
des pays concernés. Dans la plupart des pays européens, les normes politiques
et administratives ne valorisent pas le signalement. En Pologne
ou en France, par exemple, cet acte est facilement assimilable à
une dénonciation et fermement condamné dans les deux cultures. Dans
certains pays, l’argument culturel est mis en avant pour justifier
le refus d’édicter une loi spécifique protégeant les «donneurs d’alerte»,
partant souvent du principe que les quelques dispositions contenues
dans d’autres textes législatifs suffisent à assurer la protection
requise.
29. La protection des données personnelles et le respect de la
vie privée sont d’autres facteurs contribuant à la réticence à légiférer
spécifiquement dans ce domaine. En France par exemple, la CNIL
, l’organe contrôlant la protection
des données personnelles, a refusé d’autoriser l’instauration de
mécanismes internes de signalement dans une chaîne de restauration
rapide, arguant qu’ils seraient contraires aux droits fondamentaux
des salariés et à la législation relative à la protection de la
vie privée.
30. Dans de nombreux pays européens, en raison de l’absence de
culture de signalement à connotation positive, le «donneur d’alerte»
est trop souvent considéré comme un traître ou assimilé à un informateur
de la police. Cette approche est préjudiciable. La société n’est
pas suffisamment consciente que l’action du «donneur d’alerte» peut
prévenir d’autres inconduites susceptibles de nuire à la santé,
la sécurité ou la vie d’autrui. D’où l’intérêt pour la société de
protéger juridiquement les «donneurs d’alerte» en Europe contre
les licenciements ou toute forme de représailles. Une autre question
se pose: une telle protection devrait-elle être inscrite dans une
loi spéciale ou peut-elle être laissée à l’appréciation des tribunaux
dans l’application progressive de dispositions générales du droit
pénal ou du travail.
31. Les formes typiques de représailles, outre le licenciement
pur et simple, peuvent englober le retrait de certaines attributions
de manière à donner à l’employé un sentiment de mise à l’écart,
son inscription sur une liste noire pour l’empêcher de trouver un
emploi rémunérateur; la conduite d’investigations menées en représailles
à son encontre afin de détourner l’attention des dilapidations,
fraudes ou abus que le «donneur d’alerte» tente de dévoiler; la
mise en cause de la santé mentale, des compétences professionnelles
ou de l’honnêteté du «donneur d’alerte»; sa mutation géographique
. Un «donneur
d’alerte» n’est pas un informateur à l’ancienne mode ou un «mouchard»
car il ne divulgue pas d’informations dans son intérêt personnel
et n’agit pas sous la coercition de tiers. Il convient de faire
évoluer les mentalités et les États européens doivent redoubler
d’efforts pour que les «donneurs d’alerte» soient mieux acceptés
et leur protection assurée.
32. En abordant la protection des «donneurs d’alerte», nous avons
constaté que les lois nationales pertinentes sont étroitement liées
à d’autres notions, telles que la dénonciation, la protection des
témoins, ou la protection des sources.
33. La protection des sources journalistiques peut en effet être
rapprochée de celle des «donneurs d’alerte» lorsque les informations
divulguées sont rendues publiques. D’un côté, il appartient au «donneur
d’alerte» de dévoiler des informations fiables et raisonnables aux
médias, notamment lorsque qu’il n’a pas été correctement remédié
au problème après recours aux voies internes appropriées. Mais d’un
autre côté, une fois les informations révélées aux médias, le journaliste
devrait avoir le droit de protéger ses sources. Si un «donneur d’alerte»
ne s’estime pas en mesure d’effectuer un signalement interne parce
qu’il est raisonnablement convaincu qu’il s’expose à des sanctions,
ou que sa démarche n’aura pas l’effet escompté, et s’il décide de passer
par les médias pour tirer la sonnette d’alarme, il devrait bénéficier
d’une protection indirecte à l’instar de celle des sources journalistiques.
Si plusieurs exemples dans toute l’Europe tendent à montrer que
la protection des sources journalistiques reste extrêmement fragile,
la protection des sources journalistiques ne doit cependant pas
être exagérée au point de pouvoir couvrir des diffamations et calomnies
malintentionnées ou imprudentes. Dans ce contexte, la législation
française récente relative à la protection des sources journalistiques
pourrait bien offrir des éléments de «demi-solution» permettant
un examen judiciaire du caractère raisonnable d’une divulgation.
34. En ce qui concerne la protection de sources journalistiques,
l’arrêt du 27 novembre 2007 de la Cour européenne des droits de
l’homme dans l’affaire
Tillack contre
Belgique est d’une importance particulière. Cet
arrêt a confirmé le droit de ce journaliste allemand, travaillant
pour le magazine «Stern», de protéger ses sources concernant les
articles qu’il avait publiés sur des allégations d’irrégularités
à Eurostat et dans l’Office de lutte anti-fraude de l’Union européenne
(OLAF). La Cour a estimé que la Belgique avait violé l’Article 10
de la Convention européenne des droits de l’homme (liberté d’expression)
en raison des perquisitions et saisies menées au domicile et au
bureau du journaliste par la police belge. La Cour a souligné que
le droit des journalistes à protéger leurs sources n’est pas un
«
simple privilège qui leur serait accordé
ou retiré» mais l’une des pierres angulaires de la liberté
de la presse. Cet arrêt devrait inciter les législateurs de toute
l’Europe à réfléchir à l’importance des médias en tant que porte-parole
des «donneurs d’alerte».
35. Les 26 réponses apportées à notre questionnaire révèlent que
la majorité des pays européens ne disposent pas et ne prévoient
pas d’introduire une législation spécifique sur la protection des
«donneurs d’alerte». Il convient en fait d’établir la distinction
entre trois catégories de pays: ceux déjà dotés d’une législation
spécifique sur la protection des «donneurs d’alerte» (Belgique
, France,
Norvège, Pays-Bas, Roumanie et Royaume-Uni); ceux dans lesquels
un projet de législation sur la protection des «donneurs d’alerte»
est en instance devant le parlement ou en préparation (Allemagne,
Slovénie, Suisse; en Lituanie, un vaste projet de loi y afférent
a été rejeté par le Parlement); et ceux qui, à ce jour, ne disposent
pas d’une telle législation mais où une certaine forme de protection
est offerte aux «donneurs d’alerte» par d’autres dispositions statutaires,
notamment dans le droit pénal ou du travail (Autriche, Bosnie-Herzégovine,
Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Estonie, «ex-République yougoslave
de Macédoine», Géorgie, Grèce, Italie, Pologne, Serbie, Slovaquie,
Suède, et Turquie).
4.1. Pays disposant
d’une législation spécifique sur la protection des «donneurs d’alerte»
36. Dans les cinq pays concernés, la situation diffère
grandement: dans la plupart des cas, la protection des «donneurs
d’alerte» n’est applicable qu’en cas de corruption et ne couvre
pas les autres irrégularités; tous ne disposent pas d’une définition
du «donneur d’alerte»; et les lois ne s’appliquent pas toutes aux
secteurs privé et public. Ces législations sont généralement récentes,
le Royaume-Uni venant en tête
.
37. Le
Royaume-Uni semble
tenir lieu d’exemple dans ce domaine du droit, tout au moins au
niveau européen. Il fut l’un des premiers pays européens à légiférer
sur la protection des «donneurs d’alerte», sa loi a même été décrite
comme «
la loi de plus grande envergure
relative aux «donneurs d’alerte» dans le monde entier» .
A l’époque, la décision de légiférer a été prise suite à une série
d’accidents tragiques qui auraient pu être évités
et aux
enquêtes ayant révélé que le personnel était au fait des dangers
mais qu’il n’avait pas été en mesure de tirer la sonnette d’alarme
en interne. D’où la promulgation en 1998 de la Public Interest Disclosure
Act (PIDA).
38. La PIDA assure aux «donneurs d’alerte» une protection contre
les représailles ou le licenciement, elle couvre les employés des
secteurs public et privé
,
ceux du monde associatif, ainsi que les autres travailleurs tels
que le personnel des agences, les travailleurs à domicile, les stagiaires,
les personnes sous contrat et tous les professionnels du National
Health Service (NHS), qui font part de leurs préoccupations quant
aux fraudes ou pratiques illégales sur leur lieu de travail, à condition
qu’ils aient agi de façon responsable, qu’ils aient procédé au signalement
de bonne foi, qu’ils soient raisonnablement convaincus que l’information
divulguée et les allégations qu’elle renferme sont en grande partie
vraies et qu’ils n’espèrent pas en tirer un gain personnel
. La PIDA ne définit pas directement
le terme de «whistle-blower» mais les dispositions concernent les
«divulgations protégées» effectuées par des «travailleurs».
39. La PIDA définit les catégories suivantes d’informations constituant
des divulgations admissibles: une infraction pénale passée, présente
ou future, un manquement à une obligation juridique, une erreur
judiciaire, un danger pour la santé ou la sécurité d’une personne,
des risques environnementaux et une tentative de dissimulation d’une
des cinq situations susmentionnées. La protection s’applique si
la divulgation est faite de bonne foi à l’employeur, dans certains
cas à un ministre de la Couronne. Le travailleur doit avoir des
soupçons raisonnables que les informations divulguées laissent entrevoir
un abus.
40. La PIDA établit la distinction entre les révélations en interne
et les signalements à plus grande échelle, établissant clairement
qu’il convient de ne recourir à ces derniers que si les révélations
faites dans un premier temps en interne se sont avérées vaines ou
s’il existe des motifs raisonnables de penser qu’un signalement interne
présente trop de risques pour le travailleur. La protection des
signalements à plus grande échelle est soumise à un nombre plus
strict de conditions. Par ailleurs, pour que des révélations publiques
soient protégées, le tribunal de travail doit être convaincu du
caractère raisonnable de la divulgation en question. Pour cela,
il examinera toutes les circonstances, y compris l’identité de la
personne à qui elle est faite, la gravité du manquement en question,
la possibilité que le manquement en question se perpétue ou se produise
de nouveau dans l’avenir, et la possibilité que la divulgation porte
atteinte à l’obligation de confidentialité de l’employeur envers
une autre personne.
41. En terme d’indemnité, la loi stipule qu’il n’existe pas de
limite au dédommagement du congédiement injustifié d’une personne
ayant procédé à un signalement. De plus, si un «donneur d’alerte»
est licencié, il peut s’adresser à un tribunal du travail pour obtenir
une mesure provisoire de maintien en poste dans l’attente d’une audience
complète.
42. La Belgique ne dispose
pas d’une législation nationale uniforme sur la protection des «donneurs d’alerte»,
mais la communauté flamande a légiféré sur ce point en mettant en
œuvre un décret spécifique applicable à tous ses fonctionnaires
et visant notamment à protéger les «donneurs d’alerte», appelés «dénonciateurs». Ce décret a été
adopté le 7 mai 2004 et a porté modification au décret du 7 juillet
1998 instituant un Service de médiation flamand concernant la protection
de fonctionnaires dénonçant des irrégularités. Le texte stipule:
«Tout membre du personnel attaché à une
autorité administrative telle que visée à l’article 3, peut dénoncer
par écrit ou oralement auprès du Service de médiation flamand les
négligences, abus ou délits (…)». Il précise par ailleurs
que: «Le membre du personnel qui dénonce
une irrégularité telle que visée à l’article3 § 2, est placé, à sa demande, sous la protection
du médiateur flamand. …».
43. Une fois sous la protection du médiateur flamand, toutes les
procédures disciplinaires engagées contre le «donneur d’alerte»
sont suspendues jusqu’à plus ample enquête menée par le tribunal.
44. Le décret susmentionné ne définit toutefois pas en tant que
tel le terme de «donneur d’alerte» et ne s’applique pas aux fonctionnaires
des autres communautés belges.
45. S’agissant du secteur privé, il n’existe pas de dispositions
spécifiques visant à protéger les employés en cas de dénonciation.
Néanmoins, les agents de la fonction publique sont soumis au devoir
de dénoncer les actes criminels énoncé dans le Code d’Instruction
Criminelle
.
46. Le 13 novembre 2007, la
France a
promulgué une loi sur la protection des «donneurs d’alerte» mais elle
n’est applicable que dans le contexte de la corruption et ne s’étend
pas au secteur public
.
47. Cette loi prévoit un certain nombre de protections pour les
«donneurs d’alerte» dévoilant des infractions liées à la corruption
sur leur lieu de travail. Elle vise à protéger les employés contre
toute sanction prise par l’employeur après signalement, de bonne
foi et reposant sur des motifs valables, de faits de corruption.
48. L’Article L. 1161-1 de la Loi portant amendement au Code du
travail français énonce: «Aucune personne ne peut être écartée d’une
procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période
de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné,
licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe
ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation,
de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification,
de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de
contrat pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son
employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, de
faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l’exercice
de ses fonctions. Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait,
toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit».
49. La Loi ne fait pas référence en tant que tel au terme de «donneurs
d’alerte», mais évoque une personne relatant des informations concernant
des faits de corruption, dans l’intérêt général.
50. La Norvège a également
adopté une législation spécifique sur la protection des «donneurs
d’alerte» («Loi relative à l’environnement de travail, aux horaires
de travail et à la protection de l’emploi, etc.» amendée le 23 février
2007
). Cette loi donne à tous les employés,
du secteur privé et public, le droit de signaler les inconduites
qu’ils soupçonnent dans leur organisation à la condition de suivre
la «procédure appropriée» de signalement. La bonne foi de l’employé
quant à la validité des informations, la forme et le contenu du signalement
et les conséquences potentiellement dommageables – qui peuvent être
évitées ou, éventuellement, causées par le signalement – seront
déterminants pour juger de la légitimité de la procédure suivie
par l’employé. Aux termes de cette loi, toute forme de «représailles»,
c’est-à-dire traitement défavorable infligé en conséquence directe
ou en réaction au signalement à l’employé qui en est l’auteur, est
interdite. Toute mauvaise foi dans les motifs du «donneur d’alerte»
n’empêchera pas un signalement licite aussi longtemps que l’information
divulguée relèvera de l’intérêt général
.
51. De même, un employé qui «indique» son intention de procéder
à un signalement, par exemple en effectuant des copies de documents,
ou fait part de cette intention s’il n’est pas mis un terme à la
pratique illégale, est également protégé contre les représailles.
52. Comme au Royaume-Uni, en cas de représailles contre le «donneur
d’alerte» suite à la divulgation d’informations, le montant des
indemnités allouées n’est pas limité.
53. Si la Loi ne définit pas explicitement le terme «donneur d’alerte»,
l’employé qui divulgue des informations y est évoqué comme «
un employé signalant des conditions répréhensibles
dans l’entreprise» .
(traduction non officielle)
54. En
Roumanie,
la protection des «donneurs d’alerte»
est régie par la Loi éponyme
(Loi
n°571/2004
). Celle-ci a trait à la protection
des «donneurs d’alerte» contre les mesures administratives prises
par leurs supérieurs lorsqu’ils déposent plainte officiellement
et de bonne foi pour des suspicions d’actes de corruption, de pratiques
contraires à l’éthique ou de violations de la loi. Elle respecte
la confidentialité de l’identité du «donneur d’alerte».
55. La loi roumaine est l’une des rares lois européennes consacrées
à cette question qui proposent une définition du «donneur d’alerte».
Elle énonce: «Un«donneur d’alerte» (avertizor) est une personne
qui révèle des violations de la loi commises dans des institutions
publiques par des personnes investies d’une autorité publique ou
par des responsables de ces institutions». Cette définition
doit être lue en conjonction avec celle du «signalement dans l’intérêt
public», en tant que signalement, de bonne foi, de tout acte à l’encontre
de la loi, des normes éthiques professionnelles ou des principes
de bonne administration, d’efficience, d’efficacité, d’économie
et de transparence.
56. Cette loi énonce une liste de personnes ou de fonctionnaires
auxquels les rapports des «donneurs d’alerte» peuvent être adressés,
incluant les médias et des ONG.
57. La législation roumaine est relativement progressiste, toutefois,
elle ne s’applique qu’aux employés du secteur public.
58. Aux Pays-Bas, une loi
de 1999 employant le terme de «klokkenluiders»
(«tireurs de sonnette d’alarme») pour les «donneurs d’alerte», établit
une certaine protection pour les fonctionnaires. Chez les fonctionnaires comme
chez les politiciens à tous les niveaux de la gouvernance, des doutes
ont été exprimés au sujet de l’efficacité de cette loi puisque,
selon ses dispositions, les fonctionnaires doivent toujours, dans
un premier temps, faire le signalement à leur supérieur; c’est peut-être
là que se situe le problème.
59. S’agissant du secteur privé, un rapport détaillé présenté
en 2006 au ministère du Travail et des Affaires sociales évalue
les procédures auto-régulées de signalement actuellement en vigueur
dans les entreprises. Hormis un projet de loi présenté au Parlement
par un petit parti de l’opposition, ce point ne semble avoir progressé
ni au gouvernement, ni au Parlement. Des discussions sont toujours
en cours dans la sphère politique à ce sujet, et portent également
sur l’efficacité de la protection accordée aux fonctionnaires agissant en
qualité de tireurs de sonnette d’alarme.
4.2. Pays où des projets
de loi sur la protection des «donneurs d’alerte» ont été soumis
au parlement
60. En
Allemagne,
deux projets distincts sont en discussion pour les employés du secteur
privé et pour les fonctionnaires. S’agissant des premiers, un «projet
pour discussion» d’une loi sur les contrats de travail a été publié
par la Fondation Bertelsmann en août 2006
De plus, le projet d’une nouvelle
section 612a du Code civil allemand (BGB) pour la protection des
«donneurs d’alerte» contre le licenciement et d’autres représailles
a été publié en avril 2008 et débattu
le 4 juin 2008 lors d’une audition à la Commission du Bundestag
pour l’alimentation, l’agriculture et la protection du consommateur
. Ce projet n’a pas avancé depuis.
61. En ce qui concerne le secteur public, la nouvelle Loi sur
le statut de la fonction publique
, entrée en vigueur le 1er avril
2009 inclut une nouvelle section (§ 38 II lit. 3.) relevant les
fonctionnaires de leur obligation en matière de secret d’État pour
leur permettre de signaler des suspicions de faits de corruption.
Cette disposition vise à mettre en œuvre l’Article 9 de la Convention
civile sur la corruption du Conseil de l’Europe du 4 novembre 1999.
62. En
Slovénie, une proposition
visant à l’élaboration et l’adoption
d’une loi de ce type a été présentée en 2006 au parlement mais elle
est pour l’instant restée lettre morte. Aucune autre information
concernant cette proposition ne nous a été communiquée à ce jour.
63. En
Suisse, une motion
déposée simultanément par Remo Gysin
à la Chambre basse et par notre collègue Dick Marty à la Chambre
haute, a invité le gouvernement suisse à présenter un projet de
loi garantissant «
uneprotection effective contre les licenciements
injustifiés et autres discriminations à tous les «whistle-blowers»
(dénonciateurs)». Cette motion a été acceptée par les
deux Chambres du Parlement, respectivement en 2005 et en 2007; le
Conseil fédéral (gouvernement) a lancé la rédaction d’un projet
de législation.
64. La proposition souligne que le projet de loi sur la protection
des «donneurs d’alerte» devrait contenir des dispositions pour prévenir
les licenciements abusifs et autres discriminations à l’encontre
d’un «whistle-blower» (dénonciateur) qui révèle des irrégularités
commises dans une entreprise; devrait permettre aux «whistle-blowers» de ne pouvoir révéler
les faits dont ils ont connaissance à l’opinion publique qu’en dernier recours;
il devrait examiner si la sanction dans le droit en vigueur – indemnité
jusqu’à six mois de salaire – est suffisante pour prévenir de manière
effective que l’employeur ne recoure à un licenciement abusif et
si ce n’est pas le cas proposer des sanctions plus sévères.
65. Dans l’intervalle, des lignes téléphoniques anonymes ont été
ouvertes en Suisse, encourageant les «donneurs d’alerte» à s’informer
de leurs droits et de la personne à contacter pour faire état d’allégations
de corruption ou de fraude.
66. Parmi les 26 réponses reçues, la
Lituanie est
le seul pays où un projet de loi sur la protection des «donneurs
d’alerte» a été soumis au parlement en 2003, puis rejeté. En collaboration
avec des experts britanniques, une Loi sur la protection de la divulgation
d’informations
a été élaborée par le Service spécial d’enquête
(SSE)
, soumise au parlement pour délibération,
puis rejetée en 2004. Le projet de loi visait à mettre en place
une protection uniforme des employés et autres personnes signalant
des faits de corruption. Il garantissait notamment l’interdiction
de toute mesure de représailles à l’encontre des dénonciateurs et,
si de telles mesures étaient appliquées ou si une personne en est
menacée, le droit de recours devant une institution dûment autorisée
par le gouvernement à cet effet, ou à une autre institution répressive.
Le projet de loi interdisait en outre le licenciement d’un employé
ayant signalé une infraction de corruption sans le consentement
de l’institution autorisée et prévoyait des mesures à l’encontre
d’un employeur qui enfreindrait ces dispositions.
67. Il définissait également le terme de «donneur d’alerte» ou
de «personne effectuant un signalement» comme un «employé dénonçant
des faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l’exercice
de ses fonctions ou durant des activités liées à son emploi» (traduction
non officielle). Il s’étendait à la fois aux secteurs public et
privé.
68. Alors que le Septième rapport général d’activité du GRECO
indiquait que le projet de loi sur la protection de la divulgation
d’informations de la Lituanie avait été rejeté parce que les autorités
lituaniennes estimaient qu’une loi à part était inutile car elle
ne ferait que reproduire les effets d’autres dispositions existant
par ailleurs
, le Programme Anti-Corruption du
gouvernement lituanien prévoit toujours la promulgation d’une législation
spécifique sur la protection des «donneurs d’alerte».
4.3. Pays ne disposant
pas, à ce jour, de législation spécifique ou de projet de loi dans
ce domaine mais offrant des degrés variables de protection des «donneurs
d’alerte» dans diverses lois
69. Des dispositions dispersées relatives à la protection
des «donneurs d’alerte» existent dans les Codes pénaux, les lois
sur le statut des fonctionnaires, sur la liberté de parole et d’expression
ou les lois anti-corruption. Un élément commun à tous les pays mentionnés
ci-après est l’absence de toute définition formelle du concept de
«signalement».
70. En Autriche, quelques
lois permettent ou même imposent la divulgation tout en accordant
un certain niveau de protection, mais il n’existe pour l’instant
aucun règlement général, et moins encore d’encouragement au signalement.
Néanmoins, un débat de nature politique mais aussi académique a
pris naissance au cours des cinq dernières années, suite à quelques
initiatives prises au niveau de l’Union européenne, notamment en ce
qui concerne les fonctionnaires. Mais pour l’instant, aucune proposition
concrète n’a encore été présentée.
71. Le thème du signalement est abordé à travers le prisme des
principes et de la tradition du secret administratif. L’Autriche
tente actuellement d’explorer les moyens de rendre l’administration
plus transparente et responsable
. Certaines réformes légales en discussion
dans ce contexte ont également trait à la protection des «donneurs
d’alerte», telles que le projet de loi sur la réforme du Code pénal
et du Code de procédure pénale en vue de promouvoir la lutte contre
la corruption, introduit par le ministère fédéral de la Justice
en juillet 2007. L’Article II § 4 de ce projet vise à encourager
les signalements dans les organes publics et privés confrontés à
des pratiques de corruption
.
72. S’agissant de la Bulgarie,
il n’existe aucune loi protégeant spécifiquement les «donneurs d’alerte»
et il semble que l’Article 76 (3) de la Loi d’encouragement à l’emploi
soit le plus explicite de la législation bulgare en la matière,
bien qu’il n’y soit pas fait référence à cette notion. L’article
énonce que: «les organes de contrôle ont
obligation de: vérifier en temps opportun les signalements d’infraction
reçus; de ne pas rendre publiques des informations relatives à des
secrets d’État ou commerciaux dont ils auraient eu connaissance
dans l’exercice de leur contrôle; de ne pas utiliser les informations
obtenues à leur propre profit ou à celui d’autres personnes; de
garder confidentielles les sources à l’origine des signalements
d’infraction». (traduction non officielle)
73. La réponse bulgare fait également référence à la protection
des témoins en vertu du Code de procédure pénale, mais là encore,
comme nous l’avons constaté précédemment, il convient de ne pas
confondre «donneur d’alerte» et «témoin». En effet, la protection
du «donneur d’alerte» doit débuter à compter du signalement et non
à l’ouverture d’une action en justice, compte tenu du fait notamment
qu’un signalement ne donne pas nécessairement lieu à des poursuites
judiciaires.
74. En Croatie, la seule
disposition existante concernant la protection de ce que l’on peut
assimiler à un «donneur d’alerte» est liée aux infractions de corruption.
A cet égard, l’article 115 de la Loi croate sur le Travail stipule,
au titre des «motifs non valables de
licenciement»: «le fait qu’un
travailleur s’adresse aux personnes responsables ou organes de l’administration
publique compétents ou dénonce de bonne foi par écrit auprès d’eux
des soupçons raisonnables de corruption ne constitue pas un motif
valable de licenciement». (traduction non officielle)
75. La Croatie a commencé l’élaboration d’une nouvelle Loi sur
le travail conforme à la législation européenne en matière de relations
de travail, et prévoit, selon la réponse reçue des autorités, d’y
aborder la question de la protection des «donneurs d’alerte».
76. A
Chypre , seul un article de la Loi sur la fonction
publique stipule que «tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de
sa mission, affirme ou estime qu’un autre fonctionnaire a été impliqué
dans des actes frauduleux ou de corruption doit rendre compte des
faits par écrit à son supérieur, avec tous les éléments de preuve étayant
cette affirmation»
(traduction
non officielle). Cette disposition ne fait pas expressément mention d’une
protection après le signalement, mais elle semble implicite. Cette
disposition ne traite pas non plus des situations où soit le supérieur
en question ne donne pas suite aux informations, soit il fait lui-même
partie du problème.
77. S’agissant de l’Estonie et
selon la réponse fournie, il n’existe pas d’équivalent du mot «donneur d’alerte»
dans la langue estonienne, le terme le plus proche étant «tunnistaja» qui signifie «témoin».
Cela étant, la Loi estonienne de 2005 sur la protection des témoins
est celle qui se rapproche le plus du concept de protection des
«donneurs d’alerte», mais comme mentionné précédemment, un témoin
ne peut être assimilé à un «donneur d’alerte».
78. La Grèce ne dispose
pas de législation spécifique concernant la protection des «donneurs
d’alerte». Cependant, la pratique légale grecque reconnaît que la
responsabilité d’un employé n’est pas engagée en cas de révélation
d’informations visant à protéger l’intérêt général.
79. Une disposition est incluse à l’Article 371 du Code pénal
grec, qui stipule que la violation du secret professionnel de la
part d’un avocat, d’un prêtre, d’un notaire public, d’un médecin,
d’un pharmacien et d’autres, n’est pas punissable si cette personne
cherche à préserver l’intérêt public.
80. A ce jour, la
Hongrie ne
dispose pas d’un ensemble complet de lois sur la protection des
«donneurs d’alerte». Toute personne peut obtenir réparation pour
une plainte ou «annonce d’inquiétude publique» déposée auprès d’organes
nationaux ou locaux en vertu de la Loi XXIX de 2004, exception faite
des plaintes qui tombent sous le coup de procédures judiciaires
ou administratives publiques. Par «annonce d’inquiétude publique»,
on entend le fait d’attirer l’attention sur des circonstances qui
nécessitent un examen dans l’intérêt de la communauté ou de la société
dans son ensemble, et éventuellement de proposer des recommandations d’action.
Selon le paragraphe 257 du Code pénal, toute personne qui intente
une action préjudiciable contre le tiers à l’origine de l’annonce
d’inquiétude publique se rend coupable de délit et devient passible
d’une peine d’emprisonnement d’au maximum deux ans. Aucune autre
protection, notamment sous forme d’anonymat, n’est proposée aux
«donneurs d’alerte»; qui plus est, la question du conflit éventuel
lié à la révélation de secrets d’État ou officiels dans l’intérêt
général n’a pas été tranchée. Compte tenu des nombreux vides juridiques
de ce système, le signalement ne semble pas être un outil courant
de la lutte contre la corruption. Transparency International Hongrie
a recommandé l’adoption de dispositions législatives plus efficaces
qu’il conviendrait de compléter par des codes de conduite adaptés,
aux niveaux sectoriel et organisationnel
.
81. Le gouvernement hongrois travaille actuellement sur une nouvelle
politique de protection des «donneurs d’alerte» et sur un nouveau
train de mesures législatives. Ce projet prévoit la mise en place
d’un bureau chargé de protéger les «donneurs d’alerte», qui coordonnera
les activités gouvernementales de lutte contre la corruption, proposera
une formation en matière d’éthique, recevra les rapports de «donneurs
d’alerte» et interviendra pour leur protection. Le bureau sera habilité
à enquêter et à infliger des amendes dans le cadre des affaires
qui ne relèvent pas du pénal
, les affaires pénales étant transmises
à la police ou au ministère public.
82. L’Italie dispose de
mécanismes fort bien développés de protection des «informatori», reposant sur l’article
203 du Code de procédure pénale et d’autres mesures prévues dans
la Loi du 13 février 2001 sur «les collaborateurs de justice» et
les «pentiti» (les repentis
anciennement membres de groupes criminels organisés). Mais cette
législation ne semble pas couvrir d’autres types de «donneurs d’alerte»
dénonçant des abus perpétrés dans le secteur public ou privé, sauf
à comparaître en tant que témoins devant le tribunal.
83. La
Moldova a fait l’objet
de «l’affaire la plus retentissante» de la Cour européenne des droits
de l’homme en matière de protection des «donneurs d’alerte». Dans
l’arrêt de 2008 Guja c. Moldova prononcé par la Grande Chambre
, la Cour a conclu à
l’unanimité à la violation de l’article 10 de la Convention européenne des
droits de l’homme (liberté d’expression) concernant un employé du
bureau du Procureur général licencié pour avoir divulgué à la presse
des courriers officiels sur des ingérences politiques dans des enquêtes
pénales en cours. C’est précisément l’absence totale de législation
sur des cadres définis permettant de protéger les révélations qui
a poussé le «donneur d’alerte» à se tourner directement vers la
presse.
84. En
Pologne, le thème
du «signalement» n’est que rarement abordé et il ne paraît pas exister
de traduction fidèle du terme en polonais. Les normes culturelles
polonaises constituent l’obstacle le plus sérieux à l’introduction
de règles sur la protection des «donneurs d’alerte». Un signalement
peut très facilement être confondu avec une dénonciation, cette
dernière étant sévèrement sanctionnée dans la culture polonaise
– ce qui est compréhensible compte tenu du lourd passé du pays de
domination étrangère et de dictature. Néanmoins, selon un article
récemment publié
, le signalement d’un comportement
répréhensible dans une organisation est en train d’être petit à
petit accepté par la société, notamment par les jeunes. Mais la
loi n’aborde toujours pas cette question en détail.
85. L’expression «donneur d’alerte» n’est pas non plus utilisée
dans la législation
serbe.
Mais la réponse serbe fait état de certaines dispositions relatives
aux préoccupations des citoyens, à la communication fondée sur le
signalement d’inconduites et à des sanctions pénales et administratives
pour fraude. Ces dispositions sont dispersées dans diverses lois
telles que celles régissant les relations de travail, l’administration
publique, le droit des entreprises, le Code pénal, et d’autres
; mais la protection des «donneurs
d’alerte» en tant que telle n’y est pas directement abordée.
86. En Slovaquie, il n’existe
aucune législation spécifique ou projet de loi sur la protection
des «donneurs d’alerte». Le concept de signalement est rarement
abordé dans le pays et la pratique n’y est pas encouragée. Toutefois,
une disposition de la Loi slovaque sur les relations de travail
est intéressante dans ce contexte: «L’exercice
des droits et obligations résultant des relations de travail doit
être conforme aux bonnes mœurs. Personne ne peut violer ces droits
et obligations au détriment d’un autre participant aux relations
de travail ou de co-employés. Sur le lieu de travail, personne ne
peut être poursuivie ou autrement sanctionnée dans l’exercice des
relations de travail pour avoir déposé plainte, accusé ou proposé
l’ouverture de poursuites contre un autre employé ou l’employeur» (traduction
non officielle).
87. En vertu du droit slovaque, les employés ayant des suspicions
d’abus disposent en règle générale de quatre possibilités: ignorer
les soupçons et poursuivre leur travail; faire part de la suspicion
au sein de l’organisation; attirer publiquement l’attention sur
les soupçons ou en informer anonymement la structure de l’organisation.
Chaque option entraîne des conséquences différentes.
88. En Suède il n’existe
pour l’heure pas de projet de législation spécifique sur la protection
des «donneurs d’alerte», et le concept de signalement n’est pas
défini dans les textes légaux suédois. Cependant, plusieurs dispositions
existent dans divers textes législatifs.
89. A titre d’exemple, les sources d’informations des journalistes
sont protégées par la loi.
90. Si en Suède la diffamation est encore considérée comme une
infraction pénale, un «donneur d’alerte» publiant des informations
exactes sur des activités frauduleuses au sein d’une entreprise
ou qui a des motifs raisonnables de croire à la véracité de ces
informations ne peut être reconnu coupable de diffamation.
91. Selon la loi sur l’emploi suédoise, un contrat de travail
ne peut habituellement être rompu que pour des raisons objectives.
Un employé a le droit de critiquer son employeur tant qu’il fait
parvenir ses informations à l’autorité concernée. Les informations
factuelles doivent être raisonnablement fondées et les employés
doivent au préalable contacter leur employeur pour qu’il remédie
à la situation avant de rendre les critiques publiques. Tant que
ces règles sont respectées, les employés ne risquent pas de perdre
leur emploi ou d’autres prérogatives liées à leur travail.
92. En Suède, certaines affaires célèbres de «donneurs d’alerte»
ont donné lieu à des interventions législatives spécifiques telles
que la Lex Sahra
portant
amendement à la Loi sur les services sociaux, qui énonce que quiconque
travaillant auprès de personnes âgées est tenu de s’assurer qu’elles
bénéficient de soins corrects et disposent de conditions de vie
sûres. Toute personne observant ou ayant connaissance d’abus graves
dans les soins apportés doit en référer immédiatement au comité
de protection sociale.
93. Sur un plan général, les dispositions de diverses lois suédoises
semblent accorder une protection plus forte aux «donneurs d’alerte»
dans le secteur public que dans le secteur privé.
94. Dans sa réponse, la
Turquie mentionne
l’absence de législation spécifique sur la protection des «donneurs
d’alerte» et fait par ailleurs référence à la Loi sur la protection
des témoins
.
95. Concernant la Bosnie-Herzégovine,
le Danemark, la Géorgie et «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», les quatre réponses se contentent
de souligner brièvement l’absence de toute forme de législation
spécifique concernant la protection des «donneurs d’alerte» dans
les législations nationales respectives.
96. Comme nous l’avons vu précédemment, une législation spécifique
sur la protection des «donneurs d’alerte» reste l’exception en Europe
et davantage d’efforts sont nécessaires pour que la réglementation existante
ne reste pas purement théorique. Tant que les «donneurs d’alerte»
potentiels auront des raisons de craindre que le fait de s’élever
contre la corruption ou d’autres abus risque de compromettre leur
emploi, leur carrière et de les mettre en danger, bon nombre d’entre
eux préféreront rester silencieux. D’où l’importance d’améliorer
la législation et la pratique en matière de protection des «donneurs
d’alerte» en Europe.
4.4. Un exemple positif:
les États-Unis
97. Je tiens à souligner très clairement que dans ce
domaine, l’Europe a beaucoup à apprendre des États-Unis
d’Amérique. La contribution sur la Loi de 1989 sur la
protection des «donneurs d’alerte» (WPA) communiquée en réponse
à notre questionnaire par le Service de recherches du Congrès, est
source d’inspiration. également en ce qu’elle ne prétend pas que
la situation actuelle soit parfaite. Le témoignage d’Elaine Kaplan,
ancienne Conseillère spéciale des Etats-Unis, devant la commission
à sa réunion du 11 novembre 2008 à Moscou, a ouvert de précieuses
perspectives complémentaires.
98. Les États-Unis ont été les premiers à légiférer sur ce point.
La législation sur les signalements (whistle-blowing)
remonte au 19è siècle avec l’introduction, durant la Guerre civile,
de la valse Claims Act suite à la découverte de la vente, par certaines
entreprises, de fournitures défectueuses à l’armée.
99. Le principe de signalement semble également culturellement
mieux accepté aux États-Unis que dans la plupart des pays européens.
L’approche américaine est fondée sur un contrat individuel entre
le citoyen et l’Etat, qui l’incite à protéger et contrôler les agissements
contraires à l’intérêt collectif. La dénonciation des abus est ainsi
considérée comme un devoir, c’est une démarche irréprochable et
socialement correcte
. Les «donneurs d’alerte»
sont considérés comme des héros publics, et les lois relatives à
leur protection sont généralement adoptées à l’unanimité – s’y opposer
reviendrait pour un membre du Congrès ou un sénateur à commettre
un «suicide politique». Dans le même temps, «il y a un décalage
entre le discours des leaders politiques et la réalité»
.
100. Au jour d’aujourd’hui, la WPA constitue le principal texte
législatif de protection des «donneurs d’alerte» aux États-Unis.
Contrairement au Royaume-Uni, cette loi s’applique uniquement aux
employés du secteur public, et uniquement aux personnes travaillant
dans les organes fédéraux, mais des lois distinctes, notamment la
Loi Sarbanes Oxley de 2002
,
incluent également les entreprises privées, et une majorité des États
fédérés a promulgué ses propres lois sur la protection des «donneurs
d’alerte»
.
101. Cette loi a pour objet de «renforcer et améliorer la protection
des droits des fonctionnaires fédéraux, de prévenir les représailles,
et de favoriser l’élimination de toute inconduite au sein du Gouvernement
– en veillant à ce que les employés ne puissent subir des conséquences
négatives de pratiques prohibées, comme des représailles pour avoir
dénoncé des fraudes ou malversations; et en établissant que si des
sanctions à l’encontre des auteurs de pratiques prohibées peuvent
être utilisées comme moyen d’atteindre cet objectif, la protection
des individus qui en sont victimes doit toujours primer sur toute
autre considération
» (traduction non
officielle).
102. Pour activer la protection au titre de cette loi, un dossier
doit contenir les éléments suivants: une action personnelle engagée
en raison d’une divulgation protégée par un employé couvert
. On entend habituellement
par employé couvert, une personne actuellement en poste, un ancien
employé ou un candidat à un poste dans la branche exécutive du gouvernement.
103. Toute révélation d’informations est protégée si un employé
estime raisonnablement et signale les manquements à la loi, à la
règle, au règlement, les erreurs grossières de gestion et de gaspillage
des fonds publics, l’abus d’autorité ou un danger spécifique pour
la santé ou la sécurité. Toutefois, la loi restreint les révélations
d’erreurs de gestion aux «erreurs grossières». Cette limitation
laisse la porte ouverte à une certaine liberté d’interprétation,
compte tenu que la loi ne définit pas les circonstances dans lesquelles
une erreur de gestion est considérée comme «grossière».
104. Comparativement à d’autres lois existantes en Europe, le système
d’application
établi au titre de la WPA
est plus solide et facilement accessible que celui mis en place
au Royaume-Uni où les «donneurs d’alerte» doivent eux-mêmes saisir
le tribunal de l’emploi. La WPA prévoit qu’un «donneur d’alerte»
ayant enduré des représailles peut déposer plainte auprès d’une
agence indépendante d’investigation et de poursuite judiciaire qui
enquêtera et cherchera à obtenir réparation de l’employeur si la
plainte s’avère fondée
.
105. Toutefois, selon le Government Accountability Project (GAP)
et
d’autres organisations à but non lucratif, il convient d’introduire
de toute urgence des amendements à la loi afin d’en rétablir l’efficacité
qui semble s’être amenuisée notamment depuis les attaques terroristes
du 11 septembre 2001. La protection des «donneurs d’alerte» est
menacée par les dispositions des «Patriot and Homeland Security
Acts» adoptées après le 11 septembre, selon lesquelles la WPA ne
couvre plus la révélation de toute information se rapportant à des
«infrastructures essentielles» définies de façon très vaste.
106. Qui plus est, la protection proposée aux membres des forces
armées et des services des renseignements est extrêmement limitée,
le plus grand vide juridique étant l’absence de droits de la défense indépendants
pour des actions visant à refuser ou supprimer les contrôles de
sécurité des employés appelés à avoir accès à des informations confidentielles.
Ces contrôles relèvent des conditions préalables d’embauche liées
aux fonctions de trois millions d’agents du gouvernement américain,
et leur retrait entraîne non seulement le licenciement individuel
mais rend la mise à l’index inévitable, la loyauté des employés
à l’égard de la nation ne pouvant être éprouvée
.
Dans ce contexte, le désaveu public des accusations aux motifs éthiques
par des procureurs militaires en charge d’affaires contre des personnes
suspectées de terrorisme détenues à Guantanamo
mérite
particulièrement le respect.
108. Malgré ces critiques, la loi américaine sur la protection
des «donneurs d’alerte» demeure une excellente source d’inspiration;
elle aide à identifier les bonnes pratiques qui fonctionnent sans
pour autant causer de tort inacceptable au gouvernement légitime
ou aux intérêts des entreprises.
109. La loi de 2007 sur l’amélioration de la protection des «donneurs
d’alerte»
entend
corriger plusieurs de ces défaillances: en particulier, elle inclut
les agents de la CIA et d’autres services de sécurité dans les dispositions
de la loi sur la protection des «donneurs d’alerte». Adoptée par
une majorité de 80 % à la Chambre des Représentants en mars 2007,
malgré la menace de veto du Président Bush
, elle n’a pas abouti aux derniers
stades du processus législatif. Le Président Obama se serait engagé
à renforcer la protection des «donneurs d’alerte»
.
5. Instruments internationaux
relatifs à la protection des «donneurs d’alerte»
110. La
Convention européenne
des droits de l’homme protège le «signalement», qui est
selon elle un aspect de la liberté d’expression (article 10 de la
Convention européenne des droits de l’homme). La Cour européenne
des droits de l’homme a pour précédent l’affaire Guja c. Moldova
, dans
laquelle la Cour a conclu en février 2008 à une violation de l’article
10 parce que le requérant avait été licencié pour avoir divulgué,
sans arrière-pensée, des informations exactes et d’intérêt légitime
pour le public. La Cour a adopté une position plutôt progressiste,
dans le droit-fil de son combat en faveur de la liberté d’expression
comme l’un des fondements des sociétés démocratiques
, même dans cette
affaire où un fonctionnaire a divulgué des informations «internes»
voire secrètes:
«En ce qui concerne
les agents de la fonction publique, qu’ils soient contractuels ou
statutaires, la Cour observe qu’ils peuvent être amenés, dans l’exercice
de leur mission, à prendre connaissance d’informations internes,
éventuellement de nature secrète, que les citoyens ont un grand
intérêt à voir divulguer ou publier. Elle estime dans ces conditions
que la dénonciation par de tels agents de conduites ou d’actes illicites
constatés sur leur lieu de travail doit être protégée dans certaines
circonstances. Pareille protection peut s’imposer lorsque l’agent
concerné est seul à savoir – ou fait partie d’un petit groupe dont
les membres sont seuls à savoir – ce qui se passe sur son lieu de
travail et est donc le mieux placé pour agir dans l’intérêt général
en avertissant son employeur ou l’opinion publique» .
111. Autre instrument du Conseil de l’Europe en rapport avec la
protection des «donneurs d’alerte», la Convention pénale sur la
corruption du 27 janvier 1999 prévoit dans son article 22 que:
«Chaque Partie adopte les mesures
législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour assurer
une protection effective et appropriée:
a. aux personnes qui fournissent des informations concernant
des infractions pénales établies en vertu des articles 2 à 14 ou
qui collaborent d’une autre manière avec les autorités chargées
des investigations ou des poursuites;
b. aux témoins qui font une déposition concernant de telles
infractions.»
Il est indiqué au paragraphe 111
du rapport explicatif de cette convention que «le terme de «témoin»
désigne toute personne qui dispose d’informations en rapport avec
une affaire pénale concernant des infractions de corruption définies
aux articles 2 à 14 de la convention et inclut les indicateurs».
112. La Convention civile sur la corruption du 4 novembre 1999
dispose dans son article 9 que «Chaque Partie prévoit dans son droit
interne une protection adéquate contre toute sanction injustifiée
à l’égard des employés qui, de bonne foi et sur la base de soupçons
raisonnables, dénoncent des faits de corruption aux personnes ou
autorités responsables». Selon le paragraphe 66 du rapport explicatif,
les employés concernés devraient être protégés «contre toute sanction
injustifiée».
113. La Convention des Nations Unies contre la Corruption
et la
Convention de l’Organisation internationale du travail sur le licenciement
contiennent des dispositions
similaires.
114. Ces instruments ont en commun le fait de se limiter à des
questions spécifiques (en particulier à la lutte contre la corruption)
et constituent «un plus petit dénominateur commun» qui laisse une
vaste marge d’interprétation. Si leur existence même et leur mise
en œuvre dans le droit national sont un pas dans la bonne direction,
elles n’établissent pas pour autant la solide protection nécessaire
aux «donneurs d’alerte» dans tous les cas où cela servirait l’intérêt
public.
6. Meilleures pratiques
– à identifier et à diffuser
115. Nous avons constaté une certaine ouverture des mentalités
vis à vis du concept de signalement (whistle-blowing) et de la nécessité
de protéger ceux qui ont le courage de révéler des abus. Des organisations internationales
ainsi que des ONG telles que Transparency International et Public
Concern at Work ont apporté à cet égard d’importantes contributions.
Les États membres devraient continuer d’apprendre les uns des autres
et de procéder à un échange de bonnes pratiques dans ce domaine.
Je souhaite que le prochain rapport de l’Assemblée consacré à ce
thème contribue utilement à cette fin.
116. Voici quelques pratiques fort intéressantes mises en place
dans les pays étudiés ci-avant:
a. Législation spécifique sur laprotection des «donneurs d’alerte»:
il pourrait s’avérer utile de rassembler et développer davantage
les diverses dispositions dispersées dans différents domaines du droit,
telles que le «Public Disclosure Act» au Royaume-Uni. Une telle
législation ne devrait pas seulement s’appliquer aux infractions
de corruption mais à tout type d’inconduites, abus, ou violations de
la loi susceptibles de desservir l’intérêt général au sens large,
y compris les intérêts des actionnaires et des clients d’entreprises
privées. Les lois respectives des États-Unis ou du Royaume-Uni par exemple,
couvrent tout type d’agissements, depuis les faits de corruption
jusqu’aux dangers spécifiques pour la santé ou la sécurité. Du point
de vue du Conseil de l’Europe et à la lumière des rapports de l’Assemblée
faisant état de plusieurs violations graves des droits de l’homme,
publiés grâce à la coopération des «donneurs d’alerte» , je propose que larévélation
de violations graves des droits de l’homme soit systématiquement
couverte par la législation relative à la protection des «donneurs
d’alerte», y compris et en particulier lorsqu’elles sont
commises sous le sceau du secret officiel.
b. La législation sur la protection des «donneurs d’alerte»
devrait s’appliquer à la fois aux secteurs public
et privé comme c’est le cas avec la loi relative à l’environnement
de travail, aux heures de travail et à la protection de l’emploi,
etc. en Norvège ou avec la Public Interest Disclosure Act (PIDA)
au Royaume-Uni.
c. De surcroît, les gouvernements devraient comprendre que les lois sur la protection des témoins
sont insuffisantes pour protéger les «donneurs d’alerte»,
en raison principalement du fait que ces derniers doivent être protégés
contre toutes représailles éventuelles dès le moment où a lieu le
signalement et non seulement après l’ouverture d’une action en justice,
ce qu’un mécanisme effectif de signalement serait en mesure d’éviter
dans bien des cas.
d. La plupart des législations existantes sur le signalement
d’informations sont principalement axées sur la protection des travailleurs
contre toute forme de représailles de la part de leurs employeurs.
Les législateurs devraient envisager d’étendre
le champ de protection aux autres personnes extérieures à l’organisation susceptibles
de révéler des informations sur des irrégularités graves, y compris
l’immunité contre toute poursuite en justice pour violation d’un
secret d’État ou autres du même ordre.
e. Les lois sur le signalement d’informations devraient inclure
des dispositions pour protéger l’identité des «donneurs d’alerte»
qui craignent de subir des représailles après avoir révélé des informations.
Aux États-Unis, la WPA énonce que l’identité
du «donneur d’alerte» ne doit pas être dévoilée sans
le consentement préalable de la personne concernée à moins que l’Office
of Special Counsel «détermine que ce
dévoilement est nécessaire pour repousser un danger patent pour
la santé et la sécurité ou la commission imminente d’une infraction
pénale» (traduction non officielle) .
f. Si la plupart des législations existantes sur la protection
des «donneurs d’alerte» autorisent la révélation d’informations
de manière anonyme ou confidentielle, la
pratique tend à montrer que la confidentialité est préférée. Une
divulgation à caractère confidentiel suscite
moins de défiance qu’une divulgation anonyme .
Par ailleurs, il est plus facile de protéger le «donneur d’alerte»
contre toute forme de représailles éventuelles ou d’intimidation
de la part de son employeur s’il exprime en son propre nom ses préoccupations,
mais de manière confidentielle. Le fait de privilégier la confidentialité
plutôt que l’anonymat aide également à assurer la protection de
toute personne accusée d’inconduite de façon injustifiable.
g. Toutes les législations sur la protection des «donneurs
d’alerte» dont nous avons discutées dans cet exposé des motifs soulignent
l’importance qu’il y a de protéger les signalements
faits de «bonne foi» sans jamais pourtant définir ce
que cela signifie. Il semble parfois qu’une attention plus grande
soit portée aux motifs du «donneur d’alerte» plutôt qu’à la véracité
de l’information elle-même. En Norvège, toute «mauvaise foi» ou
arrière-pensée dans les motifs du «donneur d’alerte» n’empêchera
pas un signalement licite aussi longtemps que l’information divulguée
relèvera de l’intérêt général. A mon sens, au nom de l’éthique et
de la crédibilité de l’information divulguée, les «donneurs d’alerte»
ne devraient pas être rémunérés et les révélations devraient être
considérées comme de bonne foi quand le «donneur d’alerte» a de
sérieuses raisons de croire que ses informations sont exactes, même
s’il s’avère par la suite qu’il y a eu méprise de sa part, en toute
honnêteté. En revanche, si la personne censée «donner l’alerte»
a proféré de fausses accusations délibérément ou sans se soucier
de leurs conséquences, elle ne devrait bénéficier d’aucune protection
spéciale et devrait répondre de ses actes de la manière habituelle.
h. Lorsqu’un dénonciateur subit des intimidations après avoir
relaté une information couverte par la loi, il convient de lui donner
l’occasion d’accéder à un mécanisme
d’application qui enquêtera sur la plainte déposée et
cherchera à obtenir réparation de l’employeur si la plainte s’avère
fondée, comme c’est le cas aux États-Unis au titre de la WPA. Le
«donneur d’alerte» qui a subi des intimidations devrait être en mesure
de saisir un tribunal de l’emploi pour demander réparation. En cas
de licenciement, il devrait avoir la possibilité de déposer une
demande de mesure provisoire pour conserver son emploi en attente d’une
audience complète, comme le prévoit la PIDA au Royaume-Uni. Comme
c’est le cas aux Etats-Unis, les représailles contre les «donneurs
d’alerte» devraient également induire un risque d’aggravation des
sanctions pour les responsables: le «donneur d’alerte» devrait avoir
la possibilité de contre-attaquer et de rechercher une action disciplinaire
pour punir les actes de représailles. L’option la plus efficace
pour empêcher les représailles pourrait être d’engager la responsabilité
personnelle des personnes qui ont enfreint la législation relative
au signalement pour toute indemnité punitive accordée contre l’employeur .
i. La charge de la preuve devrait
être favorable au «donneur d’alerte», comme c’est désormais le cas
aux Etats-Unis après plusieurs interventions législatives visant
à infirmer la jurisprudence hostile à ces derniers. Pour que des
mesures correctives soient ordonnées, il suffit désormais que l’employé
ait démontré que la révélation était «l’un des facteurs» de l’action
personnelle intentée contre lui. Après que l’employé a établi la
preuve irréfutable d’actes de représailles, l’employeur doit prouver
par «des preuves claires et convaincantes» – plutôt que par une
simple «plus grande force probante», comme l’exigeait jusque-là
jurisprudence – que la même action aurait été intentée de toute
façon contre l’employé pour des raisons indépendantes du signalement.
j. Les procédures de signalement devraient
rester une possibilité offerte
aux employés et ne pas donner lieu à
une obligation de faire rapport, à l’exception des situations
de risque pour la vie et l’intégrité physique. Il convient généralement
de recourir au signalement face à des problèmes impossibles à résoudre
par la voie hiérarchique traditionnelle, compte tenu des risques
d’abus, de manipulations et de dénonciations arbitraires. Lors de
la mise en œuvre de systèmes de signalement au sein de leurs organisations,
les employeurs devraient également garder à l’esprit leur devoir
de traiter ces informations avec toute la diligence requise, notamment
lorsqu’elles ont trait à des personnes.
k. La mise en œuvre et l’impact de la législation pertinente
sur la protection effective des «donneurs d’alerte» devraient également
être contrôlés et évalués à
intervalle régulier par des organes indépendants. Le Congrès des
États-Unis et le ministère hollandais des Relations du travail font
figure d’exemples en la matière.
l. Les organisations du secteur public et les entreprises
privées devraient contribuer aux efforts législatifs en sensibilisant davantage les employés
aux effets positifs du principe de signalement et
en mettant au point, de leur propre initiative, des procédures internes sûres pour attirer
l’attention sur les abus. En Norvège et en Roumanie par
exemple, la loi oblige les employeurs à mettre en place des procédures
internes de signalement dont ont connaissance et auxquelles font
confiance les employés. Ce type de procédure peut prendre la forme
d’instances confidentielles en charge de recevoir des informations
de la part de «donneurs d’alerte» potentiels tout en garantissant
la confidentialité et en les conseillant sur la marche à suivre
(tel que prévu en France et en Belgique). Ces procédures internes profiteront
à l’organisation ou à l’entreprise en démontrant
ses engagements éthiques, mais encourageront également
les employés à révéler en interne des problèmes, limitant ainsi les divulgations au «monde
extérieur» (les médias ou la police par exemple). Plus
encore, ces procédures devraient renforcer l’efficacité de fonctionnement
de l’organisation en dissuadant les
actes de corruption, les fraudes ou autres types
d’erreurs de gestion.
m. Une implication accrue de
la société civile pour défendre le principe de signalement
devrait être encouragée afin de parvenir à une meilleure sensibilisation
de la société dans son ensemble. Des groupes de «donneurs d’alerte»
spécialisés, tels que le Public Concern at Work au Royaume-Uni ou
le Government Accountability Project aux États-Unis, ainsi que des
groupes internationaux de lutte contre la corruption comme Transparency
International contribuent à populariser le concept en expliquant
en quoi il favorise la prévention et la correction des inconduites
et promeut la transparence et la bonne gouvernance. Ces groupes
peuvent aussi aider et conseiller les pays dans l’adoption de nouvelles
lois dans ce domaine.
n. Le Conseil de l’Europe devrait lui-même donner l’exemple
en mettant en place un solide mécanisme de signalement interne couvrant
tous les secteurs de l’Organisation, y compris ses accords partiels. Intégrant
les meilleures pratiques énoncées dans le présent rapport, la procédure
devrait permettre de faire des révélations protégées, à titre confidentiel,
à un organe spécialement mandaté tel que le service d’audit interne,
qui sera également chargé d’enquêter sur ces révélations et de veiller
à ce qu’elles soient suivies d’effets. Le mécanisme devrait également
donner au tribunal administratif compétent pour régler les litiges
impliquant des agents tout pouvoir approprié pour enquêter sur les
actions des supérieurs hiérarchiques relatives à la procédure de
signalement et les sanctionner le cas échéant.
7. Conclusion
117. Pour conclure, l’Assemblée devrait envoyer un puissant
message sous la forme d’une résolution reconnaissant la valeur du
«signalement» («whistle-blowing»)
comme outil efficace permettant d’empêcher les erreurs de gestion,
la corruption et d’autres abus, notamment à l’encontre des droits
de l’homme, et de consolider la responsabilisation. En vue de renforcer
la protection des «donneurs d’alerte» dans les secteurs public et
privé, elle devrait aussi faire des propositions concrètes d’améliorations
législatives, qui établissent des normes issues de l’observation
des bonnes pratiques et enseignements glanés dans les pays qui ont
déjà progressé dans ce sens.
118. De plus, l’Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres
de prendre des mesures supplémentaires pour promouvoir le «signalement»
et renforcer la protection des «donneurs d’alerte» dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe.
119. Le Comité des Ministres pourrait commencer par établir des
lignes directrices pour la protection des «donneurs d’alerte», d’après
les normes proposées par l’Assemblée, et réfléchir à la possibilité
d’élaborer un projet de convention-cadre en la matière.
120. Dans un souci d’exemplarité vis-à-vis de ses Etats membres,
le Conseil de l’Europe pourrait mettre en place, sans délai, un
solide mécanisme de signalement interne couvrant tous les secteurs
de l’Organisation, y compris ses accords partiels.