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Proposition de recommandation | Doc. 12073 | 15 octobre 2009

Les demandeurs d’asile roms dans les Etats membres du Conseil de l‘Europe

Signataires : Mme Nursuna MEMECAN, Turquie, ADLE ; M. Tuur ELZINGA, Pays-Bas, GUE ; M. Tadeusz IWIŃSKI, Pologne, SOC ; Mme Corien W.A. JONKER, Pays-Bas, PPE/DC ; M. Hakki KESKIN, Allemagne ; Mme Hermine NAGHDALYAN, Arménie, ADLE ; M. Jørgen POULSEN, Danemark, ADLE ; M. Branko RUŽIĆ, Serbie, SOC ; Mme Tineke STRIK, Pays-Bas, SOC ; M. Tuğrul TÜRKEŞ, Turquie, GDE

Cette proposition n'a pas été examinée par l'Assemblée et n'engage que ses signataires.

Ces vingt dernières années, les Roms et les groupes apparentés, que l’on décrit souvent comme les peuples oubliés de l’Europe, ont quitté leur pays d’Europe centrale ou orientale pour chercher refuge dans d’autres régions d’Europe et du monde. Du fait des guerres de Yougoslavie dans les années 1990, des dizaines de milliers de Roms ont quitté leur pays. Le conflit du Kosovo a amené quelque 120 000 Roms à quitter ce territoire 
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			. Toute référence au
Kosovo dans le présent document, qu’il s’agisse de son territoire,
de ses institutions ou de sa population, doit être entendue dans
le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de
l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo.. Récemment, une vague de violence contre les Roms, qui a fait huit morts et de nombreux blessés, a déferlé sur la République tchèque, la Hongrie et la Slovaquie. En conséquence, des centaines de Roms de République tchèque se sont vu accorder l’asile au Canada. En revanche, ceux qui ont demandé l’asile dans les Etats membres de l’Union européenne n’ont pas obtenu de protection. La Directive « qualification » de l’UE prévoit que les Etats membres de l’UE sont considérés comme des « pays d’origine sûrs » quant aux allégations de persécution. L’Assemblée devrait proposer de prendre des mesures visant à traiter la question des demandeurs d’asile roms. Toute mesure doit être préparée et entreprise en consultation et en coopération avec les Roms eux-mêmes.

Des milliers de demandeurs d’asile roms du Kosovo vivent toujours dans des pays voisins ou en Europe occidentale soit en bénéficiant d’une forme quelconque de protection, soit en étant « tolérés ». Ils sont à présent menacés d’être renvoyés chez eux. Le HCR a déclaré que les Roms et les membres de groupes apparentés ne pouvaient pas être renvoyés au Kosovo en toute sécurité. La raison en est que la population majoritaire continue de nourrir des sentiments hostiles à l’égard des Roms qui, en général, parlent serbe et sont souvent accusés d’avoir collaboré avec les forces serbes. En outre, tant au Kosovo qu’en Serbie même, la situation sociale des Roms est telle que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les retours soient viables. Le Conseil de l’Europe et ses Etats membres devraient s’attacher à trouver une solution durable pour ces Roms dont la sécurité et la dignité seraient menacées s’ils retournaient au Kosovo ou en Serbie proprement dite.

Ces dernières années, les Roms de République tchèque, de Hongrie et de Slovaquie ont été la cible d’actes de violence raciste. Nombre d’agressions, qui visaient des familles et des enfants, ont été perpétrées au moyen de bombes incendiaires, à l’arme à feu, à l’arme blanche ou se sont traduites par des passages à tabac. Entre 2007 et 2009, cette violence raciste dans les pays mentionnés a entraîné la mort de huit Roms, dont six dans la seule Hongrie. Cette vague de violence a suscité un climat de peur qui a amené de nombreux Roms à quitter leur pays pour demander l’asile dans d’autres pays, dont certains Etats membres de l’Union européenne (UE).

La législation communautaire prévoit que tous les Etats membres de l’UE sont considérés comme des « pays d’origine sûrs » en matière d’asile. Par conséquent, un citoyen de l’un des Etats membres de l’UE peut se voir refuser la protection du statut de réfugié, ou la protection complémentaire, dans un autre Etat membre de l’UE. Alors que les Roms de Hongrie n’ont pas obtenu l’asile en France, les Roms de République tchèque et de Hongrie l’ont demandé au Canada qui le leur a accordé. En 2008, 860 Roms de République tchèque ont demandé l’asile au Canada. 40 % d’entre eux ont obtenu le statut de réfugié. Au premier semestre 2009, le nombre de demandes d’asile adressées par des Roms tchèques au Canada a déjà dépassé un millier. En outre, un millier de Roms hongrois ont demandé la protection du Canada en 2008 et 2009.

De nombreux Roms n’ont pas même la possibilité de jouir du simple droit de circuler au sein de l’UE. La Directive dite « citoyens » de l’UE énonce que tout citoyen de l’UE a le droit de résider dans un Etat membre de l’UE pendant une période de trois mois sans autre formalité que d’être titulaire d’un passeport en cours de validité. Pour des séjours plus longs, la personne concernée doit pouvoir prouver qu’elle dispose de certains moyens financiers ou d’un emploi. La majorité des demandeurs d’asile roms ne remplissent pas ces conditions. Les Roms qui sont contraints de fuir leur pays d’origine se retrouvent donc dans une impasse et il ne leur reste plus qu’à demander l’asile dans un pays extérieur à l’UE, à devenir des migrants clandestins ou à rentrer dans leur pays et à faire face aux persécutions.

La vague de violence qui menace actuellement la vie, l’intégrité physique et les biens de nombreux Roms est étroitement liée à l’exclusion sociale, à la discrimination et au racisme auxquels ils continuent d’être en butte en Europe et bien que leur situation ait donné lieu, et continue de donner lieu, à de nombreux rapports émanant en particulier de l’Assemblée parlementaire, nous ne disposons pas d’une analyse actualisée de la situation des demandeurs d’asile roms en Europe.

Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devrait :

i. exhorter les Etats membres du Conseil de l’Europe à respecter leurs obligations au titre de la Convention européenne des droits de l’homme, et notamment de son article 3, ainsi qu’à celui de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967 relatif aux demandeurs d’asile roms ;
ii. recommander au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe d’établir un groupe de travail chargé de s’attaquer d’urgence au problème des demandeurs d’asile roms, en particulier de ceux provenant de République tchèque, de Hongrie et de Slovaquie, afin de proposer un plan d’action pour une mise en œuvre immédiate ;
iii. inviter l’UE à réviser d’urgence ses règles sur les demandeurs d’asile qui sont citoyens de l’un des Etats membres de l’UE et qui déposent leur demande d’asile dans un autre pays, de manière à ce qu’ils puissent combattre la présomption de sécurité qui s’applique vis-à-vis des Etats membres de l’UE afin d’éviter de se retrouver dans l’impasse qu’engendrent les règles actuelles ;
iv. recommander à l’UE de réexaminer les critères énoncés dans sa Directive dite « citoyens » sur le droit de séjour des citoyens de l’UE dans un Etat membre de l’UE autre que celui dont ils sont ressortissants.
v. exhorter les Etats membres du Conseil de l’Europe à trouver des moyens d’héberger les Roms du Kosovo dont la demande d’asile dans un Etat membre a été rejetée et qui sont menacés d’expulsion vers le Kosovo ou la Serbie proprement dite et à ne pas les renvoyer dans leur pays d’origine tant que le HCR estime qu’ils ne peuvent pas le faire en toute sécurité ;
vi. inviter les Etats membres du Conseil de l’Europe à éradiquer toutes les formes de racisme à l’égard des Roms et la violence qui en découle et, afin de respecter l’Etat de droit, à veiller à ce que les auteurs de ces violences ne restent jamais impunis ;
vii. demander instamment aux Etats membres du Conseil de l’Europe de développer la compréhension et la communication entre les Roms et les non Roms, de veiller à ce que les médias ne servent pas à diffuser des discours de haine et d’intensifier leur action visant à mettre les Roms à l’abri de la pauvreté, de l’exclusion et de la discrimination.