1. Introduction
1. Le ralentissement qui touche l’économie mondiale
depuis mi-2008 a sur les déplacements de populations un effet sans
précédent, plus profond et géographiquement plus étendu que lors
de toutes les autres crises économiques de l’après-seconde guerre
mondiale.
2. En outre, le nombre de personnes sans emploi dans le monde
s’est envolé pour atteindre presque 212 millions en 2009, après
une augmentation historique de 34 millions depuis 2007
:
la crise financière et économique est en train de devenir une grave
crise de l’emploi. Les Etats membres du Conseil de l’Europe font
partie des plus durement touchés par la crise. Dans beaucoup d’entre
eux, et notamment dans les pays membres de l’Union européenne, les
prévisions annoncent une nouvelle augmentation du chômage en 2010.
3. Bien qu’il soit trop tôt pour tirer toutes les conclusions
de l’impact de la crise actuelle sur les migrants et les migrations,
les migrants représentent la population la plus vulnérable et la
plus durement frappée en période de crise. Les travailleurs migrants
sont souvent utilisés comme des variables d’ajustement, pour tirer le
meilleur parti de la croissance et minimiser le chômage. Pour les
migrants, cela signifie souvent faire partie des derniers embauchés
et des premiers licenciés, avec des conditions de travail peu encadrées
dans des secteurs d’activité mal réglementés.
4. Si l’on excepte les diverses études tirant les leçons des
crises précédentes et malgré le grand nombre d’organisations internationales
travaillant avec sérieux sur ce sujet, telles que l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Organisation
internationale pour les migrations (OIM), l’Organisation internationale
du travail (OIT) et d’autres, les données fiables concernant les
véritables effets des crises sur les migrations sont encore beaucoup
trop rares. Les principales préoccupations exprimées dans les instances
internationales portent sur des thèmes tels que le retour des migrants,
la possibilité d’une baisse des transferts de fonds, la perspective
d’une augmentation du chômage parmi les migrants (en particulier
chez ceux qui sont en situation irrégulière), le sort des femmes
migrantes et l’aggravation de la stigmatisation des populations
immigrées.
5. Le présent rapport revient sur ces préoccupations et sur la
façon dont les différents Etats membres du Conseil de l’Europe ont
réagi aux conséquences de la crise mondiale sur les migrations.
Il analyse, notamment, les défis que doivent relever les Etats membres
du Conseil de l’Europe pour assurer la protection des droits des
migrants en période de ralentissement économique, ainsi que les
implications des réactions nationales et internationales face à
la crise.
6. Aux yeux du rapporteur, le Conseil de l’Europe est bien placé
pour contribuer depuis sa propre approche au débat mondial sur la
meilleure façon d’atténuer l’impact de la crise actuelle sur les
migrants, et l’une des réponses clés réside dans une mise en œuvre
plus efficace de ses propres normes et mécanismes de protection
des droits de l’homme.
7. Le rapport repose largement sur les informations mises en
commun lors d’un forum intitulé «Rester, émigrer, revenir: que faire
en pleine récession mondiale?», organisé par la sous-commission
des migrations (commission des migrations, des réfugiés et de la
population de l’Assemblée parlementaire) les 12 et 13 novembre 2009
à Antalya, en Turquie. Le rapporteur souhaite remercier toutes les
organisations qui ont participé à cette manifestation, ainsi que
la Plate-forme pour la coopération internationale sur les sans-papiers (PICUM),
qui a permis au rapporteur de recevoir des informations de plusieurs
organisations internationales en réponse à un questionnaire sur
les effets de la crise sur les migrations irrégulières.
2. Impact
de la crise sur les flux migratoires et sur les migrants
2.1. Flux migratoires
et emploi des migrants
8. Il n’y a pas de «tendance mondiale» unique concernant
l’impact de la crise actuelle sur les flux migratoires et sur l’emploi
des migrants. Les effets sont susceptibles de varier selon les secteurs
d’activité et selon la durée et l’intensité de la crise dans telle
ou telle région. Le niveau d’éducation et de compétence, la durée
du séjour, le statut juridique, le sexe et le pays d’origine des
migrants peuvent également avoir un impact, ainsi que les mesures
politiques, législatives et pratiques adoptées en réponse à la crise.
9. C’est dans des pays tels que l’Irlande, l’Espagne, le Royaume-Uni
et les Etats-Unis, où la crise s’est déclarée plus tôt et où les
travailleurs immigrés ont joué un rôle clé dans la récente période
d’expansion, que les conséquences pour l’emploi des migrants sont
les plus visibles. Cependant, bien que les statistiques sur le sujet
restent largement inexistantes pour d’autres pays du Conseil de
l’Europe, de nombreux signes indiquent une chute de l’immigration
économique dans presque tous les Etats membres, due à un important
déclin des recrutements internationaux et aux restrictions imposées
par les Etats à l’accès des étrangers au marché de l’emploi.
10. En Espagne par exemple, les nouvelles entrées à la demande
de l’employeur
(regimen general) sont passées
de plus de 200 000 en 2007 à 137 000 en 2008
. Au Royaume-Uni, le nombre de demandes acceptées
dans le cadre du Système d’enregistrement des travailleurs (Workers
Registration Scheme) est passé de 46 600 au premier trimestre 2008
à seulement 21 300 au premier trimestre 2009 (soit une baisse de 54 %).
En Irlande également, moins de 9 000 personnes en provenance des
12 nouveaux Etats membres de l’Union européenne ont obtenu un numéro
de sécurité sociale (Personal Public Service Number) au premier trimestre
2009, ce qui représente une baisse de 57 % par rapport à la même
période de l’année précédente
.
11. De même que les pays acceptent de moins en moins de migrants
à mesure que les marchés déclinent, l’émigration – qu’elle s’effectue
ou non dans un cadre légal – devient de moins en moins attractive.
Au Royaume-Uni par exemple, les chiffres trimestriels de l’immigration
en provenance d’Europe orientale ont diminué de 60 % entre 2006
et le deuxième trimestre 2009; en Espagne aussi, le nombre de nouveaux arrivants,
notamment en provenance de Roumanie et de Bulgarie, a diminué de
25 % en 2008.
12. S’agissant des migrations irrégulières, l’Agence européenne
pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières
extérieures (Frontex) a signalé une baisse de 16 % des franchissements
illégaux de frontières au premier trimestre 2009 par rapport à l’année
précédente. Selon le HCR, les arrestations effectuées en Grèce pour
arrivée illégale par la mer ont également connu une baisse de 20 %
en 2009
.
13. Toutes ces évolutions sont liées au déclin des perspectives
de travail. Les dernières données publiées par l’OIT, en janvier
2010, montrent une Europe particulièrement touchée par la crise
de l’emploi. Entre 2008 et 2009, les plus fortes augmentations du
taux de chômage ont été constatées dans les économies développées
et dans l’Union européenne (plus 2,4 %), en Europe centrale et du
Sud-Est (hors Union européenne) et dans la Communauté d’Etats indépendants
(CEI) avec une hausse de 2 %, et en Amérique latine et dans les
Caraïbes (plus 1,2 %). L’ensemble de ces pays, bien qu’ils n’abritent
que 30 % de la population active mondiale, comptent pour plus des
deux tiers dans l’augmentation du nombre de chômeurs dans le monde
en 2009.
14. Le chômage touche toutes les catégories de travailleurs; cependant,
les migrants sont proportionnellement plus affectés, puisqu’ils
tendent à se concentrer dans des secteurs très liés à l’essor économique
tels que la construction, l’industrie manufacturière, le commerce
de gros et l’hôtellerie. Généralement plus jeunes, les travailleurs
migrants ont aussi moins de diplômes et moins d’expérience professionnelle;
ils bénéficient en moyenne de contrats moins protecteurs et sont
particulièrement exposés aux licenciements sélectifs. Il n’est pas
rare, enfin, qu’ils maîtrisent mal la langue locale, en particulier
s’ils sont arrivés récemment, auquel cas leur capital social et
leurs réseaux professionnels sont également limités.
15. Dans un pays comme l’Espagne, un migrant en situation régulière
sur quatre (28 %) était officiellement au chômage au deuxième trimestre
2009 contre 15,2 % pour les non-migrants. Parmi les autres pays
de l’Union européenne dans lesquels les migrants ont été plus durement
frappés par le chômage que les nationaux, on peut citer la France
(18,5 % de chômage chez les migrants contre 9 % pour la population autochtone),
le Portugal (17,2 % contre 8,5 %), la Suède (15,4 % contre 7 %)
et l’Allemagne (15,4 % contre 7,2 %
).
Bien qu’il soit possible que la crise économique ait atteint son
étiage en termes de cotations boursières et de croissance économique,
l’OIT et l’OCDE estiment que le chômage va poursuivre son augmentation
en Europe pendant au moins un an.
16. Le taux de chômage des migrants varie considérablement d’un
secteur à l’autre. Les pertes d’emploi ont été particulièrement
marquées dans le secteur de la construction, qui emploie une importante
main-d’œuvre temporaire. Ainsi, en Espagne, le taux de chômage des
immigrés africains, qui travaillent le plus souvent dans la construction,
a atteint presque 33 % au quatrième trimestre 2008, soit 50 % de
plus que la moyenne enregistrée pour l’ensemble des migrants.
17. La crise économique actuelle survient dans un contexte de
concurrence accrue et de restructurations dans l’industrie manufacturière
qui se répercutent sur la demande de main-d’œuvre, et notamment
de main-d’œuvre faiblement qualifiée. Dans tous les pays européens,
les travailleurs migrants installés sont surreprésentés dans ces
industries et donc davantage menacés par le chômage de longue durée,
en particulier s’ils ne disposent pas des qualifications et des
compétences nécessaires pour saisir les possibilités d’emploi dans
d’autres secteurs, notamment celui des services.
18. A l’inverse, les emplois ont augmenté dans les secteurs de
l’éducation et de la santé, en particulier en Irlande et au Royaume-Uni.
19. Compte tenu de la répartition des migrants hommes et femmes
par secteur d’activité, il semblerait que la crise ait plus durement
touché les hommes. Le taux de licenciement pour les hommes, concentrés
dans les secteurs de la construction et de l’industrie manufacturière,
est deux fois plus élevé que pour les femmes, plus actives dans
les secteurs de la santé, de l’éducation et des services domestiques
.
Cela étant, les femmes migrantes se trouvent en général plus souvent
en situation irrégulière et employées dans l’économie informelle,
ce qui les rend plus vulnérables à la précarité, aux retards de
paiements et aux refus de prestations sociales.
20. Les migrants peu qualifiés tendent à subir davantage les effets
de la crise que les travailleurs très qualifiés, souvent dotés de
compétences recherchées. La persistance des pénuries de main-d’œuvre
dans les secteurs de l’ingénierie et de la santé ouvre également
des perspectives aux travailleurs migrants hautement qualifiés.
21. Concernant les autres types de flux migratoires, les tendances
sont moins claires. Le regroupement familial étant soumis à des
conditions de revenus, il se peut que la mise au chômage de personnes
cherchant à faire venir leur famille ait retardé les entrées dans
ce cadre. Parallèlement au renforcement des restrictions imposées
aux migrations professionnelles, de nombreux pays ont durci les
conditions à remplir pour obtenir le regroupement familial. Au Portugal
par exemple, où la durée de séjour régulier nécessaire pour faire
venir sa famille – dont ses parents – est aujourd’hui de deux ans,
une réforme de la loi sur les étrangers envisage d’allonger cette
durée à cinq ans pour ce qui est de la venue des parents
.
22. L’impact de la crise économique sur les migrations humanitaires
est encore plus difficile à évaluer, puisque ces migrations dépendent
avant tout des évolutions économiques, sociales et politiques dans
les pays les moins avancés et les plus fragiles. Il se peut que
l’Europe connaisse un risque accru d’abus du système de l’asile
dans le cadre de flux migratoires mixtes. Selon un rapport de Frontex,
le premier semestre 2009 a vu dans l’ensemble une forte baisse de
tous les indicateurs pertinents de l’immigration irrégulière, mais
non une diminution correspondante des demandes d’asile auprès de
pays industrialisés. Cependant, le HCR souligne que, dans un contexte
de flux migratoires mixtes, les motifs de départ politiques et économiques
peuvent être difficiles à distinguer, en particulier lorsque le
système politique d’un pays s’avère si défaillant qu’il ne permet pas
à ses habitants de survivre – sans parler de s’épanouir. Dans de
tels cas, les migrants fuient leur pays pour des raisons à la fois
politiques et économiques.
23. Dans plusieurs pays d’Europe, la crise a également modifié
la «psychologie des migrants». Ainsi, dans les zones rurales de
Grèce et d’Italie, les migrants restent davantage dans les lieux
où leurs réseaux sociaux sont les plus développés et peuvent leur
permettre de trouver un emploi, alors qu’en temps normal ils seraient partis
pour d’autres régions à la recherche de meilleurs débouchés.
24. Les pays d’origine comme de destination ont pris des mesures
en réaction à la crise, concernant notamment les admissions et le
retour. Les politiques adoptées sont très diverses. La Suède, par
exemple, a décidé en décembre 2008 d’assouplir sa politique migratoire
pour accueillir une immigration professionnelle déterminée par la
demande, tandis que la majorité des Etats membres appliquent ou
envisagent des politiques plus restrictives à l’égard des travailleurs
migrants afin de réduire le nombre de nouvelles arrivées. On observe ainsi
les politiques suivantes:
- diminution
du nombre de permis de travail accordés aux étrangers, notamment
dans les emplois peu qualifiés (Grèce, Espagne, Italie, Russie,
Royaume-Uni);
- mise en place d’incitations au retour pour les migrants,
dont le paiement de voyages en aller simple et le versement de sommes
forfaitaires (Espagne, République tchèque);
- réduction de la liste des métiers recherchés et renforcement
des tests à l’entrée sur le marché du travail (France, Espagne,
Royaume-Uni);
- modification du nombre de visas accordés et des conditions
d’entrée (salaire minimum requis) (Italie);
- diminution des possibilités de changer de statut et/ou
de faire renouveler son permis de travail (Russie);
- durcissement des contrôles concernant le regroupement
familial et l’immigration humanitaire (Portugal, Espagne).
25. En outre, de plus en plus de pays prennent le chemin d’un
classement de l’immigration irrégulière parmi les infractions pénales,
si bien que les migrants en situation irrégulière ont de moins en
moins accès aux services sociaux de base. Plusieurs pays de l’Union
européenne soutiennent le renforcement des contrôles aux frontières,
en particulier sur les côtes méditerranéennes.
26. L’expérience montre, ce que le rapporteur souhaite rappeler,
que le durcissement des critères d’entrée ne fait qu’accroître le
nombre de migrants irréguliers, dépourvus de protection, et jeter
de plus en plus de personnes dans les bras des trafiquants d’êtres
humains. Il est également prouvé que le maintien de marchés ouverts
aux migrants et aux migrations est important pour stimuler une reprise
économique plus rapide. A l’inverse, en réduisant la capacité à
pourvoir les emplois dans les secteurs qui en ont besoin, on risque
de prolonger la crise.
2.2. Transferts de fonds
et investissements dans les pays d’origine
27. Après avoir significativement augmenté ces dernières
années, les transferts de fonds sont en recul. En novembre 2009,
la Banque mondiale estimait que les envois de fonds vers les pays
en développement allaient baisser de 328 à 317 milliards de dollars
américains entre 2008 et 2009
. Cela représentait une diminution
de 6,1 %, plus faible que d’après une prévision précédente (7,3 %).
Les flux migratoires et les transferts de fonds devraient se relever,
mais probablement encore de façon modeste, en 2010 et 2011.
28. En Europe comme partout dans le monde, la croissance exceptionnelle
des transferts de fonds observée au cours des récentes années a
ralenti et même fait place à une diminution dans certains pays.
Le chiffre officiel des envois de fonds vers la Turquie, par exemple,
a chuté de 43 % depuis 2008
. Cette diminution
est de 37 % en Moldova, ce qui se fait durement ressentir dans un
pays où les envois de fonds équivalent à un tiers du revenu national.
Les envois vers l’Arménie ont également baissé de plus de 30 %,
et les envois vers la Pologne et la Roumanie sont en recul notable.
29. Selon certains, les transferts informels pourraient compenser
en partie la chute des transferts de fonds officiels, chute qui
s’explique entre autres par la perte de confiance envers le système
bancaire, due à la crise. Cependant, toute diminution des sommes
envoyées par les migrants, même limitée, peut avoir d’importantes conséquences,
en particulier lorsque ces sommes constituent un bouclier essentiel
contre la pauvreté. Dans les pays de départ qui comptent sur ces
transferts, la diminution des envois peut entraîner une réduction
de l’épargne et des dépenses de consommation, une contraction du
revenu disponible, une augmentation des niveaux de pauvreté et d’inégalité,
ainsi qu’une hausse du chômage et du travail «au noir», aboutissant
à déstabiliser plus encore des Etats déjà fragiles
.
30. La diminution des envois a généralement un impact particulièrement
fort sur les femmes, qui en sont souvent les destinataires, et sur
les filles, pour lesquelles la baisse des revenus du ménage peut
se traduire par exemple par une réduction des possibilités de scolarisation.
31. Il faut cependant reconnaître que beaucoup de migrants ne
manquent pas de ressources et de capacité d’adaptation en période
de crise. Nombre d’entre eux sont prêts à changer de secteur d’activité
ou même à déménager complètement pour pouvoir continuer à envoyer
des fonds à leur famille.
32. Les transferts de fonds semblent toutefois moins aléatoires
que les recettes d’exportation ou que les flux de capitaux, qui
ont connu une chute bien plus rapide. Ils ne constituent pas non
plus le principal vecteur par lequel les pays en développement auront
à souffrir de la crise économique. Beaucoup de ces pays seront avant
tout affectés par la diminution des échanges commerciaux mondiaux,
des investissements étrangers directs et, peut-être, de l’aide publique
au développement
.
33. La situation des transferts de fonds demande cependant à être
suivie de près, étant donné que ces transferts contribuent à réduire
la pauvreté et jouent un rôle important dans le soutien aux dépenses
des ménages pour l’éducation et la santé dans les pays en développement.
Leur facilitation devrait donc faire l’objet d’une attention prioritaire,
afin de veiller à ce que les sommes arrivant à destination soient
le plus importantes possible et à ce que davantage d’argent puisse
être consacré à des activités productives.
2.3. Migrations de retour
34. L’une des leçons que l’on peut tirer de la crise
à ce jour est que, contrairement aux idées et aux attentes les plus
répandues, peu de données indiquent un retour des migrants dans
leur pays d’origine, si l’on excepte certains mouvements depuis
l’Irlande, l’Espagne et le Royaume-Uni vers de nouveaux pays de
l’Union européenne comme la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie,
ou encore depuis la Russie vers certains pays de la Communauté d’Etats
indépendants
.
35. Les exceptions constatées, telles que les retours depuis le
Royaume-Uni et l’Irlande vers les nouveaux Etats membres de l’Union
européenne en Europe centrale et orientale, s’expliquent par la
détérioration relativement limitée de la situation économique des
Etats vers lesquels s’effectuent les retours et par le fait que,
en tant que citoyens de l’Union européenne, les migrants concernés
ont la possibilité de revenir légalement dans leur pays hôte à une
date ultérieure.
36. Cependant, la situation générale est plus complexe et fluctuante:
d’abord parce que la crise ne touche pas de la même façon les différentes
catégories de migrants et leur famille, ensuite parce que les perspectives d’emploi
et les niveaux de salaire vont probablement s’aggraver également
dans les pays de départ, rendant l’intérêt à rester dans le pays
hôte relativement similaire à ce qu’il était avant la crise. Il
peut sembler logique de supposer que les migrants installés depuis
longtemps, ainsi que leur famille, souffriront de la crise à peu près
de la même manière que les natifs du pays. Ils risquent moins de
perdre leurs papiers en même temps que leur emploi et sont aussi
moins susceptibles de déménager à cause de la crise. En revanche,
les migrants dépourvus de papiers ou présents depuis une période
relativement courte sont davantage susceptibles d’envisager un retour,
en particulier si leur statut juridique est incertain ou s’ils ont
laissé leur famille derrière eux.
37. Néanmoins, en dépit de la montée du chômage dans les pays
hôtes comme dans les pays de départ – ou peut-être à cause d’elle
–, la grande majorité des migrants va certainement rester dans le
pays hôte, quitte à accepter une détérioration des conditions de
travail, une baisse de salaire, voire des périodes de chômage. Quant
aux personnes qui ont perdu leurs papiers en même temps que leur
emploi, elles vont probablement rester et passer dans la clandestinité,
préférant travailler au noir plutôt que retourner dans un pays où
les perspectives d’emploi sont inexistantes, sans grandes chances
de pouvoir revenir ultérieurement dans le pays hôte.
38. En réaction à la montée du taux de chômage et à la perte de
statut juridique subie par les migrants, certains pays, comme l’Espagne
et la République tchèque, ont mis en place des incitations au retour
volontaire à l’attention des migrants sans emploi. Le ministère
espagnol du Travail, par exemple, a adopté, fin 2008, une nouvelle
réglementation visant à soutenir le retour volontaire des chômeurs
non ressortissants d’un pays de l’Union européenne. Les personnes
éligibles peuvent toucher toutes leurs indemnités de chômage en
deux versements, à condition de rentrer chez elles en s’engageant
à ne pas revenir en Espagne pendant au moins trois ans. D’après
les données de l’OCDE, alors que le nombre de migrants sans emploi
susceptibles d’entrer dans ce dispositif était de 137 000 en juin
2009, ils n’étaient fin janvier 2010 que 10 000, plus 3 600 de leurs proches,
à avoir accepté d’en bénéficier
.
39. Trois facteurs peuvent expliquer cette réaction réservée.
Premièrement, les migrants en situation régulière, couverts par
les systèmes locaux de sécurité sociale, peuvent perdre leurs droits
aux prestations s’ils partent. Deuxièmement, les intéressés peuvent
être dissuadés par les perspectives d’emploi dans leur pays d’origine,
bien plus médiocres que dans leur pays hôte. Enfin, le coût du voyage
et la difficulté à revenir dans le pays hôte en cas d’amélioration
de la situation économique entrent également dans la décision des travailleurs
migrants de ne pas retourner dans leur pays d’origine
.
40. De même, le «Programme de retours volontaires» instauré en
République tchèque, qui visait à renvoyer chez eux un nombre d’étrangers
sans emploi estimé à 12 000 (dont une grande part de Vietnamiens, d’Ukrainiens
et de Mongols), offrait aux candidats une allocation incitative
de 500 euros pour la première vague (premier semestre 2009) et de
300 euros pour la seconde vague (second semestre 2009) devant leur permettre
d’assurer leur subsistance à leur arrivée. Si 1 871 travailleurs
étrangers dotés d’un statut juridique sont rentrés chez eux (pour
la plupart, en Mongolie) dans la première phase du programme, ils
n’étaient, au 23 octobre 2009, dans la seconde phase, que 154 à
être rentrés et 167 à s’être portés candidats, indiquant une nette
baisse de l’intérêt pour le retour volontaire
.
41. Outre les mesures destinées aux travailleurs migrants en séjour
régulier, le ministère tchèque de l’Intérieur a étendu le programme
de retours aux migrants en situation irrégulière, promettant une
sanction modérée par rapport à la procédure ordinaire. Selon le
ministère, cette mesure avait pour but d’offrir une solution à la
catégorie de migrants la plus vulnérable. Cependant, entre le 15
septembre et le 15 décembre 2009, seules 53 personnes de cette catégorie
se sont portées candidates au retour. A l’évidence, les migrants préfèrent
tabler sur une amélioration de l’économie et de leur situation personnelle.
Les migrants en situation irrégulière notamment, surtout lorsqu’ils
ont versé des sommes exorbitantes à divers intermédiaires pour pouvoir
entrer dans le pays et ont encore d’importantes dettes dans leur
pays d’origine, n’acceptent généralement de rentrer chez eux que
s’ils n’ont absolument aucun autre choix.
42. Aussi incitatives qu’elles puissent paraître, les politiques
en faveur du retour n’ont donc eu dans les deux pays cités qu’un
effet minime. Le rapporteur rappelle, en outre, que l’expérience
tirée des crises précédentes montre que les incitations financières
sont généralement insuffisantes pour susciter des flux importants
de migration de retour
.
2.4. Migrations irrégulières
43. Comme signalé plus haut, certains Etats membres du
Conseil de l’Europe constatent une diminution de l’immigration irrégulière,
s’agissant notamment des arrivées par bateau en provenance d’Afrique
dans des pays tels que la Grèce ou l’Espagne. Par exemple, le nombre
de personnes interceptées par la police à leur arrivée en Espagne
est passé de 18 057 en 2007 à 13 424 en 2008 (soit une baisse de
25,6 %), diminution qui, selon les estimations, s’est poursuivie
en 2009. Bien que cette baisse puisse s’expliquer par des contrôles accrus
de l’immigration irrégulière, elle tient aussi indéniablement au
fait que la crise et le manque de perspectives d’emploi ont rendu
le pays moins attractif pour les migrants potentiels.
44. Dans le même temps, la proportion globale de migrants en situation
irrégulière parmi l’ensemble de la population immigrée semble en
augmentation. Deux grandes raisons peuvent l’expliquer.
45. Premièrement, restreindre l’immigration régulière revient
à ouvrir les portes à l’immigration irrégulière, même lorsque l’attrait
des pays de destination diminue. Comme nous l’avons déjà dit, il
devient de plus en plus difficile d’émigrer de façon régulière vers
la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. Certains pays, dont
l’Espagne, la Suisse et l’Irlande, ont abaissé leurs quotas de migrants
réguliers à presque zéro en 2009. A cela viennent s’ajouter plusieurs
obstacles et restrictions imposés au regroupement familial, aux régularisations,
etc. Certes, les Etats sont parfaitement en droit d’exercer leur
souveraineté concernant l’admission de ressortissants étrangers
sur leur territoire; mais si les pays hôtes continuent à connaître
une demande structurelle en main-d’œuvre non remplie par les ressortissants
nationaux et si aucune voie d’immigration régulière n’est maintenue
ouverte, l’immigration irrégulière va probablement augmenter.
46. Deuxièmement, la crise actuelle fait basculer dans l’irrégularité
de plus en plus de migrants réguliers. C’est le cas pour un nombre
de plus en plus important de migrants bien intégrés: en perdant
leur emploi, ils perdent aussi leur statut juridique, ce qui les
rend particulièrement exploitables. La plupart de ces personnes, dont
beaucoup sont bien installées, avec des enfants scolarisés, des
prêts à rembourser, etc., préfèrent accepter les pires conditions
de travail plutôt que de rentrer dans leur pays d’origine.
47. Les observations ci-dessus ont été confirmées par le projet
de recherche Clandestino, consacré aux immigrés en situation irrégulière
dans les pays d’Europe méridionale
. Le projet montre que la crise
n’a pas seulement touché les nouveaux arrivants, mais aussi des
migrants installés de façon légale depuis plusieurs années. Bien
qu’ils aient en général moins à perdre en retournant dans leur pays,
les migrants irréguliers risquent d’avoir beaucoup de mal à revenir
dans le pays hôte: il arrive donc qu’ils préfèrent rester, quitte
à endurer une situation d’illégalité pendant plusieurs années.
48. L’un des dangers de la crise actuelle est qu’elle semble conduire
à une «normalisation de l’irrégularité»: dans les mois à venir,
le travail au noir va probablement se généraliser parmi les travailleurs
migrants, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière. Les
migrants, en particulier s’ils sont en situation irrégulière, peuvent se
montrer prêts à accepter les salaires les plus faibles et les pires
conditions de travail de peur de rester complètement au chômage
et de ne plus avoir aucun moyen de subsistance.
49. De surcroît, les incidents à caractère xénophobe et raciste
sont en augmentation dans des pays où ils étaient pratiquement inconnus
auparavant et les contrôles d’identité aléatoires par la police
dans les lieux publics sont devenus plus fréquents dans des pays
où ils ne se pratiquaient pas. Cela a pour effet, non seulement
d’accroître le sentiment d’insécurité chez les migrants, mais aussi
de légitimer la vision de l’immigration irrégulière comme un crime.
50. Ces tendances ont également été remarquées par l’organisation
espagnole Pueblos Unidos
. L’Espagne a particulièrement
souffert de la crise actuelle: le nombre de chômeurs y a atteint
presque 2 millions de personnes entre le premier trimestre 2008
et le troisième trimestre 2009. La concurrence entre Espagnols de
souche, migrants en situation régulière et migrants sans papiers
autour des emplois à pourvoir s’est énormément intensifiée dans
les secteurs de l’agriculture, de la construction et des services,
qui ne peuvent satisfaire toutes les demandes d’emploi. En conséquence,
dans les zones urbaines, la plupart des hommes immigrés en situation
irrégulière se retrouvent au chômage et socialement marginalisés.
Les arrestations de certains de ces migrants irréguliers, tombés
dans la délinquance, ont encore renforcé la xénophobie au sein de
la population locale, xénophobie déjà accentuée auparavant par la
compétition autour des prestations sociales de base et des emplois
faiblement qualifiés.
51. Bien que les services domestiques continuent à représenter
une alternative pour les femmes immigrées en situation irrégulière
dans les villes d’Espagne, les difficultés économiques rencontrées
par les familles espagnoles se répercutent de façon considérable
sur la demande de tels services. Outre qu’elles subissent une importante
baisse de salaire et des horaires de travail excessifs, ces femmes
voient généralement s’éloigner l’espoir d’un contrat de travail
en bonne et due forme, ce qui les rend de plus en plus dépendantes des
familles qui les emploient.
52. Beaucoup des immigrés installés depuis longtemps en Espagne
se retrouvent également en situation d’exclusion en raison des conséquences
juridiques du chômage. Le renouvellement de leurs permis de travail et
de séjour est soumis à certaines conditions, comme le fait de cotiser
au système national de sécurité sociale ou la détention d’un contrat
de travail. Dans une certaine mesure, les travailleurs migrants
originaires de pays comme l’Equateur, le Pérou, la Colombie ou la
République dominicaine ont bénéficié de la grande vague de régularisations
qui a eu lieu en 2004. Cependant, les familles qui n’ont pas encore
obtenu un permis de séjour permanent (après cinq ans de résidence)
peuvent basculer dans une situation irrégulière du fait de la crise.
53. Au vu de ce qui précède, il semble hautement nécessaire de
permettre aux migrants en situation régulière de conserver leur
permis de séjour pendant une certaine période après la fin de leur
contrat de travail, afin qu’ils soient en mesure de chercher un
nouvel emploi. Ils devraient avoir accès au même soutien à la recherche
d’emploi que la population locale.
54. L’Irlande, par exemple, se montre pionnière sur ce type d’amélioration.
En octobre 2009, le Gouvernement irlandais a mis en place un dispositif
permettant aux personnes ayant déjà détenu des permis de travail
de demander avant la fin de l’année 2009 un permis de séjour temporaire.
Si leur demande est acceptée, les bénéficiaires se voient octroyer
un permis de quatre mois pendant lesquels ils peuvent rechercher
un emploi et déposer une demande de permis de travail. Il serait
intéressant, aux yeux du rapporteur, de connaître les résultats
de ce dispositif.
55. Dans l’ensemble, le rapporteur estime que, au lieu de restreindre
les flux d’immigration légale en encourageant les retours, politique
qui n’a donné que peu de résultats jusqu’ici, il convient d’aider
le marché du travail à réagir à la crise sans pénaliser encore plus
les travailleurs les plus vulnérables et les plus facilement exploitables,
dont les migrants en situation irrégulière. Il est nécessaire de
protéger la dignité humaine de ces migrants, de les mettre à l’abri
de l’extrême pauvreté et de les empêcher de tomber aux mains de
réseaux de criminels organisés.
2.5. Droits et protection
des migrants
56. L’érosion possible de la protection des droits des
migrants et des réfugiés, et de l’égalité de traitement représente
une préoccupation particulière en temps de crise, bien qu’il n’existe
pratiquement pas de données ou de statistiques disponibles sur ce
phénomène ou sur l’impact de la crise économique sur les entrées clandestines
et la traite des êtres humains.
57. Même en dehors de la crise, l’imposition de salaires très
bas ou le non-versement de salaires, les abus physiques, le harcèlement
sexuel et la violence, en particulier envers les femmes migrantes,
ou encore le déni et la répression des droits syndicaux, sont des
situations que les travailleurs migrants ne connaissent que trop bien.
Leur vulnérabilité les rend intéressants pour les personnes qui
préfèrent sous-payer leurs employés, ne leur fournir que peu ou
pas d’équipements de sécurité et d’hygiène sur le lieu de travail
et pouvoir les embaucher et les licencier en un clin d’œil sans
risquer de se heurter à un syndicat. La crise ne change rien à ce
fait; la main-d’œuvre migrante devient même encore plus attractive
pour ceux qui cherchent à optimiser leurs bénéfices en versant à
des étrangers vulnérables des salaires inférieurs à la moyenne nationale
et en ignorant les règles d’hygiène et de sécurité de base.
58. Il est donc essentiel que les Etats membres garantissent aux
migrants la jouissance de leurs droits en matière de conditions
de vie et de travail et leur assurent, en cas de perte d’emploi,
une protection adéquate contre toute forme de discrimination et
de xénophobie. Cela devrait passer par les mesures suivantes:
- renforcer l’Etat de droit par
l’adoption des normes internationales pertinentes;
- mettre en place des mesures administratives visant à assurer
la pleine application de la législation et à responsabiliser tous
les agents publics concernés;
- rendre les discriminations, les comportements et les actes
racistes et xénophobes illégaux et clairement inacceptables;
- promouvoir le respect de la diversité et des liens multiculturels,
y compris en inscrivant la sensibilisation au multiculturalisme
et à la diversité dans les programmes scolaires;
- mobiliser la société civile.
59. Les normes nécessaires existent: ce sont notamment les conventions
internationales consacrées, d’une part, aux migrants (Convention
internationale de 1990 sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur famille, Convention
du Conseil de l’Europe relative au statut juridique du travailleur
migrant (STE no 93), Convention de l’OIT
de 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) (no 97)
et Convention de l’OIT de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions
complémentaires) (no 143)), et, d’autre part,
à la non-discrimination et à l’égalité de traitement (Convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale, Protocole no 12 à la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 177),
Convention de l’OIT de 1958 concernant la discrimination (emploi
et profession) (no 111)). Ces textes offrent
des définitions et des bases juridiques complètes, fondées sur les
valeurs qui devraient être observées dans les politiques et les
pratiques nationales, en particulier en temps de crise.
60. Les gouvernements peuvent exercer une influence décisive sur
les comportements et les interactions dans la société. Cependant,
c’est au sein de la société elle-même, au travail, dans la rue,
dans les écoles, sur les marchés ou ailleurs, que les rencontres
se font entre étrangers et natifs du pays. Il est essentiel que
toutes les parties prenantes et tous les éléments de la société
civile agissent en faveur de la non-discrimination et de l’égalité
de traitement.
2.6. Climat social
61. La hausse du chômage et des licenciements est source
de ressentiment chez certains travailleurs natifs, qui accusent
les travailleurs migrants d’accaparer les emplois et de faire augmenter
l’insécurité et la criminalité, voire les maladies et l’insalubrité!
L’augmentation de la précarité rend les migrants particulièrement vulnérables
à ce type de stigmatisation.
62. Il est important que les travailleurs migrants ne deviennent
pas les boucs émissaires de la crise actuelle. Dans le monde entier,
l’actualité montre une montée des sentiments xénophobes et de la
discrimination à l’encontre des travailleurs migrants. Cette montée
se traduit par une grave augmentation des meurtres et des lynchages
de migrants dans certains pays, par l’expression généralisée de
sentiments xénophobes, par des discours politiques hostiles et par
des appels à exclure les migrants de l’accès à l’emploi et aux prestations sociales
de base. Dans de nombreuses parties d’Europe, ce type d’attitude
a pour effet de justifier la discrimination et les licenciements
illégaux sans paiement des salaires. Une ONG russe, le Bureau de
Moscou pour les droits de l’homme, rapporte que 113 migrants ont
été assassinés entre janvier et octobre 2008
,
soit deux fois plus que l’année précédente. Plusieurs manifestations
xénophobes ont eu lieu dans de nombreux pays dont le Royaume-Uni,
l’Italie et la Grèce.
63. Les médias jouent un grand rôle dans l’orientation des comportements
publics. Il convient donc de veiller particulièrement à ce que le
discours public sur l’immigration soit équilibré. Il est important
d’éviter toute rhétorique susceptible de présenter les discriminations
contre les migrants sous un jour acceptable ou même de les renforcer.
Plus encore en temps de crise, les médias devraient présenter les
migrants de façon objective, en reconnaissant ce qu’ils apportent
à la société.
3. Au-delà de la crise:
dynamique à long terme et perspectives d’avenir
64. Il n’existe pas aujourd’hui de réponse unique ou
définitive concernant la manière d’affronter les conséquences de
la crise économique actuelle. Nous manquons encore trop de données
factuelles sur les effets de la crise dans des domaines tels que
l’emploi, les transferts de fonds, l’aide au développement, etc.
Il convient donc d’encourager la recherche et la collecte de statistiques
à ce sujet.
65. Par ailleurs, certaines des prévisions formulées au début
de la crise semblent ne pas s’être vérifiées: ainsi, les pays d’origine
ne constatent pas le retour massif de travailleurs migrants qui
avait été annoncé. Les migrants en situation irrégulière n’ont pas
été les plus durement frappés; dans certains cas, ils ont même bénéficié
de la crise, certains employeurs préférant recourir à cette main-d’œuvre
peu coûteuse. En outre, contrairement à l’idée selon laquelle les
femmes allaient davantage souffrir de la crise car leurs conditions d’emploi
étaient moins protectrices que celles de leurs collègues masculins,
il s’avère que la crise a davantage touché les employés sous contrat
que les travailleurs sans papiers (qui sont majoritairement des
femmes
). Il
est donc très important que les responsables politiques, aux niveaux
national, régional et mondial, tiennent compte de ces tendances
contraires aux prévisions au moment de concevoir des mesures et
des stratégies de réponse à la crise.
66. Il est clair que la crise actuelle ne modifiera pas beaucoup
les déterminants essentiels des migrations internationales. Du point
de vue des pays de destination, l’immigration est nécessaire pour
répondre aux besoins de l’économie nationale en main-d’œuvre. Dans
les pays du Conseil de l’Europe, la plupart de ces besoins en main-d’œuvre
vont se maintenir pendant une longue période, puisqu’ils sont liés
au vieillissement de la population et à l’accroissement du secteur
des services. Malgré les heurts que connaît le marché actuellement,
il faut donc maintenir ouvertes toutes les voies d’immigration légale.
67. Il est essentiel aujourd’hui de concevoir rapidement des mesures
visant à renforcer les efforts à long terme pour réglementer l’immigration
économique et assurer aux migrants une protection et une intégration adéquates.
68. Dans l’immédiat, des mesures et des politiques sont nécessaires
pour atténuer l’impact de la crise sur les travailleurs migrants.
Dans un contexte marqué par l’extension de la crise de l’emploi
et par une lente reprise
,
éviter la pénurie de travailleurs pendant la reprise devrait constituer
la priorité politique d’aujourd’hui, en Europe et dans le monde.
La forte volonté politique qui a permis de sauver les banques en
2008 devrait maintenant s’appliquer à la préservation et à la création
d’emplois et de moyens de subsistance pour la population.
69. Les migrations pourraient en fait jouer un rôle important
dans la reprise. Les migrants sont souvent plus souples et plus
réactifs; leur apport peut aider un pays à se relever et à s’adapter
aux nouvelles circonstances. La crise actuelle offre également l’occasion
de repenser les politiques d’immigration dans chaque pays et au niveau
paneuropéen, notamment sur la question de savoir comment gérer au
mieux les flux de travailleurs migrants pour soutenir la croissance
dans les pays hôtes, promouvoir le développement des pays de départ, lutter
contre les discriminations et la xénophobie et permettre une intégration
effective des migrants.
70. Enfin et surtout, du point de vue du Conseil de l’Europe en
ce qui concerne l’impact de la récession actuelle, notre Organisation
doit continuer à élaborer des mesures visant à promouvoir et à protéger
les droits de l’homme parmi les migrants les plus vulnérables et
les personnes ayant besoin d’une protection. Elle doit demander
des garanties à ses Etats membres sur le fait que les migrants jouissent
d’une protection réelle et adéquate dans le domaine des droits de
l’homme, des conditions de vie et de travail et en cas de perte d’emploi,
ainsi que sur le fait que les migrants et les réfugiés bénéficient
d’une protection contre toute forme de discrimination et de xénophobie,
en particulier en période de crise économique.
***
Commission chargée du rapport: commission
des migrations, des réfugiés et de la population
Renvoi en commission: Doc. 11979, Renvoi 3602, 2 octobre 2009
Projet de résolution et projet
de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission
le 30 mars 2010
Membres de la commission: M.
John Greenway (Président),
M. Giacomo Santini (1er Vice-Président), M. Tadeusz Iwiński (2e Vice-Président),
Mme Tina Acketoft (3e Vice-Présidente),
M. Francis Agius, M. Pedro Agramunt,
M. Francisco Assis, M. Alexander van der Bellen, M. Ryszard Bender,
M. Márton Braun, M. André Bugnon,
M. Sergej Chelemendik, M. Vannino Chiti, M. Christopher Chope (remplaçant:
M. Michael Hancock), M. Desislav
Chukolov, M. Boriss Cilevičs, M. Titus Corlăţean, Mme Claire
Curtis-Thomas (remplaçant: M. Bill Etherington),
M. David Darchiashvili, M. Nikolaos Dendias,M.
Arcadio Díaz Tejera, M. Tuur Elzinga, M. Valeriy Fedorov, M. Oleksandr Feldman, M. Relu Fenechiu, Mme Doris Fiala, M. Bernard Fournier, M. Aristophanes
Georgiou, M. Paul Giacobbi, Mme Angelika
Graf, Mme Annette Groth, M. Michael Hagberg (remplaçant:
M. Göran Lindblad), Mme Gultakin Hajibayli, M. Doug Henderson, Mme Anette
Hübinger, M. Jean Huss, M. Denis Jacquat,
M. Zmago Jelinčič Plemeniti, M. Mustafa Jemiliev, M. Tomáš Jirsa, Mme Corien
W.A. Jonker, M. Reijo Kallio,
M. Ruslan Kondratov, M. Franz Eduard Kühnel, M. Geert Lambert, M. Pavel Lebeda, M. Arminas
Lydeka, M. Jean-Pierre Masseret, M. Slavko Matić, Mme Nursuna Memecan, M. Ronan Mullen, M. Gebhard
Negele, Mme Korneliya Ninova, Mme Steinunn
Valdís Óskarsdóttir, M. Alexey Ostrovsky, M. Evangelos Papachristos,
M. Jørgen Poulsen, M. Cezar Florin Preda (remplaçant: M. Iosif Veniamin Blaga), M. Gabino Puche (remplaçant:
M. Gonzalo Robles Orozco),
M. Milorad Pupovac, M. Volodymyr Pylypenko, Mme Mailis
Reps, M. Branko Ružić,M. Džavid Šabović,M. Samad
Seyidov, M. Joachim Spatz, M. Lorenzo Stolfi,
M. Giacomo Stucchi, M. László
Szakács, Mme Elke Tindemans, M. Dragan
Todorović, Mme Anette Trettebergstuen, M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Michał Wojtczak, M. Marco Zacchera, M.
Yury Zelenskiy, M. Andrej Zernovski,
Mme Naira Zohrabyan
N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: M.
Neville, Mme Odrats, M. Ekström