1. Introduction
1. Le Conseil de l’Europe est déjà à l’origine d’importants
travaux en faveur de l’intégration d’une perspective de genre dans
le processus budgétaire. En mars 2006, l’Assemblée parlementaire
a adopté la
Recommandation
1739 (2006) sur les budgets prenant en compte l’égalité des sexes,
sur la base d’un rapport de notre collègue Mme Anna
Čurdová (
Doc. 10764). Ce rapport comprenait un document d’expert préparé
par Mme Elizabeth Villagómez sur le rôle
des parlements dans la promotion et l’application des budgets prenant
en compte l’égalité des sexes.
2. En tant qu’outils concrets dans le cadre de l’approche intégrée
de l’égalité entre les femmes et les hommes, les budgets de ce type
ont aussi été le point de mire de plusieurs réunions intergouvernementales, dont
la plus récente est la conférence sur le thème «Les budgets publics:
élément essentiel d’une véritable égalité entre les femmes et les
hommes», organisée à Athènes en mai 2009 par notre comité «frère»,
le Comité directeur pour l’égalité entre les femmes et des hommes
(CDEG)
.
Cette conférence a été l’occasion de lancer un manuel intitulé
Mise en œuvre pratique de l’intégration d’une
perspective de genre dans le processus budgétaire, qui
contient des propositions concrètes à l’intention des acteurs gouvernementaux
et non gouvernementaux sur l’utilisation des budgets prenant en
compte la perspective de genre comme outil pratique
.
3. En septembre 2005, le Réseau informel du Conseil de l’Europe
sur l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes
a étudié l’intégration d’une perspective de genre dans le processus
budgétaire. En septembre 2006, le réseau a axé ses travaux sur ce
type d’approche dans le domaine de la santé. La Recommandation CM/Rec(2008)1
du Comité des Ministres sur la prise en compte dans les actions
de santé des spécificités entre hommes et femmes portait également
sur le sujet. Il me semble pourtant que le lien entre ces deux sujets
n’a pas été établi, raison pour laquelle j’ai présenté une proposition
de résolution sur l’intégration d’une perspective de genre dans
le processus budgétaire: un moyen de préservation de la santé des
femmes en février 2009 (
Doc.
11836).
4. Dans le présent rapport, j’exposerai brièvement les principes
de l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire,
puis j’expliquerai comment l’application de ces principes au domaine
de la santé peut contribuer à sauver la vie de nombreuses femmes
– donc à rendre nos sociétés plus cohésives et prospères.
2. Principes
de l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire
5. Même si les principes des budgets prenant en compte
le genre sont de plus en plus connus, je tiens à reprendre brièvement
plusieurs paragraphes du rapport de Mme Čurdová
de 2006, qui en expliquent les points essentiels de façon très juste
et concise
.
«2.1. Définition
Le Comité directeur du Conseil de l’Europe pour l’égalité
entre les femmes et les hommes (CDEG) définit l’intégration d’une
perspective de genre dans le processus budgétaire comme “une application
de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes
dans le processus budgétaire. Cela implique une évaluation des budgets
existants avec une perspective de genre à tous les niveaux du processus
budgétaire ainsi qu’une restructuration des revenus et des dépenses
dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes”.
La perspective du genre repose sur l’application du principe
de l’approche intégrée (ou “gender mainstreaming”) dans la procédure
budgétaire. L’application de cette méthode suppose que les priorités et
les besoins des femmes soient pris en compte sur la même base que
pour les hommes et que l’impact sur le genre des politiques budgétaires
soit évalué, en intégrant la perspective de genre à tous les niveaux
de la procédure budgétaire et en restructurant recettes et dépenses
dans l’objectif final de parvenir à l’égalité entre femmes et hommes.
2.2. Principes
Les budgets publics ne sont pas neutres car ils servent
à mettre en place des politiques spécifiques qui auront des incidences
sur la société et l’économie. A travers le budget public, le pouvoir
politique définit en effet le modèle de développement social et
économique, décide des priorités d’intervention et des critères
de redistribution à l’intérieur de la société en fonction des besoins
des citoyens. Ces politiques ont donc des effets différents, tant
au niveau des recettes que des dépenses, sur les hommes et les femmes.
La perspective du genre ne vise pas à établir des budgets
distincts pour les femmes, mais entend mieux appréhender la réalité
sociale. En renforçant la collecte et l’analyse des données différenciées
par sexe, en améliorant la possibilité de déterminer la réelle valeur
ajoutée des ressources allouées aux femmes et aux hommes, la perspective
de genre permet une distribution plus équitable des charges et des avantages
financiers pour les citoyens en favorisant une utilisation plus
efficace des fonds publics.
2.3. Objectifs
La perspective du genre repose sur trois objectifs essentiels.
Elle vise, dans un premier temps, à mettre en place des politiques
budgétaires équitables encourageant la réduction des inégalités,
l’égalité des chances, en prenant mieux en compte les besoins différents
de la femme et de l’homme dans l’économie et la société.
Son second objectif est de favoriser une utilisation plus
efficace des dépenses publiques par rapport aux objectifs prévus,
en termes de distribution de ressources et de services destinés
aux hommes et aux femmes. Elle vise ainsi à renforcer la qualité
et l’efficacité des services publics, conformément aux besoins différents
des citoyens et des citoyennes.
Son troisième objectif est de garantir aux citoyens une
meilleure compréhension des recettes et dépenses publiques et, par
conséquent, d’assurer une plus grande transparence des politiques publiques
mises en œuvre par les autorités nationales, régionales et locales.»
3. Approche intégrée
de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la
santé
6. Dans sa Recommandation CM/Rec(2008)1 sur la prise
en compte dans les actions de santé des spécificités entre hommes
et femmes, le Comité des Ministres a indiqué clairement que le genre
(qui est une construction sociale) en opposition au sexe (qui est
un attribut biologique) devrait être considéré comme un déterminant
essentiel de la santé, en ce qu’un grand nombre de spécificités
et d’inégalités dans la santé des hommes et des femmes découlent
de certaines caractéristiques sociales, culturelles (y compris la
religion) et politiques de la société. Le Comité des Ministres a
noté que les inégalités entre les femmes et les hommes peuvent se
traduire par des problèmes d’accès aux services de santé, y compris
à l’information, et que l’absence de ressources pour sensibiliser
les soignants aux spécificités des hommes et des femmes peut poser
des obstacles structurels à la qualité des soins de santé. C’est
pour cela que le Comité des Ministres a incité au renforcement de
l’intégration d’une perspective de genre dans le domaine de la santé,
puisque la reconnaissance des différences et des inégalités améliorerait
l’efficience et l’efficacité des politiques et services de santé
pour les femmes et pour les hommes.
7. Le Comité des Ministres a replacé la question dans le contexte
de la protection des droits de la personne humaine et a recommandé
aux Etats membres de faire du genre un domaine d’action prioritaire
en matière de santé par l’élaboration de politiques et de stratégies
qui répondent aux besoins spécifiques des hommes et des femmes et
prennent en compte l’approche intégrée de l’égalité entre les genres.
Le Comité des Ministres a recommandé de promouvoir l’égalité de
façon équitable dans tous les secteurs et à tous les niveaux du système
de santé, y compris dans les actions portant sur les soins, la promotion
de la santé et la prévention des maladies, et a encouragé le développement
et la diffusion des connaissances prenant en compte le genre qui
permet des interventions scientifiquement fondées grâce à la collecte
systématique de données appropriées ventilées par sexe, la promotion
de travaux de recherche pertinents et l’analyse de genre, ainsi que
la mise en place des cadres de suivi et d’évaluation des progrès
réalisés en matière d’approche intégrée de l’égalité entre les femmes
et les hommes dans les politiques de santé.
8. Je suis consciente du fait que cette recommandation est encore
très récente et qu’il est donc prématuré de s’attendre à ce que
tous ses points soient déjà mis en œuvre. Toutefois, il me semble
que l’un des outils les plus utiles de l’approche intégrée de l’égalité
entre les femmes et les hommes, à savoir dans le processus budgétaire,
fait défaut à ce texte.
4. Bienfaits potentiels
de l’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire
de santé: cas du cancer
9. La prévalence des maladies oncologiques est en augmentation
dans le monde entier. Ce qu’il y a d’alarmant, c’est que parmi les
cas observés, bon nombre sont dus à des tumeurs malignes situées
à des endroits faciles d’accès lors des examens (cancers de l’utérus,
du sein, de la cavité buccale, etc.) et que l’on qualifie de tumeurs
dépistables à l’œil nu. Le taux de mortalité lié à ces maladies
est 3,5 fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
10. Selon l’enquête Eurobaromètre sur la santé dans l’Union européenne
(«Health in the European Union») dirigée par la Commission européenne
en 2006, 29 % des personnes interrogées seraient atteintes d’une longue
maladie ou auraient des problèmes de santé. Chaque année, 275 000
femmes développent un cancer du sein et 88 000 en décèdent. Ce cancer
est la principale cause de mortalité chez les femmes âgées de 35 à
59 ans. Dans l’Union européenne, des femmes de plus en plus jeunes
développent des tumeurs logées dans les glandes mammaires. 35 %
des femmes atteintes d’un cancer du sein ont moins de 55 ans, et
12 % n’ont même pas 45 ans.
11. Si l’on compare les taux de mortalité normalisés liés à des
tumeurs au sein chez les femmes de moins de 64 ans dans l’Union
européenne et dans les Etats baltes, on s’aperçoit que le taux de
mortalité est plus élevé dans ces derniers. Les taux pourraient
être inférieurs si les diagnostics étaient suffisamment opportuns et
appropriés. Il est donc impératif d’élaborer des stratégies nationales
de prévention et de diagnostic précoce des maladies chroniques non
infectieuses.
12. Le cancer de l’utérus est la deuxième maladie oncologique
la plus répandue chez les femmes de moins de 45 ans. Il touche le
plus souvent des femmes âgées de 35 à 64 ans. Si plusieurs facteurs
contribuent à l’apparition du cancer de l’utérus, sa principale
cause est l’infection par le papillomavirus humain (HPV), qui multiplie
par 20 à 175 le risque de développer ce cancer. Les programmes de
dépistage sont essentiels pour identifier la maladie à temps.
13. En comparant les indicateurs des Etats membres de l’Union
européenne, on constate que le taux de mortalité est plus élevé
dans les pays de l’ancien bloc communiste – situation que l’on peut
attribuer à un retard de diagnostic et de traitement. Pour les tumeurs
malignes, les facteurs de risques contrôlables sont la consommation
de tabac et d’alcool, un style de vie sédentaire, une surcharge
pondérale, une alimentation déséquilibrée, des infections chroniques
et un diagnostic tardif. Ces éléments témoignent de l’importance d’informer
et de sensibiliser pour préserver la santé de tous.
14. L’insuffisance d’accès aux services de santé explique en partie
le manque de données sur les maladies oncologiques. On peut attribuer
cela à la distance entre le lieu de résidence et celui où se trouvent
les services de santé (couverture sanitaire), au niveau de qualification
du personnel médical, au système de ticket modérateur, aux files
d’attente et au défaut d’information. L’accessibilité des soins
de santé a fait l’objet de l’enquête de l’Union européenne sur les
revenus et les conditions de vie (EU SILC), qui confirme l’importance de
ces facteurs.
15. La santé étant considérée comme un droit de la personne humaine,
le principe d’égalité entre les femmes et les hommes devrait aussi
s’y appliquer.
16. L’indicateur de décès prématurés, ou d’années potentielles
de vie perdues (APVP), fait partie de ceux utilisés pour mesurer
l’état de santé de la société. Il permet d’évaluer les pertes socio-économiques
essuyées par l’Etat et de caractériser la mortalité prématurée et
les causes de décès qui pourraient être évitées grâce aux mesures
de prévention. Ce type de données facilite donc l’établissement
de priorités en matière de santé publique. Les années potentielles
de vie perdues donnent une estimation du nombre moyen d’années qu’une personne
aurait vécu si elle n’était pas décédée dans un accident ni à la
suite d’une maladie; il s’agit d’un indicateur factuel qui informe
sur la santé de la société.
17. Le nombre d’années potentielles de vie perdues à cause d’événements
externes ou de maladies cardio-vasculaires graves est cinq fois
plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Il ressort de l’analyse
des budgets de santé des Etats membres du Conseil de l’Europe que
les services d’urgence sont souvent prioritaires, ce qui peut facilement
se comprendre puisqu’ils s’emploient à sauver des vies dans des
situations extrêmes, qui impliquent la plupart du temps des maladies
cardio-vasculaires et des causes externes (accidents de la route,
suicides, homicides, noyades, forte consommation d’alcool, etc.).
18. Le cancer du sein étant la première cause de décès et d’années
de vies perdues chez les femmes, il apparaît donc que les budgets
sont plutôt favorables à l’amélioration de la qualité de vie des
hommes. L’étude de la répartition des budgets de santé sous l’angle
de l’égalité hommes-femmes nécessite d’identifier le lien entre
macroéconomie et utilisation effective des fonds dépensés. Nous
savons tous que «l’intégration d’une perspective de genre dans le
processus budgétaire» n’exige pas deux budgets séparés.
19. Pour optimiser l’utilisation du budget consacré à la santé,
il est absolument nécessaire d’élaborer une stratégie nationale
fondée sur l’analyse des données et les ressources financières du
budget.
20. Pour ce qui est d’améliorer la santé des femmes et la prévention
des éventuelles causes de décès les concernant, un programme spécial
est indispensable pour celles en âge de procréer. L’objectif est
que les femmes soient en bonne santé – sans avoir besoin de l’assistance
du budget public pour un traitement médical ni de prestations d’invalidité
– et que, de ce fait, elles participent activement à la génération
du produit intérieur brut et au paiement de l’impôt.
21. Dans l’optique de l’égalité entre les femmes et les hommes,
il est essentiel d’associer les femmes à la prise de décisions tout
au long du processus d’élaboration du budget, dont le résultat est
essentiel pour tous les décideurs – pour les députés, les membres
du gouvernement et les employeurs dans le but de consolider la macroéconomie,
et pour la société dans son ensemble dans le contexte démographique.
22. L’élaboration de programmes axés sur des objectifs spécifiques
pour la prévention du cancer du sein et du cancer de l’utérus, qui
sont les premières causes de mortalité oncologique chez les femmes,
est un exemple frappant de l’intégration d’une perspective de genre
dans les processus budgétaires. Plusieurs conditions sont indispensables
à l’efficacité des contributions budgétaires: un objectif formulé
de façon concise et un résultat prévu pouvant être démontré à l’appui
de statistiques. Pour partir sur un fondement scientifique, il est nécessaire
de procéder à un examen précis des données selon une méthode éprouvée,
pour une durée suffisante, et de s’appuyer sur des données factuelles
pour l’analyse de projets pilotes. Ce cadre est essentiel à la planification
d’une utilisation efficace du budget sur le long terme.
23. Dans le but d’appliquer ce cadre aux maladies oncologiques
létales et les plus graves qui touchent les femmes – cancer du sein
et cancer de l’utérus –, la Commission européenne a adopté des principes
directeurs sur le dépistage de ces pathologies. Sur la base desdits
principes, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient concevoir
des notions et stratégies afin de s’assurer que des programmes de
dépistage sont proposés au groupe cible de femmes, c’est-à-dire
aux femmes en âge de procréer. Il convient de noter que le dépistage
est efficace uniquement au titre de politique coordonnée de santé
et non de démarche décentralisée.
24. Ces programmes prévoient le diagnostic du cancer de l’utérus
par un frottis tous les trois ans pour les femmes de 25 à 70 ans,
une mammographie tous les deux ans pour les femmes de 50 à 69 ans
et, à partir de 50 ans, un test de saignement occulte fécal. La
prévalence des cancers de l’utérus étant en augmentation, la vaccination
contre le HPV – cause la plus courante du cancer de l’utérus – est
désormais proposée à grande échelle.
25. Selon les données du bulletin épidémiologique européen (Eurosurveillance
2008), la Slovénie, la Belgique, la France, le Canada, les Etats-Unis,
les Pays-Bas, le Danemark, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Australie,
l’Irlande, la Norvège et la Suisse ont évalué la rentabilité des
vaccins contre le HPV avant de les inclure dans leurs programmes
d’immunisation. D’autres pays n’ont pas mené de recherches sur l’efficacité
de la vaccination par rapport à son coût compte tenu d’un manque
de ressources financières et du fait qu’ils jugent suffisant de
se fier aux études de même nature réalisées par les autres pays.
26. D’après les recherches d’Eurosurveillance, les principaux
facteurs qui incitent au lancement de la vaccination contre le HPV
en Europe sont le rapport coût/bénéfices favorable et l’influence
épidémiologique escomptée sur les lésions précancéreuses et le cancer
de l’utérus. Le Centre européen de prévention et de contrôle des
maladies (European Centre for Disease Prevention and Control – ECDC)
estime que la vaccination contre le HPV est une stratégie économique.
Selon plusieurs études, les premiers effets positifs de cette vaccination
se feront sentir au bout d’environ deux ans.
27. D’ici cinq à dix ans, il pourrait être possible de réduire
de 30 % un risque élevé d’infection par le HPV, de 40 % à 50 % les
changements pathologiques grâce au frottis de dépistage et de 50 %
à 60 % la néoplasie cervicale intra-épithéliale explicite. La vaccination
des jeunes filles dès l’âge de 12 ans permettrait de faire baisser
la prévalence du cancer de l’utérus d’environ 66 % et le nombre
de décès d’environ 67 %. Au total, environ 1 889 années de vie pour
100 000 femmes pourraient être sauvées. Si l’on tient compte du
salaire moyen, les conséquences économiques dans les Etats membres
seront certes différentes; toutefois, rappelons que cette stratégie
est sans aucun doute rentable sur le long terme.
5. Conclusions
28. Le budget public étant un instrument de politique
macroéconomique, il importe de trouver le bon mécanisme et la bonne
méthodologie pour la mise en place d’une stratégie budgétaire intégrant
la perspective de genre. Ce type de démarche permet de faire des
économies considérables et d’améliorer nettement la qualité de vie
des femmes ainsi que de leurs proches.
29. Depuis la 4e Conférence mondiale
sur les femmes, qui s’est tenue à Pékin en 1995, les principes de base
de l’égalité entre les femmes et les hommes ont été adoptés et appliqués
par plus de 40 pays dans le monde entier. Les gouvernements – en
particulier les ministères des Finances – jouent le premier rôle
dans l’établissement des budgets, en coopération avec d’autres ministères.
Les ministères de la Santé, qui secondent les ministères des Finances
pour la planification des dépenses sanitaires, se chargent de formuler des
stratégies et des politiques nationales. Ils jouent également un
rôle clé pour veiller à ce que les principes des budgets fondés
sur une perspective de genre soient bien compris par les fonctionnaires
à tous les niveaux de la fonction publique.
30. Au moment de l’élaboration de plans basés sur la recherche
et du calcul de l’efficience de ces derniers, il est essentiel de
garder à l’esprit la nécessité de parvenir à un «résultat mesurable»
et d’évaluer sa pertinence pour une stratégie donnée. En règle générale,
au moment d’établir le budget, les fonctionnaires manifestent un
intérêt de pure forme pour la «neutralité de genre» alors qu’en
pratique le budget tend à être discriminatoire vis-à-vis des intérêts
des femmes. C’est pourquoi dans les questions de genre, la «neutralité»
diffère de l’«égalité» ou de la «sensibilisation». Le gouvernement
a le devoir de protéger les plus faibles et de prévenir toute forme
de discrimination, notamment en associant les ONG à ses travaux.
Au Royaume-Uni, le Women’s Budget Group est un bon exemple de ce
type de coopération: l’ONG analyse régulièrement le budget public et
fait activement pression sur le parlement pour qu’il accroisse le
budget affecté aux soins de santé proposés aux femmes.
31. La
Task force sur les
financements innovants des systèmes de santé, coprésidée par Gordon
Brown, Premier ministre britannique, et Robert Zoellick, président
de la Banque mondiale, a finalisé son rapport à sa 3e réunion,
qui s’est tenue à Paris le 29 mai 2009. Tous les membres de la
task force se sont accordés sur
le rapport final et ont fixé un ensemble de recommandations incluant
une série de possibilités de financement novatrices auxquelles les
pays et d’autres parties prenantes peuvent adhérer. La
Recommandation no 6 sur «Le renforcement des capacités des gouvernements
à garantir une meilleure performance et un meilleur investissement
des ONG privées, à vocation religieuse, communautaires et d’autres
acteurs non gouvernementaux dans le secteur de la santé» est l’une
des recommandations majeures de ce rapport.
32. L’Organisation mondiale de la santé, l’ONU et la Banque mondiale
insistent également sur l’importance d’intégrer une perspective
de genre dans les processus budgétaires et sur le fait qu’en investissant
pour la santé des femmes, les gouvernements favorisent nettement
le développement social. En 1994, la Déclaration de Vienne sur l’initiative
«Investir dans la santé des femmes» dans les pays d’Europe centrale
et orientale a reconnu comme prioritaire la mise en place du dépistage
du cancer du sein et du cancer de l’utérus.
33. Les ministères concernés tout autant que l’ensemble des services
sociaux devraient faire l’objet d’un audit du respect des principes
d’égalité des sexes, qui inclurait des questions telles que l’accessibilité
des services spécialisés, la sécurité, le système scolaire, l’alimentation
et les activités sportives. Il est nécessaire d’incorporer ces principes
dans la législation nationale et que la loi définisse des méthodes
d’audit ainsi qu’un système de compilation, d’analyse et de suivi
des données. La Belgique, l’Autriche et l’Espagne se sont lancées
dans la rationalisation de leur législation nationale à cet égard.
34. En 2001, l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE), le Fonds de développement des Nations Unies
pour la femme (UNIFEM) et le Conseil nordique des ministres ont
tenu une conférence en Belgique sur le thème «Renforcement de la
gouvernance économique et financière: vers des budgets répondant
aux besoins spécifiques des hommes et des femmes». En mars 2005,
le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a approuvé le Plan
pour l’égalité entre les femmes et les hommes («Order APV/526/2005»)
qui porte sur des systèmes d’information et de statistiques, et
énonce des politiques fiscales et budgétaires répondant aux besoins
des femmes et des hommes.
35. Conformément à la stratégie de prévention du cancer du sein
et de l’utérus, et afin de réduire le taux de mortalité lié à ces
maladies, il est indispensable que tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe procèdent à une analyse des données répondant à une
méthodologie uniforme et aux principes directeurs de l’OMS. Les Etats
devraient développer et mettre en œuvre des stratégies nationales
qui prévoient un dépistage organisé des tumeurs, étant donné que
le diagnostic précoce du cancer renforce l’efficacité du traitement
et améliore la qualité de vie des personnes concernées.
36. Il est impératif de sensibiliser le public au moyen de campagnes
d’éducation à la santé dans les écoles et de promotion d’une vie
saine. De plus, il importe de faire prendre conscience de l’intérêt
de l’auto-examen. Les campagnes d’information et d’éducation, au
même titre que les mesures de promotion de la santé, sont d’une
importance capitale. La qualité des services et leur accessibilité
devraient être la pierre angulaire de ces stratégies. Il est essentiel
de faire figurer les programmes nationaux de lutte contre le cancer
parmi les priorités des budgets publics de santé.
6. Recommandations
37. Comme nous l’avons vu précédemment, des données de
plus en plus nombreuses, tirées d’études menées dans tous les domaines
de la recherche en matière de santé, montrent, en fait, que les
facteurs de risque, les signes cliniques, les causes, les conséquences
et le traitement des maladies peuvent varier selon qu’ils concernent
des hommes ou des femmes. Il s’ensuit que la prévention, le traitement,
la réadaptation, la délivrance de soins et la promotion sanitaire
doivent être adaptés en fonction des besoins différents des hommes
et des femmes. L’intégration d’une perspective de genre dans le
processus budgétaire peut apporter une contribution majeure à la
délivrance effective de soins de santé répondant à ces besoins.
38. Comme dans tous les domaines de l’intégration d’une perspective
de genre dans le processus budgétaire, il est crucial que les Etats
membres recueillent des données ventilées par sexe en matière de
santé et procèdent à des évaluations de l’impact différencié selon
le sexe. Munis de ces deux outils, ils pourront alors passer avec
succès à la phase d’intégration d’une perspective de genre dans
le processus budgétaire, c’est-à-dire allouer les ressources budgétaires
en matière de santé d’une manière plus juste – et plus efficace –
à l’égard des femmes et des hommes.
39. J’estime que l’intégration d’une perspective de genre dans
le processus budgétaire devrait être un élément essentiel des politiques
de santé des Etats membres et que le Comité des Ministres devrait promouvoir
cette pratique dans le domaine de la santé aussi.
40. L’Assemblée devrait donc recommander au Comité des Ministres:
- de veiller à ce que les Etats
membres appliquent la Recommandation CM/Rec(2008)1 sur la prise
en compte dans les actions de santé des spécificités entre hommes
et femmes, et en particulier les recommandations relatives à la
prise en considération de l’approche intégrée de l’égalité entre
les femmes et les hommes dans les politiques et stratégies nationales
relatives à la santé, y compris la collecte de données ventilées
par sexe et le recours à des évaluations de l’impact différencié
selon le sexe;
- d’encourager les Etats membres à aller plus loin et à
appliquer le principe de l’intégration d’une perspective de genre
dans les processus budgétaires aux politiques et stratégies nationales
dans le domaine de la santé afin d’allouer les ressources budgétaires
en la matière d’une manière juste et efficace pour les femmes comme
pour les hommes;
- d’inviter les comités compétents à envisager de donner
suite à la Recommandation CM/Rec(2008)1 sous la forme d’une recommandation
sur l’intégration d’une perspective de genre dans les processus budgétaires
en matière de santé.