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Rapport | Doc. 12270 | 31 mai 2010

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Rapporteur : M. Andres HERKEL, Estonie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997) 2010 - Troisième partie de session

Résumé

A quelques mois du dixième anniversaire de l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, la commission de suivi considère que la crédibilité démocratique du pays est à nouveau en jeu avec les élections législatives de novembre 2010. Elle considère que ces élections revêtent une importance toute particulière dans un pays où il reste nécessaire de renforcer l’application dans la pratique du principe de séparation des pouvoirs garanti par la Constitution, notamment par une consolidation du rôle du parlement vis-à-vis de l’exécutif.

Ainsi, la commission demande aux autorités de garantir les conditions qui permettront aux élections législatives de novembre d’être pleinement conformes aux normes européennes et d’annoncer clairement, au plus haut niveau politique, qu’aucune fraude électorale ne sera tolérée. Elle appelle également tous les partis politiques à participer aux prochaines élections.

Par ailleurs, en ce qui concerne la situation des médias et des journalistes, la commission condamne les arrestations, intimidations et harcèlements de journalistes, appelle à la dépénalisation de la diffamation et à la libération d’Eynulla Fatullayev telle qu’ordonnée par la Cour européenne des droits de l’homme.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 19 mai 2010.

(open)
1. Lors de son adhésion au Conseil de l’Europe en janvier 2001, l’Azerbaïdjan a choisi les normes européennes en matière de démocratie, d’Etat de droit et de droits de l’homme. L’Assemblée parlementaire suit de près l’évolution du pays. Le résultat de l’intense coopération entre l’Assemblée et la délégation azerbaïdjanaise a donné lieu à six rapports adoptés par l’Assemblée depuis l’adhésion du pays, deux sur la procédure de suivi et quatre sur le fonctionnement des institutions démocratiques du pays. L’Assemblée est fermement convaincue que le Conseil de l’Europe a un rôle crucial à jouer en vue d’accompagner le pays dans ses efforts de démocratisation.
2. En novembre 2010, l’Azerbaïdjan organisera ses secondes élections législatives depuis son adhésion au Conseil de l’Europe. L’Assemblée attache une grande importance à l’établissement des conditions qui permettront à ces élections d’être pleinement conformes aux normes européennes et d’être considérées comme libres et équitables.
3. L’Assemblée renvoie au rapport de la commission ad hoc sur l’observation de l’élection présidentielle de 2008 et ainsi qu’au rapport du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux sur les élections municipales de 2009, et note que des progrès considérables ont été accomplis, en particulier lors de l’élection présidentielle de 2008, pour ce qui est du respect des normes européennes. Elle déplore, toutefois, qu’aucune de ces élections n’ait satisfait pleinement aux exigences démocratiques.
4. Depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, le Parlement azerbaïdjanais a renforcé sa position vis-à-vis d’autres institutions publiques. Cependant, il reste beaucoup à faire pour renforcer le contrôle parlementaire de l’exécutif et améliorer l’équilibre des pouvoirs dans un Etat caractérisé par un système présidentiel fort. Les prochaines élections législatives revêtent une importance toute particulière dans un pays où il reste nécessaire de renforcer l’application dans la pratique du principe de séparation des pouvoirs garanti par la Constitution, notamment par une consolidation du rôle du parlement vis-à-vis de l’exécutif.
5. A quelques mois du dixième anniversaire de l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, l’Assemblée considère que la crédibilité démocratique du pays est à nouveau en jeu. En dépit des progrès réalisés lors de l’élection présidentielle de 2008, certaines lacunes systémiques, comme le manque de concurrence et de véritable pluralisme politique, doivent être corrigées.
6. Même si la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a conclu dans son avis que des améliorations ont été apportées par le biais de différents amendements adoptés, le Code électoral reste complexe, en particulier dans les dispositions sur l’enregistrement des candidats, le financement des campagnes, les listes des personnes autorisées à conduire des campagnes préélectorales et les restrictions concernant le contenu des matériels de campagne. L’Assemblée partage également l’avis de la Commission de Venise, selon lequel il faut encore régler les questions de la composition de la Commission électorale centrale et des commissions électorales territoriales et des procédures de réclamation et de recours.
7. L’Assemblée rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme a conclu dans son récent arrêt dans l’affaire Namat Aliyev c. Azerbaïdjan, que les actions des commissions électorales et des tribunaux concernés avaient emporté violation du droit du requérant de se porter librement et effectivement candidat aux élections dans sa circonscription.
8. La période qui a suivi les dernières élections législatives a été marquée par un nouvel affaiblissement de l’opposition, tant au sein du parlement qu’en dehors. Cela a entraîné une pénurie de candidats de l’opposition, dommageable pour le processus démocratique dans le pays.
9. L’Assemblée prend note des amendements constitutionnels de 2009 et, tout en se félicitant de quelques innovations positives, déplore que les amendements constitutionnels proposés, dont certains revêtent une importance primordiale pour le fonctionnement des institutions démocratiques du pays et le processus électoral en particulier, n’aient pas au préalable été soumis pour avis à la Commission de Venise.
10. En ce qui concerne le cadre général nécessaire au développement du processus électoral démocratique, l’Assemblée est préoccupée par certains cas de violations des libertés fondamentales que sont la liberté de réunion et la liberté des médias. Elle rappelle, dans ce contexte, la résolution du Parlement européen du 17 décembre 2009 sur la liberté d’expression en Azerbaïdjan, qui s’inquiétait de la détérioration de la liberté des médias dans le pays.
11. L’Assemblée se félicite de l’adoption par les Délégués des Ministres, le 10 mars 2010, d’un plan d’action visant à soutenir les élections législatives de 2010 en Azerbaïdjan. Ce plan d’action porte sur un certain nombre de points définis en coopération avec les autorités azerbaïdjanaises et en liaison avec d’autres institutions internationales, tels que la législation électorale, la formation de l’administration électorale, la couverture médiatique de la campagne, la sensibilisation des électeurs aux questions électorales et l’organisation de débats publics.
12. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée demande aux autorités azerbaïdjanaises de veiller à ce que toutes les conditions soient réunies pour que les prochaines élections se déroulent en pleine conformité avec les normes européennes, et en particulier:
12.1. de coopérer avec la Commission de Venise en vue de réviser le Code électoral sur les questions en suspens, à savoir la composition de la Commission électorale centrale et des commissions électorales territoriales, l’enregistrement des candidats, les observateurs, la liste électorale et son exactitude, ainsi que les procédures de réclamation et de recours;
12.2. d’établir un processus d’enregistrement des candidats qui soit libre et équitable, ainsi que des procédures de recours effectives;
12.3. de mettre en place les conditions d’une campagne électorale équitable, notamment par l’application pleine et entière de la loi sur la liberté de réunion et le respect de la liberté des médias;
12.4. de permettre aux candidats et activistes représentant l’opposition de mener effectivement leur campagne électorale, que ce soit lors de meetings publics ou par le biais des médias, et en particulier de la télévision;
12.5. de s’abstenir de toute discrimination envers les candidats et les activistes sur la base de leurs convictions et activités politiques;
12.6. de prendre les mesures nécessaires pour former les membres des commissions électorales aux procédures de dépouillement des bulletins;
12.7. de rétablir sans tarder le dialogue entre la majorité au pouvoir et l’opposition, tant au sein du parlement qu’en dehors, afin d’améliorer le climat politique du pays et de restaurer la confiance du public dans le processus électoral.
13. En ce qui concerne la situation des médias et des journalistes, l’Assemblée condamne les arrestations, intimidations, harcèlements et menaces physiques de journalistes, telles que confirmées par l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Fatullayev c. Azerbaïdjan. Dans ce contexte, l’Assemblée se montre également préoccupée par le sort de deux activistes, Emin Milli et Adnan Hajizade, condamnés à des peines d’emprisonnement respectives de deux ans et six mois et de deux ans.
14. L’Assemblée déplore, en outre, le décès en prison, en août 2009, de Novruzali Mammadov, chercheur et rédacteur en chef du Tolyshi Sado, seul journal de langue talysh, dont le nom figurait sur la liste de prisonniers politiques établie par la Fédération des organisations de droits de l’homme d’Azerbaïdjan.
15. L’Assemblée se félicite de la libération de plusieurs journalistes, avec 99 autres détenus, à la suite de la grâce présidentielle du 25 décembre 2009, et en particulier de Mirza Zakit, journaliste et poète bien connu, de Ganimat Zahidov, rédacteur en chef d’Azadliq, l’un des principaux quotidiens indépendants, d’Ali Hasanov, rédacteur en chef du journal Ideal, et de Mushvig Huseynov, correspondant du journal Bizim Yol. En même temps, elle regrette que certains journalistes restent emprisonnés.
16. L’Assemblée s’inquiète également du caractère souvent disproportionné des sanctions pénales imposées à certains journalistes dans les affaires de diffamation, et réaffirme sa position en faveur d’une dépénalisation de la diffamation.
17. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée demande aux autorités azerbaïdjanaises:
17.1. de procéder à la libération d’Eynulla Fatullayev, telle qu’ordonnée par la Cour européenne des droits de l’homme, nonobstant le recours des autorités azerbaïdjanaises à la Grande Chambre de la Cour, actuellement en examen;
17.2. de modifier le Code pénal de manière à dépénaliser la diffamation, conformément à la tendance observée au niveau international et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et, dans l’intervalle, de s’abstenir d’engager de nouvelles actions en diffamation contre des journalistes;
17.3. de créer les conditions permettant aux journalistes de mener leurs activités professionnelles sans interférence de la part des autorités.
18. De plus, l’Assemblée est convaincue que les principales institutions publiques doivent faire l’objet de réformes plus poussées pour pouvoir fonctionner de manière pleinement conforme aux normes démocratiques en matière électorale. Elle attend de l’Azerbaïdjan qu’il respecte pleinement les normes du Conseil de l’Europe relatives aux élections démocratiques lors des élections législatives de 2010, et espère être invitée en temps voulu à en assurer l’observation.
19. Dans ce contexte, elle invite les autorités azerbaïdjanaises à annoncer clairement, au plus haut niveau politique, qu’aucune fraude électorale ne sera tolérée.
20. Par ailleurs, elle encourage vivement tous les partis politiques à prendre part aux prochaines élections.
21. En outre, l’Assemblée note que la commission de suivi lui présentera en 2011 un rapport spécifique sur les progrès réalisés par l’Azerbaïdjan dans le respect des obligations et engagements contractés lors de son adhésion au Conseil de l’Europe en 2001.
22. Dans l’intervalle, elle encourage les autorités azerbaïdjanaises à poursuivre les réformes en cours dans des domaines allant de l’Etat de droit à la séparation des pouvoirs. Elle les invite également à continuer à faire appel à l’expertise des organes compétents du Conseil de l’Europe avant d’adopter des réformes cruciales pour le fonctionnement démocratique des institutions du pays et, dans la perspective des prochaines élections législatives, à ne pas se limiter au respect de la lettre de la loi, mais également à la mettre en application.

B. Exposé des motifs, par MM. Herkel et Debono Grech, corapporteurs

(open)

1. Introduction

1. L’Avis 222 (2000) sur la demande d’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe définit les obligations qui, au titre de l’article 3 du Statut de l’Organisation, incombent à tous les Etats membres, ainsi qu’un certain nombre d’engagements spécifiques que l’Azerbaïdjan a acceptés en adhérant au Conseil de l’Europe, le 25 janvier 2001.
2. En vertu de la Résolution 1115 (1997) et conformément au paragraphe 17 de l’Avis 222, la procédure de suivi a été entamée immédiatement après l’adhésion de l’Azerbaïdjan 
			(2) 
			Le
respect par l’Azerbaïdjan de ses obligations et engagements est
également suivi par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe
au travers de son groupe de suivi (GT-SUIVI.AGO). Ce dernier a présenté
son dernier rapport en février 2010, voir document CM(2009) 180,
déclassifié lors de la 1076e réunion
des Délégués des Ministres (3-4 février 2010). . La commission de suivi a depuis lors présenté à l’Assemblée parlementaire plusieurs rapports sur les progrès réalisés par l’Azerbaïdjan dans le respect de ses obligations et engagements, et notamment sur le fonctionnement de ses institutions démocratiques. Ils ont donné lieu à l’adoption par l’Assemblée des Résolutions 1305 (2002), 1358 (2004), 1398 (2004), 1456 (2005), 1480 (2006), 1505 (2006), 1545 (2007) et 1614 (2008).
3. Par ailleurs, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a soumis à l’Assemblée plusieurs rapports sur le respect d’un engagement spécifique, en l’occurrence celui de rejuger ou de libérer les prisonniers politiques présumés 
			(3) 
			Voir Résolution 1272 (2002), Résolution
1359 (2004), Résolution
1398 (2004) et Résolution
1457 (2005).. Les développements concernant le conflit du Haut-Karabakh ont été suivis par la commission des questions politiques 
			(4) 
			Voir Résolution 1416 (2005) et Recommandation
1690 (2005) sur le conflit du Haut-Karabakh traité par la Conférence
de Minsk de l’OSCE, adoptées par l’Assemblée en janvier 2005. Voir
également Résolution
1525 (2006) sur l’établissement d’un Pacte de stabilité pour le
Caucase du Sud, adoptée par la Commission permanente en novembre 2006. et la commission ad hoc du Bureau. La situation des réfugiés et personnes déplacées en Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie est décrite dans le Doc. 10835 qui a donné lieu à l’adoption par l’Assemblée de la Résolution 1497 (2006). La question des personnes déplacées d’Azerbaïdjan est également abordée dans des rapports plus généraux de l’Assemblée, notamment le Doc. 11942 et sa Recommandation 1877 (2009) 
			(5) 
			Rapport
de la commission des migrations, des réfugiés et de la population,
rapporteur: M. Greenway, sur «Les peuples oubliés d’Europe: protéger
les droits fondamentaux des personnes déplacées de longue date»,
recommandation adoptée par l’Assemblée le 24 juin 2009., et le Doc. 12105 et sa Résolution 1708 (2010) 
			(6) 
			Rapport
de la commission des migrations, des réfugiés et de la population,
rapporteur: Mme Mendonça, sur «La rétention
administrative des demandeurs d’asile et des migrants en situation
irrégulière en Europe», résolution adoptée par l’Assemblée le 28
janvier 2010.. La situation des femmes dans le Caucase du Sud, y compris en Azerbaïdjan, est décrite dans le Doc. 11178 qui a été discuté lors de la réunion de la Commission permanente en mars 2007 et qui a donné lieu à l’adoption de la Résolution 1544 (2007) et de la Recommandation 1790 (2007).
4. En outre, dans sa Résolution 1457 (2005) sur le suivi de la Résolution 1359 (2004) sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan, l’Assemblée a conclu qu’elle «ne saurait considérer la question des prisonniers politiques comme définitivement close» et a demandé aux autorités azerbaïdjanaises de prendre un certain nombre de mesures afin de trouver «une issue rapide et définitive à la question des prisonniers politiques et prisonniers politiques présumés». Faisant suite à la proposition de résolution sur le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan 
			(7) 
			Proposition de résolution
présentée par M. Pourgourides et autres sur le suivi de la question
des prisonniers politiques en Azerbaïdjan, Doc. 11468. déposée en décembre 2007 et regrettant l’absence de suivi concret des recommandations de l’Assemblée ainsi que l’absence de résultat, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a désigné M. Strässer (SOC, Allemagne) rapporteur sur ce sujet.
5. Concernant la procédure de suivi elle-même, à la suite du départ de Mme Evgenia Jivkova de l’Assemblée parlementaire, M. Joseph Debono Grech a été désigné corapporteur sur le respect des obligations et des engagements de l’Azerbaïdjan le 18 novembre 2009.
6. C’est dans ce contexte que les corapporteurs sur la procédure de suivi au titre de l’Azerbaïdjan se sont rendus à Bakou à quatre reprises: tout d’abord M. Herkel et Mme Jivkova du 4 au 7 février 2008, du 18 au 20 mai 2008 et du 7 au 11 avril 2009; puis M. Herkel et M. Debono Grech du 8 au 11 février 2010. Ces visites avaient pour objectif principal de mettre à jour nos informations sur les réformes démocratiques et sur les progrès accomplis en matière de droits de l’homme.
7. Nous avons rencontré les autorités au plus haut niveau (Président de la République, président du parlement, ministre de la Justice, ministre adjoint aux Affaires étrangères, procureur général et médiateur) ainsi que des représentants d’ONG et des médias, des dirigeants des partis d’opposition et des représentants de la communauté internationale et des diplomates. Nous avons également rendu visite à plusieurs prisonniers dont nous soulevons les cas dans nos rapports, dont M. Novruzali Mammadov, 68 ans, chercheur et linguiste, rédacteur en chef du journal en langue talysh, qui purgeait alors une peine de prison de dix ans au Centre pénitentiaire no 15 où il est malheureusement décédé depuis. En février 2010, nous avons rencontré les deux blogueurs activistes arrêtés en juillet dernier, M. Emin Milli et M. Adnan Hajizade.
8. Nous nous sommes également rendus dans la République autonome de Nakhitchevan en 2009, où nous avons rencontré le président du Conseil suprême de la République de Nakhitchevan, le médiateur et des représentants des médias et des ONG. Lors de notre dernière visite en février 2010, nous nous sommes également rendus à Ganja, la seconde ville du pays où nous avons rencontré les différents acteurs locaux, y compris les autorités locales, le médiateur, des représentants des partis politiques d’opposition et des défenseurs des droits de l’homme. Nous remercions ici les pouvoirs locaux de ces deux régions pour leur hospitalité.
9. Nous tenons à remercier le Parlement azerbaïdjanais et, en particulier, le président de la délégation de l’Azerbaïdjan à l’Assemblée, M. Samad Seyidov, et son secrétariat, pour l’excellente organisation de nos visites, ce qui nous a permis d’avoir des échanges de vues francs et ouverts avec les autorités, même au plus haut niveau. Nos remerciements vont également à M. Aydin Abbasov, membre de la délégation et élu de la circonscription de Ganja qui nous a accueillis et accompagnés lors de notre visite dans sa ville. Nous tenons également à remercier M. Fikrat Mammadov, ministre de la Justice, pour son soutien et son aide dans l’organisation des visites en prison à plusieurs détenus mentionnés dans la Résolution 1545 (2007) ou condamnés après l’adoption de cette résolution.
10. Nous sommes également reconnaissants à Mme Veronika Kotek, représentante spéciale du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en Azerbaïdjan, et à son personnel du bureau de Bakou pour leur aide précieuse dans l’organisation des réunions avec les représentants de la société civile, des partis politiques, des médias et des organisations internationales, et dans l’organisation de conférences de presse.
11. Si, lors des dernières élections, l’Azerbaïdjan a fait montre de progrès certains quant à l’organisation des scrutins eux-mêmes, certaines insuffisances récurrentes, comme le manque de concurrence et de véritable pluralisme politique, persistent et doivent être corrigées. Nous espérons que les questions soulevées dans le présent rapport seront traitées sans concession par les autorités avant les élections parlementaires prévues en novembre 2010 de sorte que celles-ci soient conformes aux normes du Conseil de l’Europe.
12. Ce rapport présente ainsi ces questions prééminentes que sont l’état d’avancement de la démocratisation à la suite de l’élection présidentielle d’octobre 2008 et du référendum sur les changements constitutionnels tenu le 18 mars 2009, la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris l’environnement des médias.
13. Toutes ces questions sont, très souvent, étroitement liées. Qui plus est, la démocratisation d’une société est un processus long et complexe.
14. Par ailleurs, nous saluons les progrès accomplis par l’Azerbaïdjan dans le respect des obligations et engagements qu’il a contractés en adhérant au Conseil de l’Europe en 2001. Nous saluons l’ouverture dont ont fait preuve les autorités azerbaïdjanaises et leur volonté de coopérer de bonne foi avec les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe pour créer et renforcer les institutions démocratiques. Nous les encourageons vivement à poursuivre les réformes en cours dans des domaines allant de l’Etat de droit à la séparation des pouvoirs.
15. Nous invitons les autorités azerbaïdjanaises à continuer à faire appel à l’expertise des organes compétents au sein du Conseil de l’Europe avant d’adopter des réformes cruciales pour le fonctionnement démocratique des institutions du pays et, dans le contexte des élections législatives à venir, à ne pas s’en tenir à respecter la lettre de la loi, mais à se concentrer sur sa mise en application.

2. Démocratisation

16. Il nous semble important de placer ce chapitre dans un contexte global et de rappeler que l’Azerbaïdjan est aujourd’hui confronté à d’importants défis liés à sa situation géopolitique et géostratégique. Pour sa part, le Conseil de l’Europe a un rôle crucial à jouer en vue d’accompagner le pays dans ses efforts de démocratisation.
17. En 2009, la préoccupation majeure de la plupart de nos interlocuteurs était l’amélioration des relations entre l’Arménie et la Turquie, en l’absence de solution au problème du Haut-Karabakh. En Azerbaïdjan, la signature des protocoles arméno-turcs sur l’établissement des relations diplomatiques et le développement des relations bilatérales le 10 octobre 2009 est perçue comme une évolution négative et comme une menace pour la stabilité de la région. La réouverture de la frontière – fermée par la Turquie en 1993 par solidarité avec l’Azerbaïdjan à la suite du conflit du Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan – est perçue comme une injustice dans ce pays qui a vu son intégrité territoriale menacée.
18. Toutes les parties en présence en Azerbaïdjan sont déçues par les négociations du Groupe de Minsk visant à trouver une solution au conflit du Haut-Karabakh. L’incapacité à résoudre ce conflit, qui compromet l’intégralité territoriale du pays, fait encore obstacle au bon déroulement des réformes démocratiques entreprises dans le pays. L’occupation permanente de ces territoires et la présence continue de réfugiés et de personnes déplacées reste un défi pour l’Azerbaïdjan.
19. Le 7 novembre 2010, l’Azerbaïdjan organisera ses deuxièmes élections législatives depuis son adhésion au Conseil de l’Europe en 2001. L’Azerbaïdjan a également organisé deux élections présidentielles depuis cette date. Malheureusement, aucun des scrutins précédents organisés depuis n’a été complètement conforme aux normes démocratiques 
			(8) 
			Voir les rapports de
l’Assemblée sur les missions d’observations d’élections en Azerbaïdjan, Doc. 10003 du 27 novembre 2003 (élection présidentielle de 2003), Doc. 10751 du 29 novembre 2005 (élections législatives de 2005), Doc. 10941 du 13 mai 2006 (répétition partielle des élections législatives
de 2005) et Doc. 11769 (élection présidentielle de 2008). même si des progrès considérables ont été notés, notamment lors de la dernière élection présidentielle de 2008. Nous saluons les efforts déployés par le Gouvernement azerbaïdjanais pour démocratiser davantage ses institutions.
20. Notre dernière visite d’information a eu lieu neuf mois avant les élections législatives prévues le 7 novembre 2010.
21. Très récemment, dans son jugement du 8 avril 2010 dans l’affaire Namat Aliyev c. Azerbaïdjan 
			(9) 
			Requête no 18705/06., la Cour a conclu que la conduite des commissions électorales et des tribunaux et leurs décisions respectives avaient révélé un manque flagrant de préoccupation concernant la protection du droit du requérant à se présenter à une élection. La Cour a noté que ce qui était visé en l’espèce n’était pas le droit du requérant de gagner l’élection dans sa circonscription mais son droit de s’y présenter librement et équitablement. En vertu de l’article 3 du Protocole no 1, le requérant avait droit à la tenue d’élections libres et démocratiques, qu’il ait en définitive gagné ou perdu.

2.1. La réforme constitutionnelle de 2009

22. Durant nos visites, nous avons regretté qu’on n’ait pas demandé, au préalable, l’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur les amendements constitutionnels proposés, dont certains revêtent une grande importance pour le fonctionnement des institutions démocratiques dans le pays et les scrutins électoraux en particulier.
23. A la suite de la demande formulée par la commission de suivi 
			(10) 
			Voir l’annonce de presse
du 29 janvier 2009: Les parlementaires demandent un avis d’expert
sur les modifications constitutionnelles en Azerbaïdjan. et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, la Commission de Venise a adopté, le 14 mars 2009, soit quelques jours à peine avant la consultation, un avis sur la loi sur le référendum dans lequel elle a conclu que «manifestement, certains amendements constituent une importante amélioration par rapport à la Constitution existante et qu’il convenait de s’en féliciter» 
			(11) 
			Voir
l’Avis 518/2008 sur les projets d’amendements à la Constitution
de la République d’Azerbaïdjan adopté par la Commission de Venise
lors de sa 78e session plénière (Venise,
13-14 mars 2009), CDL-AD(2009)010.. Parallèlement, il y a matière à préoccupation face à certaines évolutions très négatives s’agissant de la pratique démocratique étant donné le contexte qui prévaut en Azerbaïdjan. La Commission de Venise considère que «les projets d’amendements constitutionnels contiennent une série de changements sectoriels sous forme de 29 questions auxquelles les électeurs seront appelés à répondre par “oui” ou par “non”. Bien qu’on puisse aisément identifier les principales questions soulevées par la réforme [(voir chapitre III ci-dessous)] (…), il semblerait que, dans l’ensemble, [la réforme] manque de cohérence. Il s’ensuit qu’il est parfois difficile de comprendre l’objectif et la nécessité de certaines modifications et/ou les liens qui existent entre elles. Ainsi, par exemple, certains changements n’impliqueront qu’une petite adaptation terminologique (…) alors que d’autres auront d’importantes retombées sur la répartition générale des pouvoirs entre les différentes branches des pouvoirs étatiques».
24. Certaines des réformes constitutionnelles proposées contenaient des innovations dont il convient de se féliciter. Il semble par exemple qu’il existe, dans la réforme de l’an dernier, une tentative louable en vue de garantir une plus grande transparence en matière d’affaires publiques par le biais de l’établissement du principe d’accès public aux sessions du parlement et de l’obligation de publier les décisions de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle, ainsi que des lois normatives. Il faut également saluer les amendements proposés à l’article 96 de la Constitution, qui étendent à 40 000 citoyens le droit à l’initiative législative.
25. Les principales inquiétudes soulevées par les réformes touchent à l’abrogation de la limite du double mandat présidentiel et au statut du Président. Selon les dispositions précédentes, le Président pouvait uniquement être élu pour deux mandats consécutifs. L’amendement a supprimé la limitation du nombre de mandats. Selon l’avis de la Commission de Venise, «en Azerbaïdjan, [pays] doté par sa Constitution d’un régime présidentiel, le Président concentre sans aucun doute des pouvoirs considérables entre ses mains, étant donné le peu de freins et contrepoids qui y existent. Aussi était-il logique que le texte initial de la Constitution azerbaïdjanaise limite l’exercice de ces pouvoirs à deux mandats. (…) On peut en général considérer l’abolition des restrictions qui empêchent la réélection illimitée d’un Président comme un recul du point de vue de la démocratie. (…). La limitation constitutionnelle expresse des mandats présidentiels consécutifs est particulièrement importante dans les pays dont les structures démocratiques et leur présupposition culturelle n’ont pas encore été consolidées».
26. Outre l’abrogation de la limite du double mandat présidentiel, d’autres questions préoccupantes incluent l’extension du mandat du Milli Mejlis et du Président en cas d’opérations militaires et les modifications concernant les organes de l’autonomie locale, contraires à la Charte européenne de l’autonomie locale 
			(12) 
			Voir le communiqué
de presse 161 (2009) du 2 mars 2009 publié par le Congrès, «Le Bureau
du Congrès appelle au report du référendum en Azerbaïdjan» et le
communiqué de presse 218 (2009) du 16 mars 2009, «Le Président a.i.
du Congrès met l’Azerbaïdjan en garde contre un affaiblissement
de sa Constitution».. De plus, la Commission de Venise considère que les restrictions des droits et libertés garanties par la Constitution avec le libellé actuel de l’amendement proposé à l’article 32.III, compte tenu du contexte général de la liberté des médias et des activités des journalistes en Azerbaïdjan, «présente le risque d’une mise en œuvre de cette disposition contraire à l’article 10 de la CEDH [Convention européenne des droits de l’homme]».
27. Cela étant, le 2 avril 2009, peu avant notre visite, le Président Aliyev a signé un décret par lequel il charge son administration de préparer des projets de loi en vue de la mise en œuvre de certains des amendements adoptés par voie de référendum (ces lois concernent, par exemple, les modifications apportées aux articles 17, 25, 32, 48, 71, 72, 84, 96, 101, 125, 129, 131, 146 et 149 de la Constitution) et de les soumettre à la Commission de Venise. La Commission de Venise indiquait que son avis sur la loi relative au référendum se fondait sur le texte des amendements constitutionnels et ne pouvait prendre en compte les lois qui seraient adoptées en vue de la mise en œuvre desdits amendements. Elle précisait toutefois que, si les lois pertinentes étaient adoptées, certaines des préoccupations qu’elle a exprimées dans son avis ne seraient plus pertinentes.
28. L’administration présidentielle actuelle a été largement confortée dans son mandat avec le référendum sur les amendements et les ajouts à la Constitution tenu le 18 mars 2009. Les résultats définitifs de ce référendum, auquel ont participé 70,83 % des électeurs, ont été proclamés par la Commission électorale centrale (CEC) le 30 mars. Les 41 amendements présentés en 29 questions ont été acceptés, le pourcentage moyen de «oui» se situant entre 87,15 et 91,76 %.
29. Nous nous félicitons de la décision du Président de soumettre les projets de loi de mise en œuvre à la Commission de Venise pour avis et invitons derechef les autorités azerbaïdjanaises à demander l’avis de la Commission de Venise avant l’adoption de toute législation importante 
			(13) 
			Voir
les communiqués de presse figurant en annexe.. A ce jour, la Commission de Venise a été saisie pour deux avis depuis la réforme constitutionnelle, qu’elle a adoptés en décembre 2008: à savoir son avis sur le projet de loi portant ajouts à la loi sur le statut des municipalités de la République d’Azerbaïdjan 
			(14) 
			Avis 559/2009, CDL-AD(2009)049 (original anglais) adopté par
la Commission de Venise lors de sa 81e session plénière
(Venise, 11-12 décembre 2009). et son avis sur le projet de loi sur l’obtention d’information sur les activités des cours en Azerbaïdjan 
			(15) 
			Avis 548/2009, CDL-AD(2009)055 (original anglais) adopté par
la Commission de Venise lors de sa 81e session plénière
(Venise, 11-12 décembre 2009)..
30. Les autorités ont promis d’effectuer cette démarche avant l’adoption par le parlement de la loi sur le conflit d’intérêts qui revêtira une importance cruciale pour le fonctionnement des institutions démocratiques du pays.

2.2. Les scrutins depuis 2008

31. La commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire qui a observé le déroulement du scrutin a conclu que les résultats de l’élection présidentielle tenue le 15 octobre 2008 dans la République d’Azerbaïdjan «reflétaient la volonté de l’électorat de ce pays». La participation électorale s’est élevée à 75,64 % et le scrutin a été remporté par M. Ilham Aliyev, qui a obtenu 88,73 % des suffrages exprimés.
32. En général, le scrutin s’est déroulé dans le calme, mais, le jour de l’élection, la situation s’est progressivement détériorée pendant le dépouillement et, notamment, lors de l’élaboration des tableaux de résultat des votes 
			(16) 
			«Malgré des progrès,
les élections en Azerbaïdjan n’ont pas satisfait aux normes internationales»,
Bakou, 7 novembre 2005, Déclaration de la mission internationale
d’observation BIDDH OSCE/PACE/OSCE PA.. Il est aussi regrettable que cinq partis politiques n’aient pas pu participer au scrutin. Il n’existe toujours pas de concurrence véritable entre les plates-formes et les idées politiques.
33. Une délégation de l’Assemblée parlementaire s’était rendue dans le pays pour suivre le référendum; elle a publié une déclaration le lendemain de la consultation 
			(17) 
			«Les Azerbaïdjanais
ont voté positivement au référendum constitutionnel», selon la délégation
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe présente sur
place, Bakou, 19 mars 2009. dans laquelle elle concluait que «le résultat du référendum témoigne de l’aspiration des Azerbaïdjanais à une plus grande stabilité et une plus grande démocratisation; toutefois un meilleur équilibre du pouvoir nécessitera l’adoption de nouvelles réformes à l’avenir».
34. En ce qui concerne les élections municipales tenues le mercredi 23 décembre 2009, elles ont été observées par une délégation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (ci-après le Congrès), composée de 11 membres du Congrès, à l’invitation des autorités azerbaïdjanaises. La délégation a conclu 
			(18) 
			Voir rapport du Congrès,
Chambre des pouvoirs locaux, 18e session,
CPL(18)2 du 8 février 2010, sur les élections municipales d’Azerbaïdjan
(23 décembre 2009), rapporteur: Francis LEC (France, SOC) pour adoption
par le Congrès le 18 mars 2010. que les élections étaient, globalement, bien préparées d’un point de vue technique et qu’elles s’étaient déroulées dans une atmosphère calme. Elle a déclaré qu’il s’agissait d’une avancée considérable par rapport aux élections locales précédentes, tout en soulevant trois problèmes préoccupants:
  • l’absence de véritable pluralisme politique des partis; les candidats représentant réellement une opposition sont rares; la campagne a été peu active (dans les rues comme à la télévision);
  • le processus d’inscription des candidats et le dépouillement des bulletins (en raison d’incidents dans certains bureaux de vote);
  • la situation de la démocratie territoriale en Azerbaïdjan.
35. Dans son avant-projet de résolution et avant-projet de recommandation approuvés par le Bureau du Congrès le 5 février 2010 
			(19) 
			Ibid., le Congrès invite l’Assemblée parlementaire à tenir compte des recommandations ci-dessus dans le cadre de sa procédure de suivi du respect des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan.
36. Outre les recommandations spécifiques à l’autonomie locale et notamment la municipalité de Bakou, le Congrès soulève des points que nous considérons comme vitaux pour la préparation des élections législatives à venir, à savoir:
«– la situation politique générale de l’Azerbaïdjan, due à une faiblesse de l’opposition clairement apparue le jour du scrutin, se traduit par un faible nombre de candidats de l’opposition;
- il y a peu de signes visibles d’une campagne électorale animée dans les médias, en particulier à la télévision;
- la discrétion de la campagne, dans les rues comme à la télévision, est à l’origine d’une faible participation; le Congrès voit dans cette faible participation un signe alarmant;
- un certain nombre de bureaux de vote ne sont pas aisément accessibles pour les personnes handicapées et les personnes âgées.»
37. Le 11 janvier 2010, la CEC a approuvé les résultats des élections municipales du 23 décembre 2009. Les résultats ont été invalidés dans 33 bureaux de votes, représentant 9 municipalités. Dix-huit bureaux de vote et 2 commissions électorales de districts ont été dissous et deux présidents de commissions de districts ont été renvoyés. Sur 30 963 candidats – dont 6 108 femmes – 15 591 des 15 682 conseillers municipaux ont été élus, dont 4 074 femmes, ce qui représente 26,1 % de ces conseillers élus. Le parti au pouvoir Yeni Azerbaijan (YAP) est désormais représenté par 66,9 % des membres des municipalités. Dix-huit autres partis politiques ont gagné 5,35 % des sièges.
38. Nous considérons que l’augmentation importante de la représentation des femmes (26,5 %) et des jeunes (27,6 %) parmi les membres des municipalités élus lors des élections municipales du 23 décembre 2009 constitue un progrès notable par rapport aux scrutins précédents et qu’elle indique une participation plus active des femmes et des jeunes dans la vie publique et politique du pays.

2.3. La réforme du Code électoral

39. Les autorités azerbaïdjanaises avaient sollicité l’aide de la Commission de Venise pour la réforme du Code électoral du pays, juste avant les élections partielles de mai 2006. Les consultations se sont poursuivies jusqu’en février 2008, à la suite de quoi la Commission de Venise avait adopté un avis conjoint avec l’OSCE/BIDDH sur le projet d’amendements au Code électoral de la République d’Azerbaïdjan lors de sa 75e session plénière à Venise les 13 et 14 juin 2008 
			(20) 
			Avis
conjoint sur le projet d’amendements au Code électoral de la République
d’Azerbaïdjan par la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH adopté
par le Conseil des élections démocratiques lors de sa 25e réunion
(Venise, 12 juin 2008) et par la Commission de Venise lors de sa
75e session plénière (Venise, 13-14 juin
2008), CDL-AD(2008)011..
40. Entre-temps, un avis conjoint intérimaire avec l’OSCE/BIDDH sur ce projet d’amendements avait été adopté en amont les 14 et 15 mars 2008 pour permettre aux autorités de tenir compte de ces recommandations avant leur adoption au parlement. De fait, le 2 mai 2008, le Président d’Azerbaïdjan a présenté un projet de loi sur les amendements au Code électoral d’Azerbaïdjan qui a ensuite été adopté le 2 juin 2008 par le parlement.
41. Dans son avis, la Commission de Venise considère que «les amendements tiennent compte de certaines recommandations et sont un progrès notable. Cependant, le degré d’incidence positive des amendements à la loi dépendra en fin de compte de la bonne foi et de la volonté politique dont feront preuve les institutions et les autorités publiques chargées de mettre en œuvre et de faire respecter la loi. (…) Certaines recommandations précédentes ne sont pas prises en compte dans les amendements ou en partie seulement».
42. Toujours selon la Commission de Venise, l’actuel Code électoral est beaucoup trop complexe, avec des répétitions inutiles, en particulier dans les dispositions relatives à l’inscription des candidats, au financement des campagnes, aux listes des personnes autorisées à mener des campagnes préélectorales et aux limitations sur le contenu du matériel de campagne électorale.
43. Les questions les plus importantes sur lesquelles les autorités azerbaïdjanaises sont invitées à coopérer avec la Commission de Venise dans le but de réviser le Code électoral sont: la composition de la CEC et des commissions électorales territoriales, l’enregistrement des candidats, les observateurs, la liste électorale et sa précision, ainsi que les procédures de plainte et de recours.
44. La CEC est composée de 18 membres élus par le parlement (6 représentants du parti de la majorité, 6 représentants des partis d’opposition et 6 représentants des députés indépendants); 16 membres ont déjà été élus et la CEC a atteint le quorum requis pour fonctionner mais les partis doivent encore se mettre d’accord pour la nomination des deux derniers membres.

2.4. La préparation des élections législatives du 7 novembre 2010

45. A ce jour, les partis d’opposition jouent un rôle moins actif dans la politique que dans les années précédentes. Le lendemain des élections de novembre 2005 a été marqué par un nouvel affaiblissement de l’opposition, tant au sein du parlement qu’en dehors. Les scissions ultérieures de l’opposition ont encore affaibli sa position.
46. Nous avons exhorté tous les partis politiques à participer aux élections et avons souligné l’importance de l’adoption et de la bonne mise en application de la loi sur la liberté de réunion, de même que le respect de la liberté des médias dans la perspective des prochaines élections législatives. Nous avons vivement encouragé les autorités azerbaïdjanaises à annoncer clairement, à temps pour les élections législatives de 2010 et au plus haut niveau politique, qu’aucune fraude électorale ne serait tolérée. Nous espérons que l’Azerbaïdjan respectera pleinement les engagements et les normes fixés par le Conseil de l’Europe en matière d’élections démocratiques.
47. Pour qu’une vraie démocratie soit instaurée, les membres de l’opposition que nous avons rencontrés souhaitent que le Code électoral et la composition des commissions électorales soient révisés, que la liberté de réunion dans la capitale et dans les régions ne soit pas limitée, que tous les prisonniers politiques présumés soient libérés, que le pluralisme des médias soit garanti et que des conditions normales soient établies pour l’activité des partis politiques.
48. L’actuel manque de confiance du public dans le processus électoral menace directement la crédibilité des prochaines élections. Il est toujours aussi urgent d’établir le dialogue entre la majorité au pouvoir et l’opposition, tant au sein du parlement qu’en dehors, si l’on veut que le climat politique s’améliore.
49. Depuis l’adhésion du pays au Conseil de l’Europe, le Parlement d’Azerbaïdjan a renforcé sa position vis-à-vis des autres institutions publiques. Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour renforcer le contrôle parlementaire sur l’exécutif et améliorer l’équilibre des pouvoirs dans un Etat gouverné par un système présidentiel fort. Comme les précédents rapports de suivi l’ont souligné, il demeure nécessaire de renforcer l’application dans la pratique du principe garanti par la Constitution de séparation des pouvoirs, et notamment la nécessité de renforcer le rôle du parlement vis-à-vis de l’exécutif.
50. Nos interlocuteurs des partis d’opposition se sont plaints des entraves à leur liberté de réunion. La situation est présentée comme parfois pire dans les régions où les autorités locales prennent des mesures pour empêcher les partis d’agir. Ils ont déclaré que, souvent, des policiers dispersaient les petites réunions qui avaient lieu dans des salons de thé et plaçaient les participants en détention pour les interroger.
51. Ils se sont tous plaints des difficultés rencontrées pour se réunir ou même s’inscrire sur les listes de candidats lors des élections 
			(21) 
			En fait,
comme mentionné dans nos rapports précédents et pour des raisons
qui nous échappent, la délivrance d’un passeport a été refusée au
dirigeant du Front populaire de l’opposition, M. Kerimli, l’empêchant
de se rendre à l’étranger depuis 2007. A la suite de notre demande
de clarifications à ce sujet, les autorités azerbaïdjanaises nous
ont informés que le ministère de l’Intérieur n’a jamais refusé officiellement
de délivrer un passeport à M. Ali Kerimli. La cour de première instance
qui a examiné cette affaire a rejeté la demande de M. Kerimli au
motif qu’il n’avait pas fourni à la cour de preuves suffisantes
sur le soi-disant comportement illégal du ministère de l’Intérieur.
Nous ne comprenons toujours pas pourquoi M. Kerimli n’a pas de passeport
et renouvelons notre demande pour qu’il en obtienne un prochainement,
en particulier si le ministère de l’Intérieur n’a pas refusé de
lui délivrer un passeport.. Selon eux, certains candidats ont été contraints de retirer leurs candidatures, notamment lors des dernières élections municipales, sous peine de se voir licenciés ou menacés dans leur vie quotidienne ou celle de leur proche. Les propriétaires de locaux potentiels se voient menacés notamment de perdre leur emploi ou ceux de leurs proches et refusent de leur louer des locaux pour accueillir le siège de leur parti. Seul le parti UMID a réussi à maintenir son quartier général à Ganja, dans un local loué par des personnes vivant à l’étranger.
52. L’enregistrement des candidats est toujours un sujet de préoccupation. Il peut être refusé dans certains cas. La possibilité de désinscrire un candidat juste avant le jour des élections sans réelle possibilité de déposer un recours et d’obtenir une décision à temps est un autre problème majeur que pose la législation actuelle. Nous avons appris qu’un amendement au Code électoral prévoit une augmentation de la caution d’inscription qui pourrait atteindre 300 000 manats (environ 230 000 euros) et sera volontairement utilisée si un candidat ne rassemble pas les 45 000 signatures nécessaires pour être candidat. L’opposition a contesté cette nouvelle disposition qui, si elle était adoptée, constituerait un obstacle important à l’inscription des candidats de l’opposition.
53. Un plan d’action en vue de soutenir les élections législatives en Azerbaïdjan en 2010 devrait être adopté par les Délégués des Ministres lors de leur 1080e réunion le 24 mars 2010. Ce programme vise à traiter les questions les plus cruciales, notamment dans plusieurs domaines recensés en coopération avec les autorités azerbaïdjanaises et en liaison avec d’autres institutions internationales et dans lesquels des améliorations sont jugées nécessaires. Ces domaines concernent essentiellement les aspects législatifs, la formation de l’administration électorale, les questions relatives aux médias, la sensibilisation des électeurs aux questions électorales et l’organisation de débats publics.

3. Droits de l’homme et libertés fondamentales

3.1. Pluralisme des médias et liberté d’expression

54. Le 17 décembre 2009, le Parlement européen, dans sa Résolution sur la liberté d’expression en Azerbaïdjan, s’est montré «préoccupé par la détérioration de la liberté des médias en Azerbaïdjan, déplorant les pratiques d’arrestation, de poursuite et de condamnation de journalistes d’opposition accusés de divers délits, comme le prouve le cas de Eynulla Fatullayev, et a invité les autorités d’Azerbaïdjan à libérer sans délai les journalistes emprisonnés».
55. Concernant les procès, les défenseurs des droits de l’homme et des journalistes se sont plaints du manque d’impartialité dans le cadre des procédures judiciaires.
56. Nous réitérons l’appel à dépénaliser la diffamation, conformément à la tendance observée au niveau international et dans le sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et demandons aux autorités publiques de s’abstenir d’engager de nouvelles actions en diffamation contre les journalistes. Nous considérons que la gravité des sanctions pénales prononcées par les tribunaux dans des affaires de diffamation semble parfois disproportionnée et nous appelons les cours compétentes à faire en sorte que les sanctions prononcées soient proportionnelles aux infractions constatées.
57. Les autorités expliquent que le vrai problème derrière les arrestations de journalistes est leur manque de professionnalisme. Nous leur demandons cependant de continuer à organiser des débats publics sur la dépénalisation de la diffamation en vue de promulguer une loi pertinente en la matière. Nous prenons note que les autorités azerbaïdjanaises ont demandé au Comité des Ministres et à d’autres organisations internationales de contribuer à la formation des journalistes et des juges à cet égard.
58. Nous rappelons que, à la suite de l’initiative du groupe de suivi GT-Ago du Comité des Ministres, un programme visant à améliorer le professionnalisme des journalistes a été lancé en Azerbaïdjan en 2008, avec l’assistance de la BBC. Le Conseil de l’Europe pourrait d’ailleurs examiner d’autres propositions qui pourraient lui être soumises dans le même but.
59. Nous saluons les efforts déployés par le Gouvernement azerbaïdjanais pour renforcer la capacité et l’indépendance économique des médias, qui est une des conditions préalables du journalisme indépendant et professionnel. Nous prenons note de la création du Fonds d’aide de l’Etat aux médias en avril 2009 et souhaitons qu’il soit utilisé pour aider le journalisme d’investigation indépendant et non seulement pour récompenser ceux qui sont loyaux envers les autorités. Nous demandons au Gouvernement azerbaïdjanais de poursuivre dans cette voie et de renforcer sa coopération avec des institutions internationales de premier plan dans ce domaine.
60. Nous nous sommes réjouis de constater qu’un décret de grâce présidentielle du 28 décembre 2007 ait conduit à la libération de six journalistes.
61. La veille du référendum du 17 mars 2009, le parlement a adopté une loi sur l’amnistie à l’occasion de la fête de Novruz. Cette loi a concerné près de 9 000 personnes (soit environ 35 % du nombre total des personnes emprisonnées), dont 1 700 ont été libérées et 1 200 ont bénéficié d’une réduction de peine; les autres ayant vu leur type de peine modifié.
62. Nous saluons le fait que le journaliste et poète bien connu Mirza Zakit ait été concerné par la récente loi sur l’amnistie. Il a été libéré durant notre visite, le jeudi 9 avril 2009, après trente-quatre mois d’emprisonnement et deux mois avant l’expiration de sa peine. Mirza Zakit figurait au nombre des journalistes emprisonnés mentionnés dans plusieurs résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui avait demandé qu’ils soient rapidement libérés.
63. Le 11 avril 2009, Ali Hasanov, rédacteur en chef du journal Ideal, a également été libéré.
64. Nous saluons la libération du correspondant du journal Bizim Yol, M. Mushvig Huseynov, à la suite de la grâce présidentielle du 25 décembre 2009, avec celle de 99 autres prisonniers.
65. Nous nous réjouissons également du fait que le décret de grâce présidentielle le plus récent, daté du 16 mars 2010, ait conduit à la libération de 62 prisonniers. Il est important que M. Ganimat Zahidov, rédacteur en chef d’Azadliq, l’un des principaux quotidiens indépendants, ait fait partie des personnes graciées. Son nom avait été cité dans plusieurs résolutions de l’Assemblée.
66. Fin 2009, M. Fatullayev a fait l’objet de nouvelles poursuites après la découverte de drogues saisies sur lui dans son lieu de détention. Le 31 décembre dernier, la cour du district de Garadag de Bakou a condamné M. Fatullayev à deux mois de détention provisoire sous l’article 234.1 (préparation illégale, achat, stockage et vente de narcotiques) du Code pénal de la République d’Azerbaïdjan. Le 29 décembre, des fonctionnaires du centre pénitentiaire de la colonie pénitentiaire no 12, où M. Fatullayev purge une peine de huit ans et demi depuis le 3 octobre 2007 pour «menace de terrorisme», «incitation à la haine raciale» et «évasion fiscale», ont déclaré avoir trouvé 0,22 gramme d’héroïne dans sa manche et sa chaussure lors d’une fouille. Sous ces chefs d’accusation, M. Fatullayev peut se voir condamner à trois ans de prison supplémentaires. Le procès a débuté en avril 2010 et l’affaire était encore en instance au moment de la rédaction du présent rapport.
67. Entre-temps, dans son arrêt du 22 avril 2010 dans l’affaire Fatullayev c. Azerbaïdjan 
			(22) 
			Requête no 40984/07., la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à l’unanimité à une violation de l’article 10 de la Convention relativement à la première condamnation pénale et en raison de la seconde condamnation pénale du requérant, à une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention (les craintes du requérant relatives à un manque d’impartialité du juge pouvaient passer pour objectivement justifiées), et à une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la Convention (la déclaration du procureur général à la presse le 31 mai 2007 constituait une méconnaissance du principe de la présomption d’innocence).
68. La conclusion à laquelle est parvenue la Cour au titre de l’article 46 est particulièrement importante: en effet, elle a dit que l’Etat défendeur devait procéder à la libération immédiate du requérant 
			(23) 
			Voir
paragraphes 176-177 de l’arrêt.. Elle a ajouté que, dans de telles circonstances, et compte tenu des violations de l’article 10 qui ont été constatées, il était inadmissible que le requérant demeure détenu, et qu’en l’espèce la situation ne laissait pas de véritable choix quant aux mesures à prendre.
69. Cet arrêt sera définitif dans trois mois, à moins que les autorités azerbaïdjanaises ne demandent le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.
70. Nous avons rencontré l’avocat de M. Fatullayev – ainsi que différents défenseurs des droits de l’homme – qui émet à nouveau de sérieuses réserves quant à la véracité des faits reprochés et les conditions dans lesquelles la drogue a été trouvée. M. Fatullayev a déposé un autre recours devant la Cour européenne des droits de l’homme se plaignant de violations de son droit à un procès équitable.
71. Le 11 novembre 2009, la cour du district de Sabail de Bakou a condamné deux blogueurs activistes, M. Emin Milli et M. Adnan Hajizade, à respectivement deux ans et six mois et deux ans de prison. Ils ont été reconnus coupables sous les articles 127.2.3 (blessures légères volontaires) et 221.2.1 (hooliganisme) du Code pénal. La communauté internationale, y compris le Conseil de l’Europe 
			(24) 
			Voir la déclaration
des corapporteurs de la commission de suivi de l’Assemblée parlementaire
intitulée «Condamnation de blogueurs en Azerbaïdjan, “un coup porté
à la liberté d’expression”», Strasbourg, 12 novembre 2009., a réagi vivement à cette décision. Le représentant spécial de l’OSCE sur la liberté des médias, Miklos Haraszti, a décrit la condamnation des deux blogueurs activistes «comme politique» 
			(25) 
			Voir communiqué de
presse de l’OSCE RFOM du 11 novembre 2009.. Les deux corapporteurs, pendant leur visite en février 2010, ont pu rencontrer ces deux activistes en prison, qui ont déclaré ne pas avoir à se plaindre des conditions de leur détention.
72. Nous réitérons l’appel que l’Assemblée parlementaire avait lancé en vue de la libération de tous les autres journalistes emprisonnés.
73. Nous souhaitons soulever ici le décès en août 2009 de Novruzali Mammadov, chercheur et linguiste, rédacteur en chef du seul journal talysh Tolyshi Sado. M. Novruzali Mammadov avait été transféré du centre de détention provisoire no 1 au centre pénitentiaire no 15 au régime strict où il avait été placé dans une cellule disciplinaire. Le cas de M. Mammadov a été mentionné dans le dernier rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan 
			(26) 
			Voir Doc. 11627, 6 juin 2008, paragraphe 155.. Il figure sur la liste des prisonniers politiques établie par la Fédération des organisations de droits de l’homme d’Azerbaïdjan.
74. Au moment de notre visite, M. Novruzali Mammadov avait trois procédures judiciaires pendantes: deux devant la Cour suprême (appels en cassation déposés le 29 mars 2009 au titre de sa condamnation pour espionnage au profit de l’Iran ainsi qu’au titre de la destruction de ses manuscrits) 
			(27) 
			Le
27 mai 2009, le renvoi en appel a eu lieu à la Cour suprême. Celle-ci
a maintenu le verdict du tribunal pour les crimes graves et de la
cour d’appel qui avait déclaré M. Mammadov coupable à l’article
274 (haute trahison), et a condamné à dix années de réclusion criminelle
en juin 2008. L’audition a eu lieu à huis clos, sans que l’accusé
ni aucun observateur ne soit autorisé à assister à l’audition. L’avocat
de M. Mammadov a déclaré son intention de soumettre une requête
auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. et une devant la cour d’appel de Bakou au titre de son placement en cellule disciplinaire au centre pénitentiaire. Pour ce qui concerne cette dernière affaire, la cour a reconnu que le service pénitentiaire avait violé certaines règles, mais elle a jugé mal fondé le grief concernant la torture et les mauvais traitements.
75. S’agissant de la prison elle-même, le directeur du centre pénitentiaire no 15 a été démis de ses fonctions par le ministre de la Justice à la mi-février 2009, pour des raisons disciplinaires. Le nouveau directeur semblait avoir adopté une autre ligne de conduite à l’égard des détenus, lesquels, comme l’a également confirmé M. Mammadov, sont aujourd’hui mieux traités.
76. Nous saluons les investissements importants consentis par les autorités pour améliorer les infrastructures carcérales, notamment en construisant de nouvelles installations pénitentiaires. Nous notons également avec satisfaction les mesures prises par les institutions gouvernementales pertinentes pour résoudre le problème de la surpopulation dans les prisons grâce à l’instauration d’un système de probation, de peines alternatives à l’emprisonnement et à l’amélioration des conditions de réintégration des détenus ayant purgé leurs peines.
77. Nous saluons aussi la décision des autorités azerbaïdjanaises d’autoriser la publication du rapport de la visite précédente en Azerbaïdjan du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT).
78. Tous les interlocuteurs concernés attendaient l’arrêt rendu par la Cour de Strasbourg dans l’affaire Fatullayev c. Azerbaïdjan. Cet arrêt est une première en matière de procès équitable dans le pays.
79. A cet égard, nous avons observé, chez les autorités, une tendance à se reposer sur la Cour de Strasbourg en vue de remédier aux insuffisances des voies de recours nationales. Les autorités se montrent bien disposées à coopérer à l’exécution des arrêts de la Cour, mais nous ne pouvons que souligner la nécessité d’engager de nouvelles réformes et de moderniser le judiciaire en vue d’éviter un accroissement du nombre d’arrêts à l’encontre de l’Azerbaïdjan.
80. Nous encourageons l’Azerbaïdjan à poursuivre l’approfondissement des réformes dans le domaine judiciaire. Nous prenons note des progrès accomplis dans ces domaines, notamment la mise en place d’une Académie de justice pour former les juges, les procureurs et les avocats, et de sanctions infligées aux juges jugés coupables de corruption.
81. Nous avons eu un exemple du dysfonctionnement des tribunaux azerbaïdjanais au cours de notre visite en 2009. Le 7 avril 2009, M. Asif Merzili, rédacteur en chef du journal Tezadlar, a été condamné à un an d’emprisonnement en vertu de l’article 147 (diffamation) du Code pénal et arrêté dans la salle d’audience (une deuxième personne, un journaliste, a été condamnée à six mois de rééducation par le travail pour la même infraction). A l’origine de cette condamnation se trouvait le procès intenté par le recteur de l’université internationale privée d’Azerbaïdjan pour un article dénonçant l’admission illégale d’étudiants et la délivrance de faux diplômes. Nous avons exprimé nos préoccupations face à cette nouvelle arrestation d’un journaliste, après quoi les autorités elles-mêmes ont manifesté une grande inquiétude et le Président Aliyev a fait une déclaration publique dans laquelle il regrettait l’incarcération dudit journaliste. Le 9 avril 2009, a eu lieu l’audience en appel qui a débouché sur l’acquittement et la libération de M. Asif Merzili. Un avertissement a été lancé au juge du tribunal de première instance. Cette affaire soulève une nouvelle fois la question de la décriminalisation de la diffamation dans le pays.
82. Notons également, à titre d’exemple, que, le 13 décembre 2008, des procédures judiciaires ont été intentées par M. Ramil Usubov, ministre de l’Intérieur, contre Mme Leyla Yunus, directrice de l’Institut pour la paix et la démocratie en Azerbaïdjan. Nous nous félicitons que M. Usubov ait retiré sa plainte le 2 mars 2009.
83. Nous sommes convaincus que la décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Fatullayev c. Azerbaïdjan est d’une importance cruciale pour le fonctionnement du système judiciaire azerbaïdjanais et espérons qu’elle conduira les autorités à s’abstenir d’arrêter, de poursuivre et de condamner des journalistes indépendants ou d’opposition sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces, comme dans l’affaire Eynulla Fatullayev.

3.2. Indépendance des médias

84. Concernant le pluralisme des médias électroniques, l’Azerbaïdjan, au moment de son adhésion au Conseil de l’Europe, s’est engagé à transformer la chaîne de télévision nationale en une chaîne publique gérée par un conseil d’administration indépendant. En juin 2007, le Conseil de l’Europe a transmis aux autorités azerbaïdjanaises une expertise sur le projet de loi concernant la télévision et la radio, ainsi que sur le décret du Président approuvant les réglementations du Conseil national de la radio et de la télévision (CNRT). Dans cette expertise, le Conseil de l’Europe a salué plusieurs dispositions de la loi qui constituent de véritables progrès mais a toutefois souligné un problème majeur, à savoir que l’Etat semble trop impliqué dans la radiodiffusion. La loi prévoit en effet des programmes d’Etat ciblés et d’autres interventions directes de l’Etat dans la radiodiffusion, et le financement du conseil est prélevé directement sur le budget de l’Etat.
85. Nous regrettons que cette expertise ne fasse l’objet d’aucun suivi et sommes convaincus qu’une révision de ces textes serait nécessaire pour garantir l’indépendance des médias électroniques et de leur instance de régulation, le CNRT. Nous rappelons également que le pluralisme et l’impartialité des programmes d’information, en particulier dans les médias publics, sont indispensables pour la tenue d’élections libres et équitables conformes aux normes du Conseil de l’Europe.
86. Le président du CNRT nous a confirmé de son côté que la situation restait quelque peu floue, dans la mesure où le conseil n’est pas traité comme un organisme public (notamment en ce qui concerne l’augmentation des traitements des fonctionnaires) et qu’à l’inverse il n’est pas autorisé à établir son propre budget. Il a également souligné que des responsables de partis politiques étaient souvent invités à participer à des émissions par le conseil mais qu’ils refusaient.
87. De leur côté, les représentants des médias et des partis d’opposition que nous avons rencontrés se sont plaints du fait que les médias électroniques soient contrôlés par le CNRT, qui considère qu’il est de son devoir de contrôler les informations diffusées sur internet afin de vérifier que les réglementations et que la loi sont également respectées dans le cas de ce média.
88. De plus, tous les représentants des médias que nous avons rencontrés nous ont décrit une économie monopolisée à tous les niveaux, au point que l’absence de marché libre de la publicité dans les journaux entrave le développement d’une presse libre et pluraliste dans le pays.
89. Nous sommes particulièrement inquiets à propos des informations que nous avons reçues annonçant la récente création d’un Conseil de coordination par le ministère de la Communication et des Technologies qui travaillerait actuellement à un plan de limitation de l’accès à internet. Nous partageons la crainte de certains représentants des médias, selon laquelle ce plan pourrait conduire à d’autres atteintes à la liberté d’expression dans le pays.

3.3. Liberté de réunion et d’association

90. Dans sa Résolution 1545 (2007), au paragraphe 8.7, l’Assemblée a salué le fait que les autorités azerbaïdjanaises aient fait preuve d’une véritable volonté politique d’amender la loi de 1998 sur la liberté de réunion et qu’elles aient requis l’assistance de la Commission de Venise; elle les a exhortées à amender ladite loi conformément aux recommandations de la Commission et à prendre les mesures requises afin de garantir que la mise en œuvre de la législation concernée respecte les garanties de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’il est interprété par la Cour européenne des droits de l’homme. Il convient de mettre un terme aux violations de la liberté de réunion et au recours excessif à la force par les autorités de police; les actions de formation continue menées à cet égard sont particulièrement appréciées.
91. Les autorités azerbaïdjanaises ont bel et bien engagé une coopération avec la Commission de Venise sur la réforme de la loi de 1998 régissant la liberté de réunion, qui prévoit de nombreux cas où la tenue d’une réunion est systématiquement interdite. Les autorités ont présenté des projets d’amendements à ladite loi à la Commission de Venise, qui a approuvé un avis concernant ces amendements lors de sa session en décembre 2007 
			(28) 
			CDL-AD(2007)042. (CDL-AD(2007)042). La nouvelle loi a été adoptée le 30 mai 2008. Sa mise en œuvre reste l’élément clé, tout particulièrement dans le cadre de la préparation des élections législatives de novembre prochain.
92. Nos interlocuteurs représentant les défenseurs des droits de l’homme et les partis d’opposition se sont plaints du fait que la plupart des rassemblements publics et des manifestations devaient être annulés à la dernière minute à la suite de la décision de l’administration locale de changer le lieu de l’événement. Dans certains cas, les manifestations ont été interrompues par la police et les leaders de groupes ont été arrêtés, le plus souvent pour une courte durée.
93. Nous espérons qu’une fois que le parlement aura adopté la loi révisée sur la liberté de réunion, les autorités se concentreront sur sa mise en application ainsi que sur la mise en place de mesures de sensibilisation, et qu’elles proposeront une formation adaptée aux autorités compétentes, ce qui est d’une importance capitale, notamment dans la perspective des prochaines élections.
94. Le 21 décembre 2009, le Président de la République, Ilham Aliyev, a signé un décret approuvant la loi sur les ONG adoptée par le Parlement azerbaïdjanais le 30 juin 2009, qui fixe des conditions d’inscription plus élevées que pour les entreprises. Toutefois, le décret présidentiel ajoute un article à la loi exigeant que les ONG fassent enregistrer par avance tous les fonds auprès du ministre de la Justice. Cet article soulève l’inquiétude des ONG notamment en ce qui concerne les délais et obstacles à leur activité.
95. Enfin, certaines plaintes de représentants d’ONG nous ont été rapportées à propos de restrictions qui seraient apportées au fonctionnement des organisations religieuses. Lors de sa rencontre avec le ministre de l’Intérieur, nous avons mentionné les plaintes des Témoins de Jéhovah à propos des difficultés qu’ils auraient à organiser des rencontres dans certaines régions, ce à quoi le ministre a répondu que la police n’intervenait que dans les endroits où ils ne sont pas enregistrés conformément à la loi.
96. Nous avons aussi reçu des rapports alarmants selon lesquels la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la République autonome de Nakhitchevan reste aussi tendue que lors des années précédentes.
97. Herkel s’est rendu dans la République autonome de Nakhitchevan le 10 avril 2009. Il s’agissait de la deuxième visite d’un rapporteur de la commission de suivi depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan 
			(29) 
			La première visite
a été effectuée par M. Martinez-Casañ le 20 juillet 2002.. M. Herkel était accompagné de Mme Veronika Kotek, représentante spéciale du Secrétaire général à Bakou.
98. Cette visite d’une journée a donné lieu à un nombre très limité de réunions, notamment avec le président du Conseil suprême de la République autonome de Nakhitchevan, le médiateur et des représentants des médias et des ONG. En ce qui concerne la démocratie locale, le système reste inchangé depuis la première visite de la commission, bien que le développement économique soit à l’origine d’une forte croissance de la république, qui exporte désormais de l’énergie vers les pays voisins. L’enclave reste un témoin et une victime du conflit du Haut-Karabakh avec le voisin arménien. L’une des conséquences de l’isolement de l’enclave est la progression très lente de la situation des droits de l’homme. L’institution du médiateur, par exemple, a été instaurée avec les autres institutions régionales mais elle reste coupée du médiateur national, qui regrettait le manque de contacts avec sa collègue de la République autonome de Nakhitchevan.
99. Le programme prévoyait aussi une visite de la prison. Il s’agit d’installations neuves mises en service respectivement l’année dernière et cette année et qui semblent, du point de vue des infrastructures, répondre à des normes élevées. L’établissement peut recevoir près de 450 détenus – ils ne sont que 42 à l’heure actuelle – et compte une administration de près de 100 personnes. De 200 à 250 détenus devraient être transférés dans cette prison au milieu de cette année. Les autorités ont l’intention d’y transférer les Nakhitchevanais qui purgent actuellement des peines de prison autour de Bakou.
100. Des cas de harcèlement de journalistes, soumis à des pressions graves de la part des autorités, ont été signalés à de nombreuses reprises. Le 16 janvier 2009, Malahat Nasibova, correspondant régional de l’agence de presse Turan et de la radio «Azadlig» (Liberté), Elman Abbasov et H. Mehdiyev, correspondants de l’Institut pour la liberté et la sûreté des reporters pour le Nakhitchevan ont été agressés physiquement dans le village de Heydarabad de la région de Sadarak alors qu’ils enquêtaient sur la situation des droits de l’homme à la suite des émeutes dans le village.
101. Les 14 et 26 avril, les partis d’opposition Musavat et le Bloc Azadliq ont tenté d’organiser des manifestations pour protester contre les restrictions relatives à la liberté de réunion. Les protestations non autorisées ont eu lieu devant l’Agence exécutive de la ville de Bakou et ont été rapidement dispersées par la police. Des faits similaires sont survenus le 30 avril, date anniversaire de la fusillade à l’Académie d’Etat des études pétrolières (qui a tué 12 personnes et en a blessé 13) quand des activistes ont tenté de faire leur propre commémoration. La police est à nouveau intervenue immédiatement.

4. Conclusions

102. Nous saluons l’ouverture à la coopération exprimée par les autorités et les encourageons à continuer de s’appuyer sur l’assistance de l’Organisation.
103. Nous les encourageons à poursuivre leurs efforts pour mettre en place toutes les conditions nécessaires pour la tenue d’élections libres et équitables, notamment dans le cadre du plan d’action proposé en collaboration avec le Conseil de l’Europe.
104. Les corapporteurs prépareront un rapport sur le suivi des obligations et engagements de l’Azerbaïdjan après les élections, pour présentation à l’Assemblée en 2011.

Annexe – Communiqués de presse

(open)

Azerbaïdjan: une commission de l’APCE demande au parlement de saisir la Commission de Venise pour avis

Strasbourg, 24 juin 2009 – La commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a appelé aujourd’hui instamment le Parlement d’Azerbaïdjan à saisir la Commission de Venise pour avis sur un paquet d’amendements à la législation sur les ONG avant leur adoption, ainsi que pour avis sur les amendements à la loi sur la liberté de religion adoptés en mai 2009, dans l’esprit de coopération avec la Commission de Venise mis en avant dans le décret du Président d’Azerbaïdjan du 3 avril 2009.

La commission a également rendu publique une note d’information des corapporteurs concernant les développements législatifs récents en Azerbaïdjan.

Les parlementaires demandent un avis d’expert sur les modifications constitutionnelles en Azerbaïdjan

Strasbourg, 29 janvier 2009 – La commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), réunie aujourd’hui à Strasbourg, a examiné les derniers développements intervenus en Azerbaïdjan et a décidé de demander l’avis de la Commission de Venise – groupe d’experts du Conseil de l’Europe en matière de droit constitutionnel – sur l’ensemble des modifications constitutionnelles qui seront soumises à un référendum national le 18 mars 2009.

Ces modifications, adoptées par le Parlement azerbaïdjanais le 25 décembre 2008, prévoient d’abolir la limitation du nombre de mandats consécutifs du Président de la République et de prolonger le mandat du Président et du parlement en temps de guerre; elles prévoient aussi l’octroi du droit d’initiative législative sous réserve du soutien de 40 000 électeurs.

La commission examinera l’avis de la Commission de Venise au cours d’une réunion qui aura lieu en mars.