1. Introduction
1. L’
Avis 222
(2000) sur la demande d’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil
de l’Europe définit les obligations qui, au titre de l’article 3
du Statut de l’Organisation, incombent à tous les Etats membres,
ainsi qu’un certain nombre d’engagements spécifiques que l’Azerbaïdjan
a acceptés en adhérant au Conseil de l’Europe, le 25 janvier 2001.
2. En vertu de la
Résolution
1115 (1997) et conformément au paragraphe 17 de l’
Avis 222, la procédure de suivi a été entamée immédiatement après
l’adhésion de l’Azerbaïdjan
.
La commission de suivi a depuis lors présenté à l’Assemblée parlementaire
plusieurs rapports sur les progrès réalisés par l’Azerbaïdjan dans le
respect de ses obligations et engagements, et notamment sur le fonctionnement
de ses institutions démocratiques. Ils ont donné lieu à l’adoption
par l’Assemblée des Résolutions 1305 (2002), 1358 (2004), 1398 (2004),
1456 (2005), 1480 (2006), 1505 (2006), 1545 (2007) et 1614 (2008).
3. Par ailleurs, la commission des questions juridiques et des
droits de l’homme a soumis à l’Assemblée plusieurs rapports sur
le respect d’un engagement spécifique, en l’occurrence celui de
rejuger ou de libérer les prisonniers politiques présumés
. Les développements concernant le
conflit du Haut-Karabakh ont été suivis par la commission des questions
politiques
et
la commission ad hoc du Bureau. La situation des réfugiés et personnes
déplacées en Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie est décrite dans le
Doc. 10835 qui a donné lieu à l’adoption par l’Assemblée de la
Résolution 1497 (2006). La question des personnes déplacées d’Azerbaïdjan est
également abordée dans des rapports plus généraux de l’Assemblée,
notamment le
Doc. 11942 et sa
Recommandation
1877 (2009) ,
et le
Doc. 12105 et sa
Résolution
1708 (2010) . La situation des femmes dans le
Caucase du Sud, y compris en Azerbaïdjan, est décrite dans le
Doc. 11178 qui a été discuté lors de la réunion de la Commission
permanente en mars 2007 et qui a donné lieu à l’adoption de la
Résolution 1544 (2007) et de la
Recommandation
1790 (2007).
4. En outre, dans sa
Résolution
1457 (2005) sur le suivi de la
Résolution 1359 (2004) sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan, l’Assemblée
a conclu qu’elle «ne saurait considérer la question des prisonniers politiques
comme définitivement close» et a demandé aux autorités azerbaïdjanaises
de prendre un certain nombre de mesures afin de trouver «une issue
rapide et définitive à la question des prisonniers politiques et prisonniers
politiques présumés». Faisant suite à la proposition de résolution
sur le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan
déposée en décembre 2007 et regrettant
l’absence de suivi concret des recommandations de l’Assemblée ainsi
que l’absence de résultat, la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme a désigné M. Strässer (SOC, Allemagne)
rapporteur sur ce sujet.
5. Concernant la procédure de suivi elle-même, à la suite du
départ de Mme Evgenia Jivkova de l’Assemblée
parlementaire, M. Joseph Debono Grech a été désigné corapporteur
sur le respect des obligations et des engagements de l’Azerbaïdjan
le 18 novembre 2009.
6. C’est dans ce contexte que les corapporteurs sur la procédure
de suivi au titre de l’Azerbaïdjan se sont rendus à Bakou à quatre
reprises: tout d’abord M. Herkel et Mme Jivkova
du 4 au 7 février 2008, du 18 au 20 mai 2008 et du 7 au 11 avril
2009; puis M. Herkel et M. Debono Grech du 8 au 11 février 2010.
Ces visites avaient pour objectif principal de mettre à jour nos
informations sur les réformes démocratiques et sur les progrès accomplis
en matière de droits de l’homme.
7. Nous avons rencontré les autorités au plus haut niveau (Président
de la République, président du parlement, ministre de la Justice,
ministre adjoint aux Affaires étrangères, procureur général et médiateur)
ainsi que des représentants d’ONG et des médias, des dirigeants
des partis d’opposition et des représentants de la communauté internationale
et des diplomates. Nous avons également rendu visite à plusieurs
prisonniers dont nous soulevons les cas dans nos rapports, dont
M. Novruzali Mammadov, 68 ans, chercheur et linguiste, rédacteur
en chef du journal en langue talysh, qui purgeait alors une peine
de prison de dix ans au Centre pénitentiaire no 15
où il est malheureusement décédé depuis. En février 2010, nous avons
rencontré les deux blogueurs activistes arrêtés en juillet dernier,
M. Emin Milli et M. Adnan Hajizade.
8. Nous nous sommes également rendus dans la République autonome
de Nakhitchevan en 2009, où nous avons rencontré le président du
Conseil suprême de la République de Nakhitchevan, le médiateur et
des représentants des médias et des ONG. Lors de notre dernière
visite en février 2010, nous nous sommes également rendus à Ganja,
la seconde ville du pays où nous avons rencontré les différents
acteurs locaux, y compris les autorités locales, le médiateur, des
représentants des partis politiques d’opposition et des défenseurs
des droits de l’homme. Nous remercions ici les pouvoirs locaux de
ces deux régions pour leur hospitalité.
9. Nous tenons à remercier le Parlement azerbaïdjanais et, en
particulier, le président de la délégation de l’Azerbaïdjan à l’Assemblée,
M. Samad Seyidov, et son secrétariat, pour l’excellente organisation
de nos visites, ce qui nous a permis d’avoir des échanges de vues
francs et ouverts avec les autorités, même au plus haut niveau.
Nos remerciements vont également à M. Aydin Abbasov, membre de la
délégation et élu de la circonscription de Ganja qui nous a accueillis
et accompagnés lors de notre visite dans sa ville. Nous tenons également
à remercier M. Fikrat Mammadov, ministre de la Justice, pour son
soutien et son aide dans l’organisation des visites en prison à
plusieurs détenus mentionnés dans la
Résolution 1545 (2007) ou condamnés après l’adoption de cette résolution.
10. Nous sommes également reconnaissants à Mme Veronika
Kotek, représentante spéciale du Secrétaire Général du Conseil de
l’Europe en Azerbaïdjan, et à son personnel du bureau de Bakou pour
leur aide précieuse dans l’organisation des réunions avec les représentants
de la société civile, des partis politiques, des médias et des organisations
internationales, et dans l’organisation de conférences de presse.
11. Si, lors des dernières élections, l’Azerbaïdjan a fait montre
de progrès certains quant à l’organisation des scrutins eux-mêmes,
certaines insuffisances récurrentes, comme le manque de concurrence
et de véritable pluralisme politique, persistent et doivent être
corrigées. Nous espérons que les questions soulevées dans le présent
rapport seront traitées sans concession par les autorités avant
les élections parlementaires prévues en novembre 2010 de sorte que
celles-ci soient conformes aux normes du Conseil de l’Europe.
12. Ce rapport présente ainsi ces questions prééminentes que sont
l’état d’avancement de la démocratisation à la suite de l’élection
présidentielle d’octobre 2008 et du référendum sur les changements constitutionnels
tenu le 18 mars 2009, la situation des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, y compris l’environnement des médias.
13. Toutes ces questions sont, très souvent, étroitement liées.
Qui plus est, la démocratisation d’une société est un processus
long et complexe.
14. Par ailleurs, nous saluons les progrès accomplis par l’Azerbaïdjan
dans le respect des obligations et engagements qu’il a contractés
en adhérant au Conseil de l’Europe en 2001. Nous saluons l’ouverture
dont ont fait preuve les autorités azerbaïdjanaises et leur volonté
de coopérer de bonne foi avec les mécanismes de suivi du Conseil
de l’Europe pour créer et renforcer les institutions démocratiques.
Nous les encourageons vivement à poursuivre les réformes en cours
dans des domaines allant de l’Etat de droit à la séparation des pouvoirs.
15. Nous invitons les autorités azerbaïdjanaises à continuer à
faire appel à l’expertise des organes compétents au sein du Conseil
de l’Europe avant d’adopter des réformes cruciales pour le fonctionnement démocratique
des institutions du pays et, dans le contexte des élections législatives
à venir, à ne pas s’en tenir à respecter la lettre de la loi, mais
à se concentrer sur sa mise en application.
2. Démocratisation
16. Il nous semble important de placer ce chapitre dans
un contexte global et de rappeler que l’Azerbaïdjan est aujourd’hui
confronté à d’importants défis liés à sa situation géopolitique
et géostratégique. Pour sa part, le Conseil de l’Europe a un rôle
crucial à jouer en vue d’accompagner le pays dans ses efforts de démocratisation.
17. En 2009, la préoccupation majeure de la plupart de nos interlocuteurs
était l’amélioration des relations entre l’Arménie et la Turquie,
en l’absence de solution au problème du Haut-Karabakh. En Azerbaïdjan,
la signature des protocoles arméno-turcs sur l’établissement des
relations diplomatiques et le développement des relations bilatérales
le 10 octobre 2009 est perçue comme une évolution négative et comme
une menace pour la stabilité de la région. La réouverture de la
frontière – fermée par la Turquie en 1993 par solidarité avec l’Azerbaïdjan
à la suite du conflit du Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
– est perçue comme une injustice dans ce pays qui a vu son intégrité
territoriale menacée.
18. Toutes les parties en présence en Azerbaïdjan sont déçues
par les négociations du Groupe de Minsk visant à trouver une solution
au conflit du Haut-Karabakh. L’incapacité à résoudre ce conflit,
qui compromet l’intégralité territoriale du pays, fait encore obstacle
au bon déroulement des réformes démocratiques entreprises dans le
pays. L’occupation permanente de ces territoires et la présence
continue de réfugiés et de personnes déplacées reste un défi pour
l’Azerbaïdjan.
19. Le 7 novembre 2010, l’Azerbaïdjan organisera ses deuxièmes
élections législatives depuis son adhésion au Conseil de l’Europe
en 2001. L’Azerbaïdjan a également organisé deux élections présidentielles depuis
cette date. Malheureusement, aucun des scrutins précédents organisés
depuis n’a été complètement conforme aux normes démocratiques
même
si des progrès considérables ont été notés, notamment lors de la
dernière élection présidentielle de 2008. Nous saluons les efforts
déployés par le Gouvernement azerbaïdjanais pour démocratiser davantage
ses institutions.
20. Notre dernière visite d’information a eu lieu neuf mois avant
les élections législatives prévues le 7 novembre 2010.
21. Très récemment, dans son jugement du 8 avril 2010 dans l’affaire
Namat Aliyev c. Azerbaïdjan ,
la Cour a conclu que la conduite des commissions électorales et
des tribunaux et leurs décisions respectives avaient révélé un manque
flagrant de préoccupation concernant la protection du droit du requérant
à se présenter à une élection. La Cour a noté que ce qui était visé
en l’espèce n’était pas le droit du requérant de gagner l’élection
dans sa circonscription mais son droit de s’y présenter librement
et équitablement. En vertu de l’article 3 du Protocole no 1,
le requérant avait droit à la tenue d’élections libres et démocratiques,
qu’il ait en définitive gagné ou perdu.
2.1. La réforme constitutionnelle
de 2009
22. Durant nos visites, nous avons regretté qu’on n’ait
pas demandé, au préalable, l’avis de la Commission européenne pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur les amendements
constitutionnels proposés, dont certains revêtent une grande importance
pour le fonctionnement des institutions démocratiques dans le pays
et les scrutins électoraux en particulier.
23. A la suite de la demande formulée par la commission de suivi
et
le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, la Commission de Venise
a adopté, le 14 mars 2009, soit quelques jours à peine avant la consultation,
un avis sur la loi sur le référendum dans lequel elle a conclu que
«manifestement, certains amendements constituent une importante
amélioration par rapport à la Constitution existante et qu’il convenait de
s’en féliciter»
. Parallèlement,
il y a matière à préoccupation face à certaines évolutions très
négatives s’agissant de la pratique démocratique étant donné le
contexte qui prévaut en Azerbaïdjan. La Commission de Venise considère
que «les projets d’amendements constitutionnels contiennent une
série de changements sectoriels sous forme de 29 questions auxquelles
les électeurs seront appelés à répondre par “oui” ou par “non”.
Bien qu’on puisse aisément identifier les principales questions
soulevées par la réforme [(voir chapitre III ci-dessous)] (…), il
semblerait que, dans l’ensemble, [la réforme] manque de cohérence.
Il s’ensuit qu’il est parfois difficile de comprendre l’objectif
et la nécessité de certaines modifications et/ou les liens qui existent entre
elles. Ainsi, par exemple, certains changements n’impliqueront qu’une
petite adaptation terminologique (…) alors que d’autres auront d’importantes
retombées sur la répartition générale des pouvoirs entre les différentes
branches des pouvoirs étatiques».
24. Certaines des réformes constitutionnelles proposées contenaient
des innovations dont il convient de se féliciter. Il semble par
exemple qu’il existe, dans la réforme de l’an dernier, une tentative
louable en vue de garantir une plus grande transparence en matière
d’affaires publiques par le biais de l’établissement du principe
d’accès public aux sessions du parlement et de l’obligation de publier
les décisions de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle,
ainsi que des lois normatives. Il faut également saluer les amendements proposés
à l’article 96 de la Constitution, qui étendent à 40 000 citoyens
le droit à l’initiative législative.
25. Les principales inquiétudes soulevées par les réformes touchent
à l’abrogation de la limite du double mandat présidentiel et au
statut du Président. Selon les dispositions précédentes, le Président
pouvait uniquement être élu pour deux mandats consécutifs. L’amendement
a supprimé la limitation du nombre de mandats. Selon l’avis de la
Commission de Venise, «en Azerbaïdjan, [pays] doté par sa Constitution
d’un régime présidentiel, le Président concentre sans aucun doute
des pouvoirs considérables entre ses mains, étant donné le peu de
freins et contrepoids qui y existent. Aussi était-il logique que
le texte initial de la Constitution azerbaïdjanaise limite l’exercice
de ces pouvoirs à deux mandats. (…) On peut en général considérer
l’abolition des restrictions qui empêchent la réélection illimitée
d’un Président comme un recul du point de vue de la démocratie.
(…). La limitation constitutionnelle expresse des mandats présidentiels consécutifs
est particulièrement importante dans les pays dont les structures
démocratiques et leur présupposition culturelle n’ont pas encore
été consolidées».
26. Outre l’abrogation de la limite du double mandat présidentiel,
d’autres questions préoccupantes incluent l’extension du mandat
du Milli Mejlis et du Président en cas d’opérations militaires et
les modifications concernant les organes de l’autonomie locale,
contraires à la Charte européenne de l’autonomie locale
. De plus, la Commission
de Venise considère que les restrictions des droits et libertés
garanties par la Constitution avec le libellé actuel de l’amendement
proposé à l’article 32.III, compte tenu du contexte général de la
liberté des médias et des activités des journalistes en Azerbaïdjan,
«présente le risque d’une mise en œuvre de cette disposition contraire
à l’article 10 de la CEDH [Convention européenne des droits de l’homme]».
27. Cela étant, le 2 avril 2009, peu avant notre visite, le Président
Aliyev a signé un décret par lequel il charge son administration
de préparer des projets de loi en vue de la mise en œuvre de certains
des amendements adoptés par voie de référendum (ces lois concernent,
par exemple, les modifications apportées aux articles 17, 25, 32,
48, 71, 72, 84, 96, 101, 125, 129, 131, 146 et 149 de la Constitution)
et de les soumettre à la Commission de Venise. La Commission de
Venise indiquait que son avis sur la loi relative au référendum se
fondait sur le texte des amendements constitutionnels et ne pouvait
prendre en compte les lois qui seraient adoptées en vue de la mise
en œuvre desdits amendements. Elle précisait toutefois que, si les
lois pertinentes étaient adoptées, certaines des préoccupations
qu’elle a exprimées dans son avis ne seraient plus pertinentes.
28. L’administration présidentielle actuelle a été largement confortée
dans son mandat avec le référendum sur les amendements et les ajouts
à la Constitution tenu le 18 mars 2009. Les résultats définitifs
de ce référendum, auquel ont participé 70,83 % des électeurs, ont
été proclamés par la Commission électorale centrale (CEC) le 30
mars. Les 41 amendements présentés en 29 questions ont été acceptés,
le pourcentage moyen de «oui» se situant entre 87,15 et 91,76 %.
29. Nous nous félicitons de la décision du Président de soumettre
les projets de loi de mise en œuvre à la Commission de Venise pour
avis et invitons derechef les autorités azerbaïdjanaises à demander
l’avis de la Commission de Venise avant l’adoption de toute législation
importante
.
A ce jour, la Commission de Venise a été saisie pour deux avis depuis
la réforme constitutionnelle, qu’elle a adoptés en décembre 2008:
à savoir son avis sur le projet de loi portant ajouts à la loi sur
le statut des municipalités de la République d’Azerbaïdjan
et son avis sur
le projet de loi sur l’obtention d’information sur les activités
des cours en Azerbaïdjan
.
30. Les autorités ont promis d’effectuer cette démarche avant
l’adoption par le parlement de la loi sur le conflit d’intérêts
qui revêtira une importance cruciale pour le fonctionnement des
institutions démocratiques du pays.
2.2. Les scrutins depuis 2008
31. La commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire
qui a observé le déroulement du scrutin a conclu que les résultats
de l’élection présidentielle tenue le 15 octobre 2008 dans la République
d’Azerbaïdjan «reflétaient la volonté de l’électorat de ce pays».
La participation électorale s’est élevée à 75,64 % et le scrutin a
été remporté par M. Ilham Aliyev, qui a obtenu 88,73 % des suffrages
exprimés.
32. En général, le scrutin s’est déroulé dans le calme, mais,
le jour de l’élection, la situation s’est progressivement détériorée
pendant le dépouillement et, notamment, lors de l’élaboration des
tableaux de résultat des votes
. Il est
aussi regrettable que cinq partis politiques n’aient pas pu participer
au scrutin. Il n’existe toujours pas de concurrence véritable entre
les plates-formes et les idées politiques.
33. Une délégation de l’Assemblée parlementaire s’était rendue
dans le pays pour suivre le référendum; elle a publié une déclaration
le lendemain de la consultation
dans laquelle elle
concluait que «le résultat du référendum témoigne de l’aspiration
des Azerbaïdjanais à une plus grande stabilité et une plus grande démocratisation;
toutefois un meilleur équilibre du pouvoir nécessitera l’adoption
de nouvelles réformes à l’avenir».
34. En ce qui concerne les élections municipales tenues le mercredi
23 décembre 2009, elles ont été observées par une délégation du
Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (ci-après le Congrès),
composée de 11 membres du Congrès, à l’invitation des autorités
azerbaïdjanaises. La délégation a conclu
que les élections
étaient, globalement, bien préparées d’un point de vue technique
et qu’elles s’étaient déroulées dans une atmosphère calme. Elle
a déclaré qu’il s’agissait d’une avancée considérable par rapport
aux élections locales précédentes, tout en soulevant trois problèmes
préoccupants:
- l’absence de
véritable pluralisme politique des partis; les candidats représentant
réellement une opposition sont rares; la campagne a été peu active
(dans les rues comme à la télévision);
- le processus d’inscription des candidats et le dépouillement
des bulletins (en raison d’incidents dans certains bureaux de vote);
- la situation de la démocratie territoriale en Azerbaïdjan.
35. Dans son avant-projet de résolution et avant-projet de recommandation
approuvés par le Bureau du Congrès le 5 février 2010
,
le Congrès invite l’Assemblée parlementaire à tenir compte des recommandations ci-dessus
dans le cadre de sa procédure de suivi du respect des obligations
et engagements de l’Azerbaïdjan.
36. Outre les recommandations spécifiques à l’autonomie locale
et notamment la municipalité de Bakou, le Congrès soulève des points
que nous considérons comme vitaux pour la préparation des élections
législatives à venir, à savoir:
«– la
situation politique générale de l’Azerbaïdjan, due à une faiblesse
de l’opposition clairement apparue le jour du scrutin, se traduit
par un faible nombre de candidats de l’opposition;
- il y a peu de
signes visibles d’une campagne électorale animée dans les médias,
en particulier à la télévision;
- la discrétion de la campagne, dans les rues comme à
la télévision, est à l’origine d’une faible participation; le Congrès
voit dans cette faible participation un signe alarmant;
- un certain nombre de bureaux de vote ne sont pas aisément
accessibles pour les personnes handicapées et les personnes âgées.»
37. Le 11 janvier 2010, la CEC a approuvé les résultats des élections
municipales du 23 décembre 2009. Les résultats ont été invalidés
dans 33 bureaux de votes, représentant 9 municipalités. Dix-huit
bureaux de vote et 2 commissions électorales de districts ont été
dissous et deux présidents de commissions de districts ont été renvoyés.
Sur 30 963 candidats – dont 6 108 femmes – 15 591 des 15 682 conseillers
municipaux ont été élus, dont 4 074 femmes, ce qui représente 26,1
% de ces conseillers élus. Le parti au pouvoir Yeni Azerbaijan (YAP)
est désormais représenté par 66,9 % des membres des municipalités.
Dix-huit autres partis politiques ont gagné 5,35 % des sièges.
38. Nous considérons que l’augmentation importante de la représentation
des femmes (26,5 %) et des jeunes (27,6 %) parmi les membres des
municipalités élus lors des élections municipales du 23 décembre 2009
constitue un progrès notable par rapport aux scrutins précédents
et qu’elle indique une participation plus active des femmes et des
jeunes dans la vie publique et politique du pays.
2.3. La réforme du Code électoral
39. Les autorités azerbaïdjanaises avaient sollicité
l’aide de la Commission de Venise pour la réforme du Code électoral
du pays, juste avant les élections partielles de mai 2006. Les consultations
se sont poursuivies jusqu’en février 2008, à la suite de quoi la
Commission de Venise avait adopté un avis conjoint avec l’OSCE/BIDDH
sur le projet d’amendements au Code électoral de la République d’Azerbaïdjan
lors de sa 75e session plénière à Venise
les 13 et 14 juin 2008
.
40. Entre-temps, un avis conjoint intérimaire avec l’OSCE/BIDDH
sur ce projet d’amendements avait été adopté en amont les 14 et
15 mars 2008 pour permettre aux autorités de tenir compte de ces
recommandations avant leur adoption au parlement. De fait, le 2
mai 2008, le Président d’Azerbaïdjan a présenté un projet de loi sur
les amendements au Code électoral d’Azerbaïdjan qui a ensuite été
adopté le 2 juin 2008 par le parlement.
41. Dans son avis, la Commission de Venise considère que «les
amendements tiennent compte de certaines recommandations et sont
un progrès notable. Cependant, le degré d’incidence positive des amendements
à la loi dépendra en fin de compte de la bonne foi et de la volonté
politique dont feront preuve les institutions et les autorités publiques
chargées de mettre en œuvre et de faire respecter la loi. (…) Certaines recommandations
précédentes ne sont pas prises en compte dans les amendements ou
en partie seulement».
42. Toujours selon la Commission de Venise, l’actuel Code électoral
est beaucoup trop complexe, avec des répétitions inutiles, en particulier
dans les dispositions relatives à l’inscription des candidats, au
financement des campagnes, aux listes des personnes autorisées à
mener des campagnes préélectorales et aux limitations sur le contenu
du matériel de campagne électorale.
43. Les questions les plus importantes sur lesquelles les autorités
azerbaïdjanaises sont invitées à coopérer avec la Commission de
Venise dans le but de réviser le Code électoral sont: la composition
de la CEC et des commissions électorales territoriales, l’enregistrement
des candidats, les observateurs, la liste électorale et sa précision,
ainsi que les procédures de plainte et de recours.
44. La CEC est composée de 18 membres élus par le parlement (6
représentants du parti de la majorité, 6 représentants des partis
d’opposition et 6 représentants des députés indépendants); 16 membres
ont déjà été élus et la CEC a atteint le quorum requis pour fonctionner
mais les partis doivent encore se mettre d’accord pour la nomination
des deux derniers membres.
2.4. La préparation des élections
législatives du 7 novembre 2010
45. A ce jour, les partis d’opposition jouent un rôle
moins actif dans la politique que dans les années précédentes. Le
lendemain des élections de novembre 2005 a été marqué par un nouvel
affaiblissement de l’opposition, tant au sein du parlement qu’en
dehors. Les scissions ultérieures de l’opposition ont encore affaibli sa
position.
46. Nous avons exhorté tous les partis politiques à participer
aux élections et avons souligné l’importance de l’adoption et de
la bonne mise en application de la loi sur la liberté de réunion,
de même que le respect de la liberté des médias dans la perspective
des prochaines élections législatives. Nous avons vivement encouragé
les autorités azerbaïdjanaises à annoncer clairement, à temps pour
les élections législatives de 2010 et au plus haut niveau politique,
qu’aucune fraude électorale ne serait tolérée. Nous espérons que l’Azerbaïdjan
respectera pleinement les engagements et les normes fixés par le
Conseil de l’Europe en matière d’élections démocratiques.
47. Pour qu’une vraie démocratie soit instaurée, les membres de
l’opposition que nous avons rencontrés souhaitent que le Code électoral
et la composition des commissions électorales soient révisés, que
la liberté de réunion dans la capitale et dans les régions ne soit
pas limitée, que tous les prisonniers politiques présumés soient
libérés, que le pluralisme des médias soit garanti et que des conditions
normales soient établies pour l’activité des partis politiques.
48. L’actuel manque de confiance du public dans le processus électoral
menace directement la crédibilité des prochaines élections. Il est
toujours aussi urgent d’établir le dialogue entre la majorité au
pouvoir et l’opposition, tant au sein du parlement qu’en dehors,
si l’on veut que le climat politique s’améliore.
49. Depuis l’adhésion du pays au Conseil de l’Europe, le Parlement
d’Azerbaïdjan a renforcé sa position vis-à-vis des autres institutions
publiques. Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour renforcer le
contrôle parlementaire sur l’exécutif et améliorer l’équilibre des
pouvoirs dans un Etat gouverné par un système présidentiel fort.
Comme les précédents rapports de suivi l’ont souligné, il demeure
nécessaire de renforcer l’application dans la pratique du principe
garanti par la Constitution de séparation des pouvoirs, et notamment la
nécessité de renforcer le rôle du parlement vis-à-vis de l’exécutif.
50. Nos interlocuteurs des partis d’opposition se sont plaints
des entraves à leur liberté de réunion. La situation est présentée
comme parfois pire dans les régions où les autorités locales prennent
des mesures pour empêcher les partis d’agir. Ils ont déclaré que,
souvent, des policiers dispersaient les petites réunions qui avaient
lieu dans des salons de thé et plaçaient les participants en détention
pour les interroger.
51. Ils se sont tous plaints des difficultés rencontrées pour
se réunir ou même s’inscrire sur les listes de candidats lors des
élections
. Selon eux, certains
candidats ont été contraints de retirer leurs candidatures, notamment
lors des dernières élections municipales, sous peine de se voir
licenciés ou menacés dans leur vie quotidienne ou celle de leur
proche. Les propriétaires de locaux potentiels se voient menacés
notamment de perdre leur emploi ou ceux de leurs proches et refusent
de leur louer des locaux pour accueillir le siège de leur parti.
Seul le parti UMID a réussi à maintenir son quartier général à Ganja,
dans un local loué par des personnes vivant à l’étranger.
52. L’enregistrement des candidats est toujours un sujet de préoccupation.
Il peut être refusé dans certains cas. La possibilité de désinscrire
un candidat juste avant le jour des élections sans réelle possibilité
de déposer un recours et d’obtenir une décision à temps est un autre
problème majeur que pose la législation actuelle. Nous avons appris
qu’un amendement au Code électoral prévoit une augmentation de la
caution d’inscription qui pourrait atteindre 300 000 manats (environ
230 000 euros) et sera volontairement utilisée si un candidat ne
rassemble pas les 45 000 signatures nécessaires pour être candidat.
L’opposition a contesté cette nouvelle disposition qui, si elle
était adoptée, constituerait un obstacle important à l’inscription
des candidats de l’opposition.
53. Un plan d’action en vue de soutenir les élections législatives
en Azerbaïdjan en 2010 devrait être adopté par les Délégués des
Ministres lors de leur 1080e réunion
le 24 mars 2010. Ce programme vise à traiter les questions les plus
cruciales, notamment dans plusieurs domaines recensés en coopération
avec les autorités azerbaïdjanaises et en liaison avec d’autres
institutions internationales et dans lesquels des améliorations
sont jugées nécessaires. Ces domaines concernent essentiellement
les aspects législatifs, la formation de l’administration électorale,
les questions relatives aux médias, la sensibilisation des électeurs
aux questions électorales et l’organisation de débats publics.
3. Droits de l’homme et libertés
fondamentales
3.1. Pluralisme des médias et liberté
d’expression
54. Le 17 décembre 2009, le Parlement européen, dans
sa Résolution sur la liberté d’expression en Azerbaïdjan, s’est
montré «préoccupé par la détérioration de la liberté des médias
en Azerbaïdjan, déplorant les pratiques d’arrestation, de poursuite
et de condamnation de journalistes d’opposition accusés de divers délits,
comme le prouve le cas de Eynulla Fatullayev, et a invité les autorités
d’Azerbaïdjan à libérer sans délai les journalistes emprisonnés».
55. Concernant les procès, les défenseurs des droits de l’homme
et des journalistes se sont plaints du manque d’impartialité dans
le cadre des procédures judiciaires.
56. Nous réitérons l’appel à dépénaliser la diffamation, conformément
à la tendance observée au niveau international et dans le sens de
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et
demandons aux autorités publiques de s’abstenir d’engager de nouvelles
actions en diffamation contre les journalistes. Nous considérons
que la gravité des sanctions pénales prononcées par les tribunaux
dans des affaires de diffamation semble parfois disproportionnée
et nous appelons les cours compétentes à faire en sorte que les sanctions
prononcées soient proportionnelles aux infractions constatées.
57. Les autorités expliquent que le vrai problème derrière les
arrestations de journalistes est leur manque de professionnalisme.
Nous leur demandons cependant de continuer à organiser des débats
publics sur la dépénalisation de la diffamation en vue de promulguer
une loi pertinente en la matière. Nous prenons note que les autorités
azerbaïdjanaises ont demandé au Comité des Ministres et à d’autres
organisations internationales de contribuer à la formation des journalistes
et des juges à cet égard.
58. Nous rappelons que, à la suite de l’initiative du groupe de
suivi GT-Ago du Comité des Ministres, un programme visant à améliorer
le professionnalisme des journalistes a été lancé en Azerbaïdjan
en 2008, avec l’assistance de la BBC. Le Conseil de l’Europe pourrait
d’ailleurs examiner d’autres propositions qui pourraient lui être
soumises dans le même but.
59. Nous saluons les efforts déployés par le Gouvernement azerbaïdjanais
pour renforcer la capacité et l’indépendance économique des médias,
qui est une des conditions préalables du journalisme indépendant
et professionnel. Nous prenons note de la création du Fonds d’aide
de l’Etat aux médias en avril 2009 et souhaitons qu’il soit utilisé
pour aider le journalisme d’investigation indépendant et non seulement
pour récompenser ceux qui sont loyaux envers les autorités. Nous
demandons au Gouvernement azerbaïdjanais de poursuivre dans cette
voie et de renforcer sa coopération avec des institutions internationales
de premier plan dans ce domaine.
60. Nous nous sommes réjouis de constater qu’un décret de grâce
présidentielle du 28 décembre 2007 ait conduit à la libération de
six journalistes.
61. La veille du référendum du 17 mars 2009, le parlement a adopté
une loi sur l’amnistie à l’occasion de la fête de Novruz. Cette
loi a concerné près de 9 000 personnes (soit environ 35 % du nombre
total des personnes emprisonnées), dont 1 700 ont été libérées et
1 200 ont bénéficié d’une réduction de peine; les autres ayant vu
leur type de peine modifié.
62. Nous saluons le fait que le journaliste et poète bien connu
Mirza Zakit ait été concerné par la récente loi sur l’amnistie.
Il a été libéré durant notre visite, le jeudi 9 avril 2009, après
trente-quatre mois d’emprisonnement et deux mois avant l’expiration
de sa peine. Mirza Zakit figurait au nombre des journalistes emprisonnés
mentionnés dans plusieurs résolutions de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe, qui avait demandé qu’ils soient rapidement
libérés.
63. Le 11 avril 2009, Ali Hasanov, rédacteur en chef du journal Ideal, a également été libéré.
64. Nous saluons la libération du correspondant du journal Bizim Yol, M. Mushvig Huseynov,
à la suite de la grâce présidentielle du 25 décembre 2009, avec
celle de 99 autres prisonniers.
65. Nous nous réjouissons également du fait que le décret de grâce
présidentielle le plus récent, daté du 16 mars 2010, ait conduit
à la libération de 62 prisonniers. Il est important que M. Ganimat
Zahidov, rédacteur en chef d’Azadliq, l’un
des principaux quotidiens indépendants, ait fait partie des personnes
graciées. Son nom avait été cité dans plusieurs résolutions de l’Assemblée.
66. Fin 2009, M. Fatullayev a fait l’objet de nouvelles poursuites
après la découverte de drogues saisies sur lui dans son lieu de
détention. Le 31 décembre dernier, la cour du district de Garadag
de Bakou a condamné M. Fatullayev à deux mois de détention provisoire
sous l’article 234.1 (préparation illégale, achat, stockage et vente
de narcotiques) du Code pénal de la République d’Azerbaïdjan. Le
29 décembre, des fonctionnaires du centre pénitentiaire de la colonie
pénitentiaire no 12, où M. Fatullayev
purge une peine de huit ans et demi depuis le 3 octobre 2007 pour
«menace de terrorisme», «incitation à la haine raciale» et «évasion
fiscale», ont déclaré avoir trouvé 0,22 gramme d’héroïne dans sa
manche et sa chaussure lors d’une fouille. Sous ces chefs d’accusation,
M. Fatullayev peut se voir condamner à trois ans de prison supplémentaires.
Le procès a débuté en avril 2010 et l’affaire était encore en instance
au moment de la rédaction du présent rapport.
67. Entre-temps, dans son arrêt du 22 avril 2010 dans l’affaire
Fatullayev c. Azerbaïdjan , la Cour européenne des droits
de l’homme a conclu à l’unanimité à une violation de l’article 10
de la Convention relativement à la première condamnation pénale
et en raison de la seconde condamnation pénale du requérant, à une
violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention (les craintes
du requérant relatives à un manque d’impartialité du juge pouvaient
passer pour objectivement justifiées), et à une violation de l’article 6,
paragraphe 2, de la Convention (la déclaration du procureur général
à la presse le 31 mai 2007 constituait une méconnaissance du principe
de la présomption d’innocence).
68. La conclusion à laquelle est parvenue la Cour au titre de
l’article 46 est particulièrement importante: en effet, elle a dit
que l’Etat défendeur devait procéder à la libération immédiate du
requérant
. Elle a ajouté
que, dans de telles circonstances, et compte tenu des violations
de l’article 10 qui ont été constatées, il était inadmissible que
le requérant demeure détenu, et qu’en l’espèce la situation ne laissait
pas de véritable choix quant aux mesures à prendre.
69. Cet arrêt sera définitif dans trois mois, à moins que les
autorités azerbaïdjanaises ne demandent le renvoi de l’affaire devant
la Grande Chambre.
70. Nous avons rencontré l’avocat de M. Fatullayev – ainsi que
différents défenseurs des droits de l’homme – qui émet à nouveau
de sérieuses réserves quant à la véracité des faits reprochés et
les conditions dans lesquelles la drogue a été trouvée. M. Fatullayev
a déposé un autre recours devant la Cour européenne des droits de
l’homme se plaignant de violations de son droit à un procès équitable.
71. Le 11 novembre 2009, la cour du district de Sabail de Bakou
a condamné deux blogueurs activistes, M. Emin Milli et M. Adnan
Hajizade, à respectivement deux ans et six mois et deux ans de prison.
Ils ont été reconnus coupables sous les articles 127.2.3 (blessures
légères volontaires) et 221.2.1 (hooliganisme) du Code pénal. La
communauté internationale, y compris le Conseil de l’Europe
,
a réagi vivement à cette décision. Le représentant spécial de l’OSCE
sur la liberté des médias, Miklos Haraszti, a décrit la condamnation
des deux blogueurs activistes «comme politique»
. Les
deux corapporteurs, pendant leur visite en février 2010, ont pu
rencontrer ces deux activistes en prison, qui ont déclaré ne pas
avoir à se plaindre des conditions de leur détention.
72. Nous réitérons l’appel que l’Assemblée parlementaire avait
lancé en vue de la libération de tous les autres journalistes emprisonnés.
73. Nous souhaitons soulever ici le décès en août 2009 de Novruzali
Mammadov, chercheur et linguiste, rédacteur en chef du seul journal
talysh
Tolyshi Sado. M. Novruzali
Mammadov avait été transféré du centre de détention provisoire no 1
au centre pénitentiaire no 15 au régime
strict où il avait été placé dans une cellule disciplinaire. Le
cas de M. Mammadov a été mentionné dans le dernier rapport sur le
fonctionnement des institutions démocratiques en Azerbaïdjan
. Il
figure sur la liste des prisonniers politiques établie par la Fédération
des organisations de droits de l’homme d’Azerbaïdjan.
74. Au moment de notre visite, M. Novruzali Mammadov avait trois
procédures judiciaires pendantes: deux devant la Cour suprême (appels
en cassation déposés le 29 mars 2009 au titre de sa condamnation
pour espionnage au profit de l’Iran ainsi qu’au titre de la destruction
de ses manuscrits)
et
une devant la cour d’appel de Bakou au titre de son placement en
cellule disciplinaire au centre pénitentiaire. Pour ce qui concerne
cette dernière affaire, la cour a reconnu que le service pénitentiaire
avait violé certaines règles, mais elle a jugé mal fondé le grief
concernant la torture et les mauvais traitements.
75. S’agissant de la prison elle-même, le directeur du centre
pénitentiaire no 15 a été démis de ses
fonctions par le ministre de la Justice à la mi-février 2009, pour
des raisons disciplinaires. Le nouveau directeur semblait avoir
adopté une autre ligne de conduite à l’égard des détenus, lesquels,
comme l’a également confirmé M. Mammadov, sont aujourd’hui mieux
traités.
76. Nous saluons les investissements importants consentis par
les autorités pour améliorer les infrastructures carcérales, notamment
en construisant de nouvelles installations pénitentiaires. Nous
notons également avec satisfaction les mesures prises par les institutions
gouvernementales pertinentes pour résoudre le problème de la surpopulation
dans les prisons grâce à l’instauration d’un système de probation,
de peines alternatives à l’emprisonnement et à l’amélioration des
conditions de réintégration des détenus ayant purgé leurs peines.
77. Nous saluons aussi la décision des autorités azerbaïdjanaises
d’autoriser la publication du rapport de la visite précédente en
Azerbaïdjan du Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT).
78. Tous les interlocuteurs concernés attendaient l’arrêt rendu
par la Cour de Strasbourg dans l’affaire Fatullayev
c. Azerbaïdjan. Cet arrêt est une première en matière
de procès équitable dans le pays.
79. A cet égard, nous avons observé, chez les autorités, une tendance
à se reposer sur la Cour de Strasbourg en vue de remédier aux insuffisances
des voies de recours nationales. Les autorités se montrent bien
disposées à coopérer à l’exécution des arrêts de la Cour, mais nous
ne pouvons que souligner la nécessité d’engager de nouvelles réformes
et de moderniser le judiciaire en vue d’éviter un accroissement
du nombre d’arrêts à l’encontre de l’Azerbaïdjan.
80. Nous encourageons l’Azerbaïdjan à poursuivre l’approfondissement
des réformes dans le domaine judiciaire. Nous prenons note des progrès
accomplis dans ces domaines, notamment la mise en place d’une Académie
de justice pour former les juges, les procureurs et les avocats,
et de sanctions infligées aux juges jugés coupables de corruption.
81. Nous avons eu un exemple du dysfonctionnement des tribunaux
azerbaïdjanais au cours de notre visite en 2009. Le 7 avril 2009,
M. Asif Merzili, rédacteur en chef du journal Tezadlar, a
été condamné à un an d’emprisonnement en vertu de l’article 147
(diffamation) du Code pénal et arrêté dans la salle d’audience (une deuxième
personne, un journaliste, a été condamnée à six mois de rééducation
par le travail pour la même infraction). A l’origine de cette condamnation
se trouvait le procès intenté par le recteur de l’université internationale
privée d’Azerbaïdjan pour un article dénonçant l’admission illégale
d’étudiants et la délivrance de faux diplômes. Nous avons exprimé
nos préoccupations face à cette nouvelle arrestation d’un journaliste, après
quoi les autorités elles-mêmes ont manifesté une grande inquiétude
et le Président Aliyev a fait une déclaration publique dans laquelle
il regrettait l’incarcération dudit journaliste. Le 9 avril 2009,
a eu lieu l’audience en appel qui a débouché sur l’acquittement
et la libération de M. Asif Merzili. Un avertissement a été lancé
au juge du tribunal de première instance. Cette affaire soulève
une nouvelle fois la question de la décriminalisation de la diffamation
dans le pays.
82. Notons également, à titre d’exemple, que, le 13 décembre 2008,
des procédures judiciaires ont été intentées par M. Ramil Usubov,
ministre de l’Intérieur, contre Mme Leyla
Yunus, directrice de l’Institut pour la paix et la démocratie en
Azerbaïdjan. Nous nous félicitons que M. Usubov ait retiré sa plainte
le 2 mars 2009.
83. Nous sommes convaincus que la décision de la Cour européenne
des droits de l’homme dans l’affaire Fatullayev
c. Azerbaïdjan est d’une importance cruciale pour le
fonctionnement du système judiciaire azerbaïdjanais et espérons
qu’elle conduira les autorités à s’abstenir d’arrêter, de poursuivre
et de condamner des journalistes indépendants ou d’opposition sur
la base d’accusations fabriquées de toutes pièces, comme dans l’affaire Eynulla Fatullayev.
3.2. Indépendance des médias
84. Concernant le pluralisme des médias électroniques,
l’Azerbaïdjan, au moment de son adhésion au Conseil de l’Europe,
s’est engagé à transformer la chaîne de télévision nationale en
une chaîne publique gérée par un conseil d’administration indépendant.
En juin 2007, le Conseil de l’Europe a transmis aux autorités azerbaïdjanaises
une expertise sur le projet de loi concernant la télévision et la
radio, ainsi que sur le décret du Président approuvant les réglementations
du Conseil national de la radio et de la télévision (CNRT). Dans cette
expertise, le Conseil de l’Europe a salué plusieurs dispositions
de la loi qui constituent de véritables progrès mais a toutefois
souligné un problème majeur, à savoir que l’Etat semble trop impliqué
dans la radiodiffusion. La loi prévoit en effet des programmes d’Etat
ciblés et d’autres interventions directes de l’Etat dans la radiodiffusion,
et le financement du conseil est prélevé directement sur le budget
de l’Etat.
85. Nous regrettons que cette expertise ne fasse l’objet d’aucun
suivi et sommes convaincus qu’une révision de ces textes serait
nécessaire pour garantir l’indépendance des médias électroniques
et de leur instance de régulation, le CNRT. Nous rappelons également
que le pluralisme et l’impartialité des programmes d’information,
en particulier dans les médias publics, sont indispensables pour
la tenue d’élections libres et équitables conformes aux normes du
Conseil de l’Europe.
86. Le président du CNRT nous a confirmé de son côté que la situation
restait quelque peu floue, dans la mesure où le conseil n’est pas
traité comme un organisme public (notamment en ce qui concerne l’augmentation
des traitements des fonctionnaires) et qu’à l’inverse il n’est pas
autorisé à établir son propre budget. Il a également souligné que
des responsables de partis politiques étaient souvent invités à
participer à des émissions par le conseil mais qu’ils refusaient.
87. De leur côté, les représentants des médias et des partis d’opposition
que nous avons rencontrés se sont plaints du fait que les médias
électroniques soient contrôlés par le CNRT, qui considère qu’il
est de son devoir de contrôler les informations diffusées sur internet
afin de vérifier que les réglementations et que la loi sont également
respectées dans le cas de ce média.
88. De plus, tous les représentants des médias que nous avons
rencontrés nous ont décrit une économie monopolisée à tous les niveaux,
au point que l’absence de marché libre de la publicité dans les
journaux entrave le développement d’une presse libre et pluraliste
dans le pays.
89. Nous sommes particulièrement inquiets à propos des informations
que nous avons reçues annonçant la récente création d’un Conseil
de coordination par le ministère de la Communication et des Technologies
qui travaillerait actuellement à un plan de limitation de l’accès
à internet. Nous partageons la crainte de certains représentants
des médias, selon laquelle ce plan pourrait conduire à d’autres
atteintes à la liberté d’expression dans le pays.
3.3. Liberté de réunion et d’association
90. Dans sa
Résolution
1545 (2007), au paragraphe 8.7, l’Assemblée a salué le fait que
les autorités azerbaïdjanaises aient fait preuve d’une véritable
volonté politique d’amender la loi de 1998 sur la liberté de réunion
et qu’elles aient requis l’assistance de la Commission de Venise;
elle les a exhortées à amender ladite loi conformément aux recommandations
de la Commission et à prendre les mesures requises afin de garantir que
la mise en œuvre de la législation concernée respecte les garanties
de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme,
tel qu’il est interprété par la Cour européenne des droits de l’homme.
Il convient de mettre un terme aux violations de la liberté de réunion
et au recours excessif à la force par les autorités de police; les
actions de formation continue menées à cet égard sont particulièrement
appréciées.
91. Les autorités azerbaïdjanaises ont bel et bien engagé une
coopération avec la Commission de Venise sur la réforme de la loi
de 1998 régissant la liberté de réunion, qui prévoit de nombreux
cas où la tenue d’une réunion est systématiquement interdite. Les
autorités ont présenté des projets d’amendements à ladite loi à
la Commission de Venise, qui a approuvé un avis concernant ces amendements
lors de sa session en décembre 2007
(CDL-AD(2007)042).
La nouvelle loi a été adoptée le 30 mai 2008. Sa mise en œuvre reste
l’élément clé, tout particulièrement dans le cadre de la préparation
des élections législatives de novembre prochain.
92. Nos interlocuteurs représentant les défenseurs des droits
de l’homme et les partis d’opposition se sont plaints du fait que
la plupart des rassemblements publics et des manifestations devaient
être annulés à la dernière minute à la suite de la décision de l’administration
locale de changer le lieu de l’événement. Dans certains cas, les
manifestations ont été interrompues par la police et les leaders
de groupes ont été arrêtés, le plus souvent pour une courte durée.
93. Nous espérons qu’une fois que le parlement aura adopté la
loi révisée sur la liberté de réunion, les autorités se concentreront
sur sa mise en application ainsi que sur la mise en place de mesures
de sensibilisation, et qu’elles proposeront une formation adaptée
aux autorités compétentes, ce qui est d’une importance capitale,
notamment dans la perspective des prochaines élections.
94. Le 21 décembre 2009, le Président de la République, Ilham
Aliyev, a signé un décret approuvant la loi sur les ONG adoptée
par le Parlement azerbaïdjanais le 30 juin 2009, qui fixe des conditions
d’inscription plus élevées que pour les entreprises. Toutefois,
le décret présidentiel ajoute un article à la loi exigeant que les ONG
fassent enregistrer par avance tous les fonds auprès du ministre
de la Justice. Cet article soulève l’inquiétude des ONG notamment
en ce qui concerne les délais et obstacles à leur activité.
95. Enfin, certaines plaintes de représentants d’ONG nous ont
été rapportées à propos de restrictions qui seraient apportées au
fonctionnement des organisations religieuses. Lors de sa rencontre
avec le ministre de l’Intérieur, nous avons mentionné les plaintes
des Témoins de Jéhovah à propos des difficultés qu’ils auraient à
organiser des rencontres dans certaines régions, ce à quoi le ministre
a répondu que la police n’intervenait que dans les endroits où ils
ne sont pas enregistrés conformément à la loi.
96. Nous avons aussi reçu des rapports alarmants selon lesquels
la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales
dans la République autonome de Nakhitchevan reste aussi tendue que
lors des années précédentes.
97. Herkel s’est rendu dans la République autonome de Nakhitchevan
le 10 avril 2009. Il s’agissait de la deuxième visite d’un rapporteur
de la commission de suivi depuis l’adhésion de l’Azerbaïdjan
.
M. Herkel était accompagné de Mme Veronika
Kotek, représentante spéciale du Secrétaire général à Bakou.
98. Cette visite d’une journée a donné lieu à un nombre très limité
de réunions, notamment avec le président du Conseil suprême de la
République autonome de Nakhitchevan, le médiateur et des représentants
des médias et des ONG. En ce qui concerne la démocratie locale,
le système reste inchangé depuis la première visite de la commission,
bien que le développement économique soit à l’origine d’une forte
croissance de la république, qui exporte désormais de l’énergie
vers les pays voisins. L’enclave reste un témoin et une victime du
conflit du Haut-Karabakh avec le voisin arménien. L’une des conséquences
de l’isolement de l’enclave est la progression très lente de la
situation des droits de l’homme. L’institution du médiateur, par
exemple, a été instaurée avec les autres institutions régionales
mais elle reste coupée du médiateur national, qui regrettait le manque
de contacts avec sa collègue de la République autonome de Nakhitchevan.
99. Le programme prévoyait aussi une visite de la prison. Il s’agit
d’installations neuves mises en service respectivement l’année dernière
et cette année et qui semblent, du point de vue des infrastructures,
répondre à des normes élevées. L’établissement peut recevoir près
de 450 détenus – ils ne sont que 42 à l’heure actuelle – et compte
une administration de près de 100 personnes. De 200 à 250 détenus
devraient être transférés dans cette prison au milieu de cette année.
Les autorités ont l’intention d’y transférer les Nakhitchevanais
qui purgent actuellement des peines de prison autour de Bakou.
100. Des cas de harcèlement de journalistes, soumis à des pressions
graves de la part des autorités, ont été signalés à de nombreuses
reprises. Le 16 janvier 2009, Malahat Nasibova, correspondant régional
de l’agence de presse Turan et de la radio «Azadlig» (Liberté),
Elman Abbasov et H. Mehdiyev, correspondants de l’Institut pour
la liberté et la sûreté des reporters pour le Nakhitchevan ont été
agressés physiquement dans le village de Heydarabad de la région
de Sadarak alors qu’ils enquêtaient sur la situation des droits
de l’homme à la suite des émeutes dans le village.
101. Les 14 et 26 avril, les partis d’opposition Musavat et le
Bloc Azadliq ont tenté d’organiser des manifestations pour protester
contre les restrictions relatives à la liberté de réunion. Les protestations
non autorisées ont eu lieu devant l’Agence exécutive de la ville
de Bakou et ont été rapidement dispersées par la police. Des faits
similaires sont survenus le 30 avril, date anniversaire de la fusillade
à l’Académie d’Etat des études pétrolières (qui a tué 12 personnes
et en a blessé 13) quand des activistes ont tenté de faire leur
propre commémoration. La police est à nouveau intervenue immédiatement.
4. Conclusions
102. Nous saluons l’ouverture à la coopération exprimée
par les autorités et les encourageons à continuer de s’appuyer sur
l’assistance de l’Organisation.
103. Nous les encourageons à poursuivre leurs efforts pour mettre
en place toutes les conditions nécessaires pour la tenue d’élections
libres et équitables, notamment dans le cadre du plan d’action proposé
en collaboration avec le Conseil de l’Europe.
104. Les corapporteurs prépareront un rapport sur le suivi des
obligations et engagements de l’Azerbaïdjan après les élections,
pour présentation à l’Assemblée en 2011.