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Avis de commission | Doc. 12207 | 13 avril 2010
La situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l'Europe
(Ancienne) Commission des migrations, des réfugiés et de la population
A. Conclusions de la commission
(open)1. Les Roms ont un passé marqué
par les migrations. Ils ont souvent dû émigrer pour survivre dans
un monde hostile. En butte à des persécutions, à la discrimination
et à l’incompréhension depuis leur arrivée en Europe il y a plusieurs
siècles, les Roms ont été contraints de changer régulièrement de
domicile, à la recherche d’un lieu où s’installer sans être immédiatement
expulsés. Cette nécessité n’a malheureusement pas disparu aujourd’hui.
Dans certains cas, ils doivent même se déplacer sur tout le territoire
européen, voire le quitter, pour fuir les persécutions et chercher
asile ailleurs.
2. Les Roms se déplacent aussi pour des raisons commerciales
en fonction des marchés, des foires ou du travail agricole saisonnier,
ou bien afin de maintenir des relations avec les membres de leur
famille qui peuvent être dispersés dans des lieux aussi distants
les uns des autres que la Norvège, l’Espagne, l’Irlande ou l’Ukraine.
Du fait des politiques d’assimilation et de la disparition des formes
traditionnelles de commerce pratiquées par les Roms, aujourd’hui
seuls 10 % des Roms, selon les estimations, voyagent régulièrement, essentiellement
en Europe de l’Ouest. Il n’y a donc qu’un faible pourcentage d’entre
eux qui peuvent être considérés comme menant une vie nomade. Cette
situation n’a, cependant, pas changé l’état d’esprit des Roms vis-à-vis
du voyage. Pour de nombreux Roms, le voyage est une réalité subjective
autant qu’objective, une philosophie commune, un état d’esprit.
3. La commission se félicite du rapport ferme et sans équivoque
de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
et des propositions constructives qu’elle a formulées. La commission
souscrit aux conclusions de la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme, estimant, comme elle, qu’il est nécessaire
d’assurer le suivi de la mise en œuvre au niveau local des mesures
prises, qu’une approche intégrée et concertée s’impose pour améliorer
la situation des Roms et qu’il est essentiel de renforcer l’accès des
Roms au logement et à l’éducation.
4. La commission relève que, dans son rapport, la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme a ouvertement
laissé de côté la question des migrations et de l’asile concernant
les Roms, compte tenu du rapport que prépare actuellement sur cette
question la commission des migrations, des réfugiés et de la population
(voir la proposition de recommandation intitulée «Les demandeurs
d’asile roms dans les Etats membres du Conseil de l’Europe» [Doc. 12073]).
5. Dans son rapport, la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme insiste, à juste titre, sur le caractère déplorable
et inadmissible du déchaînement de violence contre les Roms observé
dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe et se penche
sur certaines des causes de ces événements tragiques. Les pogroms
ont eu notamment pour effet de contraindre de nombreux Roms à fuir,
dans un climat de peur, vers d’autres pays pour y chercher asile.
6. Lorsqu’ils quittent un Etat membre de l’Union européenne pour
se réfugier dans un autre, les demandeurs d’asile roms sont confrontés
à la législation communautaire qui prévoit qu’en matière d’asile,
tous les Etats membres de l’Union européenne sont considérés comme
des «pays d’origine sûrs» vis-à-vis les uns des autres. En conséquence,
un citoyen de l’un des Etats membres de l’Union ne se voit pas,
en règle générale, accorder la protection principale garantie aux
réfugiés, ni la protection subsidiaire, dans un autre Etat membre
de l’Union européenne, sauf dans certaines circonstances exceptionnelles.
7. Tandis que, par exemple, les Roms de Bulgarie, de Hongrie
ou de Roumanie n’ont pas pu, de ce fait, obtenir l’asile dans les
pays de l’Union européenne, les Roms de République tchèque et de
Hongrie ont demandé et obtenu l’asile au Canada. En 2008, 860 Roms
de la République tchèque ont déposé une demande d’asile au Canada
et 40 % d’entre eux ont obtenu le statut de réfugié. En 2009, les
demandes déposées par des Roms tchèques au Canada dépassaient le
millier. En outre, un millier environ de Roms hongrois ont demandé
une protection au Canada en 2008 et 2009. En 2009, les autorités
canadiennes ont imposé des visas aux citoyens tchèques et ont récemment
indiqué qu’elles envisageaient de le faire également pour les citoyens hongrois.
8. Pour de nombreux Roms qui sont des ressortissants de l’Union
européenne, le simple usage de leur droit de circuler au sein de
l’Union pour échapper à la violence ou aux menaces de violence n’est
pas une affaire de choix. La Directive de l’Union sur la libre circulation
des citoyens énonce que tout citoyen de l’Union européenne a le
droit de séjourner dans n’importe quel Etat membre de l’Union pendant
trois mois, sans satisfaire à des obligations autres que celle de
disposer d’un passeport en cours de validité. Pour des séjours plus
longs, la personne concernée doit pouvoir justifier de ressources
financières suffisantes ou d’un emploi. La majorité des demandeurs
d’asile roms ne satisfont pas à ces conditions.
9. Compte tenu de la législation communautaire précitée et du
fait que la violence contre les Roms s’est largement déchaînée dans
des Etats membres de l’Union européenne, il est urgent que, pour
remédier à la situation, l’Union européenne prenne des mesures législatives
et, si cela relève de sa compétence et dans le respect du principe
de subsidiarité, des initiatives concrètes.
10. Les Roms qui sont contraints de fuir leur pays natal se retrouvent,
par conséquent, dans une situation incertaine, n’ayant d’autre choix
que de demander l’asile dans un pays extérieur à l’Union européenne,
de devenir des migrants irréguliers ou de rentrer chez eux et d’affronter
les persécutions.
11. En outre, le retour des réfugiés roms au Kosovo est
une question très préoccupante qui doit être traitée. Certains signes
laissent à penser que plusieurs milliers de Roms attendent de retourner
au Kosovo dans les pays d’Europe occidentale qui sont en train de
conclure des accords de réadmission avec le Kosovo. A la suite de
sa visite au Kosovo, effectuée du 11 au 13 février 2010, le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg,
a appelé les Etats européens à empêcher tout retour forcé jusqu’à
ce que le Kosovo puisse offrir aux rapatriés des conditions de vie
décentes, des soins de santé, une instruction, des services sociaux
et un emploi.
12. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme
souligne que les Roms n’ont souvent pas de papiers d’identité, ce
qui, de fait, les prive de l’accès aux prestations sociales et à
la propriété. Ce problème concerne de nombreux migrants et rapatriés
roms.
13. Dans tous les domaines à problèmes que signale la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme, les Roms qui
sont également des migrants se heurtent à des difficultés supplémentaires
parce qu’ils sont parfois dépourvus de citoyenneté et de compétences
linguistiques, et qu’ils sont victimes de la marginalisation générale
qui est souvent le lot des migrants. Ce problème persiste, que les
Roms concernés soient des migrants réguliers ou irréguliers, des
réfugiés ou des demandeurs d’asile. Dans tous les secteurs sociaux
– le logement, la santé, l’emploi et l’éducation – il faut exhorter
les Etats membres à prendre tout particulièrement en considération
les besoins des migrants roms.
14. L’un des objectifs majeurs du Conseil de l’Europe est de promouvoir
la diversité au sein de la société. Il convient de garder à l’esprit
cet objectif lorsque l’on essaie d’intégrer les Roms et les migrants
roms auxquels il faut donner la possibilité de mettre en pratique
et de développer leur culture, leur langue et leur mode de vie. Cela
suppose que les autorités responsables aient certaines connaissances
et fassent preuve de souplesse et de bonne volonté.
15. La commission voudrait, pour finir, signaler un projet exemplaire
mené en Turquie en faveur des Roms. Le Gouvernement turc a invité
des représentants de la communauté rom à un échange de vues avec
le ministre d’Etat, Faruk Celik, pour déterminer les besoins de
la communauté rom auxquels il faut répondre. Sur la base de cet
échange et d’autres consultations sérieuses, le Premier ministre
de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan, a lancé le projet. Le 14 mars
2010, il a pris la parole devant 15 000 Roms invités à Istanbul
de toutes les régions de la Turquie pour un rassemblement festif
dans un stade. Cet événement a été marqué par de grandes manifestations
de joie et d’appréciation mutuelle. Le but est d’améliorer considérablement
les conditions de vie des Roms en Turquie et de changer la façon
dont l’opinion publique perçoit les Roms. Le projet comportera des
mesures concrètes pour renforcer les possibilités offertes aux Roms
comme le transport scolaire gratuit, des aides spéciales pour les
études et l’amélioration des conditions de logement ainsi que des initiatives
visant à supprimer la discrimination à leur égard. C’est un projet
unique en Europe.
16. Tout en soulignant qu’elle soutient le projet de recommandation
déposé par la commission des questions juridiques et des droits
de l’homme, la commission des migrations, des réfugiés et de la
population propose quelques amendements au projet de résolution.
B. Amendements proposés au projet de résolution
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Ajouter un nouveau paragraphe 15.8 libellé comme suit:
«de fonder toutes les mesures visant à améliorer la situation des Roms, à tous les stades du processus, sur une concertation préalable et véritable avec les Roms eux-mêmes;».
Amendement B (au projet de résolution)
Ajouter un nouveau paragraphe 15.9 libellé comme suit:
«d’envisager de prendre des actions positives pour combattre la discrimination et améliorer les possibilités offertes aux Roms, notamment dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, en attendant en échange des Roms qu’ils respectent leurs obligations de scolarité;».
Amendement C (au projet de résolution)
Ajouter un nouveau paragraphe 15.10 libellé comme suit:
«de renforcer la communication, la compréhension et le respect entre les Roms et les non-Roms au sein de la société en vue d’éradiquer le racisme, la xénophobie, la discrimination et l’exclusion;».
Amendement D (au projet de résolution)
Ajouter un nouveau paragraphe 15.11 libellé comme suit:
«de dénoncer les discours de haine à l’égard des Roms, qu’ils émanent des médias, des milieux politiques ou de la société civile;».
Amendement E (au projet de résolution)
Ajouter un nouveau paragraphe 15.12 libellé comme suit:
«de prendre des mesures fermes pour poursuivre tous les auteurs des infractions pénales et des violations des droits de l’homme dont sont victimes les Roms;».
Amendement F (au projet de résolution)
Ajouter un nouveau paragraphe 15.13 libellé comme suit:
«de promouvoir la mise en pratique et le développement de la culture, de la langue et du mode de vie des Roms en exploitant, par exemple, l’Itinéraire culturel rom établi par le Conseil de l’Europe;».
Amendement G (au projet de résolution)
Ajouter un nouveau paragraphe 15.14 libellé comme suit:
«de prendre des mesures spéciales pour protéger les demandeurs d’asile roms qui ont fui la violence raciste, veiller à ce que les citoyens de l’Union européenne aient la possibilité de réfuter la présomption de sécurité qui s’applique vis-à-vis des Etats membres de l’Union et ne pas renvoyer les Roms au Kosovo jusqu’à ce que le HCR ait confirmé que la situation s’est suffisamment améliorée en termes de sécurité et d’accès aux droits sociaux;».
Amendement H (au projet de résolution)
Ajouter un nouveau paragraphe 25 libellé comme suit:
«L’Assemblée encourage les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à présenter des excuses à la communauté rom pour les injustices et les souffrances qu’elle a endurées par le passé.»