1. Introduction:
contexte et panorama général
1. La Banque de développement du Conseil de l’Europe
(«la CEB» ou «la banque») est la plus ancienne banque de développement
en Europe. Créée en 1956 par le Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe sous la forme d’un accord partiel, elle avait pour mission
d’aider au rétablissement des réfugiés et personnes déplacées dans
l’Europe occidentale de l’après-guerre. Appelée à l’origine «le
Fonds de rétablissement», elle a ensuite pris le nom de «Fonds de
développement social du Conseil de l’Europe» jusqu’en 1999, où elle
a été renommée Banque de développement du Conseil de l’Europe. La
CEB compte désormais 40 Etats membres
et
est de plus en plus active dans de nouveaux domaines d’opération
. Huit Etats membres du Conseil
de l’Europe – Andorre, l’Arménie, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, Monaco,
la Fédération de Russie, l’Ukraine et le Royaume-Uni – n’en sont
pas (encore) membres.
2. L’Assemblée parlementaire suit l’activité de la banque depuis
que celle-ci a été créée – dans un premier temps par le biais de
sa commission des migrations, des réfugiés et de la population,
puis, depuis 2000, essentiellement par le biais de sa commission
des questions économiques et du développement. Dans ce contexte,
le rapporteur rappelle l’importance que revêt, pour diverses organisations
internationales qui n’ont pas d’organe parlementaire (telles que
l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE)
et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
(BERD)), la supervision de l’Assemblée sous la forme de débats réguliers
sur leurs activités et orientations futures. Les activités de la
CEB et du Conseil de l’Europe étant complémentaires, cette relation
pourrait et devrait être encore renforcée, par exemple pour ce qui
est de l’identification et de la préparation de projets.
3. Alors que le monde ne semble pas sorti de la crise financière,
le rôle des institutions financières internationales et banques
multilatérales de développement, telles que la CEB, est passé au
premier plan, ne serait-ce que du fait de leur potentiel d’amortissement
des répercussions sociales négatives de la crise qui ont particulièrement
mis à mal le développement des économies européennes moins matures
et rendu leurs activités d’emprunt très onéreuses. Le premier semestre
de 2010 a également été marqué par une dégradation significative
de la situation économique et des notations de plusieurs Etats de
la zone euro qui sont d’importants clients de la CEB.
4. De plus, alors que la CEB connaît actuellement une revue stratégique
d’importance majeure, l’Assemblée se doit d’exprimer son point de
vue sur la forme que prendra la banque à l’avenir.
5. Le présent rapport entend passer en revue les activités de
la banque entre 2007 et 2009, les suites données aux recommandations
antérieures de l’Assemblée, les propositions de réforme émanant
du Comité des personnes éminentes, les défis que la banque aura
à relever dans ses futurs travaux et sa coopération avec des institutions
partenaires. D’autres commissions de l’Assemblée pourraient souhaiter,
en temps opportun, faire connaître leur point de vue sur les activités
de la banque en faveur de projets en matière de migration, de cohésion
sociale, d’environnement et d’éducation.
6. Aux fins du présent rapport, le rapporteur a rencontré des
représentants de la banque (la présidence en exercice et un choix
de membres du conseil de direction, le président du conseil d’administration,
le gouverneur et deux des trois vice-gouverneurs, ainsi que plusieurs
directeurs), des membres du secrétariat de l’Accord partiel de la
CEB et certains ambassadeurs d’Etats membres du Conseil de l’Europe
qui ne sont pas membres de la banque. Le rapporteur exprime sa reconnaissance
à l’égard de tous ses interlocuteurs pour les informations et l’assistance
qu’ils lui ont prodiguées lors de la préparation de ce rapport.
2. Mission,
ressources et fonctionnement de la banque
Mission et principaux domaines
d’activité
7. En tant que banque de développement multilatéral
ayant une vocation sociale, la CEB a pour mandat de financer des
projets destinés au développement social et à la reconstruction
en faveur de populations et de régions défavorisées. Dans la pratique,
cela signifie que la banque choisit d’investir dans des projets
qui promeuvent la cohésion sociale et le développement humain, aident
à apporter des solutions aux conséquences des migrations, soutiennent
une croissance respectueuse de l’environnement et participent à la
reconstruction après les catastrophes naturelles ou contribuent
à les prévenir. Comme elle y avait été invitée par l’appel du Plan
d’action du 3e Sommet du Conseil de l’Europe (Varsovie, mai 2005),
la banque a entrepris d’élargir sa mission en adhérant explicitement
à des politiques qui visent à renforcer la démocratie, les droits de
l’homme et l’Etat de droit par le biais de projets dans le domaine
des services et infrastructures judiciaires et civiles.
8. Les projets soutenus par la CEB couvrent divers domaines qui
vont de l’éducation à la formation professionnelle en passant par
la santé publique, le logement social, la création et la préservation
d’emplois (en particulier dans les petites et moyennes entreprises),
le développement urbain et rural, la protection de l’environnement,
la conservation du patrimoine ou encore l’infrastructure pénitentiaire.
Tous les projets approuvés entendent améliorer les niveaux de vie
des segments de population vulnérables dans les Etats membres de
la banque, l’accent se portant de plus en plus sur l’Europe centrale
et du Sud-Est – les «pays cibles». Douze des 21 pays cibles pouvant
accéder directement à des instruments de financement de l’Union européenne,
la CEB a d’autant plus de raisons de coopérer avec cette dernière
pour le cofinancement de projets de développement dans ces pays
et de réorienter une part plus grande de son propre financement
vers des pays non membres de l’Union européenne.
Ressources
9. Pour la CEB, il est essentiel de préserver un bon
équilibre entre de saines activités bancaires et un objectif social,
si elle veut proposer des prêts «ayant un bon rapport qualité/prix»
en faveur de projets présentant une orientation sociale. La banque
ne reçoit pas de contributions annuelles de ses Etats membres et
finance donc ses prêts sur ses fonds propres (capital versé, réserves
et bénéfices) et par des fonds levés sur des marchés financiers,
en particulier de pays d’Asie orientale et du Sud-Est. La banque
dispose actuellement de 4,75 milliards d’euros d’actifs (capital
disponible)
. La dernière augmentation
de capital formelle a eu lieu en 1999. Comme décidé dans le Plan
de développement de la banque pour 2010-2014, des discussions sont
en cours concernant la prochaine augmentation de capital. De plus,
la base financière de la CEB est consolidée grâce au versement des
bénéfices annuels aux réserves (entre 75 et 100 millions d’euros par
an) plus les souscriptions occasionnelles de capital effectuées
par les nouveaux membres tels que la Géorgie et le Monténégro, qui
ont adhéré à la banque en 2007, et son groupe de pays cibles.
10. Malgré la longue période de turbulence sur les marchés financiers
et la récession économique qui affecte bon nombre de ses Etats membres,
la CEB est parvenue à préserver sa notation excellente AAA auprès
de Standard & Poor’s, Fitch Ratings et Moody’s, ce qui lui permet
de se financer au plus bas coût pour rétrocéder ensuite les fonds
à ses clients. Les ratios prudentiels de la banque se sont quelque
peu dégradés récemment, même s’ils demeurent dans des limites acceptables.
Les bénéfices nets ont augmenté ces dernières années (93,3 millions
d’euros en 2007, 95,8 millions en 2008 et 107 millions en 2009 –
voir tableaux en annexe) et s’accompagnent de revenus bancaires
nets généralement stables, d’une légère augmentation des dépenses
d’exploitation et de reprises sur provision relativement faibles.
Fonctionnement et gestion
11. La banque consent des prêts à long terme à ses membres,
à des collectivités territoriales et à des institutions financières
(publiques ou privées), mais pas à la clientèle privée ou aux entreprises.
Le processus d’approbation des prêts prend en compte un ensemble
de critères spécifiques dans une perspective sectorielle, géographique
et sociale. De plus, toutes les demandes de financement de projet
doivent être avalisées par les autorités nationales des pays concernés
et être étayées
de garanties suffisantes
. Elles doivent être
soumises par le truchement du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe,
qui en évalue le contenu politique et social. La banque peut aider
ses clients pour la préparation des projets.
12. Les conditions de prêt sont calculées sur la base du coût
du loyer de l’argent payé par la banque et de taux fixes ou variables.
En réalité, la CEB peut proposer des conditions «AAA» avantageuses
(comparables au LIBOR – London Inter-Bank
Offer Rate) avec une petite marge qui peut encore être
abaissée sous certaines conditions grâce à un mécanisme de bonification
des taux d’intérêt appelé Compte fiduciaire sélectif (voir la description
qui en est donnée plus loin). Les prêts peuvent s’étendre sur quinze
ans, avec la possibilité d’une période de grâce pouvant aller jusqu’à
cinq ans. A l’heure actuelle, la banque est de deux à quatre fois
plus compétitive en termes de marge sur le loyer de l’argent (elle
pratique en moyenne des marges de 0,2 à 0,25 %) que des institutions
similaires (par exemple la Banque mondiale et la BERD) qui consentent
des prêts avec des marges de 0,57 % et 1 % respectivement.
13. Une fois passées en revue par les équipes de la banque des
points de vue financier et technique, les demandes de prêt sont
examinées par le conseil d’administration de la banque et le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe. Ce dernier donne un avis sur la
recevabilité des demandes de projets d’un point de vue politique,
en fonction des informations communiquées par les équipes de la
banque. La CEB peut financer jusqu’à 50 % du coût des projets et
jusqu’à 90 % des projets pour les pays d’Europe centrale et du Sud-Est, et
dans les domaines d’action prioritaire. Les projets sélectionnés
doivent être réalisés par appels d’offres conformément aux dispositions
applicables
.
14. Comme on l’a dit plus haut, la CEB propose pour l’essentiel
des prêts, mais elle peut aussi, à titre exceptionnel, accorder
des bonifications de taux d’intérêt et des dons par le biais de
son Compte fiduciaire sélectif en faveur de projets à forte priorité
ou pour répondre à des besoins financiers dus à des situations d’urgence
dans des pays éligibles à ce type d’actions (en novembre 2009, il
s’agissait de l’Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Géorgie,
de la Moldova, de «L’ex-République yougoslave de Macédoine», de
la Croatie, de la Pologne, de la Lituanie, de la Lettonie, de la
Turquie, de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Serbie et du Monténégro).
Le Compte fiduciaire sélectif est réalimenté par des dotations des
bénéfices de la banque et par des contributions volontaires.
15. Depuis 2003, la banque administre également le Compte fiduciaire
norvégien (doté d’un capital de 3 millions d’euros), qui vient utilement
compléter les activités d’assistance technique de la CEB en faveur
des pays des Balkans de l’Ouest (l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine,
la Croatie, le Monténégro, la Serbie et «L’ex-République yougoslave
de Macédoine»). Trente-quatre initiatives ont bénéficié de cette
forme d’aide et 2,8 millions d’euros ont été décaissés fin 2009.
En 2008, la CEB, le Conseil de l’Europe et les autorités norvégiennes
ont créé un Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme doté de
2 millions d’euros pour aider les activités destinées à renforcer
l’Etat de droit et la protection des droits de l’homme par le biais
d’une assistance technique pour préparer des projets d’infrastructure
pour des services publics dans l’administration et la justice. De
plus, en septembre 2009, l’Espagne et la CEB ont créé un Compte
cohésion sociale espagnol doté d’un capital de 2 millions d’euros,
qui viendra financer l’assistance technique préalable à des projets
de la CEB dans les pays d’Europe centrale et du Sud-Est.
16. La structure managériale de la CEB se compose du conseil de
direction, avec un président élu et des représentants des Etats
membres de la banque (pour l’essentiel des ambassadeurs auprès du
Conseil de l’Europe), du conseil d’administration, présidé par M.
Reiner Steckhan et qui comprend un représentant par Etat membre
(dans la plupart des cas, émanant d’un ministère des Finances national
ou d’une banque centrale), du gouverneur, M. Raphaël Alomar, assisté
par trois vice-gouverneurs, et du comité de surveillance, dont les
trois membres sont choisis parmi les Etats membres. Le conseil d’administration
instaure et délègue certains pouvoirs décisionnaires à un organe
subordonné – le conseil exécutif – composé de 13 membres. Actuellement,
l’existence de ce conseil est remise en question et ce dernier pourrait
être aboli.
17. Cette structure de management est en place depuis 1994 (alors
que la banque ne comptait que 20 membres) à la suite d’irrégularités
dans le fonctionnement de la banque qui avaient été révélées par
un audit interne. Sur recommandations de l’auditeur et avec l’accord
du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, le Statut révisé
a mieux défini les responsabilités et pouvoirs des organes de la
banque, renforcé les procédures de vote et la supervision du management
supérieur, établi le comité exécutif au sein du conseil d’administration,
limité le mandat du président du conseil de direction, créé les
postes des vice-gouverneurs, fait du gouverneur le représentant
légal de la banque et porté son mandat à cinq ans (renouvelable),
formalisé la relation avec le Conseil de l’Europe, etc. Cette réforme
essentielle avait ouvert une nouvelle ère pour la banque en préparation
de l’accroissement conséquent du nombre de ses Etats membres avec
l’adhésion d’Etats d’Europe centrale et orientale.
18. La prise de décision est très complexe. Elle repose, pour
l’essentiel, sur le consensus ou, si nécessaire, se fait par mise
au vote, le système de vote donnant à chaque membre du conseil de
direction et du conseil d’administration une voix pour chaque certificat
de participation détenu par leur pays (le nombre de certificats dépend
de la part d’un Etat membre au capital souscrit de la banque). Les
décisions sont par exemple adoptées à la majorité des membres votants,
à condition qu’ils détiennent deux tiers des votes exprimés (système
de vote dit à la «double majorité») au sein du conseil de direction,
et à la majorité simple au sein du conseil d’administration, selon
le sujet débattu. Dans certains cas, une majorité des trois quarts
est requise au sein du conseil de direction et une double majorité
est nécessaire
au sein du conseil d’administration.
19. Dix agents du Conseil de l’Europe assurent le secrétariat
de cet accord partiel à Strasbourg. En outre, 154 agents permanents
provenant de 26 pays travaillent à Paris pour l’administration de
la banque sous l’autorité du gouverneur. Il convient de rappeler
que des efforts sont déployés en permanence pour diversifier l’origine
géographique des agents, même si une grande part des agents travaillant
à Paris reste encore de nationalité française (41 % en novembre
2009). Bien que rattachée au Conseil de l’Europe et soumise à son autorité
suprême, la banque est totalement autonome sur le plan opérationnel
en matière de décision et de gestion. Cette structure duale signifie
que le Conseil de l’Europe est le propriétaire de la CEB, mais que
la gestion quotidienne de la banque repose essentiellement entre
les mains des organes exécutif et administratif.
20. A la suite des décisions prises par le conseil de direction
de la CEB, en juin 2009, il a été proposé que certaines fonctions
de secrétariat «techniques» de l’accord partiel à Strasbourg soient
transférées aux services de la banque à Paris, ce qui dégagerait
des économies budgétaires de quelque 717 700 euros. Toutefois, les modalités
pratiques de mise en œuvre de cette proposition ne sont pas tout
à fait claires, étant donné qu’un grand nombre d’Etats membres ont
exprimé de fortes réserves concernant l’interprétation des décisions
du conseil de direction et du conseil d’administration relatives
à cette question. Votre rapporteur comprend le souhait de rationaliser
l’aspect budgétaire du fonctionnement de l’accord partiel, mais
comprend aussi les préoccupations autour de la taille du secrétariat
à Strasbourg, qui devrait demeurer suffisante pour préserver, voire
renforcer, la relation entre le Conseil de l’Europe et la banque.
3. Les activités de
la banque de 2007 à 2009
21. Au cours de ces trois dernières années, la CEB a
opéré dans un environnement très instable, qui n’a cessé de se dégrader.
Les premiers signes des difficultés sont apparus au début de 2007,
à mesure que les prêts hypothécaires (les sub-primes)
implosaient, commençant à intoxiquer les marchés financiers des
Etats-Unis, avec des répercussions en cascade vers l’Europe. A l’automne
de 2008, la tempête financière a commencé à handicaper les économies
européennes. Les perspectives économiques défavorables ont fait dévisser
les activités de prêts et les finances publiques ont dû réorienter
des volumes plus ou moins importants de capitaux vers des plans
de sauvetage.
22. Bon nombre des pays d’Europe centrale et orientale ont eu
à faire face aux conséquences de flux de capitaux nets plus importants
en sorties qu’en rentrées, de notations en chute libre, d’une détérioration
de la performance économique et des conditions sociales, ainsi qu’à
d’énormes difficultés à mobiliser des ressources financières. De
ce fait, les besoins des 21 piliers du groupe cible de la CEB (Albanie,
Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque,
Estonie, Géorgie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Moldova, Monténégro,
Pologne, République slovaque, Roumanie, Serbie, Slovénie, «L’ex-République yougoslave
de Macédoine», Turquie) se sont accrus brutalement alors que les
possibilités d’emprunt diminuaient, ou que les emprunts se renchérissaient.
23. Il est rassurant de constater que les activités de prêt de
la CEB n’aient été que modérément affectées et, à la fin de 2009,
seul un client de la CEB en Islande n’avait pu honorer ses remboursements.
Si le volume des engagements (projets approuvés) s’est contracté
de plus de 20 % entre 2006 et 2008, le niveau de décaissements est
demeuré stable (autour de 1,5 milliard d’euros par an) et, pour
ce qui est des pays cibles, il a même augmenté (de 58 % pour la
seule année 2008). Dans le même temps, les fonds employés dans des projets
ont représenté au total 12,2 milliards d’euros à la fin de 2009,
le niveau pratiquement le plus élevé depuis la création de la banque
(voir les tableaux en annexe). Etant donné que la banque a financé
en moyenne 40 % des coûts par projet, le total des fonds mobilisés
dans l’investissement social a atteint les 30 milliards d’euros
grâce à l’«effet multiplicateur» de l’effort de la banque.
24. Le groupe de pays cibles
a été le principal bénéficiaire de cette
action, puisqu’il a reçu 70 % des fonds alloués par la CEB en 2008.
Dans l’ensemble, de 2005 à 2009, les activités de la banque dans
ces pays ont représenté 58 % des décaissements et 60 % des projets
approuvés – ce qui est bien mieux que les attentes exposées dans
le plan de développement de la CEB pour 2005-2009, notamment en
ce qui concerne le redéploiement d’activités en faveur des pays
du groupe cible. Nous espérons que cette tendance se maintiendra,
même si la gestion des risques à partir de 2009 est devenue plus
complexe à mesure que certains des Etats membres de la banque voyaient
leur notation se dégrader.
25. La CEB a été la première institution financière internationale
à mettre en œuvre, dès 2004, de nouvelles normes prudentielles s’inscrivant
dans le droit-fil des recommandations du Comité de Bâle (Bâle II)
pour mesurer la solvabilité et renforcer le niveau de liquidités
et les capacités par un meilleur contrôle des risques. Il est indubitable
que, grâce à cette évolution, la CEB s’est trouvée bien armée pour
faire face aux temps difficiles. Cependant, il est désormais probable
que les réglementations bancaires vont encore se durcir pour ce
qui est du ratio capital/prêts.
26. En 2007, la CEB a approuvé 37 nouveaux projets pour une valeur
de 2,4 milliards d’euros. Environ un tiers de l’ensemble du financement
(810 millions d’euros) a été réservé à des projets liés à la protection
de l’environnement, à la restauration d’infrastructures endommagées
et aux améliorations des conditions de vie, en particulier par des
mesures d’économie d’énergie et d’efficience énergétique. La Turquie,
l’Islande et la Hongrie ont été les principaux bénéficiaires de
ce financement. Les projets de logements sociaux au Danemark, en
Espagne, en Finlande, en France, en Hongrie, en Italie, en Serbie
et en Pologne ont attiré pratiquement un quart de l’ensemble des
engagements (662 millions d’euros), des fonds supplémentaires (154 millions)
étant par ailleurs consacrés à des activités de modernisation rurale
et urbaine, essentiellement en Europe centrale. Le soutien à la
création et à la préservation d’emplois a concerné une autre grande
ligne de dépenses pour un total de 401 millions d’euros, les petites
et moyennes entreprises ainsi que les micro-entreprises des pays
du groupe cible de la CEB en étant les principaux bénéficiaires.
27. En 2008, la banque s’est engagée à soutenir 39 projets pour
un montant total de 1,86 milliard d’euros et a offert 1,73 million
d’euros de dons (à la Bosnie-Herzégovine, à la Géorgie, à la Moldova
et à la Serbie) en partenariat avec les agences des Nations Unies.
Vingt-sept de ces projets (pour une valeur de 1,2 milliard d’euros,
soit 65 % du total des engagements) ont été approuvés pour des pays
du groupe cible. Globalement, les projets en faveur de la cohésion
sociale se sont taillé la part du lion avec les deux tiers des fonds
engagés (1,2 milliard d’euros), dont la plus grosse partie est allée
à des activités de soutien à l’emploi (901 millions d’euros) et
aux infrastructures rurales et urbaines (245 millions d’euros).
Deux autres lignes d’action ont bénéficié d’un peu plus de 300 millions
d’euros chacune, réservés pour des projets environnementaux et des activités
liées au développement humain. Il est important de noter que le
niveau de décaissements pour cette année a été proche du niveau
des nouveaux engagements, comblant ainsi en partie l’écart constaté
depuis un certain nombre d’années.
28. Notons qu’à la suite de sa guerre éclair avec la Russie en
août 2008, la Géorgie a reçu de la CEB une aide humanitaire immédiate
de 1 million d’euros, suivie d’autres dons (pour 173 000 euros)
au début de 2009. Depuis, la banque a mis à l’étude une intensification
de ses engagements en vue de travaux de reconstruction en conjonction
avec d’autres donateurs internationaux, mais aucun projet n’a été
approuvé concernant la Géorgie.
29. Tout au long de 2009, la banque a été confrontée à une croissance
aiguë de la demande de financement de projets. Le volume des projets
approuvés a ainsi atteint près de 2,7 milliards d’euros (43 % de
plus qu’en 2008 et 17 % de plus que la moyenne des projets totaux
pour la période 2005-2008). Les décaissements ont suivi cette tendance
(1,8 milliard d’euros – 20 % de plus par rapport à l’année précédente)
et la part des pays cibles dans le total des décaissements pour
2009 a battu des records à 77 %. La moitié des projets approuvés et
des prêts décaissés concernaient le domaine de la cohésion sociale
(en particulier le logement social et la modernisation rurale/urbaine)
et plus d’un tiers des projets approuvés concernaient le développement
du capital humain, grâce notamment à l’éducation et à la formation
professionnelle. La Pologne, le Portugal, la Turquie et l’Espagne
ont été les principaux bénéficiaires de l’action de la banque en
termes de projets approuvés, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie
en termes de prêts décaissés.
30. Dans l’ensemble, les activités de la banque dans le cadre
du Plan de développement 2005-2009 ont été conformes aux objectifs
fixés et montrent une hausse croissante du financement pour les
pays du groupe cible, des décaissements annuels moyens se situant
autour des 1,6 milliard d’euros et une ventilation généralement équilibrée
du financement entre les lignes d’action sectorielles de la banque.
Dans le même temps, la banque a renforcé son cadre prudentiel pour
limiter tout risque de défaut sur les remboursements (en adoptant
un ratio d’adéquation des fonds propres) et pour réduire son exposition
aux risques les plus élevés (tels que les prêts jugés spéculatifs).
Votre rapporteur espère que ces mesures n’auront pas un effet négatif
sur l’objectif de la banque qui entend orienter à l’avenir encore
plus de ressources vers les pays du groupe cible qui sont les plus défavorisés
et accroître la valeur ajoutée de ses projets.
31. A la suite d’un appel contenu dans le Plan d’action du 3e
Sommet du Conseil de l’Europe, la banque a entrepris d’élargir sa
mission en adoptant explicitement des politiques en faveur du renforcement
de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit grâce
à des projets dans les domaines des services et infrastructures
de la justice et de l’administration publique. Les lignes directrices
du Sommet de Varsovie ont été incorporées à la Politique de prêt
adoptée par les organes collégiaux durant la réunion commune de
juin 2006. Qui plus est, cet engagement a été réaffirmé explicitement
en 2009 lorsque la Politique de prêt a connu des adaptations opérationnelles
dans le cadre de la revue stratégique. Toutefois, à ce jour, seul
un petit nombre de projets ont été approuvés dans ce sous-secteur
du fait de la complexité technique de ces projets et de la difficulté
à décrocher un (co)financement.
4. La revue stratégique
du rôle de la banque
32. La revue stratégique des activités de la banque a
été lancée en 2007 dans le but d’améliorer la gouvernance et la
performance de la CEB pour répondre aux attentes élevées – et croissantes
– de ses Etats membres. Le Comité des personnes éminentes, composé
de Enrique Iglesias, Secrétaire général de la coopération ibéro-américaine
et ancien président de la Banque interaméricaine de développement
(BID), de Jon Sigurdsson, président du directoire de l’Autorité
de surveillance financière islandaise et ancien président de la
Banque nordique d’investissement (NIB), le conseiller spécial Jacques
de Larosière, ancien président de la Banque européenne pour la reconstruction
et le développement (BERD) et ancien directeur exécutif du Fonds
monétaire international (FMI), a rendu son rapport en octobre 2008.
Les travaux du comité se sont par ailleurs appuyés sur les conseils
de deux consultants dans le domaine du risque financier et de l’analyse
de la performance opérationnelle. Des consultations ont eu lieu
à deux reprises avec les membres du conseil de direction et du conseil
d’administration. Enfin, le comité a également rencontré Terry Davis,
alors Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Rainer Steckhan,
président du conseil d’administration de la CEB, et Lars Kolte,
alors président de son conseil de direction.
33. Le rapport intitulé «Revue stratégique de la CEB – Contribuer
à une Europe de la cohésion sociale et du développement durable
au XXIe siècle» présente une étude sur le développement de la CEB
depuis sa création et formule des recommandations pour ses activités
futures sous la forme d’une stratégie à moyen et à long terme. Les
difficultés économiques causées par la crise financière mondiale
ont accentué le besoin d’intensifier les investissements sociaux,
mais ont également déclenché une réflexion générale sur la manière d’améliorer
la réglementation du secteur bancaire. En ce qui concerne la CEB,
le rapport propose plusieurs pistes d’action dans le contexte d’un
environnement d’opération en mutation. Ces pistes concernent le
mandat de la banque, les relations avec le Conseil de l’Europe,
le cadre financier, les relations avec d’autres institutions financières
et organisations internationales, la performance opérationnelle
et la gouvernance.
34. Pour ce qui est du mandat de la CEB, le rapport propose de
se concentrer sur quatre secteurs clés, à savoir: 1. promouvoir
la cohésion sociale et une croissance économique inclusive; 2. soutenir
des investissements écologiquement sains dans des infrastructures
et projets qui contribuent à prévenir ou traiter les conséquences
des catastrophes naturelles; 3. aider au développement de capital
humain par le biais de projets dans le secteur des soins de santé
et de l’éducation (notamment dans des zones défavorisées); 4. consolider
la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit par l’investissement
dans des institutions de formation pour les praticiens du droit
et les fonctionnaires ainsi que dans les infrastructures de la justice.
35. Les relations avec le Conseil de l’Europe sont perçues comme
étant au cœur de l’identité de la banque. A cet égard, la revue
stratégique recommande de clarifier les rôles des propriétaires
de la CEB et des organes exécutif et administratif en termes de
responsabilité à prendre et de comptes à rendre. Une plus grande participation
ministérielle aux travaux de la banque devrait être encouragée en
tant que moyen de promouvoir la visibilité de son action, de ses
priorités et de ses valeurs. La CEB et le Conseil de l’Europe pourraient intensifier
leurs efforts pour identifier des projets pilotes «bancables» et
faire des économies en rationalisant les fonctions secrétariales
«d’interface». De plus, le gouverneur de la banque est vivement
invité à rencontrer une fois par an le Comité des Ministres, l’Assemblée
parlementaire et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour
les informer de l’action de la banque.
36. Pour ce qui est du cadre financier, le rapport ne voit pas
d’autre possibilité d’accroître les prêts aux pays cibles dans un
proche avenir autrement qu’en procédant à une augmentation de capital,
faute de quoi la notation AAA de la banque pourrait être remise
en question. L’approche prudente de la CEB en matière de gestion
des risques de crédit pourrait être encore améliorée par une évaluation
plus explicite de tous les types de risques financiers et opérationnels,
en s’inspirant des meilleures pratiques de ses pairs.
37. Dans ses relations avec d’autres institutions financières
et organisations internationales, la CEB est en outre invitée à
continuer de rechercher la complémentarité d’action et une coordination
plus étroite avec les institutions européennes, telles que l’Union
européenne, la BEI, la BERD et la Banque nordique d’investissement,
notamment dans le cadre de programmes et projets conjoints au bénéfice
des pays cibles. La coopération de la CEB avec d’autres partenaires
internationaux devrait mettre l’accent sur des opérations permettant
de traiter les causes et les conséquences des migrations internationales.
38. Le rapport du Comité des personnes éminentes attache une importance
spéciale à la mesure de la valeur ajoutée et de l’impact sur le
développement de l’action de la banque. Il souligne donc l’importance
d’un dialogue permanent et d’un travail au niveau de la stratégie
avec les clients de la banque, qui passerait, si nécessaire, par
une présence locale – même si ce type d’approche peut occasionner
des coûts opérationnels supplémentaires. Une combinaison de spécialisation
thématique, de nouveaux instruments de prêts, d’assistance technique
et d’apprentissage institutionnel devrait sous-tendre la recherche
de l’excellence, une efficience accrue et des résultats durables.
39. Pour ce qui est de l’aspect lié à la gouvernance, le rapport
note que la structure actuelle et la répartition des fonctions à
la CEB diffèrent considérablement des modalités généralement acceptées
en matière de gouvernance dans d’autres banques de développement
multilatérales. Il faut donc opérer des améliorations institutionnelles
significatives pour clarifier les fonctions et les responsabilités
des organes de supervision, exécutif et de gestion de la banque.
Dans le cadre du processus de rationalisation, il est proposé d’impliquer les
ministres dans les assemblées annuelles du conseil de direction,
de relever les conditions posées pour le profil politique des candidats
à la fonction de président du conseil de direction, d’établir un
directoire composé d’un nombre restreint, mais équilibré, de membres
et d’éliminer la représentation duale au sein des organes de direction
et exécutif
.
40. Une série de recommandations ont également été formulées dans
la revue stratégique visant à proposer de renforcer – à la fois
vis-à-vis de l’extérieur et en interne – les fonctions de gouverneur
en en faisant le plus haut représentant de la banque («le président»),
tous les autres membres du management lui rendant compte directement.
41. A la suite de la présentation du rapport du Comité des personnes
éminentes, en novembre 2008, le conseil de direction de la CEB avait
chargé le gouverneur de préparer un plan d’action en vue de mettre
en œuvre les recommandations et d’appliquer les mesures d’accompagnement.
Ce processus se déroule en parallèle avec l’élaboration d’un Plan
de développement de la banque pour les cinq prochaines années. Ainsi, le
Plan de développement pour 2010-2014 a été finalisé et approuvé
en novembre 2009. Ensemble, ces deux documents composent une sorte
de feuille de route pour l’avenir de la banque.
42. Le Plan de développement de la CEB pour 2010-2014 s’appuie
sur les résultats des années précédentes et fait le pari d’une fragile
reprise économique en Europe, accompagnée d’une hausse du chômage
et de besoins sociaux accrus, notamment dans les pays d’Europe centrale
et du Sud-Est. Trois tendances à long terme – le vieillissement
démographique, le renchérissement de l’énergie et l’augmentation des
besoins financiers des collectivités locales – devraient affecter
l’ensemble des pays clients de la CEB. La banque envisage donc d’accroître
son volume de prêts de 15 %, de renforcer encore son soutien au
groupe de pays cibles afin que les prêts en cours pour ce groupe
représentent 60 % du total d’ici à 2014, d’augmenter son activité
de prêt en faveur de projets d’infrastructures sociales et de renforcer
la coopération avec l’Union européenne et les pays donateurs en
ce qui concerne la mise en œuvre des projets. Ces objectifs pourraient être
révisés ultérieurement si une augmentation de capital est décidée
en 2010.
43. Alors que le rapporteur venait d’entamer ses travaux sur ce
rapport, il a appris la démission soudaine du président du conseil
de direction, M. Lars Kolte, annoncée à la réunion du 27 novembre
2009 de cet organe. La lettre de démission de M. Kolte était très
critique à l’égard des récentes évolutions dans la direction stratégique
de la banque et de la répartition effective d’influence entre le
conseil de direction et le gouverneur. Elle attirait l’attention
sur la disproportion entre la taille du portefeuille, tiré par certains
emprunteurs de grande qualité, et la nécessité de se concentrer
davantage sur les pays qui en ont le plus besoin afin de renforcer l’objectif
de prêts de qualité. M. Kolte suggérait également que la CEB soit
plus visible, auprès non seulement des emprunteurs, mais aussi du
grand public en Europe, qui constitue en fait les actionnaires;
que la coopération avec des institutions ayant les mêmes visées
et qui opèrent en Europe soit grandement renforcée et que l’on s’efforce
de surmonter une culture du contrôle et de la mainmise au sein de
la banque.
44. Le rapporteur a pu discuter certains points évoqués directement
avec M. Kolte. Il a tiré de ces discussions la constatation selon
laquelle la critique exprimée entendait stimuler la discussion sur
la manière dont la banque pourrait renforcer la qualité et l’impact
de ses travaux et se montrer à la hauteur des attentes des Etats
membres du Conseil de l’Europe, alors même que nous connaissons
des temps difficiles sur le plan économique.
45. Durant sa visite au siège de la CEB à Paris, le rapporteur
s’est vu communiquer par le gouverneur plusieurs dossiers techniques
en réponse à la critique exprimée dans la lettre de M. Kolte. Ces
documents soulignent que le management a à cœur de mettre en œuvre
les orientations et décisions du conseil de direction et du conseil
d’administration, notamment en ce qui concerne le développement
et la réorientation de l’activité de la CEB. Ils font ressortir
la continuité de l’action de la banque pour stimuler le soutien
aux groupes du pays cible en vue d’atteindre 60 % du total des décaissements
sur la période de 2010 à 2014, un «rôle vital [des projets en Europe
occidentale] dans l’équilibre des risques qui pèsent sur le portefeuille
de prêts», de nombreuses modalités de coopération avec les institutions
internationales, un calendrier accéléré pour l’adoption des propositions
de réforme et l’emphase sur une communication «ciblée» étant donné
les moyens limités. Il y a bien eu des dissensions entre M. Kolte
et le management concernant la dynamique et, dans une certaine mesure,
l’orientation des changements en matière d’orientations futures,
de structure de portefeuille et d’organisation institutionnelle
de la banque. Mais, en définitive, les politiques décidées par le
conseil de direction et le conseil d’administration ont été cependant
mises en œuvre par le management sous la supervision des organes
collégiaux.
46. La CEB n’a jamais refusé de soutenir des projets éligibles
mais l’on pourrait faire davantage pour aider sur le plan technique
des emprunteurs potentiels dans les Etats membres récents, qui en
ont le plus besoin. L’on pourrait réorienter davantage de ressources
pour une assistance technique en faveur de ces pays et, si les Etats
membres décidaient d’augmenter le capital de la banque, de manière
générale, cela augmenterait les ressources disponibles. Il est vrai
que le site web de la CEB a été modernisé et enrichi en permanence,
et que des panneaux ont été posés sur les sites des projets. Cependant,
il y a encore beaucoup de latitude pour améliorer la communication,
par exemple en publiant des informations de base sur la mission,
les projets et les principes de fonctionnement de la banque à l’attention
du grand public dans les langues du groupe de pays cibles, ce qui
avait été proposé par la Recommandation 1818 (1007) de l’Assemblée,
et en revenant sur la position selon laquelle «les actionnaires
de la banque sont les Etats membres, et non l’opinion publique»,
qui va à l’encontre de l’objectif de transparence et de responsabilité
accrue à l’égard des contribuables européens.
47. Le rapporteur est heureux d’avoir eu la possibilité de prendre
part à la réunion commune du conseil de direction et du conseil
d’administration de la CEB organisée à Rome (Vatican) le 11 juin
2010. Il a noté des difficultés significatives dans le dialogue
entre le conseil d’administration et le conseil de direction pour
tenter de dégager un consensus sur la manière de mettre en œuvre
la réforme de la gouvernance de la CEB, les moyens d’action et l’orientation
stratégique, à la suite des recommandations formulées par le Comité
des personnes éminentes dans le rapport sur la revue stratégique
de la CEB. De plus, l’élection à la présidence du conseil de direction
est toujours dans une impasse, qui devrait se prolonger dans les
mois à venir. Cela montre bien qu’il est urgent d’améliorer le processus
décisionnaire au sein de la banque.
5. Suites données
aux textes antérieurs de l’Assemblée parlementaire
48. Durant la période 2007-2009, divers textes de l’Assemblée
ont fait référence à la CEB. Ils concernent les points suivants:
Commentaires sur les travaux
de la CEB:
- Recommandation 1818 (2007) sur les
activités et les orientations de la Banque de développement du Conseil
de l’Europe, sur la base d’un rapport de la commission des questions
économiques et du développement (Doc. 11306) et avis présenté par
la commission des migrations, des réfugiés et de la population (Doc. 11358). Voir
également la réponse du Comité des Ministres (Doc. 11622).
Situation des migrants, des personnes
déplacées et des réfugiés:
- Recommandation 1802 (2007) sur la
situation des personnes déplacées de longue date en Europe du Sud-Est:
l’Assemblée invite la CEB à intensifier sa coopération avec les
pays de la région, en vue de financer davantage de projets concernant
les réfugiés et les personnes déplacées par le biais de prêts, du
financement par le Compte fiduciaire sélectif et de dons spécifiques
en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés (HCR);
- Recommandation
1806 (2007) sur les activités de l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM): l’Assemblée invite instamment la CEB
à étudier la possibilité de cofinancer des études de faisabilité
(Fonds fiduciaire) et des projets conjoints avec l’OIM, en particulier
pour atténuer les pressions des migrations irrégulières grâce à
des projets de création d’emplois, notamment en recourant à des montages
de microcrédit;
- Résolution
1633 (2008), Résolution
1648 (2009) et Résolution
1664 (2009) sur les conséquences de la guerre entre la
Géorgie et la Russie: l’Assemblée invite la CEB à envisager d’agir
pour aider les réfugiés et personnes déplacées, ainsi qu’à contribuer
à la reconstruction dans les territoires affectés, notamment en
Ossétie du Sud et en Abkhazie;
- Résolution
1637 (2008) sur les «boat people» de l’Europe: arrivée
par mer en Europe du Sud de flux migratoires mixtes: l’Assemblée
invite les Etats membres méditerranéens du Conseil de l’Europe à utiliser
pleinement l’opportunité de prêts proposée par la CEB pour créer
les structures nécessaires d’accueil permanentes de migrants irréguliers,
demandeurs d’asile et réfugiés;
- Recommandation
1862 (2009) sur les migrations et déplacements induits
par des facteurs environnementaux: l’Assemblée invite le Comité
des Ministres à donner la priorité aux actions de la CEB qui contribuent
à protéger et à améliorer l’environnement, en particulier les projets
répondant à des besoins urgents et à une action préventive durable
sur la détérioration écologique dans une perspective à long terme;
- Recommandation
1877 (2009) sur les peuples oubliés de l’Europe: protéger
les droits des personnes déplacées de longue date: l’Assemblée invite
la CEB à intensifier sa coopération avec les Etats membres concernés
en vue de financer davantage de projets concernant les réfugiés
de retour dans leur pays et les personnes déplacées.
Relations avec le Conseil de
l’Europe:
- Recommandation 1812 (2007) sur la
dimension politique du budget du Conseil de l’Europe: l’Assemblée invite
instamment le Comité des Ministres, dans sa composition restreinte
aux Etats membres de la CEB, à modifier le statut de la CEB pour
lui permettre d’apporter des contributions financières à des programmes
d’activités dans les domaines d’action de la banque correspondant
aux priorités définies lors du Sommet de Varsovie et à donner à
la CEB la possibilité d’accorder au Conseil de l’Europe des prêts
à des conditions avantageuses pour certaines dépenses d’investissement;
- réponse des Délégués des Ministres (Doc. 11689) qui ont renvoyé aux
commentaires du conseil de direction de la CEB dans lesquels la
banque expliquait ses travaux en soulignant les efforts déployés pour
financer «le développement de projets sociaux identifiés (…) par
le Conseil de l’Europe, sans que l’emprunteur soit le Conseil de
l’Europe lui-même». La banque attirait également l’attention sur
la création, en partenariat avec le Conseil de l’Europe, d’un fonds
fiduciaire pour les droits de l’homme parrainé par le Gouvernement
norvégien et la nature exceptionnelle de la mise à disposition d’un
agent au bureau du Commissaire aux droits de l’homme;
- réponse du Comité des Ministres à la Recommandation 1764 (2006) sur l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (Doc. 11230): les
Délégués des Ministres estiment que «l’idée d’utiliser la Banque
de développement du Conseil de l’Europe (CEB) en vue de faciliter,
à travers ses propres moyens d’action, l’exécution des arrêts de
la Cour révélant d’importants problèmes systémiques mérite également
d’être attentivement examinée».
Coopération économique et développement:
- Recommandation 1810 (2007) sur le
respect des obligations et engagements de la Moldova: l’Assemblée
a invité le Comité des Ministres, les Etats membres du Conseil de
l’Europe et la CEB à coopérer activement dans le cadre de la politique
européenne de voisinage de l’Union européenne et à soutenir la poursuite
des réformes économiques et sociales en Moldova;
- Doc. 11215 sur
la situation des droits de l’homme et de la démocratie en Europe
qui fait référence aux programmes de logements sociaux de la CEB
et Doc. 11432 sur
les principes d’égalité des sexes à l’Assemblée parlementaire qui
fait référence à l’équilibre entre les femmes et les hommes dans
diverses institutions, y compris la CEB.
- Résolution
1672 (2009) sur les activités de la Banque européenne
pour la reconstruction et le développement (BERD) en 2008: renforcer
la stabilité économique et démocratique; l’Assemblée invite instamment
la BERD et la CEB à améliorer leur coopération en étudiant la possibilité
de préparer et de mettre en œuvre des projets communs dans des pays
membres où les deux banques sont actives.
49. Le rapporteur note que des montants modestes du financement
de la banque au cours de ces dernières années ont été consacrés
directement à l’aide aux réfugiés, aux migrants et aux personnes
déplacées. Cela pourrait s’expliquer en partie par le fait que les
Etats membres de la banque ont concentré leurs demandes sur des
projets au bénéfice plus large des groupes vulnérables de la population,
en particulier ceux à faible revenu. Plus spécifiquement, dans le
cas de la Géorgie, la capacité d’absorption du pays pour un financement
du type de celui proposé par la CEB est faible et, à ce stade, il
n’est pas possible de garantir que les fonds de la CEB seront bien
utilisés – dans l’esprit des conditions strictes de contrôle en
place. D’autres pays de la région sont confrontés aux mêmes problèmes.
Malheureusement, en Moldova, ces dernières années, on a noté très
peu d’activités sur le front des projets.
50. Pour ce qui est des relations entre la CEB et le Conseil de
l’Europe, le rapporteur est d’avis que les membres du conseil de
direction de la CEB (qui siègent également au Comité des Ministres)
devraient davantage prendre en compte les propositions de l’Assemblée
contenues dans la
Recommandation
1812 (2007), en particulier à la lumière de la réforme
du Conseil de l’Europe et de la revue stratégique de la banque. Celle-ci
pourrait envisager de mettre à disposition du Conseil de l’Europe
une partie de son expertise en matière d’investissements, afin d’aider
l’Organisation à mieux faire fructifier les ressources cumulées
dans le fonds de réserve pour les pensions.
51. De plus, le rapporteur est persuadé que la banque pourrait
faire davantage pour aider les Etats membres de la CEB à exécuter
les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et à mieux
suivre les avis consultatifs du Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe. Pour cela, l’on pourrait augmenter le portefeuille
de la CEB pour «le renforcement de la démocratie, des droits de
l’homme et de l’Etat de droit par le biais de projets dans le domaine
des services et infrastructures de la justice et de l’administration publique».
6. La coopération
de la banque avec d’autres institutions
52. Avec la crise économique en toile de fond, l’importance
de la coopération internationale et le rôle des banques multilatérales
de développement passe au premier plan. La CEB a instauré depuis
longtemps des modalités de coopération avec d’autres institutions
financières et organisations internationales, telles que l’Union
européenne (notamment avec son bras financier la Banque européenne
d’investissement), la Banque européenne pour la reconstruction et
le développement (BERD), la Banque nordique d’investissement et
le Groupe Banque mondiale (notamment avec la Société financière
internationale – IFC).
53. Un accord tripartite spécial lie la CEB à la Commission européenne
et à la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) pour le cofinancement
de projets concernant le développement de petites et moyennes entreprises
et les communes dans les pays cibles de la CEB. Un autre accord
avec la Commission européenne et la BEI facilite la réalisation
de projets de développement urbain dans le cadre du programme JESSICA
(Joint European Support for Sustainable Investment in City Areas).
Le Plan de développement 2010-2014 de la CEB prévoit une interaction
plus étroite avec l’Union européenne et des pays donateurs pour
optimiser les conditions de mise en œuvre des projets. Après la
conclusion favorable de l’Evaluation de conformité des quatre piliers
pour la CEB menée par la Commission européenne, la CEB sera bientôt
en mesure de décaisser des fonds au nom de l’Union européenne. En
tout, fin 2009, l’Union européenne avait alloué 238 millions d’euros
de subventions à des projets financés par la CEB et ainsi facilité
des prêts à hauteur de 785 millions d’euros.
54. En 2007, la CEB a conclu un partenariat avec la Commission
européenne et plusieurs institutions financières internationales
pour une participation plus active en Europe de l’Est, dans le Caucase
du Sud, en Russie et en Asie centrale. De plus, en octobre 2009,
la CEB, la Commission européenne, plusieurs institutions financières
internationales (comme la BEI et la BERD) et des Etats membres de
l’Union européenne se sont entendus pour créer un Cadre d’investissement
en faveur des Balkans de l’Ouest qui fonctionnera sous la forme
d’une facilité conjuguant dons et prêts pour la préparation et la
mise en œuvre de projets prioritaires en Albanie, en Bosnie-Herzégovine,
en Croatie, dans «L’ex-République yougoslave de Macédoine», au Monténégro
et en Serbie. Le Kosovo est également couvert par cette initiative,
dans le respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des
Nations Unies. Il est prévu que cette facilité serve de guichet
unique pour la présentation de projets par les pays concernés autant
que pour la sélection de projets par les bailleurs de fonds. La
Commission européenne a déjà réservé environ 110 millions d’euros
pour cette facilité, tandis que la BEI et la BERD mettront à disposition
environ 1 milliard d’euros pour les prêts relatifs aux projets et,
avec la CEB, elles se sont chacune à engagées à apporter 10 millions
d’euros sous forme d’assistance technique et/ou de soutien aux dons
dans leurs domaines de compétence respectifs. Le Cadre d’investissement
en faveur des Balkans de l’Ouest a été officiellement lancé en décembre
2009. De plus, la CEB est partie à l’Accord de l’Union européenne
pour une facilité d’investissement dans le voisinage, pour une action
coordonnée de la Commission européenne, de la BEI, de la BERD et
de la CEB en faveur de pays éligibles.
55. Officiellement pour des raisons statutaires, au printemps
2009, la CEB n’a pas été en mesure de s’associer à l’action des
institutions financières internationales (BEI, BERD, FMI et IFC)
et groupes bancaires d’Europe de l’Ouest dans le cadre de l’Initiative
de Vienne (pour la coordination des banques européennes) visant
à soutenir la stabilité financière du secteur bancaire de certains
pays d’Europe centrale et orientale (Hongrie, Lettonie, Roumanie,
Bosnie-Herzégovine et Serbie) qui avaient d’urgence besoin de mesures
de stabilisation macroéconomiques et d’assistance financière. En
outre, la banque ne souhaitait pas mobiliser ses ressources relativement
limitées pour le sauvetage du secteur bancaire, mais privilégiait
plutôt l’investissement, par le biais de ce secteur, dans des projets
sociaux. A cet égard, la CEB joue un rôle différent de celui d’autres
institutions financières internationales (IFI).
56. La CEB a également établi des contacts étroits de travail
avec plusieurs agences des Nations Unies, à savoir le HCR (Bureau
du haut-commissaire aux réfugiés des Nations Unies), le PNUD (Programme
de développement des Nations Unies) et l’UNICEF (Fonds pour l’enfance
des Nations Unies). En 2007 et 2008, la banque a signé des mémorandums
d’entente avec le PNUD et le HCR
en vue d’une
coopération. Ces partenariats se sont révélés particulièrement utiles
pour gérer les dons de la CEB, de 1,73 million d’euros au total
en 2008, qui ont été utilisés pour des projets en Bosnie-Herzégovine,
en Géorgie, en Moldova et en Serbie.
7. Les défis pour
les futures activités
57. La banque, malgré ses 40 Etats membres, n’en reste
pas moins un établissement de taille réduite, même si elle est un
opérateur de grande importance sur la scène européenne. Les principaux
partenaires de la CEB parmi les grandes banques multilatérales de
développement basées en Europe (la BERD et la BEI) ont tous un capital
souscrit
bien plus
important que celui de la CEB, ainsi qu’un volume plus grand d’activités
de prêt. En fait, en mai 2010, la BERD a approuvé une augmentation
tout à fait conséquente de son capital (de 10 milliards d’euros,
soit 50 % de plus) pour mieux répondre aux besoins accrus de ses
pays clients.
58. La CEB a un potentiel considérable, mais elle suit une approche
bancaire conservatrice, ce qui ralentit ses progrès en vue de s’impliquer
davantage dans les pays cibles non membres de l’Union européenne,
où la valeur ajoutée de sa contribution au développement serait
la plus grande
. Alors que l’orientation
de la banque est actuellement à l’étude, l’on pourrait saisir l’occasion
pour rendre le programme d’action de la CEB et son plan de développement
plus ambitieux. Il est crucial d’augmenter le capital de la CEB
pour renforcer son action en faveur de ses pays cibles qui en ont
le plus besoin sans mettre en danger la stabilité financière de
la banque
.
59. En s’appuyant sur les accords de coopération existants, la
CEB pourrait renforcer ses capacités de cofinancement de projets
et de prise de risque en partageant les coûts, les pratiques, les
compétences, l’expérience et les risques avec d’autres IFI et les
banques multilatérales de développement actives dans les pays qui
forment les clients prioritaires de la CEB. Les Etats membres de
la banque devraient veiller à ce que la structure capitalistique
de la banque soit conforme au niveau et volume projeté de futures
activités en lançant une nouvelle augmentation de capital en 2010.
Cette augmentation est particulièrement importante pour pouvoir
conjuguer l’objectif de disposer de volumes de financement de projets
plus étoffés et celui d’une gestion adéquate des risques, dans un
contexte d’austérité budgétaire et de dégradation de la notation
des clients de la banque les plus démunis, notamment dans le groupe
de pays cibles.
60. En inscrivant son action dans la continuité grâce à sa participation
dans une série de projets, la banque pourrait maximiser la valeur
ajoutée de sa contribution. Ainsi, dans le cadre de l’accompagnement
à la réalisation de projets et des suites qui pourraient leur être
données, la CEB pourrait s’ouvrir les portes pour de nouveaux projets
dans la continuité de ceux déjà réalisés. Par exemple, après avoir
participé à la construction ou à la rénovation d’un hôpital, la
banque pourrait envisager de poursuivre en investissant dans l’acquisition de
matériel médical et dans la formation du personnel pour l’utiliser.
61. La CEB est la plus ancienne, mais aussi la moins connue, des
banques de développement multilatérales en Europe. Elle a encore
beaucoup de possibilités pour accroître sa visibilité. La CEB pourrait
tirer avantage des activités centrales du Conseil de l’Europe et
des bureaux extérieurs pour générer plus de projets dans les Etats
membres les plus défavorisés.
62. La revue stratégique à laquelle se soumet actuellement la
CEB est à la fois un défi et une opportunité pour les Etats membres
de rationaliser le fonctionnement de la banque. A la date du présent
rapport, les représentants financiers et politiques des Etats membres
de la banque sont dans l’impasse en ce qui concerne les principales
propositions de réforme. Il est donc particulièrement nécessaire
que l’Assemblée joue son rôle de gardien démocratique et incite
les Etats membres de la banque à réaffirmer leur engagement en faveur
de la CEB, banque sans équivalent de par sa vocation – et son ambition
– sociales pour davantage de solidarité dans la Grande Europe.