1. Introduction
1.1. Origine du rapport
1. En marge du Forum pour l’avenir de la démocratie,
tenu à Kiev en octobre 2009, sur les systèmes électoraux, j’ai échangé,
sur une base informelle, avec plusieurs collègues, des opinions
sur l’influence grandissante dans la politique contemporaine de
différents acteurs qui n’appartiennent pas aux institutions politiques
traditionnelles.
2. Certes, ce phénomène n’est pas nouveau, mais il semble qu’il
se soit largement répandu et que sa visibilité se soit considérablement
accrue ces dernières années, en particulier avec le développement
des technologies de l’information et de la communication. C’est
pourquoi nous estimons que son impact sur les institutions et les
procédures démocratiques gagnerait à être mieux compris; nous devrions
aussi le garder à l’esprit dans nos réflexions communes sur les
moyens de renforcer et d’améliorer la démocratie.
3. J’ai ainsi écrit au président de la commission des questions
politiques pour proposer qu’un rapport soit élaboré sur cette question
pour le prochain débat sur la situation de la démocratie en Europe,
qui aura lieu à l’Assemblée en juin 2010.
4. Depuis le début, j’ai souligné que le rapport ne visait ni
à fournir une analyse purement théorique sur les acteurs extra-institutionnels
ni à apporter des réponses standards. Mon objectif est plutôt de
provoquer un débat pour donner aux membres de l’Assemblée l’occasion
de partager leurs expériences, leurs préoccupations et leurs idées,
et d’identifier des sujets qui nécessiteraient d’être examinés et,
si possible, réglementés du point de vue institutionnel.
5. Je souhaite également faire référence à la
Recommandation 1908 (2010) sur le lobbying dans une société démocratique (code
européen de bonne conduite en matière de lobbying), adoptée par
notre Assemblée en avril 2010 sur la base du rapport élaboré par
notre collègue, José Mendes Bota, pour la commission des questions
économiques et du développement. La recommandation et le rapport
offrent tous deux une analyse intéressante du lobbying européen
et international.
1.2. Définition du sujet, limitation
de la portée
6. Par acteurs extra-institutionnels du pouvoir, j’entends
les acteurs qui n’émanent pas des trois branches du pouvoir institutionnel
(législatif, exécutif, judiciaire), mais qui exercent une influence
sur le processus de formation de ces institutions et/ou sur le processus
de décision en leur sein. A mon sens, ces acteurs sont essentiellement
les médias, les lobbys et les groupes d’intérêts, les opérateurs
économiques et les réseaux informels d’influence mais aussi, malheureusement,
certains cercles de moins bonne réputation, voire de nature illicite
(criminalité organisée…).
7. Par souci de clarté, je n’insisterai pas sur les acteurs plus
ou moins institutionnels qui exercent ouvertement leur influence
politique et dans un cadre établi (par exemple les syndicats, les
organes consultatifs formels, etc.). J’ai choisi également de ne
pas traiter spécifiquement des organisations non gouvernementales
(ONG).
8. Enfin, s’il est vrai que les partis politiques n’appartiennent
pas aux institutions étatiques «classiques», leur rôle premier est
précisément d’intervenir dans la politique; ils sont l’épine dorsale
de la démocratie moderne. Par conséquent, je ne les compte pas parmi
les acteurs extra-institutionnels.
1.3. Le phénomène de l’intérêt général
opposé à l’intérêt d’un groupe
9. Dans un régime démocratique, où le pouvoir émane
du peuple, les décisions politiques doivent être prises et les politiques
publiques conduites dans l’intérêt «général» ou «public», c’est-à-dire
pour le bien de l’ensemble de la population et de la société en
général.
10. Toutefois, si l’intérêt commun «à l’état pur» est sans doute
une notion abstraite, dans la pratique, c’est le résultat d’une
interaction complexe entre une variété d’intérêts particuliers:
ceux d’individus, de groupes sociaux, d’acteurs économiques et d’autres
éléments constitutifs du tissu social. Certains de ces intérêts peuvent
être en évidente contradiction entre eux et avec ce qui est perçu
comme les intérêts de la majorité.
11. Un des défis majeurs pour un régime politique démocratique
est de trouver le juste équilibre entre les intérêts de différents
individus et groupes, d’une part, et l’intérêt général de l’ensemble
de la société, d’autre part. Ce juste équilibre est également un
facteur essentiel à prendre en considération pour évaluer l’appui
du public à la démocratie (ou pour essayer de comprendre les raisons
du manque de soutien à celle-ci); c’est aussi une condition fondamentale
pour la pérennisation et la stabilité de la démocratie.
2. Classification des
acteurs dans le processus de décision politique
2.1. Acteurs principaux dans le
processus de décision politique
12. La prise de décision est l’essence de l’exercice
du pouvoir. La manière dont les décisions sont prises est l’un des
indicateurs clés de la nature d’un régime politique donné.
13. Les sociétés modernes sont organisées en Etats; les décisions
concernant l’ensemble ou la majeure partie de la société sont prises
au niveau de l’Etat, qui est censé garantir la sauvegarde des intérêts
communs.
14. Dans les démocraties représentatives, le pouvoir politique
est investi dans le peuple et exercé par le biais de l’élection
populaire de représentants du peuple qui ont autorité pour prendre
des décisions au nom et dans le meilleur intérêt de leurs électeurs.
15. Conformément au principe de la séparation des pouvoirs, les
institutions centrales d’un Etat forment une trias
politica (gouvernement, parlement et système judiciaire)
dans laquelle chacun est doté de pouvoirs distincts et indépendants
avec ses domaines de responsabilité respectifs. Il s’agit là des
principales instances de prise de décision. Bien que leurs structures,
modalités d’élection/de désignation et prérogatives diffèrent d’un
régime politique à l’autre, ces institutions sont généralement composées
de décideurs proprement dits (Président, ministres, membres du parlement
et juges) qui portent la responsabilité des décisions, et de personnels
administratifs (fonctionnaires non élus et sans obédience politique)
qui participent à l’élaboration des décisions.
16. En plus de ces trois institutions traditionnelles qui correspondent
aux trois branches du pouvoir, des institutions étatiques ou quasi
étatiques d’un autre type peuvent exister dans les démocraties modernes,
à savoir des organes d’audit indépendants, des instances chargées
des élections, différentes institutions de supervision et organes
de régulation, etc. Même si leurs compétences sont parfois limitées,
le statut dont elles jouissent est fixé par la loi et elles exercent
des pouvoirs et prennent des décisions (ou interviennent dans la prise
de décision) pour le compte et dans l’intérêt du peuple dans son
ensemble.
17. En outre, dans les démocraties modernes, beaucoup d’institutions
agissent pour le compte de l’ensemble du peuple, mais en mettant
un accent particulier sur les intérêts spécifiques de certaines
catégories de la population (personnes handicapées, femmes, enfants,
minorités, etc.), étant entendu que le fait de s’occuper des besoins
particuliers de ces groupes sociaux équivaut à rechercher le meilleur
intérêt de la société dans son ensemble.
18. Bien que les partis politiques n’appartiennent pas aux institutions
étatiques et qu’ils n’agissent pas pour le compte de toute la population,
il est incontestable qu’ils comptent parmi les acteurs les plus
influents du système politique. L’objectif fondamental d’un parti
politique est d’acquérir le pouvoir politique et permettre à ses
représentants désignés d’exercer des fonctions officielles. Dans
une démocratie, les partis politiques interviennent dans la désignation
de candidats appropriés pour conduire des fonctions électives, mènent
des campagnes électorales et désignent des candidats devant être
nommés à des postes politiques, une fois les élections remportées;
et une fois au pouvoir, ils coordonnent les décisions politiques
des personnes qui détiennent les fonctions officielles. Par toutes
ces activités, les partis sont très impliqués dans le processus
de prise de décision politique.
19. La dernière catégorie, mais non la moindre, qu’il me faut
mentionner est le groupe le plus nombreux des décideurs majeurs
dans une démocratie, à savoir les citoyens qui, en votant pour les
candidats qu’ils estiment les meilleurs, définissent la composition
des institutions politiques et l’orientation des décisions politiques.
20. Dans le même temps, la participation dans la formation des
institutions démocratiques par le processus électoral n’est pas
la seule – et sans doute pas la principale – manière pour les citoyens
d’exprimer et de défendre leurs intérêts. Les sociétés démocratiques
modernes offrent une variété de formes qui permettent aux citoyens
de se faire entendre et d’être, d’une manière ou d’une autre, écoutés.
2.2. Acteurs institutionnels
21. Dans cette catégorie, j’inscris, d’une part, les
grandes organisations autonomes (telles que les syndicats) et, d’autre
part, les organes consultatifs officiellement établis.
22. Les syndicats sont des organisations socioprofessionnelles
de travailleurs et d’employés créées par eux-mêmes pour atteindre
des objectifs communs tels que de meilleures conditions de travail.
Même si leurs objectifs principaux ne sont pas de nature politique,
les syndicats sont généralement impliqués dans l’activité politique
et défendent souvent les lois favorables aux intérêts de leurs membres
ou de l’ensemble des travailleurs. Pour ce faire, ils peuvent mener
des campagnes, entreprendre du lobbying ou soutenir des candidats
ou des partis pour leur permettre d’occuper des fonctions officielles.
23. Bien que les syndicats ne soient pas représentatifs de l’ensemble
de la population, la légitimité de leur action politique n’est généralement
pas remise en question, même si leurs actions, notamment certaines formes
particulières d’activités, sont diversement accueillies par le public.
24. Les conseils d’Etat et autres organes consultatifs constitués
ne sont pas directement impliqués dans la politique publique, mais
ils contribuent à la prise de décision en formulant des opinions
sur différentes questions politiques, permettant ainsi aux groupes
sociaux représentés d’exprimer légalement leurs préférences politiques
et d’influencer les choix politiques.
2.3. Acteurs moins officiels ou
informels
2.3.1. Acteurs économiques
25. Pour leur part, les milieux d’affaires tentent d’influer
sur les politiques publiques en leur faveur, à la fois collectivement
(sous la forme d’associations ou de fédérations d’employeurs, de
groupes commerciaux et industriels ou d’associations commerciales)
et individuellement. Ces actions prennent parfois la forme de contributions
aux campagnes de candidats et de partis politiques, de contribution
à des campagnes «thématiques», non liées à un candidat ou à un parti;
les milieux d’affaires agissent aussi en faisant pression sur les
législateurs pour soutenir une loi particulière ou s’y opposer.
26. Les entreprises financent souvent également les activités
de différents groupes de réflexion et de sensibilisation, et utilisent
les services des agences de relations publiques des entreprises
et des organismes gouvernementaux.
2.3.2. Groupe d’intérêts
27. Un groupe d’intérêts est un groupe de personnes qui
partagent les mêmes attitudes et/ou objectifs et qui créent une
organisation formelle pour servir des intérêts communs particuliers.
Ces groupes d’intérêts s’engagent parfois dans certaines formes
de lobbying ou autres activités politiques pour défendre des questions
d’intérêt direct pour leurs membres.
28. Les groupes d’intérêts qui sont créés essentiellement pour
exercer une pression politique en vue d’influencer les politiques
et la législation publiques sont souvent appelés groupes de pression.
29. Contrairement aux partis politiques, les groupes d’intérêts
ou de pression ne présentent généralement pas des candidats à des
fonctions officielles en leur propre nom (en revanche, il leur arrive
de soutenir des candidats particuliers), mais leur but est d’influencer
ceux qui sont déjà au pouvoir.
2.3.3. Médias
30. Même si les médias ne font pas partie des institutions
étatiques, ils sont souvent désignés comme le «quatrième pouvoir»
du fait de leur influence sur l’opinion publique et, donc, sur le
processus politique. Les médias pluralistes libres sont la clé de
voûte d’une société démocratique dans la mesure où ils permettent
la communication d’informations précises, nécessaires pour la prise
des décisions.
31. Dans le même temps, les médias en tant qu’instrument d’influence
politique peuvent être exploités de manière impropre et abusive
pour faire circuler des informations sélectives ou partiales et
erronées dans le but de manipuler l’opinion publique ou de poursuivre
les intérêts de conglomérats. Pour une réflexion plus approfondie
sur les risques pour la démocratie d’une concentration excessive
des médias, je renvoie les collègues au rapport sur la démocratie
en Europe: crises et perspectives, préparé par M. Andreas Gross (
Doc. 12279, paragraphe 34 de l’exposé des motifs).
2.3.4. Activités de sensibilisation,
lobbys et réseaux d’influence
32. La sensibilisation est un terme général désignant
toute activité qu’une personne ou une organisation entreprend pour
influer sur les politiques. Ces activités peuvent être motivées
par des principes moraux, éthiques ou par des convictions, ou encore
cibler la protection d’intérêts; elles comprennent, entre autres,
les campagnes des médias, les conférences publiques, l’initiation
et la publication de recherches, les consultations ou la diffusion
de bulletins d’information.
33. Le lobbying est une forme de sensibilisation qui permet d’approcher
directement les législateurs ou les responsables publics pour une
question particulière dans le but de favoriser (ou de prévenir)
des modifications particulières de la législation dans l’intérêt
d’une entité donnée. En ce qui concerne le lobbying, je renvoie
mes collègues au rapport de M. Mendes Bota sur le lobbying dans
une société démocratique (code européen de bonne conduite en matière
de lobbying), élaboré au sein de la commission des questions économiques
et du développement, et à la
Recommandation
1908 (2010), de même titre, adoptée par l’Assemblée au cours de sa
partie de session d’avril 2010.
34. Tandis que les groupes de sensibilisation agissent au grand
jour et qu’ils sont organisés, les réseaux d’influence sont pour
la plupart invisibles du grand public. Ils sont perçus comme des
groupes informels d’individus plus ou moins influents qui communiquent
entre eux en leur propre nom et établissent des relations personnelles
qui peuvent se révéler utiles pour influencer des décisions.
2.3.5. Acteurs douteux et/ou inacceptables
35. J’inclurai dans cette dernière catégorie les acteurs
qui servent les intérêts de groupes impliqués dans des activités
illicites (criminalité organisée, trafics de toutes sortes…) ou
qui sont liés à de tels groupes. Etant donné que la réelle nature
de ces activités ne peut pas être ouvertement exposée, ces groupes
peuvent influer sur le processus de décision par procuration en
se servant d’entités (fondations, par exemple), de consultants ou
d’avocats. Cependant, ils sont la source principale de la corruption
en politique.
3. Canaux d’influence politique
3.1. Canaux institutionnels
36. Les canaux institutionnels d’influence politique
sont les canaux par lesquels des individus, des groupes et autres
acteurs peuvent exercer leur influence sur la formation des institutions
politiques, et participer à leur fonctionnement conformément aux
procédures propres à ces institutions, telles que prévues par les dispositions
de la loi.
37. Le cadre légal diffère considérablement selon les pays; ces
canaux institutionnels peuvent inclure:
- la participation au processus électoral (par exemple,
en présentant des candidats indépendants, en menant des campagnes,
en finançant les campagnes électorales de candidats particuliers,
en observant les élections, en introduisant des recours auprès des
tribunaux, etc.);
- la participation au processus législatif (par exemple
en initiant des lois, en prenant part aux auditions publiques au
parlement, en donnant des opinions à la demande ou de leurs propres
initiatives, etc.);
- les pétitions et requêtes collectives.
3.2. Canaux informels
38. Il s’agit là d’une grande variété de canaux qui exercent
une influence sur les décisions institutionnelles par des moyens
qui ne sont pas prévus par les procédures et réglementations régissant
ces institutions.
39. Dans un pays donné, ces canaux peuvent aller des canaux non
«institutionnalisés» (y compris certains des précités) à ceux qui
ne sont pas expressément interdits par la loi (et parfois même au-delà):
campagnes des médias, établissement de programmes politiques par
le biais de rapports politiques, manifestations publiques, grèves,
lobbying direct, etc.
4. Conséquences sur le fonctionnement
du régime politique
40. Les activités de certaines catégories d’acteurs extra-institutionnels
peuvent être bénéfiques pour le fonctionnement d’un régime politique
démocratique:
- elles peuvent
fournir un cadre permettant aux individus de se rassembler et d’exprimer
leurs opinions;
- elles peuvent favoriser une plus large participation à
la vie publique et offrir des opportunités de s’engager dans le
processus politique;
- elles peuvent créer un lien plus étroit entre le peuple
et les institutions politiques;
- elles peuvent permettre une meilleure représentation des
intérêts particuliers;
- elles peuvent mieux défendre les minorités et mieux faire
connaître leurs besoins particuliers, mieux les faire entendre par
la société et prendre en considération au niveau de la prise de
décision dans les institutions;
- elles peuvent être une source d’informations spécialisées
pour les institutions politiques sur la base de leurs connaissances
spécifiques dans leur domaine d’activité;
- elles peuvent offrir des canaux supplémentaires pour le
contrôle du public sur les décisions politiques et servir «d’équilibre
des pouvoirs» extra-institutionnel.
41. Cependant, les activités des acteurs et des groupes extra-institutionnels
peuvent soulever un certain nombre de questions en relation avec
les principes fondamentaux de la démocratie.
42. Légitimité et représentativité.
Les acteurs institutionnels sont censés être des représentants de
la société dans son ensemble (grâce aux élections générales) et
leur légitimité découle de leur acceptation en tant qu’entités qui
exercent le pouvoir dans l’intérêt général. A l’inverse, outre le
fait qu’ils ne sont pas issus d’élections générales, les acteurs
extra-institutionnels représentent, par définition, une partie de
la société et, par conséquent, ne jouissent pas d’une pleine légitimité.
Dans le même temps, les acteurs extra-institutionnels se positionnent
souvent comme des représentants et des défenseurs autoproclamés
de l’intérêt général. De plus, les opinions que les dirigeants d’un
groupe d’intérêts présentent aux décideurs politiques et au grand public
peuvent ne pas être représentatives de ce groupe, auquel cas la
légitimité de ces dirigeants et de ces groupes serait contestable,
même au niveau interne. A l’opposé, les groupes qui jouissent d’un
soutien considérable de la part du public et d’une couverture médiatique
positive, et disposent de la capacité à mobiliser leurs partisans,
sont souvent considérés comme des partenaires par les institutions
étatiques, bénéficiant ainsi d’une légitimité et d’une autorité
supplémentaires susceptibles même de dépasser le cadre de leur représentativité
effective.
43. Transparence et obligation de rendre
compte. L’on observe diverses situations dans ce domaine
mais, en règle générale, les acteurs extra-institutionnels sont
moins transparents que les acteurs institutionnels (connaissance
par le grand public du fonctionnement interne de ces acteurs et
des méthodes qu’ils utilisent pour atteindre leurs objectifs); il
en est de même pour l’obligation de rendre compte au niveau à la
fois externe et interne. De plus, le manque de transparence peut
être source de suspicion de corruption politique.
44. Interférence dans la prise de décision
et distorsion de l’équilibre du pouvoir. Par définition,
les acteurs extra-institutionnels, en intervenant dans le processus
politique, tentent d’influer sur les décisions politiques des institutions
en fonction de leurs intérêts sectoriels. Ce faisant, ils cherchent
à modifier la répartition des pouvoirs, à changer l’ordre des priorités
politiques et à altérer l’équilibre des intérêts exprimés par le
biais des élections générales, au profit des intérêts particuliers
qu’ils représentent. En conséquence, le principe de l’égalité politique
du peuple est mis en danger dans la mesure où ces groupes d’intérêts
– qui sont mieux organisés au plan structurel et qui bénéficient
d’un soutien financier considérable et d’une couverture médiatique
positive – ont plus de chances que d’autres de voir leurs préférences
politiques prises en considération.
5. Conclusions
45. La démocratie est un système de gouvernement par
le peuple et dans l’intérêt du peuple. La sensibilisation des individus
à leur responsabilité dans la maîtrise de leur destin et leur implication
dans la gestion des affaires publiques renforcent la démocratie.
Il est donc pleinement légitime et bienvenu pour les citoyens d’une
société démocratique de chercher à influencer, conformément à leurs
intérêts et/ou convictions, les décisions qui sont prises au niveau
des institutions étatiques.
46. Cependant, une telle influence doit être exercée conformément
à la loi, en totale transparence et dans le respect plein et entier
des intérêts des autres personnes et des intérêts communs de la
société.
47. Les institutions politiques et étatiques devraient impliquer
plus activement divers acteurs extra-institutionnels et les citoyens
dans le processus de prise de décision. En même temps, afin d’améliorer
la confiance du public dans les institutions publiques gouvernementales,
et ainsi renforcer la démocratie et l’Etat de droit, le processus
de prise de décision doit être plus transparent.
48. Le peuple dispose du droit démocratique de connaître les acteurs
qui ont accès au processus décisionnel du gouvernement dans le but
de l’influencer. Toutes les formes d’influence qui ne sont pas exercées
en pleine transparence devraient être considérées comme suspectes
et nuisibles pour la démocratie.
49. C’est pourquoi les institutions démocratiques devraient rejeter
toute tentative d’influence sur les décisions politiques menée de
manière non transparente.
50. L’influence des acteurs extra-institutionnels sur les décisions
politiques doit faire l’objet d’un examen plus approfondi, en portant
une attention particulière:
- à
l’ampleur de l’implication des acteurs extra-institutionnels dans
le processus politique dans les Etats membres du Conseil de l’Europe,
ainsi qu’au plan international;
- à l’impact de ces acteurs sur le fonctionnement des institutions
démocratiques et sur la légitimité du processus politique démocratique;
- au cadre juridique en place pour ces activités dans les
Etats membres du Conseil de l’Europe et à l’opportunité d’éventuelles
mesures normatives complémentaires aux plans national et européen.
51. L’Assemblée doit examiner à nouveau cette question, d’une
façon plus détaillée, sur la base d’une telle étude, qui pourrait
être confiée à la Commission de Venise.