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Rapport | Doc. 12096 | 21 décembre 2009

La lutte contre la traite des êtres humains : promouvoir la convention du Conseil de l’Europe

(Ancienne) Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteure : Mme Gisela WURM, Autriche, SOC

Résumé

Fermement engagée dans la lutte contre la traite, la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes entend maintenir la pression sur les Etats membres du Conseil de l’Europe et au-delà pour faire de la lutte contre la traite une priorité politique assortie d’une mise en œuvre efficace sur le terrain.

La commission relève la primauté et la plus-value de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), instrument efficace en matière de prévention de la traite, de poursuites des trafiquants et de protection des victimes. Elle appelle en conséquence les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à signer et/ou ratifier cette convention, et encourage l’Union européenne à y adhérer.

Soulignant l’efficacité du mécanisme de suivi de cette convention, le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), l’Assemblée parlementaire devrait appeler les Etats membres du Conseil de l’Europe à donner au GRETA les ressources financières et humaines nécessaires à son activité, tant en vue de garantir son indépendance que d’assurer un travail de suivi efficace. Elle devrait demander aux parlements nationaux de budgétiser ces ressources.

L’Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres de renforcer sa coopération avec l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et les Nations Unies, en veillant à sauvegarder dans ce domaine la primauté de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

A. Projet de résolution

(open)
1. La traite des êtres humains constitue un véritable fléau de nos sociétés. Forme moderne d’esclavage, la traite est une des pires formes de violation des droits de l’être humain, de sa dignité et de son intégrité.
2. Fermement engagée dans la lutte contre la traite, l’Assemblée parlementaire entend maintenir la pression sur les Etats membres du Conseil de l’Europe et au-delà pour faire de la lutte contre la traite une priorité politique assortie d’une mise en œuvre efficace sur le terrain.
3. L’Assemblée relève la primauté et la pertinence de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), instrument efficace en matière de prévention de la traite, de poursuite des trafiquants et de protection des victimes. Elle entend promouvoir cette convention ainsi que son mécanisme de suivi assuré par le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA).
4. Elle se félicite de ce que la lutte contre la traite soit au cœur des priorités d’autres organisations internationales, telles que l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou les Nations Unies. Elle plaide en faveur d’une coopération entre les différentes organisations, dans le but d’une lutte efficace et coordonnée contre la traite et centrée sur une approche «droits de l’homme» de la lutte contre ce fléau.
5. En conséquence, l’Assemblée invite instamment:
5.1. l’Azerbaïdjan, l’Estonie, le Liechtenstein, Monaco, la République tchèque et la Russie à signer et à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains;
5.2. l’Allemagne, Andorre, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, la Lituanie, les Pays-Bas, Saint-Marin, la Suède, la Suisse, la Turquie et l’Ukraine à ratifier la convention;
5.3. les Etats observateurs auprès du Conseil de l’Europe à signer et à ratifier la convention.
6. L’Assemblée demande aux parlementaires nationaux des Etats membres qui n’ont pas encore signé et/ou ratifié la convention d’inviter le ministre compétent et le parlement à accélérer le processus de signature et/ou de ratification de la convention.
7. Elle demande aux parlementaires nationaux des Etats membres qui ont ratifié la convention d’assurer un suivi de la mise en œuvre de la convention dans leur droit interne.
8. Elle encourage vivement l’Union européenne à adhérer dès que possible à la convention.
9. Elle demande aux Etats membres du Conseil de l’Europe de donner au GRETA les ressources financières et humaines nécessaires à son activité, tant en vue de garantir son indépendance que d’assurer un travail de suivi efficace et elle demande aux parlements nationaux de budgétiser ces ressources.
10. L’Assemblée se propose d’organiser en 2010 une conférence sur la lutte contre la traite des êtres humains avec l’ensemble des partenaires impliqués dans cette lutte, en vue notamment de renforcer la coopération entre eux, y compris afin d’examiner les modalités d’interaction avec le GRETA, sous réserve de disponibilité de fonds.
11. Rappelant sa Résolution 1494 (2006) «Halte à la traite des femmes à la veille de la Coupe du monde de la FIFA», l’Assemblée demande aux Etats membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore signé et/ou ratifié la convention, et dans l’attente de la signature et/ou de la ratification de celle-ci:
11.1. d’appliquer sans délai les dispositions les plus importantes de la convention, telles que le processus d’identification des victimes, et le délai de rétablissement et de réflexion de trente jours au profit des victimes, en faisant particulièrement attention aux victimes présumées dont l’identification est en cours;
11.2. d’assister les victimes, en créant par exemple des cellules multilingues d’information, d’accueil et d’assistance des victimes et en s’assurant que la police accueille les femmes victimes de la traite des êtres humains comme des victimes et non pas comme des immigrantes en situation illégale.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2010) sur la lutte contre la traite des êtres humains: promouvoir la Convention du Conseil de l’Europe et relève la primauté et la pertinence de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), instrument efficace en matière de prévention de la traite, de poursuites des trafiquants et de protection des victimes. Elle souligne l’efficacité des mécanismes de suivi prévus par cette convention, en particulier le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA).
2. L’Assemblée demande au Comité des Ministres:
2.1. de renforcer sa coopération avec l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et les Nations Unies, en veillant à sauvegarder la primauté de la convention du Conseil de l’Europe dans ce domaine;
2.2. de veiller à ce que les standards du Conseil de l’Europe en matière de lutte contre la traite des êtres humains s’appliquent uniformément sur le continent européen et à ce qu’ils servent de référence à tous les instruments internationaux en cours d’élaboration en matière de lutte contre la traite des êtres humains;
2.3. de veiller à assurer une coopération efficace entre ces organisations en matière de lutte contre la traite:
2.3.1. en renforçant le dialogue entre elles;
2.3.2. en veillant à éviter tout risque de duplication entre les différents mécanismes de suivi, en tenant compte de la primauté et de l’efficacité du GRETA;
2.3.3. en coopérant efficacement avec le GRETA.
3. Elle invite le Comité des Ministres:
3.1. à promouvoir la signature et la ratification la plus large possible de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, y compris auprès de l’Union européenne, et à demander expressément aux Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait de la signer et/ou de la ratifier;
3.2. à tenir des échanges de vue réguliers avec le Comité des Parties à la convention et le GRETA;
3.3. à donner les moyens nécessaires au GRETA pour assurer son fonctionnement;
3.4. à encourager les Etats membres à signer et à ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, s’ils ne l’ont pas encore fait.

C. Exposé des motifs, par Mme Wurm, rapporteuse

(open)

1. Introduction

1. La traite des êtres humains, forme moderne d’esclavage, constitue une violation des droits humains et une atteinte à la dignité et à l’intégrité de l’être humain.
2. Les actions de différentes organisations nationales et internationales et ONG commencent à produire leurs effets, dans la mesure où ce phénomène est moins méconnu qu’auparavant. Pourtant, peut-on affirmer que chaque citoyen est suffisamment sensibilisé au point de le dénoncer de par le monde? Nous n’en sommes certes pas encore là. C’est là que l’action doit se faire. La lutte contre ce fléau doit continuer à tous les niveaux, au moyen de campagnes de sensibilisation et d’une coopération renforcée sur le plan national et international et de législations efficaces. De la même façon, se demande-t-on aujourd’hui quel est le sort réservé aux victimes de ce crime? Voit-on, par exemple, dans les victimes qui sont forcées de se prostituer, des prostituées ou des victimes de la traite? La réponse est souvent ponctuée de malentendus ou de méconnaissance du phénomène. De fait, aujourd’hui encore, il est rare que les autorités voient dans ces êtres humains des victimes de la traite, alors que c’est bien souvent le cas. La traite à des fins d’esclavage sexuel ne semble pas sur le déclin. Au contraire, les criminels, qu’ils agissent à titre individuel ou dans des réseaux, sont de plus en plus informés des obstacles qui pourraient entraver leur commerce – ô combien lucratif – d’êtres humains, et les femmes sont rendues encore plus vulnérables du fait de la crise économique et financière actuelle.
3. La traite des êtres humains est un des phénomènes criminels qui s’est le plus développé au cours de ces dernières décennies, en raison essentiellement de son caractère très lucratif. Selon le Gouvernement américain, 800 000 personnes seraient victimes de la traite chaque année en dehors des frontières nationales 
			(1) 
			USA, Department of
State, Trafficking in Persons Report 2007, <a href='http://www.stage.gov:g/tip:rls/tiprpt:2007/'>http://www.stage.gov:g/tip:rls/tiprpt:2007/</a>. (ce qui exclut la traite au niveau national).
4. Rien ne peut justifier la traite des êtres humains. L’action des parlementaires est nécessaire, voire vitale dans nos sociétés démocratiques pour dénoncer et prévenir toute forme de crime. La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains est à leur disposition pour faire avancer cette cause. La rapporteuse est convaincue que sa mise en œuvre permettra de renforcer la prévention et d’endiguer la demande.

2. La plus-value de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains

5. La rapporteuse rappelle que la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) a été adoptée par le Comité des Ministres le 3 mai 2005 et ouverte à la signature à Varsovie le 16 mai 2005, à l’occasion du 3e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe. Elle est entrée en vigueur le 1er février 2008. A ce jour, elle a été ratifiée par 26 Etats membres, et signée par 15 autres.

2.1. Présentation générale de la convention

6. La convention contre la traite est un traité global, axé essentiellement sur la protection des victimes de la traite et la sauvegarde de leurs droits. Elle vise également la prévention, ainsi que la poursuite des trafiquants.
7. Elle s’applique à toutes les formes de traite: qu’elle soit nationale ou transnationale, liée ou non au crime organisé. Elle s’applique quelles que soient les victimes – femmes, hommes ou enfants – et quelles que soient les formes d’exploitation – sexuelle, travail ou services forcés.
8. Elle prévoit la mise en place d’un mécanisme de suivi indépendant garantissant le respect de ses dispositions par les Parties.

2.2. La plus-value de la convention

9. Parmi les instruments internationaux, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains semble la plus avancée. Notamment, elle va plus loin que le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 15 novembre 2000, principal instrument international pertinent en matière de lutte contre la traite. La convention du Conseil de l’Europe prévoit des dispositions plus contraignantes en matière de protection des victimes et des témoins, ainsi qu’un mécanisme de surveillance indépendant garantissant sa mise en œuvre.
10. Afin d’éclairer au mieux ses collègues, la rapporteuse souhaite détailler les principales différences entre le protocole des Nations Unies et la convention du Conseil de l’Europe.
a. Ainsi que l’Assemblée l’avait souhaité, la convention a une approche fondée sur les droits de l’homme qui fait peser une obligation positive sur les Etats de prévenir la traite et de protéger les victimes, ce qui va au-delà de la responsabilité criminelle individuelle prévue dans le protocole des Nations Unies.
b. La convention a un champ d’application plus large, s’appliquant à la traite tant au niveau national qu’au niveau international, liée ou non au crime organisé.
c. La convention contient une définition de la victime de la traite, ce qui permet à terme une harmonisation des mesures de protection et d’assistance sur tout le territoire européen.
d. Les mesures de protection des droits de la victime sont obligatoires dans la convention. Les victimes doivent être identifiées de façon qu’elles ne soient pas confondues avec des migrants irréguliers ou des criminels. Une assistance physique et psychologique et des mesures de réinsertion dans la société leur sont apportées. D’autres mesures telles que suivi médical, conseil et logement sont prévues. Les victimes peuvent aussi demander un dédommagement.
e. La convention prévoit la possibilité de ne pas sanctionner les victimes qui sont obligées de commettre des infractions en raison de leur situation.
f. La convention contient des dispositions propres aux enfants pour leur identification, les mesures d’assistance et l’octroi d’un permis de séjour.
g. Grâce notamment aux demandes de l’Assemblée 
			(2) 
			Recommandation 1695 (2005) sur le
projet de convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre
la traite des êtres humains., la convention accorde un délai minimal de trente jours pour permettre aux victimes de se rétablir, de réfléchir et de prendre une décision quant à leur volonté de coopérer ou non avec les autorités judiciaires.
h. La convention prévoit de pénaliser les clients qui utilisent les services de victimes de la traite. L’objectif est d’agir sur la demande pour endiguer la traite.
i. Enfin, comme nous le verrons ci-après (voir III.ii), la convention prévoit la mise en place d’un mécanisme de surveillance – le GRETA –, qui est certainement l’une des plus-values les plus notables par rapport au protocole des Nations Unies.
11. Ces exemples amènent la rapporteuse à plaider pour la signature et la ratification sans délai de la convention du Conseil de l’Europe, afin d’éradiquer ce phénomène tout en prenant en considération la situation de détresse des victimes et en les aidant à se réinsérer. Afin d’assurer un impact maximal, cette convention doit s’appliquer géographiquement à toute l’Europe, mais aussi de la façon la plus large possible 
			(3) 
			La
Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains est ouverte aux Etats membres du Conseil de l’Europe,
aux Etats non membres et à l’Union européenne (articles 42 et 43
de la convention)..

3. Le rôle des parlementaires

12. Les parlementaires doivent agir, rapidement. La lutte contre la traite des êtres humains doit devenir une priorité politique des démocraties européennes.

3.1. Le rôle des parlementaires dans la promotion de l’acceptation de la convention dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et au-delà

13. Depuis de nombreuses années, l’Assemblée lutte sans relâche contre la traite des êtres humains. Elle dénonce ce crime depuis longtemps et a appelé de nombreuses fois les Etats à le combattre. En particulier, depuis 1997 
			(4) 
			Recommandation 1325 (1997) relative
à la traite des femmes et à la prostitution forcée dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe., mais aussi en 2002 
			(5) 
			Recommandation 1545 (2002) sur
la campagne contre la traite des femmes., elle a demandé l’élaboration d’une convention du Conseil de l’Europe et s’est battue pour que cette convention retienne les plus hauts standards de protection des victimes. Elle s’est engagée dans la Campagne du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, qui s’est achevée avec l’entrée en vigueur de la convention le 1er février 2008 à la suite de la dixième ratification de la convention. L’efficacité de la convention dépend de son application la plus large possible sur tout le territoire européen, dans les pays d’origine, de transit et de destination des victimes de la traite. La promotion de la ratification la plus large possible de la convention est dès lors plus nécessaire que jamais.
14. Les parlementaires nationaux devront tout mettre en œuvre pour que leurs gouvernements et parlements nationaux signent et ratifient la convention.
15. La rapporteuse estime en outre, tout comme pour le protocole des Nations Unies, que la communauté internationale devrait dans la plus large mesure possible s’intéresser à la convention. Elle envisage d’abord de demander aux Etats observateurs auprès de l’Assemblée de s’engager dans cette voie, mais aussi à tous les Etats tiers. En effet, l’Assemblée, qui entretient de bonnes relations avec l’OSCE mais aussi avec l’ONU 
			(6) 
			Par
exemple, des membres de l’Assemblée ont participé activement à de
nombreuses conférences organisées par la représentante spéciale
et coordinatrice pour la lutte contre la traite de l’OSCE, et cette
dernière a été invitée à participer à des activités de la sous-commission
sur la traite de l’Assemblée et à des séminaires organisés par le
Conseil de l’Europe. La commission a apporté son soutien à l’élaboration
du guide Combattre la traite des personnes,
qui vient d’être publié par l’UNODC et l’UIP (Guide
à l’usage des parlementaires n° 16, 2009). La sous-commission
sur la traite a organisé une réunion jointe avec la commission des
droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen., plaide pour la ratification du protocole des Nations Unies et celle de la convention, instruments complémentaires au niveau international.
16. Par ailleurs, la rapporteuse entend souligner que, malheureusement aujourd’hui encore, les victimes ne sont parfois pas traitées comme telles par les autorités 
			(7) 
			Cet
aspect est mentionné comme étant un problème majeur par la rapporteuse
spéciale des Nations Unies sur la traite des personnes, en particulier
des femmes et des enfants, dans les conclusions de son rapport couvrant
la période du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009, paragraphes
91 à 95., ce qui constitue une violation supplémentaire de leurs droits fondamentaux. A tout le moins, en attendant la ratification, les parlementaires devront s’assurer que les dispositions les plus importantes de la convention soient mises en œuvre au niveau national, afin de garantir aux victimes de la traite un traitement respectueux de leurs droits fondamentaux.

3.2. Le rôle des parlementaires dans la mise en œuvre par le GRETA

17. La rapporteuse entend miser sur l’importance que revêtira le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) dans la mise en œuvre de la convention. Un mécanisme de suivi efficace et indépendant sera la garantie concrète de la mise en œuvre de la convention tant au niveau national qu’au niveau international. Le système de suivi est indubitablement un point fort de la convention.

3.2.1. Le mécanisme de suivi mis en place par la convention

18. Il repose sur deux piliers: le GRETA et le Comité des Parties.
19. D’une part, le GRETA, qui est une instance technique composée d’experts indépendants et hautement qualifiés dans les domaines des droits de la personne humaine, de l’assistance et de la protection des victimes ainsi que de la lutte contre la traite des êtres humains. Il est chargé d’adopter un rapport et des conclusions portant sur la mise en œuvre de la convention par chaque partie. Treize experts indépendants ont été élus par le Comité des Parties lors de sa réunion les 5 et 8 décembre 2008, pour la première composition du GRETA. Les membres ont été élus pour un mandat de quatre ans, prenant effet au 1er janvier 2009.

Présidente: Hanne Sophie Greve (nationalité norvégienne)

  • 1er vice-président: Nicolas Le Coz (française)
  • 2e vice-présidente: Gulnara Shahinian (arménienne)

Les autres membres:

  • Vessela Banova (nationalité bulgare)
  • Louise Calleja (maltaise)
  • Josie Christodoulou (chypriote)
  • Davor Derencinovic (croate)
  • Vladimir Gilca (moldove)
  • Alexandra Malangone (slovaque)
  • Nell Rasmussen (danoise)
  • Leonor Maria Da Conceição Cruz Rodrigues (portugaise)
  • Robert Stratoberdha (albanaise)
  • Diana-Florentina Tudorache (roumaine) 
			(8) 
			Pour plus d’informations,
voir le site suivant du Conseil de l’Europe: 
			(8) 
			<a href='www.coe.int/t/dghl/monitoring/trafficking/Docs/Monitoring/GRETA_en.asp'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/trafficking/Docs/Monitoring/GRETA_en.asp</a>

20. Le GRETA s’est réuni à quatre reprises en 2009. Une fois ses structures établies, il a lancé l’élaboration d’un questionnaire en vue d’une première évaluation. Les évaluations sont censées se dérouler sur des cycles de quatre ans. Le questionnaire doit être adopté avant fin 2009 et le GRETA espère obtenir les premières réponses dès janvier 2010. Il se rendrait ensuite dans les pays ayant répondu afin de vérifier les informations, cinq visites étant prévues pour 2010.
21. D’autre part, le Comité des Parties est une instance plus politique composée des représentants au Comité des Ministres des Parties à la convention et des représentants des parties qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe. Il peut adresser à une partie des recommandations sur la base du rapport et des conclusions du GRETA. Il s’est également réuni trois fois à ce jour. Lors de ses prochaines réunions, le Comité des Parties prévoit d’organiser des débats sur des thèmes spécifiques avec les ONG pertinentes, en commençant par la question de la prévention.
22. La commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes a eu un échange de vues le 22 juin 2009 sur les mécanismes de la convention avec le président sortant du Comité des Parties, l’ambassadeur Pēteris Kārlis Elferts, et la présidente du GRETA, Mme Hanne Sophie Greve, ainsi que sur les développements récents, avec la Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe, Mme Maud de Boer-BuquicchioVoir AS/Ega (2009) PV 5.. La sous-commission sur la traite des êtres humains a eu un échange de vues à huis clos le 28 septembre 2009 avec Mme Greve et M. Zurab Tchiaberashvili, le nouveau président du Comité des Parties, sur la proposition de décision-cadre du Conseil de l’Union européenne concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, ainsi que la protection des victimes. A l’occasion de ces échanges de vues, les intervenants ont fait part de leur crainte quant à un éventuel double emploi de différents instruments avec le GRETA. Ils espèrent que la situation va permettre à chacun d’exercer ses responsabilités dans un cadre harmonieux et coopératif, afin d’éviter tout double emploi. Très constructifs, ces échanges de vues devraient se répéter à intervalles réguliers jusqu’à ce que les mécanismes soient solidement établis.

3.2.2. Le rôle des parlementaires pour un GRETA indépendant et efficace

23. Pour que le système de suivi soit fort et efficace, le GRETA devra en particulier être indépendant et insoupçonnable quant à son expertise, étant l’organe chargé en premier lieu de veiller à la mise en œuvre de la convention par les parties. La convention souligne la nécessité d’assurer un équilibre entre les femmes et les hommes, une répartition géographiquement équilibrée ainsi qu’une expertise multidisciplinaire lors de la désignation des membres du GRETA. Le GRETA est composé de 10 membres au minimum et de 15 membres au maximum (il en compte actuellement 13).
24. Les parlementaires pourront soulever la question du financement du GRETA auprès de leur parlement afin d’en assurer un fonctionnement efficace. A cette fin, ils s’assureront de ce que le GRETA dispose de ressources humaines et financières suffisantes, stables et prévisibles.

3.3. Le rôle des parlementaires en vue de garantir une coopération fructueuse avec d’autres organisations internationales

25. Le Conseil de l’Europe exerce une responsabilité spéciale en raison de son rôle pionnier dans la mise au point d’un instrument juridique européen contraignant, doté d’un mécanisme de contrôle puissant et indépendant. C’est pourquoi la rapporteuse est quelque peu préoccupée par deux nouvelles propositions de l’Union européenne susceptibles de remettre en question les acquis du Conseil de l’Europe dans ce domaine: le Conseil de l’Union européenne a en effet décidé, lors de sa réunion à Luxembourg tenue le 4 juin 2009, d’établir un réseau Union européenne informel de «rapporteurs nationaux ou de mécanismes équivalents» sur la traite des êtres humains. En marge de cela, la Commission européenne a, en mars 2009, soumis au Parlement européen une proposition de décision-cadre du Conseil relative à la prévention et à la lutte contre la traite des êtres humains ainsi qu’à la protection des victimes, proposition sur laquelle le Parlement n’a pas encore exprimé son avis. Cette proposition a été examinée et révisée le 23 octobre 2009. L’article 15 de cette proposition prévoit que chaque Etat membre devra établir un rapporteur national ou un mécanisme équivalent. Ce dernier devra notamment avoir pour tâche de mesurer les effets des actions antitraite et de faire un rapport 
			(10) 
			L’article 15 est ainsi
libellé: «Member States shall take the necessary measures to establish
National rapporteurs or equivalent mechanisms. The task of such
mechanisms shall include the carrying out of assessments on trafficking
in human beings trends, the measuring of results of anti-trafficking»
(anglais seulement)..
26. Ce réseau Union européenne informel de rapporteurs nationaux ou de mécanismes équivalents pourrait se révéler une initiative intéressante, à condition qu’il ne gêne pas (ni lui ni ses mécanismes) les travaux du GRETA, mais au contraire coopère avec lui et lui fournisse des informations telles que données et statistiques 
			(11) 
			Cependant, il n’est
pas exclu qu’à terme le réseau travaille de manière indépendante
et que certaines de ses activités recoupent celles du GRETA ou du
Comité des Parties.. Malheureusement, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne n’appliquent pas encore les mêmes normes en matière de lutte contre la traite des êtres humains, le Conseil de l’Europe et sa convention ayant adopté une approche beaucoup plus centrée sur les victimes et sur les droits de l’homme 
			(12) 
			Le fait que l’Union
européenne n’a même pas porté le Conseil de l’Europe et le GRETA
sur la liste de ses partenaires de coopération avec le réseau et
a omis de mentionner la convention du Conseil de l’Europe dans les
conclusions de la réunion du Conseil du 4 juin 2009 augure mal de
l’avenir du projet..
27. De même, certaines dispositions de la proposition de décision-cadre du Conseil sur la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes semblent instituer des mécanismes de contrôle redondants avec ceux de la convention. En particulier, la rapporteuse n’exclut pas la possibilité que l’article 15 de la proposition de décision-cadre engendre in fine une duplication du mécanisme du Conseil de l’Europe déjà en place. Le libellé de cette disposition est suffisamment flou pour ne pas exclure cette possibilité: il n’est pas indiqué auprès de qui le rapporteur national ou le mécanisme équivalent devra faire le rapport. Il importe de faire en sorte que l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, tous deux engagés dans la lutte contre la traite des êtres humains, trouvent le moyen d’harmoniser leur action pour lutter efficacement contre ce fléau et en protéger les victimes.
28. La solution idéale serait que l’Union européenne adhère sans délai à la convention du Conseil de l’Europe (selon des modalités juridiques à définir en fonction de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne) et se soumette à ses mécanismes de contrôle dans la mesure autorisée par la clause de déconnexion de la convention.
29. A cet égard, les parlementaires tant nationaux qu’européens peuvent jouer un rôle décisif. Ils pourront par exemple interpeller aussi bien leur gouvernement que leur parlement national ainsi que les institutions européennes sur les risques éventuels de duplication des instruments de suivi en matière de traite. En conséquence, je suggère que les commissions compétentes de l’Assemblée parlementaire et du Parlement européen entreprennent une action conjointe avant la fin de cette année.

4. Conclusions et recommandations

4.1. Un appel ferme à la signature et/ou la ratification de la convention

30. Vu l’importance de la couverture la plus large possible de la convention et pour en assurer l’efficacité optimale, la rapporteuse propose d’inviter nommément les Etats membres du Conseil de l’Europe qui n’ont ni signé ni ratifié la convention à le faire 
			(13) 
			Azerbaïdjan, Estonie,
Liechtenstein, Monaco, République tchèque, Russie.. Il en est de même s’agissant des pays qui l’ont signée mais pas encore ratifiée 
			(14) 
			Allemagne,
Andorre, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lituanie,
Pays-Bas, Saint-Marin, Suède, Suisse, Turquie, Ukraine..
31. La rapporteuse en appelle à la responsabilité individuelle des parlementaires dont les Etats membres n’ont pas encore signé et/ou ratifié la convention. Ces derniers pourront inscrire le sujet sur l’agenda politique national. Ils pourront poser des questions au gouvernement et mettre à l’ordre du jour des débats parlementaires la question de la ratification. Ils pourront créer des activités de sensibilisation de leurs collègues et aussi du public. A cet égard, la sous-commission sur la traite des êtres humains pourra faire part de son expertise afin de faire face aux éventuels obstacles, par exemple en organisant des séminaires permettant de partager les bonnes pratiques.
32. En outre, l’Assemblée devrait aussi inviter ses parlements observateurs à adhérer à la convention 
			(15) 
			Canada, Israël, Mexique..
33. Par ailleurs, la convention étant ouverte aux Etats non membres, il est clair qu’un appel plus large doit être lancé auprès de la communauté internationale à ratifier non seulement le protocole des Nations Unies mais aussi la convention du Conseil de l’Europe.
34. Enfin, l’Assemblée devrait réitérer son appel auprès de l’Union européenne à adhérer rapidement à la convention.

4.2. Garantir l’indépendance et l’efficacité du GRETA

35. L’Assemblée devrait s’assurer de l’indépendance des experts du GRETA, sur une base équilibrée entre les femmes et les hommes et avec une répartition géographiquement équilibrée. Elle devrait demander que les ressources financières et humaines nécessaires au bon fonctionnement du GRETA soient mises à sa disposition. Il semble y avoir urgence en la matière, Mme Greve ayant fait part lors de la réunion de la sous-commission sur la traite des êtres humains du 28 septembre 2009 du manque actuel de ressources du GRETA et de la nécessité de lui fournir des ressources en personnel et des moyens financiers adéquats.

4.3. Mise à jour du Manuel à l’usage des parlementaires sur la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains 
			(16) 
			Voir le site <a href='http://assembly.coe.int/trafficking'>http://assembly.coe.int/trafficking</a>.

36. Afin d’aider les parlementaires et toutes les personnes intéressées par la promotion de la convention, la commission avait élaboré un manuel, guide pratique de la convention, en décembre 2006. La rapporteuse se félicite de la mise à jour de ce manuel en décembre 2009 pour tenir compte des conséquences de l’entrée en vigueur de la convention le 1er février 2008 et des bonnes pratiques, qui ont permis aux parlementaires de promouvoir efficacement la convention auprès de leurs gouvernements et parlements.

4.4. Renforcer les relations avec les partenaires

37. La rapporteuse se réjouit des relations de la commission et de la sous-commission sur la traite des êtres humains avec ses partenaires de l’OSCE, du Parlement européen et de l’UNODC. Elle encourage vivement à poursuivre et renforcer ces relations, afin de coopérer efficacement en vue d’un but unique: l’éradication de la traite. Elle propose que l’Assemblée organise en 2010 une grande conférence sur la lutte contre la traite des êtres humains et la convention du Conseil de l’Europe et y invite tous les partenaires qui sont impliqués dans cette lutte, tout en soulignant que les commissions compétentes de l’Assemblée parlementaire et du Parlement européen devraient entreprendre une action conjointe avant la fin de cette année.
38. Enfin, l’Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres de s’associer pleinement à la promotion de la signature et de la ratification de la convention.
39. En conclusion, la rapporteuse soumet donc à l’adoption par l’Assemblée les projets de résolution et de recommandation ci-avant annexés. Elle propose qu’ils soient examinés pendant la première partie de session de 2010 de l’Assemblée (25-29 janvier).

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Commission chargée du rapport: commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Renvoi en commission:Doc. 11401, Renvoi 3401 du 21 janvier 2008

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 30 novembre 2009.

Membres de la commission: Mme Pernille Frahm (Vice-Présidente), M. José Mendes Bota (1er Vice-Président), Mme Ingrida Circene (2e Vice-Président), Mme Anna Čurdová (3e Vice-Président), Mme Sonja Ablinger, M. Francis Agius, M. Florin Serghei Anghel, Mme Magdalina Anikashvili, M. John Austin, M. Lokman Ayva, Mme Marieluise Beck, Mme Deborah Bergamini, Mme Oksana Bilozir (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), Mme Rosa Delia Blanco Terán (remplaçante: Mme Luz Elena Sanín Naranjo), Mme Olena Bondarenko, M. Han Ten Broeke, Mme Anna Maria Carloni, M. James Clappison, Mme Diana Çuli, M. Kirtcho Dimitrov, Mme Lydie Err, Mme Catherine Fautrier, Mme Mirjana Ferić-Vac, Mme Sónia Fertuzinhos, Mme Doris Frommelt, Mme Alena Gajdůšková, M. Giuseppe Galati, Mme Gisèle Gautier, M. Neven Gosović, Mme Claude Greff, M. Attila Gruber, Mme Arina Hägg, M. Håkon Haugli, Mme Francine John-Calame, Mme Nataša Jovanović, Mme Charoula Kefalidou, Mme Birgen Keleş, Mme Krista Kiuru, Mme Elvira Kovács, M. Terry Leyden, Mme Mirjana Malić, Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, Mme Dangutė Mikutienė, M. Burkhardt Müller-Sönksen, Mme Hermine Naghdalyan, Mme Yuliya Novikova (remplaçant: M. Ivan Popescu), M. Mark Oaten, M. Kent Olsson, Mme Steinunn Valdis Óskarsdóttir, Mme Antigoni Papadopoulos, Mme Mª del Carmen Quintanilla Barba, M. Stanislaw Rakoczy, M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Maria Pilar Riba Font, Mme Andreja Rihter, M. Nicolae Robu, Mme Marlene Rupprecht, Mme Klára Sándor, Mme Albertina Soliani, Mme Tineke Strik, M. Michał Stuligrosz, Mme Doris Stump, Mme Elke Tindemans, M. Mihai Tudose, M. Miltiadis Varvitsiotis, Mme Tatiana Volozhinskaya, M. Paul Wille, Mme Betty Williams, M. Gert Winkelmeier, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski, M. Vladimir Zhidkikh

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: Mme Kleinsorge, Mme Affholder, Mme Devaux