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Avis de commission | Doc. 12236 | 28 avril 2010

La situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l'Europe

(Ancienne) Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteure : Mme Elvira KOVÁCS, Serbie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau du 20 avril 2007. Commission saisie du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme. Voir le Doc. 12174. Avis approuvé par la commission le 27 avril 2010. 2010 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

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La commission félicite la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pour son rapport exhaustif et soutient le projet de résolution et le projet de recommandation présentés. Toutefois, elle souhaite proposer certains amendements pour mieux y intégrer la dimension de genre; en effet, les femmes et les jeunes filles roms risquent de subir une double, sinon une triple, discrimination: en tant que Roms par l’ensemble de la collectivité, et en tant que femmes et jeunes filles à la fois par l’ensemble de la collectivité et par leur propre communauté.

B. Exposé des motifs, par Mme Kovács, rapporteuse

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1. Introduction

1. Tout d’abord je souhaite féliciter mon collègue rapporteur, M. Berényi, pour l’excellence et l’exhaustivité de son rapport.
2. Dans mon avis, je souhaite me pencher sur la triple discrimination dont sont victimes les femmes et les jeunes filles roms: en tant que Roms par l’ensemble de la collectivité et en tant que femmes et jeunes filles à la fois par l’ensemble de la collectivité et par leur propre communauté.
3. Cette discrimination comporte non seulement les stérilisations forcées pratiquées dans certains pays et mentionnées par M. Berényi, mais aussi les mariages forcés et arrangés d’enfants, qui constituent une violation des droits de la personne humaine et entraînent un taux d’abandon scolaire très important au niveau du lycée, des grossesses précoces, ainsi que d’autres conséquences négatives. En outre, les jeunes filles et les jeunes femmes roms sont contraintes de jouer des rôles très sexués à la fois au sein et à l’extérieur de leur communauté, aux effets négatifs sur leur autonomie, leur santé, leurs possibilités de travail hors du foyer et leur bien-être général.
4. Les femmes roms ont besoin de soutien social et juridique pour améliorer leurs conditions socio-économiques et pour garantir leur accès à l’éducation et à la santé, condition préalable à l’emploi, ainsi que leur protection contre la triple discrimination précitée.

2. Violence à l’égard des femmes roms

5. La violence à l’égard des femmes roms est systématique et répandue à la fois au sein de leur communauté et en dehors. Au sein de leur communauté, cette violence prend souvent la forme de violence domestique. Un grand nombre de femmes roms signalent qu’elles ont été victimes de violences de la part de leur mari, parfois très longtemps dans de nombreux cas.
6. On relève différentes formes de violence domestique contre les femmes et les jeunes filles, notamment: les mariages précoces et forcés, le viol et le viol conjugal, les sévices physiques, l’exploitation économique et les violences verbales. Les raisons données pour rester dans une relation maltraitante sont les suivantes: crainte de la honte et de la stigmatisation par la famille et la communauté, dépendance économique, absence de biens ou d’autres lieux où aller et hésitation à «briser la famille». Dans de nombreux cas, les femmes roms n’ont pas de certificat de mariage et sont donc considérées uniquement comme des concubines.
7. Les traditions roms imposent que, lorsqu’une femme se marie, elle abandonne son foyer et qu’elle aille vivre chez son mari et dans sa belle-famille. En cas de séparation, la famille de la femme peut ne pas l’autoriser à revenir au foyer, et la forcer à rester dans cette relation maltraitante. Lorsque le couple s’installe dans son propre foyer, c’est le mari qui en est, dans presque tous les cas, propriétaire, ce qui force la femme à rester.

3. Education des jeunes filles roms

8. Les filles roms se heurtent à un certain nombre d’obstacles en matière d’accès à l’éducation, comme l’illustre le taux élevé d’analphabétisme des femmes roms par rapport aux hommes roms, beaucoup plus élevé que celui de femmes et des hommes non roms (moins de la moitié de toutes les jeunes filles roms en Europe ont dépassé l’école primaire). Les obstacles auxquels se heurtent généralement les femmes roms sont dus à une grande pauvreté et aux traditions patriarcales qui entraînent de moindres attentes en ce qui concerne l’éducation des filles roms, sur lesquelles pèsent, dès le plus jeune âge, les obligations familiales (comme les tâches ménagères ou la prise en charge de leurs jeunes frères et sœurs). De plus, la tradition de la virginité jusqu’au mariage (renforcée par la pratique de la vérification de la virginité) est encore très courante dans les familles roms et étroitement liée au taux très élevé d’abandon scolaire des jeunes filles roms à leur puberté. Les familles craignent le risque d’une défloration à l’école, qui amènerait la «honte» à la jeune fille et à sa famille.
9. Le conflit entre l’éducation et la tradition des mariages précoces est à considérer comme une question fondamentale. Le problème de la discrimination à l’égard des femmes roms doit être approfondi pour l’impact négatif qu’elle a sur les jeunes filles qui doivent négliger leur éducation personnelle pour assumer des responsabilités familiales du fait des mariages précoces et des grossesses d’adolescentes.

4. Santé des femmes et des jeunes filles roms

10. L’inégalité produite par des structures marquées par des rôles très sexués limite encore plus les possibilités des femmes roms de bénéficier de la meilleure qualité possible en matière de santé. Dans de nombreux cas, l’inégalité des chances dont souffrent les femmes roms en matière d’accès à la santé est aggravée par la place défavorisée qu’elles occupent par rapport aux hommes roms dans les secteurs sociaux comme l’éducation et l’emploi. A cause de leurs moindres possibilités d’accès au marché du travail et leur faible degré d’éducation, les femmes roms courent plus de risques d’être exclues de l’assurance santé. Cette exclusion du système de santé a un effet disproportionné sur la santé des femmes roms.
11. La discrimination à l’égard des femmes roms dans le domaine de la santé est particulièrement évidente en ce qui concerne la santé génésique et maternelle et les soins d’urgence qui sont les services de santé les plus souvent sollicités. On constate chez elles une réticence particulière à consulter un(e) gynécologue à cause de la honte engendrée par une éducation patriarcale.
12. Il convient d’accorder une attention toute particulière à l’éducation à la santé des adolescents, notamment l’information et le conseil sur toutes les méthodes de planification familiale; en effet, les femmes roms qui utilisent une contraception sont très peu nombreuses et le nombre d’avortements très élevé. La principale raison en est l’absence d’information sur les méthodes différentes de contraception et l’opposition des époux.
13. Des conseils de planification familiale doivent être inclus dans le processus éducatif et les codes familiaux doivent être conçus pour garantir les droits des femmes à décider librement et de manière responsable du nombre et de l’espacement des naissances. Ils doivent véhiculer une idée de la maternité comme fonction sociale et la reconnaissance de la responsabilité commune des femmes dans l’éducation et l’épanouissement de leurs enfants.
14. La stérilisation forcée est une pratique particulièrement contestable imposée aux femmes roms, surtout dans certains pays d’Europe centrale et orientale (bien qu’il y ait eu certains cas en Suède). Parfois décrites comme une survivance du communisme, des stérilisations ont été pratiquées sans le consentement préalable et éclairé des patientes encore en 2007 et 2008. Il est difficile de savoir exactement combien de femmes roms ont été victimes de cette grave violation de leurs droits fondamentaux, puisque les victimes éprouvent des difficultés, pour de nombreuses raisons, à signaler ces crimes: de nombreuses femmes découvrent tard, ou parfois jamais, qu’elles ont été stérilisées et les sentiments de honte et d’indignité qu’elles ressentent peuvent les amener à le taire même à leur famille, et encore davantage à leur communauté et/ou à leurs avocats. En outre, ces actes répréhensibles n’ont été souvent reconnus et des excuses présentées qu’après de longues procédures (tribunaux et médiateurs) sans grand espoir d’indemnisation. On peut espérer qu’à la suite des récentes observations émises au niveau international, par exemple par le Comité de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), cette situation changera et que les victimes commenceront à trouver le courage de se faire connaître et de réclamer – et de recevoir – une indemnisation, comme cela s’est produit en Hongrie, en Slovaquie et en République tchèque.

5. Mesures pour combattre la discrimination multiple qui touche les femmes roms

15. Les politiques de santé à l’intention des femmes roms doivent prendre en compte tout l’éventail des facteurs qui les exposent davantage aux facteurs de risque en matière de santé ainsi qu’à une exclusion disproportionnée de l’accès à la santé. Les gouvernements doivent prendre les mesures suivantes:
  • examiner comment l’appartenance ethnique et le statut socio-économique des femmes roms affectent leur santé;
  • veiller à ce que les lois et politiques en vigueur en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes comprennent des dispositions pour prévenir et combattre les obstacles multiples auxquels se heurtent les femmes des groupes minoritaires dans l’exercice de leurs droits fondamentaux;
  • proposer régulièrement des services accessibles aux femmes et aux jeunes filles roms qui n’ont autrement guère accès aux services médicaux;
  • mettre en œuvre des programmes éducatifs de santé orientés vers le patient à l’intention des femmes roms;
  • assurer une éducation médicale permanente prenant en compte les facteurs sociaux et culturels en ce qui concerne la santé des femmes roms;
  • concevoir, soutenir et évaluer les interventions de prévention contre la violence, y compris la violence domestique. Les gouvernements doivent accorder une protection aux victimes de la violence domestique en termes d’intervention, d’enquête et d’assistance, et prenant en compte les problèmes et la situation spécifique des femmes roms.
16. S’agissant de la stérilisation forcée, les femmes roms sont particulièrement vulnérables aux pratiques abusives des médecins praticiens pendant leur grossesse et lors de leur accouchement. Parmi ces actes extrêmes, citons le décès après l’accouchement, les graves atteintes à la santé de la femme, ainsi que l’arrêt forcé de la capacité génésique de la femme par la stérilisation forcée. Les femmes roms risquent d’être soumises à la stérilisation sans leur consentement éclairé et entier, et sans recevoir d’explication sur l’intervention, sa nature, les risques possibles ou les conséquences de la stérilisation. Des cas de stérilisation forcée de femmes roms se sont produits dans un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe.
17. Les gouvernements doivent veiller à ce que les femmes bénéficient de services appropriés lors de leur grossesse, de leur accouchement et dans la période postnatale. Des services de santé convenables doivent être fournis de manière à garantir le consentement éclairé et entier des femmes, le respect de leur dignité et la prise en compte de leurs besoins et de leurs perspectives. Afin de réparer les torts faits aux victimes de la stérilisation forcée et de prévenir la répétition de semblables et très graves violations des droits des patients, les gouvernements concernés doivent prendre les mesures suivantes:
  • mettre en place une commission indépendante pour enquêter sur les allégations et les plaintes de stérilisation forcée; procéder à des enquêtes approfondies sur les cas signalés et permettre aux femmes d’avoir accès à des procédures lorsqu’elles estiment avoir été stérilisées de manière abusive. Ces procédures doivent garantir le respect des droits à la vie privée. Il est nécessaire de rendre justice à toutes les victimes des stérilisations forcées;
  • réviser le système juridique interne pour le rendre conforme aux normes internationales dans le domaine des droits génésiques;
  • promouvoir l’habitude de demander le consentement éclairé et entier des patientes pour toutes les procédures médicales concernées.
18. Il ne doit plus y avoir de mariages forcés ni de mariages d’enfants dans nos sociétés qui défendent les droits de l’homme et les droits de l’enfant. Nous devons savoir que dans de nombreux pays européens, les femmes et les jeunes filles des communautés roms sont victimes des mariages d’enfants. Les gouvernements ont le devoir de protéger et de préserver les cultures minoritaires comme celles des Roms, mais ils ont aussi encore plus le devoir d’empêcher les traditions qui nuisent aux personnes, en l’occurrence les jeunes filles roms.
19. Les droits fondamentaux de ces femmes et de ces jeunes filles sont violés lorsque, sous couvert du respect de la culture et des traditions de la communauté rom, les autorités tolèrent les mariages forcés et les mariages d’enfants alors que ceux-ci violent les droits fondamentaux de toutes les victimes. Il est nécessaire que les autorités nationales modifient leur législation (si elles ne l’ont pas encore fait) et appliquent rigoureusement la loi, mais il est aussi nécessaire de s’employer à un changement culturel permettant à toute la communauté rom d’évoluer et de lutter elle aussi contre cette violation des droits de la personne humaine qu’est un mariage précoce ou forcé.
20. Les femmes roms devraient se voir garantir l’exercice de leurs libertés et de leurs droits fondamentaux sur un pied d’égalité avec les hommes. Leur statut juridique ne doit pas être lié au mariage, qui les rend dépendantes de leur mari, du mariage et des relations familiales. Il est nécessaire d’affirmer l’égalité des droits et des obligations des femmes et des hommes roms en ce qui concerne le choix du conjoint, la maternité et la paternité, les droits personnels et la maîtrise des biens. Ils doivent pouvoir choisir un conjoint librement et ne se marier qu’en n’y consentant librement et pleinement. Ils doivent avoir les mêmes droits et responsabilités pendant le mariage et lors de sa dissolution; en tant que parents aussi, ils doivent avoir les mêmes droits concernant leurs enfants; et, en tant que mari et femme, ils doivent avoir les mêmes droits personnels, y compris celui de choisir un patronyme, une profession et un emploi.
21. Ainsi, les parlements nationaux des Etats membres du Conseil de l’Europe doivent adapter leur législation interne, s’ils ne l’ont pas encore fait, pour:
  • fixer ou élever à 18 ans l’âge statutaire minimal du mariage pour les hommes et pour les femmes;
  • faciliter la prévention, la détection et l’annulation des mariages forcés et des mariages d’enfants, et poursuivre en justice les auteurs de viols dans le cadre de ces mariages ainsi que ceux qui ont encouragé ces mariages et aidé à ce qu’ils soient contractés;
  • prendre plusieurs mesures concrètes telles que: rendre obligatoires la publication de chaque mariage et son inscription par l’autorité compétente dans un registre officiel; instituer un entretien entre l’officier de l’état civil et les fiancés avant la célébration du mariage et permettre à un officier de l’état civil qui a des doutes sur le consentement libre et entier de l’une ou de l’autre partie de les convoquer ensemble ou séparément à une autre réunion.

C. Propositions d’amendements

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Propositions d’amendements au projet de résolution

Amendement A (au projet de résolution):

Dans la deuxième phrase du paragraphe 7, remplacer les mots «et de santé» par les mots «de santé et de participation politique».

Amendement B (au projet de résolution):

Après l’alinéa 16.3, ajouter un nouvel alinéa formulé de la manière suivante:

«de veiller à ce que les jeunes filles roms bénéficient de l’égalité des chances dans l’éducation, notamment dans l’enseignement secondaire, que de trop nombreuses jeunes filles roms sont obligées d’abandonner à cause de la pression parentale et/ou communautaire liée aux mariages précoces, aux grossesses d’adolescentes et aux responsabilités ménagères et familiales;».

Amendement C (au projet de résolution):

Ajouter, à la fin de l’alinéa 16.5, les mots «, en particulier les jeunes filles roms;».

Amendement D (au projet de résolution):

Après l’alinéa 17.3, ajouter un nouvel alinéa formulé de la manière suivante:

«en priorité, de combattre le problème de la violence domestique au sein de la communauté rom, notamment la violence contre les femmes et les jeunes filles, ainsi que la violation des droits fondamentaux que constituent les mariages forcés et les mariages d’enfants conformément à la Résolution 1468 (2005) de l’Assemblée sur ce sujet;».

Amendement E (au projet de résolution):

Après l’alinéa 19.2, ajouter un nouvel alinéa formulé de la manière suivante:

«de proposer régulièrement des services aux femmes et aux jeunes filles roms qui n’auraient autrement guère d’accès aux services médicaux, accorder une attention particulière à la santé gynécologique et maternelle, et veiller à ce que soit dispensée une éducation permanente à la santé (en particulier une éducation à la santé sexuelle et génésique) prenant en compte les facteurs sociaux et culturels qui influencent la santé des femmes roms;».

Amendement F (au projet de résolution):

Après le paragraphe 23, ajouter un nouveau paragraphe formulé de la manière suivante:

«L’Assemblée appelle la communauté rom et ses représentants à lutter contre la discrimination et la violence à l’égard des femmes et les jeunes filles roms dans leur propre communauté. En particulier, les problèmes de la violence domestique, des mariages forcés et des mariages d’enfants, qui constituent une violation des droits de la personne humaine, doivent être réglés au sein même de la communauté rom. La coutume et la tradition ne sauraient servir de prétexte aux violations des droits de la personne humaine mais doivent au contraire évoluer.»

Propositions d’amendements au projet de recommandation

Amendement G (au projet de recommandation):

Après l’alinéa 3.1, ajouter un nouvel alinéa formulé de la manière suivante:

«s’agissant des questions roms, à accorder une attention toute particulière à la situation des femmes et des jeunes filles roms qui se heurtent à une double, sinon à une triple, discrimination: en tant que Roms par l’ensemble de la collectivité et en tant que femmes et jeunes filles par l’ensemble de la collectivité et par leur propre communauté».