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Avis | Doc. 12576 | 11 avril 2011

La dimension religieuse du dialogue interculturel

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Latchezar TOSHEV, Bulgarie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3720 du 8 octobre 2010. Commission chargée du rapport: commission de la culture, de la science et de l’éducation. Voir Doc. 12553. Avis approuvé par la commission le 11 avril 2011. 2011 - Deuxième partie de session

A. Conclusions de la commission

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La commission des questions politiques prend note du rapport de Mme Anne Brasseur intitulé «La dimension religieuse du dialogue interculturel», dans lequel la commission de la culture, de la science et de l’éducation aborde, à nouveau, une question sur laquelle l’Assemblée parlementaire a déjà pris position. La commission des questions politiques est globalement en accord avec les grandes lignes du projet de recommandation. Elle estime toutefois que le texte pourrait se rapprocher davantage des positions prises par l’Assemblée par le passé.

B. Amendements proposés au projet de recommandation

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Amendement A (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 8, remplacer les mots «se reconnaissent réciproquement» par les mots «se reconnaissent mutuellement le droit à la liberté de religion et de conviction».

Amendement B (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 8, supprimer le mot «nouvelle».

Amendement C (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 10, remplacer les mots «qui acceptent les valeurs fondamentales communes» par «qui respectent la loi».

Amendement D (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 10, remplacer les mots «des personnes ayant des convictions humanistes qui adhèrent à ces mêmes valeurs fondamentales» par les mots «des personnes sans croyances religieuses».

Amendement E (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 12, remplacer les mots «les associations humanistes» par les mots «les associations non religieuses pertinentes».

Amendement F (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 17.1, remplacer les mots «les religions et les principales organisations humanistes» par les mots «les institutions religieuses et les organisations non religieuses pertinentes».

C. Exposé des motifs, par M. Toshev, rapporteur pour avis

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1. Le dialogue ne peut qu’être bénéfique pour la société et devrait être encouragé, en particulier le dialogue entre différentes expériences culturelles. Comme le fait remarquer à juste titre Mme Brasseur, le Conseil de l’Europe traite de cette question dans son «Livre blanc sur le dialogue interculturel» de 2008.
2. Compte tenu du caractère multiculturel de l’Europe, le dialogue interculturel est essentiel à la cohésion sociale. Bien qu’ils n’aient pas le même héritage historique et culturel, les peuples d’Europe sont unis par des valeurs universelles communes: la démocratie, la primauté du droit et le respect des droits de l’homme, notamment le respect de la diversité culturelle.
3. La religion est une dimension de la culture à laquelle beaucoup accordent une grande importance, ce qui influence leur façon d’appréhender les réalités de ce monde. La religion a joué un rôle majeur dans l’histoire de l’Europe, notamment dans la création d’un système de valeurs communes. Le caractère laïc de l’Europe d’aujourd’hui ne va pas dans le sens de l’élimination du rôle public des religions en tant que vecteurs de valeurs.
4. Nous devons saluer les efforts déployés par plusieurs chefs religieux pour promouvoir la paix, la tolérance et la compréhension mutuelle, et pour éliminer la haine au sein des peuples de différentes religions et cultures. Citons l’exemple de l’initiative Vlatadon du Patriarcat œcuménique de l’Eglise orthodoxe, qui a rassemblé des hauts représentants de différentes religions de la région des Balkans en 2001 en vue de favoriser la tolérance entre les différentes religions; la Journée mondiale de la prière pour la paix à Assise (initiative de l’Eglise catholique sous le pontificat du pape Jean-Paul II) réunissant des représentants de différentes religions; la lettre ouverte aux chrétiens de 2007 signée par 138 dignitaires de l’islam; le Dialogue théologique entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique et l’adoption du document conjoint de Ravenne.
5. Dans sa Recommandation 1804 (2007) «Etat, religion, laïcité et droits de l’homme», l’Assemblée recommandait au Comité des Ministres de recenser et de diffuser des exemples de bonnes pratiques en matière de dialogue avec des responsables des communautés religieuses. Pour le rapporteur, un exemple en la matière est celui de la participation active de hauts représentants de l’Eglise orthodoxe bulgare au sauvetage de l’ensemble de la communauté juive de Bulgarie en 1943, durant l’Holocauste.
6. Dans cette même recommandation, l’Assemblée réaffirme «qu’une des valeurs communes en Europe, qui transcende les différences nationales, est la séparation de l’Eglise et de l’Etat». C’est un principe généralement admis qui domine la vie politique et institutionnelle dans les pays démocratiques. Ainsi, dans sa Recommandation 1720 (2005) sur l’éducation et la religion, l’Assemblée notait que «la religion de chacun, y inclus l’option de ne pas avoir de religion, relève du domaine strictement privé».
7. Il n’existe pas de disposition unique en Europe pour les relations entre les Etats et les communautés religieuses. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, on rencontre différents dispositifs: le modèle prévoyant une séparation claire entre l’Etat et les religions, celui de «l’Eglise d’Etat», celui du «concordat» entre l’Eglise et l’Etat et celui de «l’Eglise prédominante». Tous ces modèles sont compatibles avec l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans certains Etats membres, aucune disposition particulière ne s’applique à ces relations.
8. L’Assemblée reconnaît l’importance du dialogue interculturel et sa dimension religieuse, et se déclare «prête à participer à l’élaboration d’une stratégie globale du Conseil de l’Europe en la matière». Elle estime cependant que, «dans le respect du principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat, le dialogue interreligieux ou interconfessionnel n’est pas du ressort des Etats ou du Conseil de l’Europe».
9. Les religions, au même titre que les autres parties prenantes, sont en droit d’exprimer leurs points de vue sur la société. Des douzaines d’organisations religieuses et non religieuses sont déjà représentées au Conseil de l’Europe, en vertu du statut participatif des organisations non gouvernementales.
10. Comme l’a maintes fois affirmé l’Assemblée, la liberté d’expression est l’un des droits de l’homme les plus importants. Le projet de recommandation présenté par la commission de la culture, de la science et de l’éducation indique dans son paragraphe 4 que «la liberté de religion ainsi que la liberté d’avoir une vision philosophique ou laïque du monde sont indissociables de l’acceptation sans réserve, de la part de tous, des valeurs fondamentales inscrites dans la Convention». Au paragraphe 10, l’Assemblée rappelle «la nécessité de sauvegarder les droits des personnes ayant des convictions humanistes qui adhèrent à ces mêmes valeurs fondamentales». Dans la mesure où la protection des droits de chacun ne peut être subordonnée à l’acceptation ou à l’adhésion aux valeurs, je propose – dans un souci de clarté et pour éviter toute équivoque – une légère reformulation de certains passages.
11. Le même paragraphe 10 fait référence aux «personnes ayant des convictions humanistes». Cela pouvant paraître restrictif, je propose de remplacer cette expression par «personnes non croyantes». Pour la même raison, il serait judicieux de remplacer, à l’alinéa 17.1, «principales organisations humanistes» par «représentants des associations non religieuses pertinentes».
12. Toujours au paragraphe 10, il est fait référence à l’obligation qu’ont les Etats de «veiller à (…) éviter qu’un soutien privilégié accordé à certaines religions ne devienne, dans les faits, disproportionné et discriminatoire». Pour éviter toute équivoque et par souci de clarté, il serait préférable de supprimer le qualificatif «discriminatoire».