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Rapport | Doc. 12804 | 12 décembre 2011

Protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteur : M. Jordi XUCLÀ, Espagne, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12088, Renvoi 3631 du 25 janvier 2010. 2012 - Première partie de session

Résumé

On s’accorde à penser, sur la base de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la biomédecine, que tout patient majeur capable ne doit pas être manipulé et que, si sa volonté est clairement exprimée, elle doit prévaloir, même si cela signifie le refus d’un traitement: nul ne peut être contraint de subir un traitement médical contre sa volonté. Si, au moment de l’intervention, un patient n’est pas en état d’exprimer sa volonté, ses souhaits précédemment exprimés «seront pris en compte». Ces souhaits peuvent être formalisés par des directives anticipées, des testaments de vie ou des procurations permanentes.

Tous les Etats membres devraient mettre en place et en œuvre la législation dans ce domaine afin de garantir les droits humains et la dignité des personnes, sur la base de l’acquis du Conseil de l’Europe et des principes énoncés dans ce rapport. Il faudrait développer davantage les normes du Conseil de l’Europe dans ce domaine conformément à ces principes.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			.
Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 4
octobre 2011.

(open)
1. On s’accorde à penser, sur la base de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) concernant le droit au respect de la vie privée, qu’aucune intervention ne peut être pratiquée sur une personne sans qu’elle ait donné son consentement. De ce droit fondamental découlent les principes d’autonomie personnelle et de consentement en vertu desquels tout patient majeur capable ne doit pas être manipulé et, si sa volonté est clairement exprimée, elle doit prévaloir même si cela signifie le refus d’un traitement: nul ne peut être contraint de subir un traitement médical contre sa volonté.
2. Le Conseil de l’Europe a incorporé ce principe dans la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo, STE no 164), qui oblige juridiquement la majorité des Etats membres. La convention s’applique aussi à la situation où le patient ne peut plus exprimer sa volonté, car elle prévoit que les souhaits précédemment exprimés au sujet d’une intervention médicale par un patient qui, au moment de l’intervention, n’est pas en état d’exprimer sa volonté «seront pris en compte».
3. Ces souhaits peuvent être formalisés par les directives anticipées, les testaments de vie ou les procurations permanentes. Dans sa Recommandation CM/Rec(2009)11 sur les principes concernant les procurations permanentes et les directives anticipées ayant trait à l’incapacité, le Comité des Ministres a recommandé aux Etats membres d’encourager ces pratiques, et a défini un certain nombre de principes pour aider les Etats membres à les réglementer.
4. Cependant, la situation réelle varie beaucoup en Europe, depuis l’absence totale de législation sur les directives anticipées jusqu’à des textes de loi spécifiques qui donnent à celles-ci un caractère contraignant. Même quand il y a une législation spécifique, elle n’est pas toujours pleinement mise en œuvre. En conséquence, aujourd’hui, seule une très faible minorité des 800 millions de citoyens du Conseil de l’Europe ont effectivement recours à des directives anticipées, à des testaments de vie et/ou à des procurations permanentes, ce qui rend difficile, voire impossible, de prendre en compte leurs souhaits précédemment exprimés, et donc de protéger efficacement leurs droits humains et leur dignité.
5. L’Assemblée parlementaire juge essentiel que des progrès rapides soient faits dans ce domaine par les Etats membres, de manière à ce que les droits humains et la dignité des personnes soient garantis sur l’ensemble du continent. Elle recommande donc aux Etats membres:
5.1. de signer, de ratifier et de mettre pleinement en œuvre la Convention d’Oviedo, s’ils ne l’ont pas déjà fait;
5.2. d’appliquer la Recommandation CM/Rec(2009)11 du Comité des Ministres sur les principes concernant les procurations permanentes et les directives anticipées ayant trait à l’incapacité;
5.3. de revoir, si nécessaire, leur législation à ce sujet afin de l’améliorer s’il y a lieu:
5.3.1. pour les pays n’ayant pas de législation spécifique en la matière, en établissant une «feuille de route» pour se doter de dispositions législatives en faveur de directives anticipées, de testaments de vie et/ou de procurations permanentes, sur la base de la Convention d’Oviedo et de la Recommandation CM/Rec(2009)11, en consultant toutes les parties prenantes avant l’adoption de la législation au parlement et en prévoyant, après son adoption, une campagne d’information et de sensibilisation destinée au grand public, ainsi qu’aux professionnels de la santé et du droit;
5.3.2. pour les pays ayant une législation spécifique en la matière, en veillant à ce qu’elle respecte les normes pertinentes du Conseil de l’Europe et à ce que le grand public et les professionnels de la santé et du droit aient une connaissance suffisante de cette législation et l’utilisent en pratique.
6. L’Assemblée, rappelant sa Recommandation 1418 (1999) sur la protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants, recommande que les parlements nationaux, lorsqu’ils légifèrent dans ce domaine, respectent les principes suivants, en complément de ceux qui sont énoncés dans la Convention d’Oviedo et dans la Recommandation CM/Rec(2009)11 du Comité des Ministres:
6.1. l’autodétermination des majeurs capables en prévision d’une incapacité future, par des directives anticipées, des testaments de vie et/ou des procurations permanentes, devrait être encouragée et avoir priorité sur les autres mesures de protection;
6.2. les directives anticipées, les testaments de vie et/ou les procurations permanentes devraient, en principe, se présenter sous forme écrite et être pleinement pris en compte lorsqu’ils ont été correctement validés et enregistrés (idéalement dans des registres publics);
6.3. les instructions préalables contenues dans des directives anticipées et/ou des testaments de vie qui sont contraires à la loi ou aux bonnes pratiques ou bien celles qui ne correspondent plus à la situation de fait, telle que l’intéressé(e) l’avait prévue au moment de la signature du document, ne sont pas valables;
6.4. les directives anticipées, les testaments de vie et/ou les procurations permanentes devraient être accessibles à tous; il faudrait donc éviter les formulaires compliqués et les formalités onéreuses;
6.5. les majeurs capables devraient être encouragés à revoir leurs directives anticipées, testaments de vie et/ou procurations permanentes à intervalles réguliers (par exemple, une fois par an) et devraient pouvoir les révoquer et/ou les modifier à tout moment;
6.6. pour lutter contre les abus, il faudrait instaurer un système de contrôle par lequel une autorité compétente serait habilitée à enquêter et, si nécessaire, à intervenir, notamment dans les cas où le mandataire n’agit pas conformément à la procuration permanente ou dans l’intérêt du mandant.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 4 octobre
2011.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution … (2012) «Protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients», salue la capacité d’anticipation dont le Comité des Ministres a fait preuve en adoptant au moment opportun à la fois la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo, STE no 164) et la Recommandation CM/Rec(2009)11 sur les principes concernant les procurations permanentes et les directives anticipées ayant trait à l’incapacité.
2. L’Assemblée juge essentiel que des progrès rapides soient faits par les Etats membres en matière d’adhésion aux normes consacrées par ces textes et d’application de ces normes. Elle recommande donc au Comité des Ministres d’attirer l’attention des Etats membres sur la Résolution … (2012) de l’Assemblée et de leur demander de la mettre en œuvre.
3. L’Assemblée estime également qu’il faudrait développer davantage les normes du Conseil de l’Europe dans ce domaine. Elle recommande donc que le Comité des Ministres instruise ses comités directeurs pertinents (en particulier le Comité directeur pour la bioéthique) de continuer à développer de telles normes et de promouvoir et assurer le suivi de leur mise en œuvre sur la base des principes énoncés dans la Recommandation CM/Rec(2009)11 du Comité des Ministres et sur ceux qui figurent au paragraphe [6] de la Résolution … (2012) de l’Assemblée.

C. Exposé des motifs, par M. Xuclà i Costa, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. A la fin de l’année 2009, la présidente de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille d’alors, Mme Christine McCafferty, et 11 autres parlementaires ont déposé une proposition de résolution sur les testaments de vie et la protection de la santé et des droits de l’homme. Cette proposition s’efforce de préciser si une personne a le droit de décider de commencer, de poursuivre ou d’arrêter un traitement médical et quels peuvent être les usages, les avantages et les limites des «testaments de vie», dans la perspective de mieux protéger la santé et les droits humains à tous les stades de la vie.
2. J’ai été désigné comme rapporteur sur cette question à la suite de son renvoi à la commission des questions sociales, de la santé et de la famille pour rapport en 2010. J’ai présenté un schéma de rapport à la commission en janvier 2011 et une audition sur ce thème a eu lieu lors de la réunion de la commission en mai 2011, avec la participation de quatre experts 
			(3) 
			En ce qui concerne
le programme, voir le document AS/Soc (2011) 21; en ce qui concerne
le procès-verbal (qui a été déclassifié), voir le document AS/Soc
(2011) PV 04 add rev. Les experts participants étaient les suivants:
M. Roberto Andorno, Institut d’éthique biomédicale, université de
Zurich (Suisse); le professeur Andrii Butenko, chef du Bureau des relations
scientifiques internationales de l’Académie nationale des sciences
médicales, Kiev (Ukraine); Mme Isabelle Erny, chef de la Division
des droits, de l’éthique et de l’appui juridique du ministère du
Travail, de l’Emploi et de la Santé (France); ainsi que la représentante
du Comité directeur pour la bioéthique du Conseil de l’Europe (CDBI),
et le professeur Pablo Simón Lorda, maître de conférences en bioéthique,
Ecole de santé publique d’Andalousie, Grenade (Espagne).. Tenant compte de l’avis des experts lors de l’audition, la commission a accepté, le 16 septembre 2011, ma proposition de changer le titre afin d’utiliser l’expression générique «souhaits précédemment exprimés» 
			(4) 
			C’est en fait l’expression
employée dans la Convention pour la protection des droits de l’homme
et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de
la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l’homme
et la biomédecine (Convention d’Oviedo, STE no 164). par les patients, quelle que soit la forme qu’ils revêtent: «testaments de vie», directives anticipées, procurations permanentes, etc.
3. Le Conseil de l’Europe est très actif dans le domaine des traitements médicaux dans les situations de fin de vie. Plusieurs textes ont déjà été adoptés en la matière (par ordre chronologique):
  • Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo, STE no 164), 1997;
  • la Recommandation Rec(2003)24 du Comité des Ministres sur l’organisation des soins palliatifs;
  • la Recommandation CM/Rec(2009)11 du Comité des Ministres sur les principes concernant les procurations permanentes et les directives anticipées ayant trait à l’incapacité.
4. Les 30 novembre et 1er décembre 2010, la Division de la bioéthique du Conseil de l’Europe a organisé un symposium sur le processus décisionnel en matière de traitements médicaux dans les situations de fin de vie, auquel le vice-président de la commission, M. Bernard Marquet, a participé.
5. Au niveau de l’Assemblée parlementaire, il est apparu plus difficile de parvenir à un consensus sur ces questions. Bien qu’il y ait eu plusieurs débats au fil des ans (dont l’un sur l’euthanasie en 2003 et un autre sur l’assistance aux patients en fin de vie en 2005), l’Assemblée n’a adopté en la matière qu’une seule résolution et une seule recommandation ces quinze dernières années:
  • la Recommandation 1418 (1999) sur la protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants;
  • la Résolution 1649 (2009) «Les soins palliatifs: un modèle pour des politiques sanitaires et sociales novatrices».
6. Je n’ai certainement pas l’intention de réinventer la roue ni de rouvrir le débat sur l’euthanasie ou le suicide assisté. Je me concentrerai plutôt sur la façon dont les testaments de vie, les procurations permanentes et/ou les directives anticipées ayant trait à l’incapacité peuvent contribuer à répondre aux questions soulevées par Mme McCafferty et d’autres collègues dans la proposition de résolution. Je pense structurer mon rapport de la façon suivante: après m’être efforcé de donner des définitions et d’évoquer le consensus dégagé au sujet des principes qui sous-tendent les directives anticipées, je présenterai la réglementation internationale existante (celle du Conseil de l’Europe) avant de présenter la situation au niveau national en partant notamment des exposés du professeur Andorno et de Mme Erny lors de l’audition de Paris. Je m’arrêterai alors sur les problèmes principaux restants, avant de donner mes conclusions et recommandations.

2. Définitions

7. La notion de «testament de vie», de «document d’instructions préalables» ou de «directives anticipées» renvoie à un document écrit dans lequel un majeur capable exprime librement à l’avance sa volonté afin qu’elle puisse être prise en compte dans des situations où il ne peut plus s’exprimer lui-même (ayant été privé de la capacité juridique ou ayant perdu conscience par exemple). Les directives anticipées (j’emploierai désormais cette expression) peuvent porter sur les types de soins et de traitements que la personne aimerait recevoir de son vivant (y compris dans des situations de fin de vie) et aussi sur l’usage de son corps et de ses organes une fois qu’elle sera décédée. Ainsi, la personne en question peut indiquer si elle souhaite faire don de ses organes et, dans l’affirmative, lesquels elle souhaite donner, si elle veut être enterrée ou incinérée et quel type de cérémonie, religieuse ou non, elle désire. Dans le présent rapport, je souhaiterais mettre l’accent sur les directives anticipées dans le domaine des soins de santé et des traitements 
			(5) 
			Cependant, le principe
14 de l’annexe à la Recommandation CM/Rec(2009)11 du Comité des
Ministres sur les principes concernant les procurations permanentes
et les directives anticipées ayant trait à l’incapacité précise expressément
un champ d’application plus large pour les directives anticipées:
«Les directives anticipées peuvent s’appliquer aux questions relatives
à la santé, au bien-être et aux autres questions personnelles, aux
questions économiques et financières, ainsi que, le cas échéant,
au choix d’un tuteur.» Selon la définition qu’en donne l’Organisation
mondiale de la santé, les directives anticipées sont «un mécanisme
par lequel une personne capable exprime ses souhaits au cas où elle
ne serait plus capable de prendre des décisions rationnelles et
appropriées sur son traitement médical. D’ordinaire, on entend par
“directives anticipées” des instructions concernant le refus ou
l’interruption de traitements de suppléance en fin de vie, qui sont
données sous la forme de testaments de vie ou en donnant mandat
à une autre personne.» (Définition en anglais dans le glossaire
de termes de 2004, <a href='http://whqlibdoc.who.int/wkc/2004/WHO_WKC_Tech.Ser._04.2.pdf'>http://whqlibdoc.who.int/wkc/2004/WHO_WKC_Tech.Ser._04.2.pdf</a>.).
8. La personne qui rédige la directive anticipée peut aussi désigner un(e) représentant(e) qui sera chargé(e) d’informer les médecins ou l’équipe médicale de sa volonté lorsqu’elle ne sera plus capable de l’exprimer elle-même (ce que l’on qualifie généralement de «procuration permanente»). La désignation d’un mandataire est importante à la fois pour veiller au respect des instructions de la personne qui a rédigé le document et pour prendre des décisions qui ne sont pas expressément énoncées dans le document, conformément à la volonté du mandant et à ses valeurs. Par conséquent, le/la représentant(e), parent(e) ou non du mandant, doit très bien connaître la personne qui signe le «testament de vie», car c’est lui ou elle qui agira en qualité de suppléant(e) pour la prise de toutes les décisions médicales requises après avoir été informé(e) par les médecins.

3. Consensus sur les principes

9. Ainsi que je l’ai expliqué précédemment, il est capital pour moi de souligner qu’il ne faut pas relancer un débat sur des questions pour lesquelles un large consensus a déjà été trouvé. C’est pourquoi je tiens à citer ici la synthèse réalisée par Mme Erny concernant le large consensus sur les principes qui sous-tendent les directives anticipées:
«Sur le plan juridique, il est clair pour tous que les directives anticipées trouvent leur fondement dans l’application:
– du principe d’autonomie dégagé par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’application de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la vie privée; il ne peut y avoir intervention sur la personne sans son consentement;
– du principe de primauté de la personne et plus précisément du principe du consentement consacrés par les articles 2 et 5 de la Convention sur la biomédecine.
Il découle de ces principes que le patient ne doit pas être instrumentalisé et sa volonté, quand elle est clairement exprimée, doit l’emporter même s’il s’agit d’un refus de traitement: nul ne peut être contraint de subir un traitement médical contre sa volonté. Le consentement, principe fondateur du champ des droits des patients et de la bioéthique, est l’expression première du principe d’autonomie.
En conséquence, dans les situations de fin de vie, tant que le patient peut exprimer sa volonté, il doit être associé aux décisions qui déterminent ses traitements et leur adaptation; il peut demander leur limitation voire leur arrêt; aucune intervention ne peut être pratiquée, aucun traitement ne peut lui être administré contre sa volonté, même si l’abstention engage le pronostic vital. Le droit au retrait est en effet le corollaire du principe du consentement.» 
			(6) 
			Document AS/Soc (2011)
PV 04 add, procès-verbal de l’audition «Les testaments de vie et
la protection de la santé et des droits de l’homme», tenue le 19
mai 2011 à Paris, p. 5.

4. Réglementation élaborée dans le cadre du Conseil de l’Europe

10. Le Conseil de l’Europe a élaboré une réglementation plus concrète sur la base de ce large consensus 
			(7) 
			A ma connaissance,
il n’y a aucun autre règlement international et/ou européen applicable
dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe.. Je vais en présenter brièvement le contenu ci-dessous.
11. La Convention d’Oviedo, qui est, à ma connaissance, le seul instrument juridiquement contraignant dans ce domaine qui soit ratifié par la plupart des Etats membres 
			(8) 
			Actuellement, en vigueur
dans 28 Etats (outre sept signatures non suivies d’une ratification)., prévoit, à son article 9 sur les «souhaits précédemment exprimés», que:
«Les souhaits précédemment exprimés au sujet d’une intervention médicale par un patient qui, au moment de l’intervention, n’est pas en état d’exprimer sa volonté seront pris en compte.»
12. Le rapport explicatif de la convention explique l’article en ces termes:
«60. Tandis que l’article 8 dispense du consentement dans les situations d’urgence, le présent article vise le cas où une personne douée de discernement a exprimé par anticipation son consentement, entendu comme assentiment ou comme refus, pour des situations prévisibles où elle ne serait pas à même de se prononcer sur l’intervention.
61. L’article ne recouvre donc pas uniquement les situations d’urgence, visées à l’article 8, mais aussi les autres hypothèses où la personne a prévu la possibilité de se trouver dans l’incapacité de consentir valablement, par exemple dans les cas de maladie progressive telle la démence sénile.
62. L’article prévoit que, lorsque la personne a ainsi fait connaître par avance ses souhaits, ceux-là doivent être pris en compte. Cependant, la prise en compte des souhaits précédemment exprimés ne signifie pas que ceux-ci devront être nécessairement suivis. Ainsi, par exemple, lorsque ces souhaits ont été exprimés très longtemps avant l’intervention et que les conditions scientifiques ont évolué, il peut être justifié de ne pas suivre l’opinion du patient. Le praticien doit donc, dans la mesure du possible, s’assurer que les souhaits du patient s’appliquent à la situation présente et sont toujours valables, compte tenu notamment de l’évolution des techniques médicales.»
13. Ainsi que Mme Erny l’a souligné lors de l’audition, il ressort du rapport explicatif que les auteurs de la convention ne souhaitaient pas donner une portée contraignante au dispositif dans tous les cas: «Les souhaits seront “pris en compte” par le médecin; si celui-ci doit obligatoirement s’en enquérir, ils ne s’imposent à lui que pour autant qu’ils répondent à la situation présente et à l’intérêt du malade. Il existe donc une marge d’appréciation afin que l’instrument ne se retourne pas contre le malade et s’applique de manière appropriée et actualisée. Les “vœux précédemment exprimés” sont donc dans la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine un indicateur de la volonté du malade pour le médecin qu’il ne peut négliger, mais il garde la possibilité de réévaluer les souhaits de la personne au regard de la situation concrète qui se présente et notamment des progrès de la médecine. La disposition de l’article 9 ne s’oppose cependant pas à ce que des Etats organisent de véritables testaments de vie de portée contraignante.» 
			(9) 
			Procès-verbal de l’audition, op. cit., p. 6.
14. Par la suite, le Comité des Ministres est allé plus loin que les auteurs de la convention. Il a défini, dans sa Recommandation CM/Rec(2009)11, des lignes directrices sur les procurations permanentes et les directives anticipées en cas d’incapacité. Ce texte recommande avant tout aux gouvernements des Etats membres «de promouvoir l’autodétermination pour des majeurs capables par l’introduction de la législation sur les procurations permanentes et les directives anticipées ou par l’amendement de la législation existante en vue de la mise en œuvre des principes contenus dans l’annexe à la présente recommandation».
15. Dans l’annexe à la recommandation, le Comité des Ministres a formulé un certain nombre de principes qui couvrent le contenu, la forme, l’établissement et la révocation des procurations permanentes (ainsi que son rôle et le système de contrôle), et le contenu, les effets, la forme et la révocation des directives anticipées. Je pense que les points suivants sont essentiels, c’est pourquoi, je tiens à les mettre en valeur ici.

En ce qui concerne le champ d’application

  • Principe 1: «1. Les Etats devraient encourager l’autodétermination des majeurs capables en prévision de leur éventuelle incapacité future par des procurations permanentes et des directives anticipées. 2. Conformément aux principes d’autodétermination et de subsidiarité, les Etats devraient envisager que ces mesures aient priorité sur les autres mesures de protection.»

En ce qui concerne les procurations permanentes

  • Principe 8: «Les Etats devraient envisager l’introduction de systèmes de certification, d’enregistrement et/ou de notification au moment de l’établissement de la procuration permanente, de sa révocation, de son entrée en vigueur ou de son arrivée à terme.»
  • Principe 12: «1. Le mandant peut désigner un tiers pour contrôler le mandataire. 2. Les Etats devraient envisager l’introduction d’un système de contrôle parlequel une autorité compétente pourrait être habilitée à enquêter. Lorsque le mandataire n’agit pas conformément à la procuration permanente, ou dans l’intérêt du mandant, l’autorité compétente devrait pouvoir intervenir. (…)»

En ce qui concerne les directives anticipées

  • Principe 15: «1. Les Etats devraient décider de l’éventuel caractère contraignant des directives anticipées. Les directives anticipées non contraignantes devraient être considérées comme l’expression de souhaits à prendre dûment en compte. 2. Les Etats devraient aborder la question des situations survenant en cas de changement substantielde circonstances.»
  • Principe 16: «1. Les Etats devraient considérer si les directives anticipées ou certaines catégories d’entre elles doivent, pour avoir un caractère contraignant, être établies ou enregistrées sous forme écrite. 2. Les Etats devraient considérer si la validité et l’efficacité de ces directives anticipées peuvent être subordonnées à d’autres dispositions et mécanismes.»
  • Principe 17: «Une directive anticipée doit être révocable à tout moment et sans formalité.»

16. Pour sa part, l’Assemblée a communiqué en 1999 ses recommandations au Comité des Ministres dans la Recommandation 1418 (1999) sur la protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants, y compris leur «droit à l’autodétermination» (voir le paragraphe 9). L’Assemblée a demandé au Comité des Ministres d’encourager les Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre les mesures nécessaires:
  • «pour que – sauf refus de l’intéressé – les malades incurables et les mourants reçoivent un traitement antidouleur et des soins palliatifs adéquats, même si le traitement appliqué peut avoir pour effet secondaire de contribuer à abréger la vie de la personne en cause;
  • pour donner effet au droit des malades incurables et des mourants à une information vraie et complète, mais communiquée avec compassion, sur leur état de santé, en respectant le désir que peut avoir une personne de ne pas être informée;
  • pour qu’aucun malade incurable ou mourant ne reçoive de traitement contre sa volonté, tout en veillant à ce que l’intéressé ne subisse ni l’influence ni les pressions de tiers. Il convient en outre de prévoir des sauvegardes pour que cette volonté ne résulte pas de pressions économiques;
  • pour faire respecter les instructions ou la déclaration formelle (living will) rejetant certains traitements médicaux, respectivement données ou faite par avance par des malades incurables ou des mourants désormais incapables d’exprimer leur volonté. Il convient en outre de veiller à ce que les critères de validité relatifs à la portée des instructions données par avance ainsi que ceux concernant la nomination et les pouvoirs des représentants légaux des intéressés soient dûment définis. De même, il faut s’assurer que le représentant légal ne prend, à la place de l’intéressé, des décisions fondées sur des déclarations préalables du malade ou des présomptions de volonté, que si ce dernier n’a pas exprimé directement sa volonté dans les circonstances mêmes de sa maladie ou s’il n’y a pas de volonté clairement définie. Dans ce contexte, il doit toujours y avoir un rapport manifeste avec les déclarations faites par la personne en question peu de temps avant le moment où la décision doit être prise, plus précisément lorsque le malade est mourant, et dans des conditions appropriées, c’est-à-dire sans pressions ni déficience mentale. Il faut également bannir toute décision qui reposerait sur des jugements de valeur générale en vigueur dans la société et veiller à ce qu’en cas de doute la décision soit toujours en faveur de la vie et de la prolongation de la vie;
  • pour que, sans préjudice de la responsabilité thérapeutique ultime du médecin, la volonté exprimée par un malade incurable ou un mourant en ce qui concerne une forme particulière de traitement soit prise en compte, pour autant qu’elle ne porte pas atteinte à sa dignité d’être humain;
  • pour qu’en l’absence d’instructions anticipées ou de déclaration formelle il ne soit pas porté atteinte au droit à la vie du malade. Il convient de dresser la liste des traitements qui ne peuvent en aucun cas être refusés ou interrompus.»
17. Dix ans plus tard, l’Assemblée reconnaissait, dans sa Résolution 1649 (2009) sur les soins palliatifs: un modèle pour des politiques sanitaires et sociales novatrices, «que toute intervention médicale trouve ses limites dans l’autonomie du patient, dans la mesure où celui-ci exprime sa volonté de renoncer à un traitement curatif ou lorsque, indépendamment de toute évaluation médicale de son état de santé, il l’exprime clairement, par exemple dans un testament de vie» 
			(10) 
			Paragraphe
12 de la résolution.. En ce qui concerne l’encadrement législatif des testaments de vie, elle recommandait «de s’abstenir de mettre en place des mécanismes juridiques risquant de créer des problèmes d’interprétation dans la pratique» et «de procéder à une évaluation exhaustive des conséquences juridiques, parmi lesquelles d’éventuels effets secondaires juridiques tels que la responsabilité financière (“les soins en tant que préjudice pécuniaire”)» 
			(11) 
			Paragraphe 22.5 de
la résolution..

5. Réglementation au niveau national: aperçu général et exemple de l’Espagne

5.1. Aperçu général

18. Selon le professeur Andorno, la situation en Europe est très variable, depuis l’absence de toute législation sur les directives anticipées, jusqu’à des textes de loi spécifiques aux effets contraignants. Le professeur Andorno distingue quatre groupes de pays (catégories, suivies par quelques exemples):
  • «Les pays où des lois spécifiques ont été adoptées rendant les directives avancées juridiquement contraignantes (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, Hongrie, Pays-Bas, Suisse, Royaume-Uni);
  • les pays où des lois spécifiques sur cette question ont été adoptées ces dernières années bien que ces documents ne soient pas juridiquement contraignants (France);
  • les pays où il n’existe encore aucune loi spécifique, mais qui envisagent de les promulguer dans les cinq prochaines années (Italie);
  • les pays où il n’existe encore aucune loi spécifique et qui n’ont pas de projets concrets pour les promulguer ces prochaines années (Bulgarie, Grèce, Lituanie, Norvège, Portugal, Serbie, Slovaquie, Turquie).» 
			(12) 
			Procès-verbal de l’audition, op. cit., p. 2..
19. Même dans les pays ayant adopté des lois spécifiques qui rendent les directives anticipées juridiquement contraignantes, les lois et leurs spécifications exactes diffèrent, de même que le degré de leur mise en œuvre. Cela pourrait être une question de culture – le professeur Andorno a noté que les approches nationales variaient selon le degré d’autonomie des patients, qui jouait un rôle prépondérant dans certains pays, tandis que d’autres se fondaient sur des structures de décisions plus «paternalistes» 
			(13) 
			Ibid.,
p. 3.. Cependant, cela pourrait aussi être dû à des normes différentes de prise en charge dans les Etats membres, liées à leurs disparités de niveau de vie – le professeur Butenko a souligné par exemple qu’il n’y avait pas pour l’instant de législation concernant les testaments de vie en Ukraine en raison essentiellement du peu d’intérêt que suscite cette question alors que la plupart des habitants sont avant tout préoccupés par l’accès aux services de base dans le contexte du système de santé actuel, qui est déficient dans le pays 
			(14) 
			Ibid..

5.2. Espagne

20. Etant donné que je connais fort bien la réglementation espagnole dans ce domaine, je souhaiterais la présenter ici comme exemple de «bonnes pratiques» (qui cependant pourraient naturellement être encore améliorées). Selon les lois qui régissent le testament de vie en Espagne, les directives anticipées qui sont contraires à la loi ou aux bonnes pratiques ou bien celles qui ne correspondent pas à la situation de fait, telle que l’intéressé(e) l’avait prévue au moment de la signature du document, ne sont pas valables. A ma connaissance, cette disposition figure dans l’ensemble des lois des pays qui ont rendu les directives anticipées juridiquement contraignantes 
			(15) 
			Cette disposition est
un garde-fou contre les actes illégaux – ainsi, une demande d’euthanasie
dans un pays où celle-ci est illégale restera sans effet..
21. Au sujet de ces restrictions, il est important de signaler que, même si, au moment de la signature du testament de vie, certaines clauses ne sont pas applicables ou légales, elles peuvent le devenir ultérieurement. Par conséquent, la personne qui signe un testament de vie peut y inclure des souhaits et des demandes qui ne peuvent pas être satisfaites au moment de la signature mais pourraient l’être dans l’avenir.
22. Pour que le testament de vie soit accessible à l’ensemble du corps médical, il est impératif de l’enregistrer afin qu’il figure sur un registre national et de l’insérer dans le dossier clinique de la personne qui l’a signé. En outre, un testament de vie peut toujours être révoqué par la personne qui l’a signé dans les mêmes conditions que lors de la signature.
23. En Espagne, un testament de vie peut être établi de trois manières:
a. devant un notaire; dans ce cas, la présence de témoins n’est pas nécessaire;
b. devant trois témoins majeurs et capables; parmi ces trois témoins, deux d’entre eux au moins ne peuvent pas être des parents de la personne concernée (jusqu’aux cousins compris) et ne peuvent avoir aucune relation patrimoniale avec elle;
c. devant un fonctionnaire gouvernemental (qui est normalement affecté au Registre des testaments de vie de la région autonome concernée); la présence de témoins n’est pas non plus nécessaire dans ce cas.
24. La participation directe de professionnels de la santé n’est pas obligatoire en Espagne 
			(16) 
			Le
fait de sortir les directives anticipées du contexte clinique où
les décisions sur les situations de fin de vie sont prises en règle
générale constitue un grave problème aux yeux du professeur Lorda.
Voir le procès-verbal de l’audition, op.
cit., p. 1..

6. Autres défis

25. Un récent bulletin du bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Europe 
			(17) 
			Bureau régional de
l’OMS pour l’Europe: Soins palliatifs pour les personnes âgées:
les meilleures pratiques (en anglais), 2011, <a href='http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0017/143153/e95052.pdf'>www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0017/143153/e95052.pdf</a>. sur les soins palliatifs pour les personnes âgées explique que «les personnes âgées peuvent avoir intérêt à faire des déclarations anticipées, notamment pour réduire le poids des décisions à prendre pesant sur leur famille, mais elles sont aussi préoccupées par la confusion de ces déclarations avec l’euthanasie; l’éventualité que la préférence en matière de prise en charge change; les réticences à penser à la mort; et le temps nécessaire pour que les personnes âgées fassent suffisamment confiance aux professionnels pour parler de ces questions délicates. Certains s’alarment aussi que les déclarations concernent presque toujours l’interruption d’un traitement plutôt que l’affirmation de choix actifs, ce qui pourrait favoriser les préjugés contre l’âge et le handicap. Certains médecins ne connaissent pas bien le statut des directives anticipées, ce qui peut les conduire à mal les appliquer ou à ne pas en tenir compte».
26. Je pense que c’est là un assez bon résumé des problèmes restants. Permettez-moi d’en examiner une par une les implications:

6.1. Sensibilisation aux directives anticipées

27. Quelle que soit la forme qu’elles revêtent (testaments de vie, procurations permanentes, etc.), les directives anticipées sont dans l’intérêt des intéressés, depuis le patient (qui peut ainsi faire en sorte que les souhaits qu’il a exprimés précédemment soient pris en considération) et les proches (pour alléger le poids des décisions à prendre dans des circonstances très émouvantes) jusqu’au médecin (qui peut adapter le traitement et la prise en charge aux souhaits exprimés au préalable par le patient). Ce ne sont donc pas seulement les «personnes âgées» mais tout un chacun qui devrait adopter des directives anticipées. C’est là en fait la position officielle du Conseil de l’Europe, qui, dans la Recommandation CM/Rec(2009)11 du Comité des Ministres, a invité les Etats à promouvoir les procurations permanentes et les directives anticipées, et à envisager de privilégier ces méthodes par rapport aux autres mesures de protection conformément aux principes d’autodétermination et de subsidiarité.

6.2. Confusion avec l’euthanasie et préoccupations liées à l’interruption du traitement

28. La confusion avec l’euthanasie est fâcheuse et – dans la plupart des pays (les Etats membres du Conseil de l’Europe considèrent en majorité l’euthanasie comme illégale) – erronée. L’adoption d’une directive anticipée peut au contraire contribuer à éviter qu’une euthanasie ne soit pratiquée sur soi contre sa volonté: en effet, la directive anticipée peut aussi mentionner légitimement ceci: «Je refuse que quelque chose soit réalisé ou omis par mes médecins ou infirmières dans l’intention de m’ôter la vie.» 
			(18) 
			Proposition formulée
comme «volonté 2» d’une version américaine de la directive anticipée
et de la procuration permanente, appelée «cinq volontés». Voir le
site internet de l’ONG Aging with dignity: <a href='http://www.agingwithdignity.org/five-wishes.php'>www.agingwithdignity.org/five-wishes.php</a>. De même, les directives anticipées ne sont pas axées sur l’interruption d’un traitement par opposition aux «choix actifs»; en effet, une directive anticipée peut préciser la préférence du patient pour un traitement de suppléance vitale (et quel type de traitement) dans différentes circonstances. De même, la préférence peut être conditionnelle (c’est-à-dire acceptée à condition de contribuer à améliorer l’état de santé) ou refusée. Il est nécessaire d’avoir une discussion plus ouverte sur les situations de fin de vie en général dans le cadre d’un grand débat plus éclairé sur les directives anticipées au sein de la classe politique et du grand public afin de mettre fin à la confusion avec l’euthanasie.

6.3. Prise en considération de l’évolution des préférences en matière de soins

29. Il importe que la législation sur les directives anticipées prévoie que les préférences d’une personne/ d’un patient puissent évoluer dans le temps et qu’elle permette de les modifier (pour autant que le patient reste capable de prendre des décisions 
			(19) 
			Cela est problématique
en cas de démence sénile, par exemple.). C’est là la position officielle du Conseil de l’Europe, qui, dans la Recommandation CM/Rec(2009)11 du Comité des Ministres, a énoncé le principe selon lequel «une directive anticipée doit être révocable à tout moment et sans aucune formalité» 
			(20) 
			Principe
17.. En fait, l’auteur d’une directive anticipée doit être invité à réexaminer la directive à intervalles réguliers, par exemple une fois par an 
			(21) 
			C’est
ce que recommande, par exemple, le ministère fédéral allemand de
la Justice. .

6.4. Confiance envers les professionnels, statut juridique et bonne application des directives anticipées

30. Dans une culture patriarcale et/ou paternaliste où «c’est le médecin qui sait ce qui convient», les patients – notamment les femmes – ne sont parfois même pas informés par leur médecin ou par leurs proches qu’ils ont une maladie en phase terminale. Un abîme sépare ce type de culture de l’état d’esprit qui permet au patient de faire des choix actifs sur ce que seront son traitement et sa prise en charge s’il est inconscient ou incapable d’exprimer ce qu’il souhaite. Cependant, le consentement global et éclairé à un traitement médical est une condition préalable pour que celui-ci ne soit pas une violation de droits fondamentaux. Il ne faut pas laisser la culture interférer avec le respect des droits humains. C’est pourquoi il est capital que tous les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait élaborent une feuille de route pour parvenir à réglementer les directives anticipées, ainsi que le professeur Butenko l’a proposé lors de l’audition 
			(22) 
			Procès-verbal de l’audition, op. cit., p. 3..
31. Il est également important que les professionnels de santé et autres (par exemple, les juristes ou les fonctionnaires) qui sont consultés sur les directives anticipées soient dûment formés pour le faire correctement. De même, les professionnels qui sont appelés à appliquer les directives doivent bien connaître leur statut juridique et la façon de les appliquer à bon escient. Idéalement, il vaudrait mieux que les directives anticipées permettent de prendre pleinement en considération les souhaits exprimés précédemment par les patients dans le cadre d’un dialogue avec le personnel soignant et les proches: pour ce faire, il faut avoir confiance dans les professionnels.

6.5. Rendre les directives anticipées compréhensibles et accessibles

32. L’OMS n’évoque pas un aspect que, personnellement, je trouve essentiel: la nécessité de rendre les directives anticipées «compréhensibles» et accessibles. Aux Etats-Unis, le pourcentage de personnes qui élaborent des directives anticipées est bien plus élevé que dans les pays européens – ce peut être à la fois une question culturelle et être dû au degré de prise en charge, mais cela peut aussi résulter, semble-t-il, d’un modèle dominant de directive anticipée («Cinq volontés»), élaboré par une organisation non gouvernementale. Le formulaire (qui coûte cinq dollars) existe en plusieurs langues et sous diverses formes. Il peut être complété en ligne et sur un imprimé. Il est rédigé dans un style facile à comprendre, ce qui le rend accessible au plus grand nombre. Il n’est peut-être pas aussi élaboré sur le plan juridique que le modèle proposé par le ministère fédéral allemand de la Justice, par exemple, mais il me semble que la multiplication de formulaires entre lesquels il est difficile de choisir (comme en Espagne, où il y en a plusieurs pour les 17 régions autonomes) a un effet dissuasif pour ceux qui seraient tentés de rédiger des directives anticipées, de même que quand ils doivent s’acquitter de frais trop élevés pour ce faire.
33. Une fois qu’une directive anticipée a été rédigée, il importe de pouvoir la consulter immédiatement si nécessaire. La question de l’enregistrement de ces directives conditionne donc aussi celle de l’accessibilité: personnellement, j’aime bien le modèle espagnol de registres publics régionaux – qui pourrait (ou devrait peut-être) être complété par un registre national.

7. Conclusions et recommandations

34. On s’accorde à penser, sur la base de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme concernant le droit au respect de la vie privée, qu’aucune intervention ne peut être pratiquée sur une personne sans qu’elle ait donné son consentement. De ce droit fondamental découlent les principes d’autonomie personnelle et de consentement en vertu desquels le patient ne doit pas être manipulé et, si sa volonté est clairement exprimée, elle doit prévaloir même si cela signifie le refus d’un traitement: nul ne peut être contraint de subir un traitement médical contre sa volonté.
35. Le Conseil de l’Europe a incorporé ce principe dans la Convention d’Oviedo, qui oblige juridiquement la plupart des Etats membres. La convention tient aussi compte de la situation où le patient ne peut plus exprimer sa volonté, car elle prévoit que les souhaits précédemment exprimés au sujet d’une intervention médicale par un patient qui, au moment de l’intervention, n’est pas en état d’exprimer sa volonté «seront pris en compte». Ces souhaits peuvent être formalisés par les directives anticipées, les testaments de vie ou les procurations permanentes. En 2009, le Comité des Ministres a recommandé aux Etats membres d’encourager ces instruments et a défini un certain nombre de principes pour aider les Etats membres à les réglementer.
36. Cependant, la situation réelle varie beaucoup en Europe, depuis l’absence totale de législation sur les directives anticipées jusqu’à des textes de loi spécifiques qui donnent à celles-ci un caractère contraignant. Même quand il y a une législation spécifique, elle n’est pas toujours pleinement mise en œuvre et le «recours» aux directives anticipées, aux testaments de vie et/ou aux procurations permanentes reste en général limité.
37. Il me semble que le Conseil de l’Europe a eu raison de promouvoir ces instruments, qui permettent de protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients. Toutefois, il est manifestement nécessaire de les populariser. Il faut qu’un nombre plus important de pays ratifient la Convention d’Oviedo et appliquent la Recommandation CM/Rec(2009)11, et que tous les pays examinent leur législation afin de l’améliorer s’il y a lieu. J’espère donc que l’Assemblée parlementaire saura jouer un rôle déterminant en ce sens.