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Rapport d’observation d’élection | Doc. 12832 | 23 janvier 2012

Observation des élections législatives au Maroc (25 novembre 2011)

Bureau de l'Assemblée

Rapporteur : M. Tomáš JIRSA, République tchèque, GDE

1. Introduction

1. Suite à la lettre d’invitation de M. Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de l’homme du Maroc, le Bureau de l’Assemblée a décidé, lors de sa réunion du 8 septembre 2011, de constituer une commission ad hoc composée de 20 membres afin d’observer les élections législatives prévues le 25 novembre 2011. Le Bureau a également autorisé une mission préélectorale composée de cinq membres – un de chaque groupe politique – également membres de la commission ad hoc.
2. Le 4 octobre 2004, un Accord de coopération a été signé entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). Conformément à cet Accord, le Bureau de l’Assemblée a invité un membre de la Commission de Venise à se joindre à la commission ad hoc en tant que conseiller.
3. La composition de la commission ad hoc, fondée sur les propositions des groupes politiques de l’Assemblée, était la suivante:
  • M. Tomáš JIRSA, chef de la délégation
  • Groupe du parti populaire européen (PPE/DC)
    • Mladen GRUJIĆ, Serbie
    • Jan KAŹMIERCZAK, Pologne
    • Yves POZZO di BORGO, France
    • Mehmet TEKELIOĞLU, Turquie
  • Groupe socialiste (SOC)
    • Khadija ARIB, Pays-Bas
    • Joe BENTON, Royaume-Uni
    • Josette DURRIEU, France
    • Francine JOHN-CALAME*, Suisse
    • Pietro MARCENARO, Italie
    • Stefan SCHENNACH, Autriche
  • Groupe démocrate européen (GDE)
    • Sergey EGOROV, Fédération de Russie
    • Tomáš JIRSA*, République Tchèque
  • Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)
    • Margus HANSON*, Estonie
  • Groupe pour la Gauche Unitaire européenne (GUE)
    • Katřin WERNER, Allemagne
  • Commission de Venise
    • Jacqueline de GUILLENCHMIDT, membre suppléante de la Commission de Venise
  • Secrétariat
    • Chemavon CHAHBAZIAN, Adjoint au chef du Secrétariat, Unité de coopération interparlementaire et d’observation des élections
    • William MASSOLIN, Chef de l’Unité d’assistance parlementaire
    • Francesc FERRER, Adjoint au chef de l’Unité de communication de l’Assemblée Parlementaire
    • Franck DAESCHLER, Assistant administratif principal, Unité de coopération interparlementaire et d’observation des élections
    • Fatima NOUICER, Assistante, Secrétariat de l’Assemblée parlementaire

* mission préélectorale

4. La commission ad hoc s’est rendue au Maroc du 22 au 26 novembre 2011 et s’est notamment entretenue avec les leaders et les représentants des partis politiques suivants: M. Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de l’homme du Maroc; M. Nour-Eddine Boutayeb, Secrétaire Général au Ministère de l’Intérieur; M. Ahmed Ghazali, Président de la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle; des représentants de la communauté internationale présents au Maroc; des représentants des médias, ainsi que des représentants de la société civile. Le programme des réunions de la commission ad hoc figure en annexe 1. La commission ad hoc tient à remercier les autorités du Maroc pour leur aide dans l’organisation de cette visite.
5. Le jour du scrutin, la commission ad hoc était répartie en 10 équipes qui ont visité 171 bureaux de vote et ont observé les élections dans les villes et régions suivantes: Rabat et sa région, Khemisset, Meknès, Kenitra, Moulay Idriss, Rommani, Ben Slimane, Casablanca et sa région, Marrakech et sa région et Tanger et sa région.
6. La commission ad hoc a conclu que «les élections législatives qui ont eu lieu au Maroc le 25 novembre 2011 se sont déroulées dans une atmosphère calme, les électeurs ayant pu faire leur choix librement entre les partis de différentes sensibilités politiques». Néanmoins, la délégation a noté qu’elle «a été informée de certaines irrégularités qui auraient eu lieu lors de la campagne électorale. Elles concerneraient des cas d’achat de voix, d’utilisation indues de ressources administratives, ainsi que d’intimidation et de pressions, notamment à l’égard de personnes ayant appelé à boycotter les élections». Le communiqué de presse publié à l’issue des élections figure en annexe 2.

2. Contexte politique et cadre juridique

7. Initialement, les élections législatives devaient avoir lieu en 2012, mais après les événements du «printemps arabe» et l’adoption de la nouvelle Constitution du Maroc par voie de référendum du 1er juillet 2011, la date du 25 novembre a été fixée.
8. Le 21 juin 2011, l’Assemblée a adopté la Résolution 1818 (2011) par laquelle elle a accordé au Parlement du Maroc le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire. Elle a souligné l’importance d’élections libres et équitables en tant que pierre angulaire d’une démocratie véritable, en espérant, par conséquent, être invitée à observer les élections législatives au Maroc à partir des élections anticipées prévues en 2011.
9. Une mission préélectorale s’est rendue au Maroc du 9 au 12 novembre 2011 afin d’évaluer l’état des préparatifs et le climat politique à l’approche des élections législatives du 25 novembre 2011.
10. La mission préélectorale a rencontré M. Abdelwahed Radi, Président de la Chambre des représentants; M. Mohamed Cheikh Biadillah, Président de la Chambre des conseillers; les présidents et les représentants des groupes politiques représentés au Parlement; M. Nour-Eddine Boutayeb, Secrétaire Général du Ministère de l’Intérieur; M. Ahmed Ghazali, Président de la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle; M. Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de l’homme du Maroc; M. Nabil Adghoghi, Directeur au Ministère des Affaires étrangères et de la coopération; M. Eneko Landaburu, Chef de la Délégation de l’Union européenne au Maroc, ainsi que des représentants des médias.
11. A l’issue de la visite, la mission préélectorale a rappelé à ses interlocuteurs que la Résolution 1818 (2011) invitait le Maroc «à organiser des élections libres et équitables conformément aux normes internationales pertinentes», et «mieux sensibiliser et intéresser le public au processus démocratique et assurer un plus fort taux de participation aux élections».
12. Le cadre juridique des élections législatives est régi par la nouvelle Constitution, par les lois organiques relatives à la Chambre des représentants, aux partis politiques, aux conditions et modalités de l’observation indépendante et neutre des élections, ainsi que par un certain nombre de décrets sur l’encadrement de la campagne électorale et son financement. Les derniers amendements à la législation électorale ont été adoptés en octobre 2011, pratiquement lors de la précampagne électorale. Etant donné les délais très courts des changements, cette situation a créé des difficultés pour la mise en œuvre de certaines procédures électorales, surtout au niveau des bureaux de vote.
13. La nouvelle Constitution précise que le régime du parti unique est illégal. Par ailleurs, les partis politiques ne peuvent être fondés sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou régionale, ou, d’une manière générale, sur toute autre base discriminatoire ou contraire aux droits de l’homme. Ils ne peuvent avoir pour but de porter atteinte à la religion musulmane, au régime monarchique, aux principes constitutionnels, aux fondements démocratiques ou à l’unité nationale et l’intégrité territoriale du Royaume.
14. Le mode de scrutin est complexe. Pour les 395 sièges à pourvoir à la Chambre des représentants, le pays est divisé en 92 circonscriptions, et le nombre des sièges attribués à chaque circonscription électorale est fixé de deux à six. Ainsi, 305 députés ont été élus dans 92 circonscriptions et, pour la première fois, les 90 autres représentants ont été élus dans le cadre d’une liste nationale destinée à 60 candidates femmes et 30 candidats de sexe masculin de moins de 40 ans. Le seuil électoral pour la liste nationale était de 3%; pour les listes locales proportionnelles, de 6%.
15. Les membres de la Chambre des représentants sont élus pour cinq ans. Tout membre de la Chambre des représentants qui renonce à son appartenance politique au nom de laquelle il s’est porté candidat aux élections ou au groupe ou groupement parlementaire auquel il appartient, est déchu de son mandat. Concernant l’immunité des parlementaires dans l’exercice de leurs fonctions, l’article 64 de la Constitution précise qu’aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion d’une opinion ou d’un vote émis par lui dans l’exercice de ses fonctions, hormis dans le cas où l’opinion exprimée met en cause la forme monarchique de l’Etat ou la religion musulmane ou constitue une atteinte au respect dû au Roi.

3. Administration des élections, listes électorales et enregistrement des candidats

16. L’organisation des élections est effectuée par le ministère de l’Intérieur. Environ 40 000 bureaux de vote ont été ouverts pour les élections du 25 novembre 2011. Chaque bureau de vote est composé d’un président et de trois membres, désignés par le gouverneur de la province, parmi les fonctionnaires ou les agents de l’administration publique, des collectivités locales ou des établissements publics, qui doivent faire preuve d’impartialité. La loi prévoit la présence des représentants des listes des partis politiques dans les bureaux de vote le jour du scrutin, qui peuvent assister également au dépouillement.
17. Les commissions provinciales sont composées du président du tribunal de première instance ou de son magistrat délégué, de deux électeurs et d’un représentant du gouverneur comme secrétaire. La commission nationale est composée d’un président de chambre à la Cour de cassation, d’un magistrat de la chambre administrative de la Cour de cassation et d’un représentant du ministère de l’Intérieur.
18. Tous les citoyens marocains ayant atteint l’âge de 18 ans ont le droit de voter s’ils jouissent de leurs droits civils et politiques et ne correspondent à aucun critère d’incapacité prévus par la Loi. Les citoyens marocains résidant à l’étranger jouissent des droits de pleine citoyenneté, y compris le droit d’être électeurs et éligibles. La mission préélectorale avait été informée qu’il n’y aurait pas de circonscriptions et de bureaux de vote dans les pays étrangers. Par conséquent, les Marocains résidant à l’étranger pouvaient voter soit par procuration, soit en se déplaçant au Maroc.
19. Selon les données du ministère de l’Intérieur, environ 13,4 millions d’électeurs ont été inscrits sur les listes électorales. L’exhaustivité de ces listes étant un élément clé du processus électoral, la délégation de l’Assemblée a constaté que le système électoral actuel ne favorisait pas l’inscription sur les listes d’un nombre élevé de citoyens. En effet, une partie considérable des quelques 20 millions de Marocains ayant atteint l’âge légal d’électeur ne figurerait pas sur les listes. Depuis les élections de 2007, le nombre d’électeurs figurant sur les listes a diminué de plusieurs millions. Par ailleurs, la procédure de vote par procuration pour les citoyens marocains résidant à l’étranger ne facilite pas l’exercice du droit de vote garanti par la Constitution.
20. Concernant l’enregistrement des listes des candidats des partis politiques et des coalitions, les partis politiques pouvaient enregistrer leurs listes des candidats du 3 au 11 novembre. Selon les données du ministère de I’Intérieur, 31 partis politiques, parmi les 35 enregistrés au ministère de l’Intérieur, ont présenté des listes de candidats dans les délais prévus pour participer aux élections du 25 novembre; trois partis politiques ont décidé de boycotter les élections et un parti n’a pas participé aux élections.
21. Pour être éligible, il faut être électeur et âgé au moins de 23 ans à la date du scrutin. Au total, 5 392 candidats étaient en lice sur 1 546 listes locales, en moyenne 17 listes par circonscription, mais seulement 8 partis étaient en mesure de présenter des candidats dans 80 circonscriptions sur les 92 prévues par le découpage électoral.
22. Les responsables du ministère de l’Intérieur ont informé les membres de la délégation des procédures de vote, de dépouillement des bulletins, de proclamation des résultats des élections, ainsi que de récentes modifications des lois organiques relatives aux élections du 25 novembre, adoptées moins d’un mois avant le jour du scrutin.
23. Certaines procédures ont suscité des interrogations parmi les membres de la délégation. Conformément à l’article 79 de la loi organique relative à la Chambre des représentants, les bulletins de vote reconnus valables et n’ayant fait l’objet d’aucune contestation sont incinérés devant les électeurs présents, après le dépouillement et le recensement des votes et la proclamation des résultats du bureau de vote. Cette procédure, prévue par la loi, exclut la possibilité de recomptage des bulletins dans les cas où il y aurait des contestations de résultats devant les tribunaux.

4. Campagne électorale et environnement médiatique

24. La précampagne électorale a commencé le 12 octobre et elle s’est déroulée dans un climat paisible. La majorité des interlocuteurs rencontrés par les membres de la commission ad hoc ont exprimé leur inquiétude concernant la possibilité d’une faible participation aux élections, comme cela a été le cas en 2007 où le taux de participation a été d’environ 37% des inscrits. Le 31 octobre, le ministre de l’Intérieur s’est adressé aux chefs des principaux partis politiques, représentés au parlement, en leur demandant de convaincre les électeurs de se rendre aux urnes le 25 novembre.
25. Les explications données par les interlocuteurs de la commission ad hoc à ce phénomène étaient nombreuses: la période très courte de la campagne électorale qui a officiellement commencé le 12 novembre; le manque de confiance chez certains électeurs dans le processus électoral dû à des pratiques non démocratiques qui ont eu lieu dans le passé; le manque de confiance dans les partis politiques.
26. La délégation de l’Assemblée, lors des rencontres avec les chefs et représentants des partis politiques, a souligné l’importance d’une participation active des citoyens marocains aux élections législatives du 25 novembre 2011. Ceci pourrait contribuer à redonner confiance aux citoyens dans le processus démocratique et renforcer la légitimité du parlement nouvellement élu.
27. La majorité des représentants des partis politiques, indépendamment des sensibilités politiques, étaient persuadés qu’un changement de logique institutionnelle des pouvoirs a eu lieu après l’adoption de la nouvelle Constitution. Selon l’article 47 de la nouvelle Constitution, le Roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants.
28. Cette nouveauté a radicalement changé la nature des élections du 25 novembre 2011, en renforçant considérablement l’enjeu politique des élections législatives. Cela signifie que les électeurs marocains, en choisissant leurs parlementaires, faisaient potentiellement le choix du chef du gouvernement, même si les pouvoirs du Premier ministre restent encore limités. Il s’agirait d’un début de changement des rapports entre la monarchie et les institutions constitutionnelles.
29. Au début du mois d’octobre, à l’initiative du parti Rassemblement National des Indépendants (RNI) une «Coalition pour la démocratie» de huit partis politiques a été créée. La coalition comprenait le RNI, l’Union Constitutionnelle (UC), le Parti de l’authenticité et de la Modernité (PAM), le Parti travailliste (PR), le Parti de la gauche verte (PGV), le Parti socialiste (PS), le Mouvement populaire (MP) et Al Fadila. Les chefs des partis de la coalition ont déclaré que la coalition était ouverte à d’autres partis. Différents interlocuteurs de la commission ad hoc se sont interrogés sur le caractère hétérogène de la coalition qui unissait des partis avec différentes sensibilités politiques.
30. La création de cette coalition a été critiquée par les représentants du parti Istiqlal dont le leader, M. El Fassi, avait été nommé Premier ministre après les dernières élections législatives de 2007. Selon M. El Fassi, avec la création de la «Coalition pour la démocratie», quelques mois avant les élections, la majorité s’est alliée avec l’opposition, et cette coalition n’aurait aucune homogénéité.
31. Les représentants du Parti de la justice et du développement (PJD) ont été très critiques dans leur évaluation de la campagne électorale. Ils ont notamment soulevés les problèmes suivants:
  • la campagne électorale officielle a été trop courte, environ deux semaines;
  • le grand nombre de bureaux de vote complique l’observation du scrutin par les partis politiques qui n’ont pas un nombre suffisant de représentants pour chacun des bureaux de vote;
  • des cas d’achat de voix par des gens qui se sont enrichis par la corruption; les pratiques d’achat de voix étaient plus fréquentes dans les localités rurales parmi la population pauvre: selon différentes estimations, environ 35% de la population est analphabète, principalement dans les localités rurales;
  • des cas d’utilisation indue des ressources administratives;
  • le danger de fraudes électorales le jour du scrutin;
  • des cas d’intimidation.
32. Pour la commission ad hoc, il était difficile de porter un jugement concernant ces critiques et les exemples d’éventuelles irrégularités. Néanmoins, la délégation a constaté que le nombre d’alertes et de témoignages de citoyens concernant des pratiques illégales a augmenté au cours des jours précédents le scrutin. L’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) a été informée de cas de corruption, de fraude, d’achats de voix et d’intimidations et d’arrestations de supporters du boycott.
33. Quelques jours avant le scrutin, le tribunal de première instance de Kenitra, où la délégation a déployé une équipe d’observation, a condamné un candidat tête de liste électorale, dans la circonscription de Sidi Slimane, à deux ans de prison pour fraude électorale. Le candidat arrêté aurait proposé une somme d’argent à une personne en échange de son vote. A Fès, quelques jours avant le scrutin, des plaintes auraient été déposées pour dénoncer des cas d’achat de voix et de corruption. Une cellule régionale de magistrats a été mise en place à la Cour d’appel de Fès pour examiner ces plaintes.
34. Différents interlocuteurs ont souligné la nécessité de garantir la transparence de l’ensemble du processus électoral et la neutralité des autorités. Certains ont exprimé leur inquiétude concernant l’opacité des sources de financement de la campagne électorale. A cet égard, la délégation de l’Assemblée a noté que la législation électorale a été améliorée, permettant d’organiser des élections libres et équitables, à condition qu’elle soit appliquée de bonne foi par les principaux acteurs politiques.
35. La couverture médiatique des élections est essentiellement réglementée par la Loi relative à la communication audiovisuelle et le Décret relatif à l’utilisation des médias audiovisuels publics lors des campagnes électorales et référendaires. Lors de la rencontre avec la commission ad hoc, les dirigeants de la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle (HACA) ont fait une présentation sur l’observation des médias pendant la période de précampagne électorale, dont le but était de démontrer que les médias audiovisuels ont garanti à tous les partis politiques participant aux élections, des temps d’antenne équitables.
36. Etant donné le nombre considérable de partis politiques participant aux élections, la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle a décidé de séparer les partis politiques en trois catégories, afin de leur assurer un accès équitable aux médias pendant la campagne électorale. La première catégorie comprenait les huit partis ayant un groupe parlementaire dans l’une des deux chambres du Parlement; la deuxième catégorie – les 11 partis politiques étant représentés au Parlement; et la troisième catégorie – les 16 partis non représentés au Parlement. Les deux premières catégories ont eu droit à 35% du temps d’antenne global sur les chaînes audiovisuelles marocaines, la troisième catégorie, à 30%.
37. D’une manière générale, la couverture médiatique de la campagne électorale a été équilibrée et diversifiée, et toutes les sensibilités politiques ont été représentées. Néanmoins, la délégation a observé que le temps d’antenne consacré aux femmes candidates n’a été que d’environ 8% du volume horaire global. La délégation a également été informée de cas de pression, d’intimidation et d’arrestation de journalistes, notamment de blogueurs qui ont appelé au boycott des élections.

5. Le jour du scrutin

38. Le jour du scrutin a été calme et les électeurs ont pu faire leur choix librement entre les partis de différentes sensibilités politiques. Les 10 équipes de l’Assemblée ont observé les élections dans 171 bureaux de vote dans les villes et régions suivantes: Rabat et sa région, Khemisset, Meknès, Kenitra, Moulay Idriss, Rommani, Ben Slimane, Casablanca et sa région, Marrakech et sa région et Tanger et sa région. Les membres de la commission ad hoc ont évalué le déroulement du scrutin comme étant très positif, y compris le dépouillement des votes. Les équipes n’ont pas constaté d’irrégularité. Néanmoins, certaines insuffisances ont été constatées par les membres de la commission ad hoc:
  • des difficultés pour les personnes illettrées, essentiellement des femmes dans les localités rurales, pour voter sans assistance;
  • la conception des bulletins de vote a créé des confusions pour les électeurs au moment de leur choix entre les listes nationales et locales, d’où un nombre considérable de bulletins de vote invalides. Dans certains bureaux de vote ce chiffre a atteint environ 10%;
  • des cas d’inexactitudes dans les listes électorales qui ont empêché certains électeurs de voter;
  • les bureaux de vote ne sont pas accessibles aux personnes à mobilité réduite;
  • des cas de non-respect, par les membres des bureaux de vote, de certaines procédures de vote et de dépouillement. Ceux-ci ne semblaient pas être intentionnels;
  • les urnes n’étaient pas scellées, mais fermées avec des petits cadenas;
  • les membres des bureaux de vote ne disposaient pas d’informations complètes concernant les récentes modifications de la législation électorale;
  • très peu de femmes étaient membres des bureaux de vote. Sur les 171 bureaux de vote visités seules quatre femmes occupaient la fonction de présidente.
39. Selon les résultats définitifs du ministère de l’Intérieur du Maroc, le taux de participation a été de 45,4%. Les partis suivants ont obtenu des sièges à la Chambre des représentants:
  • Parti de la justice et du développement: 107 sièges;
  • Parti de l’Istiqlal: 60 sièges;
  • Rassemblement national des indépendants: 52 sièges;
  • Parti authenticité et modernité: 47 sièges;
  • Union socialiste des forces populaires: 39 sièges;
  • Mouvement populaire: 32 sièges;
  • Union constitutionnelle: 23 sièges;
  • Parti du progrès et du socialisme: 18 sièges;
  • Parti travailliste: 4 sièges;
  • Mouvement démocratique et social: 2 sièges;
  • Parti du renouveau et de l’équité: 2 sièges;
  • Parti de l’environnement et du développement durable: 2 sièges;
  • Parti Al Ahd Addimocrati: 2 sièges;
  • Parti de la gauche verte: 1 siège;
  • Parti de la Liberté et de la justice sociale: 1 siège;
  • Front des forces démocratiques: 1 siège;
  • Parti de l’Action: 1 siège;
  • Parti unité et démocratie: 1 siège.
Ces résultats comprennent également les sièges obtenus au titre de la circonscription électorale nationale qui compte 90 sièges dont 60 pour les femmes et 30 pour les hommes de moins de 40 ans.

6. Conclusions

40. La commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire pour l’observation des élections de la Chambre des représentants du Maroc a conclu que les élections législatives du 25 novembre 2011 se sont déroulées dans une atmosphère calme, les électeurs ayant pu faire leur choix librement entre les partis de différentes sensibilités politiques.
41. La commission ad hoc souligne avec satisfaction que, suite à l’adoption de la nouvelle Constitution du 1er juillet 2011, les autorités du Maroc ont amélioré le cadre électoral permettant l’organisation d’élections libres et équitables, à condition qu’il soit appliqué de bonne foi. La délégation regrette toutefois que les amendements à la législation électorale n’aient été adoptés que tardivement, moins d’un mois avant le début de la campagne officielle, ce qui ne correspond pas aux normes et pratiques recommandées par le Conseil de l’Europe en matière électorale.
42. Le 11 novembre 2011, la délégation préélectorale de l’Assemblée en visite à Rabat a exprimé son inquiétude concernant la possibilité d’une faible participation aux élections, comme cela avait été le cas en 2007. En s’adressant aux principaux acteurs politiques et aux électeurs marocains, elle a déclaré qu’une participation active des citoyens aux élections pourrait contribuer à redonner confiance dans le processus démocratique et renforcer la légitimité du parlement nouvellement élu. A cet égard, la délégation tient à saluer les efforts déployés par les autorités, et les partis politiques, pour encourager les citoyens à participer plus activement aux élections.
43. La délégation a été informée de certaines irrégularités qui auraient eu lieu lors de la campagne électorale, y compris des cas graves de corruption électorale, d’achat de voix, d’utilisation indues de ressources administratives, ainsi que d’intimidation et de pressions, notamment à l’égard de personnes ayant appelé à boycotter les élections.
44. A cet égard, la commission ad hoc demande aux autorités compétentes du Maroc de faire toute la lumière sur ces allégations afin d’établir les responsabilités et d’en informer l’opinion publique et l’Assemblée parlementaire dans les meilleurs délais. La commission ad hoc est convaincue qu’il faut à tout prix éviter que de telles pratiques se reproduisent lors de futures échéances électorales, sinon il serait difficile de renforcer la confiance des citoyens marocains dans le fonctionnement démocratique des institutions.
45. La couverture médiatique de la campagne des différents partis en lice a été globalement équitable. Cependant, la délégation tient à souligner qu’il est essentiel que toute couverture médiatique, afin d’être équilibrée, doit refléter pleinement les expressions de tous les courants d’opinion, y compris ceux qui appellent à s’abstenir ou à boycotter les élections.
46. La commission ad hoc considère que, tout au long de la campagne électorale, la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle et le Conseil nationale des droits de l’homme du Maroc ont effectué un travail remarquable qui a contribué à renforcer la coopération avec les observateurs internationaux et la confiance dans le processus électoral.
47. La commission ad hoc invite les autorités du Maroc à procéder à une analyse approfondie de l’organisation des élections législatives du 25 novembre 2011, les premières depuis l’adoption de la nouvelle Constitution du pays, ainsi que des récentes modifications de la législation électorale. Compte tenu du fait que le Maroc est membre de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, la commission ad hoc est convaincue que ce travail devrait être réalisé en étroite coopération avec la Commission de Venise afin d’améliorer la législation électorale ainsi que certains aspects pratiques de l’organisation du scrutin et, d’une manière générale, de tout le processus électoral avant les prochaines échéances électorales.
48. La commission ad hoc souligne la nécessité de renforcer la coopération de l’Assemblée parlementaire avec le Parlement nouvellement élu dans le cadre de la Résolution 1818 (2011) sur le statut de partenaire pour la démocratie.

Annexe 1 – Programme

(open)

Mercredi 23 novembre 2011

9 h Réunion de la commission ad hoc:

  • Ouverture de la réunion et présentation de la mission préélectorale par M. Tomáš Jirsa, Chef de la délégation
  • Briefing par d’autres membres de la mission préélectorale
  • Développements récents dans le domaine de la législation électorale, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, experte de la Commission de Venise
  • Dispositions pratiques et logistiques, secrétariat

10 h 15 – 11 h Réunion avec M. Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de l’homme

11 h 00 – 11 h 45 Réunion avec des représentants des médias

11 h 45 – 12 h 15 Réunion avec des représentants des ONGs impliquées dans l’observation des élections

12 h 15 – 13 h 15 Réunion avec M. Nour-Eddine Boutayeb, Secrétaire général du ministère de l’Intérieur et M. Hassan Aghmari, Gouverneur Directeur des Elections

14 h 45 – 15 h 30 Réunion avec Mme Cécile Abadie, Chef de la section politique, Délégation de l’Union européenne au Maroc – Contexte politique, campagne électorale

15 h 30 – 16 h 15 Réunion avec M. Ahmed Ghazali, Président de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle et ses collaborateurs – présentation des aspects de la couverture médiatique pendant la campagne électorale

16 h 15 – 18 h 35 Réunion avec les présidents des groupes parlementaires de la Chambre des représentants 
			(1) 
			Les groupes parlementaires
sont invités selon l’ordre alphabétique français, pour une réunion
de 20 minutes (pour chaque groupe) avec la délégation de l’Assemblée.:

  • Mme Latifa Bennani Smires, Présidente du Groupe Istiqlalien de l’Unité et de l’Egalitarisme
  • M. Amara, représentant du Groupe Justice et Développement
  • Mme Aïcha Glkaa, représentante du Groupe socialiste

Jeudi 24 novembre 2011

9 h 30 – 11 h Observation du scrutin, questions pratiques et logistiques

Déploiement

Réunions avec les chauffeurs et les interprètes pour les équipes de la commission ad hoc

Vendredi 25 novembre 2011

Toute la journée Observation de l’ouverture, du scrutin et du dépouillement

Samedi 26 novembre 2011

9 h 30 Réunion de débriefing de la commission ad hoc

11 h 30 Conférence de Presse de la commission ad hoc

Annexe 2 – Elections législatives au Maroc: déclaration de la mission d’observation de l’APCE

(open)

Strasbourg, 26.11.2011 – Les élections législatives qui ont lieu au Maroc le 25 novembre 2011 se sont déroulées dans une atmosphère calme, les électeurs ayant pu faire leur choix librement entre les partis de différentes sensibilités politiques.

La délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) souligne avec satisfaction que, suite à l’adoption de la nouvelle Constitution du 1er juillet 2011, les autorités du Maroc ont amélioré le cadre électoral permettant l’organisation d’élections libres et équitables, à condition qu’il soit appliqué de bonne foi. La délégation regrette toutefois que les amendements à la législation électorale n’aient été adoptés que tardivement, moins d’un mois avant le début de la campagne officielle, ce qui ne correspond pas aux pratiques recommandées par le Conseil de l’Europe en matière électorale.

La délégation salue l’augmentation du taux de participation par rapport aux dernières élections législatives. Malgré la courte durée de la campagne électorale, qui a officiellement démarré le 12 novembre, les principaux acteurs politiques ont réussi à mobiliser l’électorat, ce qui constituait l’un des enjeux majeurs de ce scrutin.

Selon les données du Ministère de l’Intérieur, environ 13,4 millions de citoyens marocains figuraient sur les listes électorales. L’exhaustivité de ces listes étant un élément clé du processus électoral, la délégation regrette que le système électoral actuel, selon certains de ses interlocuteurs, ne favorise pas l’inscription sur les listes d’un nombre élevé de citoyens. En effet, une partie considérable des quelques 20 millions de Marocains ayant atteint l’âge légal d’électeur ne figurerait pas sur les listes. A cet égard, la délégation souligne également le fait que la procédure de vote par procuration pour les citoyens marocains résidant à l’étranger ne facilite pas l’exercice du droit de vote garanti par la Constitution.

La délégation a été informée de certaines irrégularités qui auraient eu lieu lors de la campagne électorale. Elles concerneraient des cas d’achat de voix, d’utilisation indue de ressources administratives, ainsi que d’intimidation et de pressions, notamment à l’égard de personnes ayant appelé à boycotter les élections. Par conséquent, la délégation demande aux autorités compétentes de faire toute la lumière sur ces allégations et, au cas où elles s’avéreraient exactes, d’établir les responsabilités et d’en informer la société marocaine et les observateurs internationaux dans les meilleurs délais. Il est essentiel d’éviter que de telles pratiques se produisent lors de futures échéances électorales de manière à renforcer la confiance des citoyens marocains dans le fonctionnement démocratique des institutions.

La délégation tient à souligner le travail remarquable effectué par la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle. La couverture médiatique de la campagne des différents partis en lice a été globalement équitable. Cependant, la délégation tient à souligner qu’il est essentiel que toute couverture médiatique équilibrée reflète pleinement les expressions de tous les courants d’opinion, y compris ceux appelant à l’abstention.

La délégation salue le travail remarquable effectué par le Conseil National des Droits de l’Homme du Maroc tout au long de la campagne électorale.

Elle tient à rappeler que l’Assemblée est prête à renforcer sa coopération avec le Parlement nouvellement élu dans le cadre de la Résolution 1818 (2011) sur le statut de «Partenaire pour la démocratie» et encourage les autorités à intensifier leur coopération avec la Commission de Venise du Conseil de l’Europe afin d’améliorer la législation électorale.

L’APCE adoptera son rapport final sur l’observation des élections le 23 janvier 2012 à Strasbourg.