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Rapport | Doc. 12777 | 24 octobre 2011

Droits fondamentaux et responsabilités fondamentales

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteure : Mme Marie-Louise BEMELMANS-VIDEC, Pays-Bas, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12287, Renvoi 3694 du 25 juin 2010. 2011 - Commission permanente de novembre

Résumé

Les droits, devoirs et responsabilités ne peuvent pas être dissociés les uns des autres. La vie en société implique inévitablement des devoirs et des responsabilités tout comme des droits. Certains devoirs sont déjà fixés dans des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et les ordres juridiques nationaux. Ces devoirs révèlent l'existence de responsabilités fondamentales implicites.

Les responsabilités ne doivent jamais être lourdes au point de compromettre les droits de l'individu chargé de les assumer, et notamment ses droits fondamentaux. Les responsabilités doivent toujours rester raisonnables. Lorsqu'une charge est imposée à un individu, au nom de l'intérêt général, il faut établir un juste équilibre entre les divers intérêts en jeu.

Ce rapport identifie une série de responsabilités fondamentales générales et particulières. Il souligne que ces responsabilités fondamentales ne peuvent jamais être interprétées comme une entrave, une restriction ou une atteinte aux droits et libertés énoncés dans la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles, la Charte sociale européenne révisée et d'autres instruments internationaux et régionaux en matière de droits de l'homme. Le rapport appelle tous les Etats membres du Conseil de l'Europe à prendre en compte de façon proportionnée ces responsabilités fondamentales dans leurs relations avec les individus.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet de résolution
adopté à l’unanimité par la commission le 21 juin 2011.

(open)
1. Les droits, devoirs et responsabilités ne peuvent pas être dissociés les uns des autres. La vie même en tant que membre de la société implique inévitablement des devoirs et des responsabilités tout comme des droits.
2. La question des responsabilités fondamentales a donné lieu à un vaste débat politique auquel ont participé les représentants de toutes les tendances politiques.
3. L'Assemblée parlementaire estime qu'il convient d'établir une distinction entre les devoirs, définis comme des obligations juridiques, et les responsabilités, définies comme des obligations morales.
4. Certains devoirs sont déjà fixés dans des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et dans les ordres juridiques nationaux. Ces devoirs révèlent l'existence de responsabilités fondamentales implicites.
5. Les devoirs imposés par la loi sont soumis au principe de proportionnalité. Lorsqu'une charge est imposée à un individu, au nom de l'intérêt général, il faut établir un juste équilibre entre les divers intérêts en jeu.
6. De même, les responsabilités ne doivent jamais être lourdes au point de compromettre les droits de l'individu chargé de les assumer, et notamment ses droits fondamentaux. Les responsabilités doivent toujours rester raisonnables.
7. Identifier des responsabilités fondamentales est une question délicate. Les valeurs auxquelles est attachée la majorité du moment ne doivent pas être imposées inconsidérément à tous les membres de la société.
8. L'Assemblée:
8.1. identifie l'ensemble des responsabilités fondamentales suivantes:
8.1.1. Tous les individus ont la responsabilité fondamentale générale de traiter autrui avec humanité, de faire preuve de tolérance et de respecter les droits des autres tout en exerçant leurs propres droits;
8.1.2. En outre, tous les individus ont pour responsabilités fondamentales particulières de respecter et de protéger la vie humaine, de s’abstenir d’actes de torture et de traitements inhumains ou dégradants, y compris des pratiques d’exploitation d’autrui, de respecter la liberté personnelle d'autrui, de respecter la vie privée, la réputation et l’honneur d’autrui, de respecter et d’assurer l'égalité de traitement et la non-discrimination, d’acquérir une éducation, de travailler, d’accomplir les obligations civiques, dont la participation au processus démocratique, de faire preuve de solidarité, d'agir de manière responsable à l'égard des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées ainsi que vis-à-vis de l'environnement et de respecter la propriété de la communauté et la propriété privée;
8.2. souligne que ces responsabilités fondamentales ne peuvent jamais être interprétées comme une entrave, une restriction ou une dérogation aux droits et libertés énoncés dans la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) et ses protocoles, la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) et d'autres instruments internationaux et régionaux en matière de droits de l'homme;
8.3. appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe à prendre en compte de façon proportionnée ces responsabilités fondamentales générales et particulières dans leurs relations avec les individus.

B. Exposé des motifs, par Mme Bemelmans-Videc, rapporteure

(open)

1. Introduction 
			(2) 
			Je tiens à remercier,
pour leur aide, le professeur Paul Lemmens et M. Michaël Merrigan
de la Katholieke Universiteit Leuven. Le document d’information
qu’ils ont élaboré a été la base de travail essentielle du présent
rapport.

1. Depuis l’émergence, après la seconde guerre mondiale, du mouvement moderne en faveur des droits de l’homme, la question des devoirs et responsabilités n’a jamais été très loin de celle des droits de l’homme. Lors de la préparation de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, d’intenses débats ont notamment eu lieu au sujet du rôle et de la place des devoirs dans les instruments internationaux des droits de l’homme. Alors qu’il était communément admis qu’il ne peut y avoir de droits sans devoirs, les nations occidentales en particulier percevaient fréquemment l’inclusion de devoirs dans les documents relatifs aux droits de l’homme comme une menace à la protection offerte aux individus.
2. Le thème des responsabilités fondamentales et leurs liens avec les droits fondamentaux est un sujet qui fait controverse. Dans le présent rapport, je tenterai d’esquisser dans les grandes lignes les principaux arguments avancés dans le débat public et de mettre en lumière un certain nombre d’instruments nationaux et internationaux qui, de près ou de loin, ont traité du sujet. Fort de ces conclusions, je dresserai une liste des responsabilités susceptibles d’être qualifiées de «fondamentales» dans le contexte européen.

2. Le débat

3. Les questions liées aux devoirs et responsabilités des individus remontent probablement à la création de la société organisée. Elles ont en fait occupé tout au long de l’histoire une place importante dans la pensée politique et philosophique. Depuis d’éminents personnages historiques tels qu’Aristote, Thomas d’Aquin, Nicolas Machiavel et John Milton, jusqu’aux théoriciens du contrat social comme Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques Rousseau, en passant par les philosophes du XIXe siècle Jeremy Bentham et John Stuart Mill, tous estimaient que les devoirs et responsabilités de l’individu, sous une forme ou une autre et souvent de manière très différente, étaient essentiels pour la vie de la société 
			(3) 
			Pour une présentation
plus détaillée de ces personnages et de leur conception des devoirs
des individus, voir Hodgson D., Individual
Duty within a Human Rights Discourse, Ashgate, Aldershot,
2003, p. 7-28..
4. Plus récemment, plusieurs initiatives privées et politiques ont appelé à mettre un accent plus fort sur les devoirs et responsabilités. Dans l’ensemble, les partisans d’une telle démarche sont d’avis que les droits individuels ont bénéficié d’une attention excessive dans la société contemporaine alors que les devoirs et responsabilités des individus ont été négligés, favorisant un certain type d’individualisme préjudiciable à la vie humaine sur un plan général et à la vie de la communauté en particulier. Cet effondrement perçu de la moralité privée et publique serait à l’origine, ou du moins le catalyseur, de bon nombre des problèmes sociaux d’aujourd’hui. Il n’est par conséquent pas surprenant que la question des devoirs et responsabilités ait été soulevée par les communautaristes et autres auteurs de même sensibilité 
			(4) 
			Voir,
par exemple, dans la littérature américaine, Glendon M.A., Rights Talk: the Impoverishment of Political Discourse,
Simon & Schuster, New York, 1991; Etzioni A., The Spirit of Community: Rights, Responsibilities
and the Communitarian Agenda, Fontana Press, Londres,
1995, et dans la littérature britannique, Selbourne D., The Principle of Duty: An Essay on the Foundations
of Civic Order, Abacus, Londres, 1997.. Ils ne sont toutefois pas les seuls à avoir lancé le débat. Comme nous le verrons, les représentants des religions du monde partageant les mêmes préoccupations se sont mis en quête d’une «éthique mondiale» en guise de réponse à celles-ci. Le Conseil InterAction, une association privée d'anciens chefs d’Etat et de gouvernement, a repris cette idée et a rédigé un projet de déclaration universelle des obligations de la personne. La Commission des droits de l’homme des Nations Unies a demandé à la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, organe composé d’experts indépendants, d’étudier la question des «droits de l’homme et responsabilités sociales de l’homme». L’éventail très large de personnes et d’organisations intéressées par le sujet nous permet de déduire que la notion de devoirs et responsabilités ne peut être associée à un ou plusieurs groupes politiques, philosophiques, religieux ou de pression particuliers. Bien au contraire, de nombreux acteurs du monde politique semblent partager le même sentiment selon lequel une approche des droits de l’homme intégrant de manière plus explicite les devoirs et responsabilités pourrait, peut-être, apporter une réponse à bon nombre des problèmes sociaux contemporains. Comme l’avance un auteur commentant le manque d’attention portée aux devoirs par la doctrine juridique traditionnelle au lendemain de la Révolution française, «ils n’ont pas senti ou voulu comprendre que dans une vision réaliste de la démocratie on ne pouvait pas séparer les droits des citoyens de leurs devoirs vis-à-vis de la collectivité. Car en ne retenant que les premiers au détriment des seconds on accrédite dans l’opinion l’idée que l’individu peut tout attendre de l’Etat sans rien avoir à lui apporter, on fausse d’entrée de jeu les termes du contrat social avec toutes les conséquences fâcheuses que cette présentation tronquée peut avoir à la longue sur les mentalités» 
			(5) 
			Jeanneau B., «Vraie
ou fausse résurgence des déclarations des devoirs de l’homme et
du citoyen», in Territoires et liberté:
mélanges en hommage au doyen Yves Madiot, Bruylant, Bruxelles,
2000, p. 315..
5. Il est vrai que l’idée d’insister davantage sur les devoirs et responsabilités ne fait pas l’unanimité. Cependant, les détracteurs ne contestent généralement pas la nécessité d’identifier certaines obligations morales, voire légales. La plupart des gens s’accorderont probablement à dire que nous avons tous un minimum de responsabilités envers notre famille, autrui, la communauté et l’Etat. Les opposants réfutent parfois l’existence d’une crise morale ou sa gravité et rétorquent que le mouvement en faveur des responsabilités repose sur une certaine nostalgie injustifiée 
			(6) 
			Voir, par exemple,
Saul B., «In the shadow of human rights: human duties, obligations,
and responsibilities», Columbia Human
Rights Law Review, 32,2001, p. 569-570.. Leur principale crainte toutefois est que ces responsabilités, surtout lorsqu’elles sont juridiquement applicables, menacent la protection des droits de l’homme individuels. Ils insistent sur l’histoire des droits de l’homme en tant que mécanisme de protection à l’égard des ingérences arbitraires de l’Etat. Historiquement, les régimes (autoritaires) ont trop souvent fait un usage abusif des devoirs pour réprimer les droits légitimes des citoyens. De ce fait, les opposants jugent préférable de laisser le soin aux systèmes juridiques nationaux d’imposer les devoirs, alors que la protection des droits de l’homme pourrait être organisée au plan international ou supranational. Ces craintes ne sont pas totalement infondées. Le risque d’une utilisation abusive des devoirs et responsabilités doit de ce fait être neutralisé.
6. Comme relevé dans la littérature 
			(7) 
			Voir, par exemple,
Paust J.H., «The other side of right: private duties under human
rights law», Harvard H.R.J. 51,
5, 1992; Sunstein C.R., «Rights and their critics», Notre Dame L. Rev., 727, 70, 1995;
Conseil international sur les politiques des droits humains, Taking Duties Seriously: Individual Duties
in International Human Rights Law: A Commentary, Conseil international
sur les politiques des droits humains, Versoix, Suisse, 1999; Saul
B., «In the shadow of human rights: human duties, obligations, and
responsibilities», Columbia Human Rights
Law Review, 565, 32, 2001; Hodgson D., note de bas de
page 4 ci-dessus; Knox J.H., «Horizontal human rights law», Am. J. Intern. L., 1, 102, 2008;
Lazarus L., Goold B., Desai R. et Rasheed Q., The
Relationship between Rights and Responsibilities, United
Kingdom Ministry of Justice Research Series 18/09, ministère de
la Justice, Londres, 2009, <a href='http://www.justice.gov.uk/publications/docs/research-rights-responsibilities.pdf'>www.justice.gov.uk/publications/docs/research-rights-responsibilities.pdf</a>., il semblerait que les devoirs et responsabilités soient en réalité déjà largement reconnus, tant dans les instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme que dans divers systèmes juridiques nationaux. Si cet état de fait peut être considéré comme un argument contre une insistance accrue sur les devoirs et responsabilités au niveau international, il devrait également être perçu comme un argument en faveur d’un développement normatif plus conséquent des devoirs et responsabilités – tant que la protection des droits individuels est garantie.
7. Que l’on convienne ou non de l’existence d’une crise morale et d’une baisse de la sensibilisation de la communauté, la question des devoirs et responsabilités a manifestement, ces dernières années, pris une place prépondérante dans le débat politique européen.
8. Il est notamment un domaine dans lequel ces devoirs et responsabilités peuvent jouer un rôle important: «la responsabilité citoyenne». Vivre en tant que membres d’une société donnée implique inévitablement des devoirs et responsabilités. Dans certaines de nos sociétés, nous avons le sentiment que bon nombre de citoyens ont perdu tout lien avec la communauté, au sens plus large, dont ils sont membres et qu’il est impératif d’identifier les valeurs fondamentales et de les réancrer dans les esprits. Aux Pays-Bas par exemple, le ministère de l’Intérieur a initié en 2009 une discussion sur les implications de la citoyenneté, en vue d’élaborer une «Charte de la responsabilité citoyenne». Il a sollicité la production d’un rapport qui a été publié en janvier 2010, identifiant un certain nombre de valeurs qui, selon l’étude menée, étaient jugées fondamentales dans la société néerlandaise. S’agissant de la notion de responsabilité citoyenne, les auteurs ont notamment cité les valeurs suivantes: «cohabiter dans un climat positif», «prendre soin les uns des autres», «s’attacher à l’avenir» et «l’engagement vis-à-vis de la société» 
			(8) 
			Verhue D. et Roos S., Bouwstenen van burgerschap. Een onderzoek in
het kader van het handvest voor verantwoordelijk burgerschap,
rapport demandé par le ministère néerlandais de l’Intérieur, Amsterdam,
novembre 2009, <a href='http://www.rijksoverheid.nl/onderwerpen/democratie-en-burgerparticipatie/documenten-en-publicaties/rapporten/2010/01/20/onderzoek-bouwstenen-van-burgerschap.html'>www.rijksoverheid.nl/onderwerpen/democratie-en-burgerparticipatie/documenten-en-publicaties/rapporten/2010/01/20/ onderzoek-bouwstenen-van-burgerschap.html</a> (néerlandais)..
9. Au Royaume-Uni, l’ancien gouvernement a lancé un débat sur l’élaboration d’une déclaration sur les droits et responsabilités afin de souligner, comme son intitulé le laisse présager, l’importance des responsabilités. Dans un livre vert présenté en 2009 au parlement, les auteurs évoquaient les «mutations sociales et économiques» qui «avaient modifié les attitudes publiques». Selon eux, cette évolution «avait encouragé l’émergence d’un public moins respectueux et plus consumériste» 
			(9) 
			Rights and Responsibilities: developing our
constitutional framework, livre vert présenté au Parlement
par le ministre de la Justice, le secrétaire d’Etat à la Justice
et le ministre d’Etat, ministère de la Justice, mars 2009, p. 17, <a href='https://www.justice.gov.uk/publications/docs/rights-responsibilities.pdf'>www.justice.gov.uk/publications/docs/rights-responsibilities.pdf</a>. . Le document prétend que dans notre «société atomisée», les droits sont, dans une certaine mesure, devenus «marchandisables», comme «en témoignent ceux qui font valoir leurs droits de manière égoïste, en faisant preuve d’un total mépris de ceux d’autrui» 
			(10) 
			Ibid.. Un certain nombre de responsabilités incombant aux citoyens du Royaume-Uni sont proposées, par exemple «traiter avec respect les membres du personnel du National Health Service et des autres services publics»; «protéger et promouvoir le bien-être des enfants dont nous avons la charge»; «vivre dans le respect des limites posées par notre environnement»; «participer à la vie de la société en votant et en assumant le service de jury»; «aider la police en signalant les actes criminels et en coopérant avec les services de poursuite»; ainsi qu’un ensemble de devoirs d’ordre général tels que «payer ses impôts» et «respecter la loi» 
			(11) 
			Ibid,
p. 19.. Toutefois, le gouvernement a souligné que les droits inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») «ne peuvent pas être juridiquement subordonnés à l’exercice des devoirs» 
			(12) 
			Ibid,
p. 18. . Ce livre vert a suscité un débat intense sur le rôle des droits et responsabilités au Royaume-Uni 
			(13) 
			Pour plus de détails
sur les arguments de ce débat, voir, par exemple, le rapport susmentionné
de Lazarus L., Goold B., Desai R. et Rasheed Q., évoqué dans la
note de bas de page 8 ci-dessus; voir aussi, par exemple, le point
de vue critique de Eleftheriadis P., «On Rights and Responsibilities»,
Paper no 44/2009, University of Oxford
Legal Research Paper Series, octobre 2009, <a href='http://ssrn.com/abstract=1486086'>http://ssrn.com/abstract=1486086</a>. .
10. Manifestement, toute tentative d’identification des responsabilités fondamentales est un sujet hautement sensible. Il existe toujours un risque que les valeurs chères aux yeux de la majorité dominante à un moment donné soient indûment imposées en tant que normes de conduite, voire en tant que devoirs juridiquement applicables à tous les membres de la société. Ce risque est particulièrement présent lorsque la notion de responsabilité citoyenne et de responsabilités fondamentales est appliquée dans le cadre de l’intégration de nouveaux arrivants, notamment d’immigrants, dans une société donnée. Si la société hôte est incontestablement en mesure d’attendre légitimement des nouveaux arrivants qu’ils respectent certaines valeurs fondamentales, la société est quant à elle tenue de respecter les droits fondamentaux de tous les individus, y compris ceux des membres des minorités. Le respect mutuel est nécessaire. Par conséquent, les devoirs et responsabilités sont indissociables des droits fondamentaux 
			(14) 
			En Belgique, une commission
a été établie par le gouvernement flamand en vue d’analyser le contenu
d’un cours d’intégration proposé aux nouveaux arrivants étrangers.
Ce cours avait pour objet de les familiariser avec la société flamande.
La commission, dirigée par un juge de la Cour constitutionnelle
et composée de divers experts, a soumis son rapport final en mai
2006 (Commissie «ter invulling van de cursus maatschappelijke oriëntatie», Eindverslag, mai 2006). A partir
des valeurs énoncées dans un certain nombre d’instruments internationaux
des droits de l’homme, le rapport identifie cinq valeurs fondamentales,
en l’occurrence: la liberté, l’égalité, la solidarité, le respect
et la citoyenneté. Le rapport aborde dans la dernière partie les
devoirs de l’individu vis-à-vis de l’Etat et envers autrui. Selon
le document, la citoyenneté suppose l’engagement des individus les
uns envers les autres. La commission avance qu’il appartient à l’Etat d’encourager
ce type d’engagement (p. 26-29)..

3. Droits, devoirs et responsabilités, et liens intrinsèques

11. Dans la suite du présent rapport, je traiterai principalement des responsabilités plutôt que des devoirs. Différentes significations ont été attribuées à ces notions. J'ai pris le parti de comprendre par responsabilités les obligations morales ou éthiques, et par devoirs les obligations imposées par la loi 
			(15) 
			Les notions de «devoirs»,
«responsabilités» et «obligations» étant employées de manière interchangeable
dans la littérature, la signification attribuée à chacune d’entre
elles dans le présent rapport reflète simplement une définition
de travail. Il convient de garder à l’esprit que ces notions peuvent
avoir des sens différents dans la littérature disponible. Voir, par
exemple, Dumont H., Ost F. et Van Drooghenbroeck S., La responsabilité, face cachée des droits de
l’homme, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 6, dans lequel
le terme «obligation» revêt une connotation juridique, «devoir»
une connotation morale et «responsabilité» une connotation éthique.
Si cette catégorisation est défendable, elle ne sera pas reprise
dans le présent rapport; je ferai simplement la distinction entre
devoirs (légaux) et responsabilités (morales et/ou éthiques). . A cet égard, j'adhère pleinement à la distinction établie par M. Martelli, dans son rapport soumis à l’Assemblée parlementaire en 1998, entre «les devoirs obligatoires vis-à-vis de l’Etat (…) et envers autrui» (devoirs) et les obligations morales et éthiques (responsabilités) 
			(16) 
			«Education aux responsabilités
de l’homme», rapport de la commission de la culture et de l’éducation, Doc. 8283, rapporteur: M. Valentino Martelli. Le rapport énonce
ceci: «Il est nécessaire de distinguer clairement deux types de devoirs:
d’un côté, les devoirs obligatoires vis-à-vis de l’état (service
militaire, perception des impôts, etc.), ainsi que les devoirs obligatoires
envers autrui, comme le devoir de s’abstenir du recours à la violence,
et de l’autre côté, les devoirs moraux et éthiques (devoir de solidarité,
etc.). Les premiers peuvent être présentés sous la forme d’obligations
légales, alors que les derniers sont des exigences éthiques qu’on
ne doit pas fixer légalement»..
12. Les «responsabilités», de nature morale et éthique, requièrent une approche très différente de celle des «devoirs» et «droits de l’homme», de nature clairement juridique. Comme l’indique M. Martelli dans son rapport: «Si un Etat définissait les règles de tout comportement humain, cela représenterait une négation de la liberté et des droits de l’homme car chacun doit être responsable de son propre comportement moral et éthique. Il s’agirait alors d’un Etat totalitaire ne correspondant pas aux principes et aux valeurs du Conseil de l’Europe. Les attitudes morales doivent rester dans la sphère d’un libre choix de l’individu».M.
13. M. Martelli met en garde contre tout amalgame entre la sphère de la loi d’un côté et celle de la morale et de l’éthique de l’autre. Pour cette raison, il souligne le principal danger auquel on s’expose en cherchant à lister les responsabilités de l’homme au niveau international: «Mettre les droits et les devoirs moraux sur la même base implique le danger de réduire l’effectivité des droits, en négligeant leur force légale qui est plus qu’une question morale. Pour la même raison il ne paraît pas souhaitable que chaque fois que dans un texte de l’Assemblée il est fait référence à un droit de l’homme, d’y ajouter systématiquement un devoir correspondant».
14. M. Martelli reconnaît également à fort juste titre que «les droits de l’homme ont aussi une dimension individuelle qui consiste en la liberté de s’opposer et de contester les valeurs de la société et de ses institutions». «C’est pourquoi, [indique-t-il] il serait assez délicat de formuler les responsabilités de l’individu à l’égard de la société.» Il évoque par ailleurs un autre danger: «les gouvernements seraient obligés de traiter (juridiquement) les citoyens qui n’obéissent pas à leurs devoirs», ce qui serait gênant parce qu’un «Etat ne peut et ne doit pas prescrire les attitudes morales et éthiques de ses citoyens». Enfin, M. Martelli exprime également ses préoccupations devant le fait que l’observation des responsabilités morales d’une personne puisse être regardée comme un préalable légal à l’exercice de ses droits de l’homme. Les responsabilités fondamentales pourraient ainsi devenir «un instrument permettant à tous les régimes autoritaires de relativiser les droits de la personne, d’élever la morale sociale au rang de norme et d’intervenir dans tous les domaines de la vie privée des citoyens». Comme évoqué précédemment, il est par conséquent important que l’Assemblée, en proposant un certain nombre de «responsabilités fondamentales», veille à ce que la protection des droits fondamentaux ne soit en aucune manière menacée.
15. Comme on peut le déduire de ce qui précède, la distinction établie entre responsabilités morales et devoirs légaux signifie que les Etats membres du Conseil de l’Europe ne sont aucunement tenus de convertir les responsabilités fondamentales proposées dans le projet de résolution en devoirs juridiquement applicables. Il est en principe laissé à la libre appréciation des autorités nationales de décider dans quelle mesure agir en ce sens, si tant est qu’elles le souhaitent et à condition, bien sûr, que leurs actes respectent les droits de l’homme individuels.
16. Les devoirs, imposés par la loi, sont soumis au principe de proportionnalité. Lorsqu’un individu a à subir une charge, au nom de l’intérêt général ou de la protection des droits et intérêts d’autrui, il convient de préserver un juste équilibre entre les divers intérêts en cause. Une charge démesurée n’est en aucun cas admissible 
			(17) 
			Voir, par exemple,
Cour européenne des droits de l’homme, Lithgow
c. Royaume-Uni, arrêt du 8 juillet 1986, paragraphe 120.. Ce dernier principe s’applique également aux responsabilités fondamentales. Elles ne peuvent pas être lourdes au point de compromettre les droits, notamment fondamentaux, de l’individu qui les endosse. Les responsabilités doivent, en toutes circonstances, rester raisonnables.
17. Dans le présent rapport, je chercherai à identifier et décrire un certain nombre de responsabilités jugées fondamentales par l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe. Les autorités nationales pourront s’inspirer de cette liste, ni plus ni moins.
18. La distinction entre responsabilités et devoirs, et l’accent que j'ai choisi de placer sur les responsabilités induisent une autre conséquence. J'estime qu’il convient de laisser aux autorités nationales compétentes le soin de traiter des relations entre l’individu et l’Etat. Je m'attacherai plus particulièrement aux relations entre l’individu d’un côté et ses concitoyens et la société dans son ensemble de l’autre.
19. Différents moyens de procéder s’offrent à nous lorsqu’il s’agit d’identifier les responsabilités jugées fondamentales. L’un d’entre eux consiste à prendre en compte des considérations d’ordre moral, religieux, politique ou autres. Toutefois, dans ce rapport, l’approche proposée repose sur les droits de l’homme. J'estime en effet que c’est précisément dans ce contexte que l’Assemblée, fermement engagée dans le respect et la protection des droits de l’homme, est la mieux à même d’apporter sa contribution.
20. L’approche fondée sur les droits de l’homme appliquée dans le présent rapport suppose une identification des responsabilités fondamentales à partir des dispositions des instruments internationaux des droits de l’homme, et notamment ceux pertinents pour le Conseil de l’Europe. La Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) seront les principales (mais pas les seules) sources d’inspiration.
21. Les instruments internationaux des droits de l’homme font parfois explicitement référence à l’existence de telles responsabilités. C’est par exemple le cas de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention, qui stipule que l’exercice de la liberté d’expression «comporte des devoirs et des responsabilités».
22. La plupart du temps, toutefois, l’existence de responsabilités fondamentales est implicitement reconnue par les auteurs de ces textes. C’est par exemple le cas lorsque l’instrument prévoit la possibilité d’apporter des restrictions aux droits de l’homme aux fins de la réalisation de certains objectifs légitimes. Ces derniers peuvent avoir trait aux relations entre l’individu et ses concitoyens ou la société dans son ensemble, et sont dans ce cas hautement révélateurs de l’existence de responsabilités fondamentales qui incombent à chaque membre de la société.
23. Le fait que les Etats aient des obligations positives inhérentes à un respect effectif des droits de l’homme, est un autre indicateur de l’existence de responsabilités fondamentales, dans la mesure notamment où ces obligations impliquent l’adoption de mesures visant à garantir le respect des droits de l’homme jusque dans les relations des individus entre eux 
			(18) 
			S’agissant
des obligations positives inhérentes à un respect effectif de la
vie privée ou familiale, voir la Cour européenne des droits de l’homme, X et Y c. Pays-Bas, arrêt du 26
mars 1985, paragraphe 23.. Les Etats peuvent de ce fait être amenés à imposer des devoirs (juridiquement applicables) aux individus.
24. Les obligations légales et les obligations morales et éthiques préexistantes, que j'ai appelées respectivement «devoirs» et «responsabilités», peuvent se chevaucher (comme cela est souvent le cas). Il est utile de noter que l’existence de devoirs individuels quels qu’ils soient peut être révélatrice de l’existence de responsabilités fondamentales synthétisées. S’agissant de ces reconnaissances implicites de responsabilités fondamentales, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») sera hautement pertinente.
25. L’approche des responsabilités fondamentales basée sur les droits de l’homme est censée garantir que les responsabilités des individus soient perçues en tant que compléments indispensables des droits individuels. De cette manière, les responsabilités fondamentales contribuent non seulement à décrire plus précisément le statut de l’individu au sein de la société, mais permettront également de mieux protéger les droits fondamentaux des autres individus, en renforçant davantage le cadre démocratique dans lequel s’inscrivent ces droits.
26. Le présent rapport ne traite pas des «responsabilités» mais des «responsabilités fondamentales». Je m'efforcerai de ce fait d’énumérer les responsabilités largement reconnues. C’est également pourquoi je chercherai des références dans les textes internationaux existants relatifs aux droits de l’homme. D’une certaine manière, les responsabilités fondamentales peuvent être considérées comme des principes généraux, dont l’existence découle de l’application particulière diverse et variée de ces principes, y compris de l’application sous la forme de devoirs juridiquement applicables. Ces principes peuvent à leur tour conduire à une concrétisation en devoirs juridiquement applicables de nature plus spécifique.
27. Enfin, il convient de souligner que les responsabilités fondamentales, à l’instar des droits fondamentaux, ne sont pas absolues. En d’autres termes, dans certaines circonstances, un individu peut prétendre qu’une responsabilité fondamentale donnée s’applique à lui dans une moindre mesure qu’elle ne le devrait normalement. A titre d’exemple, on ne peut pas attendre d’une personne malade qu’elle endosse une responsabilité inchangée à l’égard du travail. Il s’agit de veiller à ce que les responsabilités ne restreignent pas indûment les droits dans une situation donnée (voir ci-dessus, paragraphe 10). Dans une déclaration de principes similaire à celle contenue dans le projet de résolution, il n’est pas nécessaire et il s’avère en fait impossible de passer en revue l’ensemble des éléments susceptibles de justifier une limitation des principes. Il suffit d’insister clairement sur le fait qu’il ne s’agit que de principes, et qu'il peut y avoir des exceptions. Souvent, ce sera précisément la nécessité de respecter les droits de l’homme qui conduira à la restriction du champ d’une responsabilité particulière.

4. Textes et initiatives existants

4.1. Les responsabilités dans les instruments des droits de l’homme

28. Comme évoqué précédemment, il serait erroné de prétendre que les instruments contemporains des droits de l’homme ne prêtent pas attention aux devoirs et responsabilités. Ce qui suit est un bref aperçu de certaines références contenues dans les instruments internationaux et régionaux les plus importants relatifs aux droits de l’homme 
			(19) 
			Pour
un aperçu plus détaillé, voir, inter
alia, Conseil international sur les politiques des droits
humains, note de bas de page 8 ci-dessus; Hodgson D., note de bas
de page 4 ci-dessus..
29. Toute analyse des devoirs et responsabilités reconnus dans les documents internationaux des droits de l’homme doit avoir pour point de départ la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 dont l’article 29, paragraphe 1, énonce que «l’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible». Cette disposition peut être considérée comme l’une des plus essentielles de la déclaration dont les auteurs ont d’ailleurs souhaité faire un élément clé 
			(20) 
			Conseil international
sur les politiques des droits humains, note de bas de page 8 ci-dessus.
Pour plus d’informations sur le processus d’élaboration, voir également
Verdoodt A., Naissance et signification
de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Etudes morales,
sociales et juridiques, Nauwelaerts, Louvain, 1964, p.
262-271; Cassin R., «De la place aux devoirs de l’individu dans
la Déclaration universelle des droits de l’homme», in Mélanges offerts à Polys Modinos: problèmes
des droits de l’homme et de l’unification européenne,
Pedone, Paris, 1968, p. 479-488.. Elle affirme que les individus ont des devoirs généraux, ainsi que des devoirs spécifiques susceptibles d’intervenir dans l’exercice de droits spécifiques. Les travaux préparatoires témoignent du débat intense qui a précédé la décision finale de la formulation de l’article 29, mais ils démontrent surtout la nature quasi évidente de l’inclusion de son paragraphe 1 dans la déclaration. Dans une étude minutieuse menée par Erica-Irene A. Daes, rapporteure spéciale de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités des Nations Unies, la question des devoirs de l’individu vis-à-vis de la communauté au titre de l’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme a été explorée en détail 
			(21) 
			Daes E.-I. A., Les devoirs de l’individu envers la communauté
et les limitations des droits et libertés de l’homme en vertu de
l’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme:
Contribution à l’étude de la liberté garantie à l’individu par la
loi, document des Nations Unies E/CN.4/Sub.2/432/Rev.2,
Nations Unies, New York, 1983..
30. La Convention européenne des droits de l’homme contient une référence explicite aux responsabilités, en l’occurrence à l’article 10 consacré à la liberté d’expression. Comme indiqué précédemment, l’article 10, paragraphe 2, évoque les «devoirs et responsabilités». L’ancienne Commission européenne des droits de l’homme 
			(22) 
			Voir, par exemple, Handyside c. Royaume-Uni, rapport
du 30 septembre 1975, paragraphe 141. et la Cour européenne des droits de l’homme 
			(23) 
			Voir, par exemple,
s’agissant d’un membre de la fonction publique, Vogt c. Allemagne, arrêt du 26 septembre
1995, paragraphe 53; concernant la presse, Selistö
c. Finlande, arrêt du 16 février 2005, paragraphe 54;
s’agissant de membres des forces armées, Engel
et autres c. Pays-Bas, arrêt du 8 juin 1976, paragraphe
100. ont à maintes reprises traité de tels «devoirs et responsabilités» des individus. L’article 17, qui exclut la possibilité pour les «ennemis» de la démocratie d’invoquer les droits de l’homme 
			(24) 
			Voir, par exemple, Ždanoka c. Lettonie, arrêt (Grande
Chambre) du 16 mars 2006, paragraphes 98-101., peut également être interprété comme l’expression d’une responsabilité générale imposée aux individus.
31. Le Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international de 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels font dans leur préambule une référence identique aux devoirs: «Prenant en considération le fait que l'individu a des devoirs envers autrui et envers la collectivité à laquelle il appartient et est tenu de s'efforcer de promouvoir et de respecter les droits reconnus dans le présent pacte».
32. Les responsabilités sont également évoquées dans le préambule de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui a été intégrée au Traité sur l’Union européenne. La charte énonce que «la jouissance de ces droits entraîne des responsabilités et des devoirs tant à l'égard d'autrui qu'à l'égard de la communauté humaine et des générations futures».
33. Dans beaucoup d’instruments des droits de l’homme applicables hors de l’Europe, nous trouvons des références directes et indirectes aux devoirs et responsabilités. C’est notamment le cas dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, la Convention américaine des droits de l'homme, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la Déclaration des devoirs fondamentaux des peuples et des Etats asiatiques (ANASE), le projet de charte des droits de l’homme du Pacifique, la Charte arabe des droits de l’homme, la Convention relative aux droits de l’enfant, ainsi que dans divers ensembles de principes tels que les Principes d’éthique médicale des Nations Unies applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du barreau et les Principes directeurs des Nations Unies applicables au rôle des magistrats du parquet.

4.2. Initiatives spécifiques au niveau mondial

34. Plusieurs initiatives importantes ont été entreprises dans les dernières décennies dans le but d’identifier les devoirs et responsabilités de l’individu. Dans cette section, on trouvera un aperçu de certaines des actions les plus notables engagées au plan mondial 
			(25) 
			Cet
aperçu n’abordera qu’une sélection d’initiatives hautement pertinentes;
bien d‘autres appels ou actions ont été lancés par divers acteurs
politiques et non gouvernementaux..
35. Comme évoqué précédemment, les partisans d’une plus grande emphase sur les devoirs et responsabilités sont également ceux qui souhaitent établir une éthique mondiale. A cet égard, le Parlement des religions du monde, une association regroupant les principales religions 
			(26) 
			<a href='http://www.parliamentofreligions.org/'>www.parliamentofreligions.org</a>. , est à l’origine d’une initiative majeure. En 1993, 6 500 personnes de toutes confessions se sont réunies à Chicago à l’occasion du Conseil pour un Parlement des religions du monde. Le conseil a donné son assentiment à la proclamation d’une «Déclaration pour une éthique planétaire» 
			(27) 
			Parlement
des religions du monde, «Déclaration pour une éthique planétaire»,
Chicago (Etats-Unis), 4 septembre 1993, <a href='http://www.parliamentofreligions.org/_includes/FCKcontent/File/TowardsAGlobalEthic.pdf'>www.parliamentofreligions.org/_includes/FCKcontent/File/TowardsAGlobalEthic.pdf</a>., un document principalement rédigé par Hans Küng, un théologien catholique. L’éthique planétaire envisagée dans cette déclaration n’est «ni une nouvelle théologie, ni une religion mondiale unitaire au-delà de toutes les religions existantes, pas plus qu’un mélange de toutes les religions» 
			(28) 
			Küng H., «Part One:
The Declaration of the Parliament of the World Religions; Introduction»
in Küng H. et Schmidt H. (eds.), A Global
Ethic and Global Responsibilities: Two Declarations,
SCM Press Ltd., Londres, 1998, p. 41.. Elle a en revanche pour objet de déterminer ce qui est d’ores et déjà commun à l’ensemble des religions du monde aujourd’hui en dépit de toutes leurs divergences quant aux attitudes de la personne, aux valeurs et convictions morales essentielles 
			(29) 
			Ibid.,
p. 41-42.. La déclaration repose sur la prémisse essentielle selon laquelle il ne peut y avoir de nouvel ordre mondial sans une éthique planétaire, celle-ci devant être basée sur le principe que toute personne humaine doit être traitée humainement, d’où la «règle d’or»: «Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse.» Ces principes ont conduit à quatre «directives irrévocables» dont toutes les religions peuvent convenir, en l’occurrence «l’engagement en faveur d’une culture de la non-violence et du respect de la vie», «l’engagement en faveur d’une culture de la solidarité et d’un ordre économique juste», «l’engagement en faveur d’une culture de la tolérance et d’une vie véridique» et «l’engagement en faveur d’une culture de l’égalité des droits et du partenariat entre les sexes» 
			(30) 
			Parlement des religions
du monde, «Déclaration pour une éthique planétaire», op. cit..
36. Dans la quête d’une éthique planétaire, une autre initiative majeure a été engagée par le Conseil InterAction 
			(31) 
			<a href='http://www.interactioncouncil.org/'>www.interactioncouncil.org</a>., une organisation d’anciens chefs d’Etat et de gouvernement. A l’occasion du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Conseil InterAction a présenté un projet de déclaration universelle des obligations de la personne, fondé sur les travaux d’un groupe d’experts de haut niveau présidé par Helmut Schmidt, dans lequel Hans Küng a une nouvelle fois joué un rôle crucial 
			(32) 
			Conseil
InterAction, Déclaration universelle des responsabilités de l’homme,
1er septembre 1997. Pour plus de détails, voir Frühbauer J., «From
the Declaration of the Religions to the Declaration of the Statesmen:
Stages in the Composition of the Declaration on Human Responsibilities», in Küng H. et Schmidt H. (eds.),
note de bas de page 29 ci-dessus, p. 84-103.. Le rapport 
			(33) 
			Rapport
sur les conclusions et recommandations d’un groupe d’experts de
haut niveau sur «Search of Global Ethical Standards», présidé par
Helmut Schmidt, 22-24 mars 1996, Vienne, Autriche. , reprenant les conclusions et recommandations du groupe de travail, contient des références explicites aux principes de base énoncés dans la Déclaration pour une éthique planétaire (en l’occurrence que toute personne humaine doit être traitée humainement, et la «règle d’or»), ainsi que les quatre directives irrévocables du Parlement des religions du monde. Le projet de déclaration universelle des responsabilités de l’homme était censée être un appel en faveur de l’éthique et en aucun cas avoir le caractère contraignant d’une loi internationale 
			(34) 
			Schmidt
H., «Part Two: A Universal Declaration of Human Responsibilities
by the InterAction Council; Introduction», in Küng
H. et Schmidt H. (eds.), note de bas de page 29 ci-dessus, p. 79.. Néanmoins, ses partisans espéraient qu’à l’instar de la Déclaration universelle des droits de l’homme, elle donne un jour lieu à l’adoption d’un texte par l’Assemblée générale des Nations Unies 
			(35) 
			Ibid.. Cette déclaration avait pour objet de compléter et renforcer la Déclaration universelle des droits de l’homme et de mener à un monde meilleur 
			(36) 
			Commentaires introductifs
à la Déclaration universelle des responsabilités de l’homme du Conseil
InterAction, note de bas de page 33ci-dessus.. Le projet visait ainsi à établir un équilibre entre liberté et responsabilité, et à promouvoir le passage de la liberté de l’indifférence à la liberté de l’engagement 
			(37) 
			Ibid.. Le projet de déclaration universelle des responsabilités de l’homme contient 19 articles, énonçant plusieurs responsabilités spécifiques sous les intitulés suivants «Principes fondamentaux de l’humanité» (articles 1-4), «Non-violence et respect de la vie» (articles 5-7), «Justice et solidarité» (articles 8-11), «Vérité et tolérance» (articles 12-15) et «Respect mutuel et partenariat» (articles 16-18). Chose très importante, le dernier article (article 19) stipule que rien dans la déclaration ne saurait être interprété comme justifiant la destruction d’une des responsabilités, d’un des droits ou d’une des libertés énoncés dans le texte ou dans la Déclaration universelle des droits de l’homme 
			(38) 
			Article
19 de la Déclaration universelle des responsabilités de l’homme,
note de bas de page 33 ci-dessus.. Le projet de déclaration n’a jamais donné lieu à l’adoption d’un texte par l’Assemblée générale des Nations Unies, mais n’en demeure pas moins un important document de référence.
37. A la même époque, en 1998, la Déclaration de Valence des devoirs et des responsabilités de l’homme 
			(39) 
			Déclaration des devoirs
et des responsabilités de l’homme, adoptée par un groupe de haut
niveau présidé par Richard J. Goldstone sous les auspices de la
ville de Valence et de l’UNESCO, initié et organisé par la Fondation Valencia
Troisième millénaire, <a href='http://globalization.icaap.org/content/v2.2/declare.html'>http://globalization.icaap.org/content/v2.2/declare.html</a> (source non officielle) (ci-après: Déclaration de Valence
des devoirs et des responsabilités de l’homme). a été rédigée à l’occasion du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme par un groupe de haut niveau créé par la Fondation Valencia Troisième millénaire et présidé par Richard J. Goldstone (juge d’Afrique du Sud et ancien procureur général des Tribunaux des Nations Unies pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda). La déclaration reconnaît dans son préambule «la signification universelle, la dimension mondiale et le caractère indivisible des droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que dans d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme», et poursuit en énonçant que «la jouissance et la mise en œuvre effectives des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont indissociablement liées à l'hypothèse des devoirs et des responsabilités dont s'accompagnent implicitement ces droits» et que «les individus ont une même obligation de respecter, de promouvoir et de mettre en œuvre les droits de l'homme et les libertés fondamentales» 
			(40) 
			Préambule de la Déclaration
de Valence des devoirs et des responsabilités de l’homme.. La déclaration énumère ensuite en détail dans douze chapitres un large éventail de devoirs dans le domaine de la vie et de la sécurité humaine: sécurité humaine et ordre international équitable; participation significative aux affaires publiques; liberté de pensée, d’expression, de rassemblement, d’association et de religion; intégrité personnelle et physique; égalité; protection des minorités et des peuples autochtones; droits des enfants et des personnes âgées; travail, qualité de vie et niveau de vie; éducation, arts et culture.
38. En 1999, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté par consensus la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, également appelée Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme. En tant que telle et bien qu’elle ne soit pas juridiquement contraignante, la déclaration fournit une base solide aux actions entreprises par les défenseurs des droits de l’homme dans le monde entier. L’article 18 de cette déclaration trouve manifestement ses racines dans l’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (voir ci-dessus, paragraphe 29), mais va au-delà en énonçant un certain nombre de devoirs spécifiques 
			(41) 
			Article
18 de la déclaration: «1. Chacun a des devoirs envers la communauté
et au sein de celle-ci, seul cadre permettant le libre et plein
épanouissement de sa personnalité. 2. Les individus, groupes, institutions
et organisations non gouvernementales ont un rôle important à jouer
et une responsabilité à assumer en ce qui concerne la sauvegarde
de la démocratie, la promotion des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ainsi que la promotion et le progrès de sociétés,
institutions et processus démocratiques. 3. Les individus, groupes,
institutions et organisations non gouvernementales ont également
un rôle important à jouer et une responsabilité à assumer pour ce
qui est de contribuer, selon qu'il convient, à la promotion du droit
de chacun à un ordre social et international grâce auquel les droits
et libertés énoncés dans la Déclaration universelle des droits de
l'homme et les autres instruments relatifs aux droits de l'homme peuvent
être réalisés dans leur intégralité.».
39. A l’aube du millénaire, Miguel Alfonso Martínez, rapporteur spécial de la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme des Nations Unies, chargé d’effectuer une étude sur la question des droits de l’homme et des responsabilités, a présenté un rapport comprenant un avant-projet de déclaration sur les responsabilités sociales de l’homme 
			(42) 
			«Promotion et protection
des droits de l’homme: droits et responsabilités de l’homme», rapport
final de M. Miguel Alfonso Martínez, rapporteur spécial chargé de
faire l’étude demandée par la Commission des droits de l'homme dans
sa Résolution 2000/63, présentée en application de la Décision 2002/277
du Conseil économique et social, 17 mars 2003, document des Nations
Unies E/CN.4/2003/105.. Ce rapport et l’avant-projet ont fait l’objet de vives contestations de la part des Etats occidentaux. Leur réaction était notamment motivée par l’inclusion par M. Martínez de certains devoirs incombant aux Etats, en l’occurrence les devoirs des pays développés du «Nord» à l’égard des pays du «Sud» 
			(43) 
			Voir article 8 de l’avant-projet
de déclaration sur les responsabilités sociales de l’homme.. Les discussions relatives au projet sont finalement restées bloquées devant le Conseil économique et social.

4.3. Initiatives spécifiques au sein du Conseil de l’Europe

40. Le 30 mars 1999, l’Assemblée a adopté la Recommandation 1401 (1999) relative à l’éducation aux responsabilités de la personne 
			(44) 
			Recommandation 1401 (1999) sur l'éducation aux responsabilités de la personne.. L’Assemblée y énonce le fait que l’exercice des droits fondamentaux comporte des responsabilités et reconnaît «la nécessité de faire des démarches promouvant également l’éducation aux responsabilités de la personne et à la sensibilisation du citoyen vis-à-vis de ses responsabilités dans le cadre de l’éducation aux droits de l’homme, afin de ne pas négliger la dimension sociale de ces droits» 
			(45) 
			Ibid.,
paragraphe 4.. Elle se dit par ailleurs convaincue que «cette sensibilisation aux responsabilités de citoyen doit passer par l’éducation et qu’il n’appartient pas à un Etat démocratique de définir les règles de tout le comportement humain, car les attitudes morales et éthiques doivent rester dans la sphère du libre choix de l’individu, mais toujours en respectant les droits d’autrui» 
			(46) 
			Ibid.,
paragraphe 8.. L’Assemblée énumère également les «valeurs fondamentales» telles qu’elles ressortent notamment de la Convention européenne des droits de l’homme, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Charte sociale européenne révisée et de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157). Elle déclare plus particulièrement que toute personne devrait, entre autres: a. «respecter intégralement la dignité, la valeur et la liberté de l’autre, sans aucune distinction de race, de religion, de sexe, de nationalité, d’ethnie, d’état social, d’opinion politique, de langue et d’âge; chacun doit agir envers l’autre dans un esprit de fraternité et de tolérance»; b. «agir de façon pacifique sans avoir recours à la violence physique ou psychique»; c. «respecter les opinions, la vie privée, personnelle et familiale d’autrui»; d. «faire preuve de solidarité et de courage civil envers autrui»; e. «respecter, dans l’exercice de sa propre religion, les autres religions, sans fomenter la haine ou légitimer le fanatisme, mais en promouvant la tolérance mutuelle»; f. «respecter l’environnement et utiliser les ressources énergétiques avec modération, en pensant au bien-être des futures générations». Cette énumération des responsabilités qui devraient faire l’objet d’une éducation constitue une importante source d’inspiration pour notre liste de responsabilités fondamentales.
41. Le 7 mai 1999, le Comité des Ministres, à l’occasion du 50e anniversaire du Conseil de l’Europe, a adopté les Déclaration et programme sur l'éducation à la citoyenneté démocratique fondée sur les droits et les responsabilités des citoyens soulignant la nécessité de prêter attention aux relations entre les droits et les responsabilités, et à la citoyenneté responsable dans une société démocratique.
42. En mai 2000, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a adopté une résolution approuvant les «Principes directeurs pour une politique de participation responsable des citoyens à la vie municipale et régionale» 
			(47) 
			Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux, Résolution 91 (2000) sur la responsabilité
citoyenne et la participation à la vie publique, adoptée le 24 mai
2000, <a href='https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?Ref=RES(2000)091&Language=lanFrench&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864'>https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?id=837017</a>. . Ces principes directeurs appellent au respect d’un certain nombre de devoirs et responsabilités des citoyens, notamment le fait d’être responsable de sa propre vie, d’être responsable face à ses concitoyens, ou dans ses relations de couple ou familiales et envers la société.

5. Enumération des responsabilités fondamentales

43. Dans la prochaine section, je proposerai un certain nombre de responsabilités. Je commencerai par développer trois responsabilités générales, puis une liste (non exhaustive) de responsabilités spécifiques. Je terminerai par une clause finale à caractère horizontal.

5.1. Responsabilités générales

5.1.1. Responsabilité de traiter toute personne avec humanité

  • Toute personne, indépendamment de son sexe, de son origine ethnique, de son statut social, de ses opinions politiques, de sa langue, de son âge, de sa nationalité, ou de sa religion, est tenue de traiter tous les hommes avec humanité 
			(48) 
			La formulation de ce
principe, tel qu’évoqué ici, est tiré de l’article 1 de la Déclaration
universelle des responsabilités de l’homme du Conseil InterAction
(note de bas de page 33 ci-dessus). Voir également l’avant-projet
de déclaration sur les responsabilités sociales de l’homme de M.
Martínez (note de bas de page 43 ci-dessus) dont l’article 14 parle
de devoir de toute personne «de se comporter de manière fraternelle
envers autrui, afin de contribuer à la reconnaissance effective
de l’égalité des droits inaliénables et de la dignité intrinsèque
de chaque membre de la famille humaine». .

44. La responsabilité de traiter toutes les personnes avec humanité peut être considérée comme l’obligation la plus fondamentale de tout être humain. L’obligation de faire preuve d’humanité compte parmi les valeurs fondamentales sous-tendant la Convention européenne des droits de l’homme, en l’occurrence le principe de dignité humaine. Cette responsabilité est le principe fondamental et suprême de la protection effective des droits de l’homme. La «règle d’or» peut servir de principe directeur à cet égard: «ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse» 
			(49) 
			L’article 4 de la Déclaration
universelle des responsabilités de l’homme du Conseil InterAction,
note de bas de page 33 ci-dessus; Voir également section II de la
«Déclaration en faveur d’une éthique mondiale» du Parlement des
religions du monde, note de bas de page 28 ci-dessus..

5.1.2. Responsabilité de faire preuve de tolérance

  • Toute personne est tenue de faire preuve de tolérance à l’égard d’autrui.

45. La nécessité de tolérance individuelle est au cœur de la société démocratique. Comme l’a déclaré l’Assemblée, «chacun doit agir envers l’autre dans un esprit de fraternité et de tolérance» 
			(50) 
			Recommandation 1401 (1999) sur l'éducation aux responsabilités de la personne,
paragraphe 9.vi.a.. Sans tolérance entre les individus qui forment ensemble la société démocratique, aucune paix et aucune démocratie n’est possible. Comme l’a énoncé la Cour européenne des droits de l’homme, «l'une des principales caractéristiques de la démocratie est l'opportunité qu'elle offre de résoudre les problèmes d'un pays par le dialogue, sans recourir à la violence, même dans des situations tendues» 
			(51) 
			Stankov
et Organisation macédonienne unie Ilinden c. Bulgarie,
arrêt du 2 octobre 2001, paragraphe 88.. La Cour a insisté à plusieurs reprises sur la tolérance, l’ouverture d’esprit et le pluralisme qui constituent les valeurs fondamentales d’une société démocratique 
			(52) 
			Handyside c. Royaume-Uni, arrêt
du 7 décembre 1976, paragraphe 49.. Cette tolérance est avant tout requise à l’égard des opinions et expressions choquantes ou inacceptables, à moins qu’elles n’incitent à la violence ou au rejet des principes démocratiques 
			(53) 
			Voir, par exemple, Stankov et Organisation macédonienne unie Ilinden
c. Bulgarie, arrêt du 2 octobre 2001, paragraphe 97.. Un comportement fondamentalement tolérant est le ciment de la société démocratique; c’est pourquoi il est au cœur de la plupart, si ce n’est de tous les autres droits et responsabilités.

5.1.3. Responsabilité d’exercer les droits de l’homme dans le respect d’autrui

  • Toute personne est tenue d’exercer ses droits de l’homme dans le respect d’autrui.

46. La responsabilité d’exercer les droits de l’homme dans le respect d’autrui est inscrite, directement ou indirectement, dans la quasi-totalité des instruments internationaux des droits de l’homme. Elle implique de faire parfois preuve de modération dans l’exercice d’un droit, du fait des droits des autres ou de certains intérêts légitimes de la société. Cette responsabilité individuelle est une conséquence directe de la logique des droits de l’homme, car les droits fondamentaux (dans leur majorité) ne sont pas des droits absolus et doivent être mis en balance avec l’intérêt général (voir ci-dessus, paragraphe 27). Son fondement est clairement énoncé à l’article 29, paragraphe 1, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, évoqué précédemment (paragraphe 29). Lu en conjonction avec l’article 2 
			(54) 
			L‘article 2 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme énonce ceci: «Chacun peut se prévaloir
de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente
déclaration, sans distinction aucune, (…)». et l’article 30 
			(55) 
			L’article
30 de la Déclaration universelle des droits de l’homme énonce ceci:
«Aucune disposition de la présente déclaration ne peut être interprétée
comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu un droit
quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant
à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.» de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il est évident que si toute personne doit disposer de la liberté de développer librement sa personnalité, il lui appartient également «de permettre à autrui de faire de même» 
			(56) 
			Daes
E.-I. A., note de bas de page 22 ci-dessus, p. 41.. Certains instruments des droits de l’homme, dont la Convention européenne des droits de l’homme 
			(57) 
			Voir
article 17 de la Convention. , énoncent cette responsabilité dans un article distinct 
			(58) 
			Des
dispositions similaires à l’article 30 de la Déclaration universelle
des droits de l’homme se retrouvent dans le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (article 5, paragraphe 1)
et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels (article 5, paragraphe 1). , mais les clauses limitatives qui accompagnent souvent des droits spécifiques peuvent également être prises en compte pour appuyer l’existence de cette responsabilité, étant donné qu’elles permettent de restreindre (ou de limiter) les droits de l’homme en fonction des besoins légitimes de la société démocratique 
			(59) 
			Voir,
par exemple, articles 8 à 11 de la Convention..

5.2. Responsabilités spécifiques

5.2.1. Responsabilité de respecter et protéger la vie

  • Toute personne est tenue de respecter et de protéger la vie d’autrui. Cela n’exclut pas le droit des individus ou des communautés de recourir à des actes de légitime défense. Toute personne est tenue de prendre des dispositions raisonnables pour aider ceux des autres dont la vie est menacée ou qui sont dans une situation de détresse ou de difficulté extrême 
			(60) 
			La
formulation de ce principe, tel qu’évoqué ici, est tiré de l’article
5 du projet de déclaration universelle des responsabilités de l’homme
du Conseil InterAction, op. cit.,
et l’article 3 de la Déclaration de Valence des devoirs et des responsabilités
de l'homme, op. cit..

47. Le droit à la vie «consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l'Europe» 
			(61) 
			Cour européenne des
droits de l’homme, McCann c. Royaume-Uni,
arrêt du 27 septembre 1995, paragraphe 147.. Il impose nécessairement à tout individu la responsabilité de respecter et, au besoin, de protéger la vie des autres êtres humains. La formulation de l’article 2 de la Convention fait obligation à l’ensemble des Etats membres de protéger par la loi le droit à la vie; cette responsabilité de respecter et protéger la vie d’autrui se retrouve également sous la forme d’un devoir juridiquement applicable dans la législation de tous les Etats membres. Elle peut être considérée comme renfermant le comportement minimum requis de tout membre d’une société démocratique. Elle est naturellement limitée par le droit à la légitime défense et les exigences des conflits armés.

5.2.2. Responsabilité de ne pas laisser commettre ni soutenir des actes de torture et des traitements inhumains ou dégradants, et de n'y prendre part en aucune manière

  • Toute personne est tenue de ne pas laisser commettre ni soutenir des actes de torture et des traitements ou châtiments cruels, inhumains et dégradants, et de n'y prendre part en aucune manière 
			(62) 
			La formulation repose
sur l’article 24.2 de la Déclaration de Valence des devoirs et des
responsabilités de l'homme, op. cit. .

48. Cette responsabilité garantit et évoque, au niveau le plus basique, le principe fondamental de dignité humaine. Le droit de ne pas être soumis à la torture ou aux peines et traitements inhumains et dégradants est protégé de manière absolue par la Convention européenne des droits de l'homme 
			(63) 
			Le caractère absolu
de cette interdiction est souligné par la Cour européenne des droits
de l’homme. Voir, par exemple, Saadi
c. Italie, arrêt (Grande Chambre) du 28 février 2008,
paragraphe 127.. A l’instar du droit à la vie, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le droit de ne pas être soumis àdes actes de torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants«consacre l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l'Europe» 
			(64) 
			McCann
c. Royaume-Uni, arrêt du 27 septembre 1995, paragraphe
147.. Les Etats ont également une obligation positive de veiller à ce que tous les individus relevant de leur juridiction soient protégés contre les actes de torture et les traitements ou châtiments inhumains et dégradants, même administrés par d’autres individus 
			(65) 
			Voir,
par exemple, A. c. Royaume-Uni,
arrêt du 23 septembre 1998, paragraphe 22.. En conséquence, cette responsabilité bénéficie déjà aussi d’une forte protection dans la législation interne en tant que devoir. Si la responsabilité de respecter et de protéger la vie d’autrui peut être quelque peu limitée dans des circonstances exceptionnelles – par exemple la légitime défense ou les conflits armés – celle de ne pas laisser commettre ni de soutenir des actes de torture et des traitements ou châtiments cruels, inhumains et dégradants, et de n'y prendre part en aucune manière est une responsabilité absolue, qui ne peut subir aucune limitation.

5.2.3. Responsabilité de ne pas laisser commettre ni soutenir des pratiques d’exploitation d’autrui, et de n'y prendre part en aucune manière

  • Toute personne est tenue de ne pas laisser commettre ni soutenir des pratiques d’exploitation d’autrui, et de n'y prendre part en aucune manière.

49. Ce principe repose sur l’interdiction de l’esclavage, de la servitude et du travail forcé ou obligatoire garantie par l’article 4 de la Convention. Dans sa forme moderne, on pourrait parler de liberté de ne pas être soumis à l’exploitation. Il englobe une protection contre l’esclavage domestique 
			(66) 
			Siliadin
c. France, arrêt du 26 juillet 2005, paragraphes 111-112,
avec référence à la Recommandation
1523 (2001) de l'Assemblée sur l’esclavage domestique, et la Recommandation 1663 (2004) sur l'esclavage domestique: servitude, personnes au
pair et «épouses achetées par correspondance». et contre la traite des êtres humains 
			(67) 
			Rantsev
c. Chypre et Fédération de Russie, arrêt du 7 janvier
2010, paragraphe 282.. Les Etats ont une obligation positive de protéger les individus contre les actes d’exploitation 
			(68) 
			Siliadin
c. France, arrêt du 26 juillet 2005, paragraphes 89 et
112.. De cette obligation faite aux Etats découle la responsabilité individuelle de ne pas prendre part à des actes d’exploitation.

5.2.4. Responsabilité de respecter la liberté d’autrui

  • Toute personne est tenue de respecter le droit à la liberté personnelle d’autrui 
			(69) 
			La
formulation de ce principe repose sur l’article 22 de la Déclaration
de Valence des devoirs et des responsabilités de l’homme, op. cit..

50. La responsabilité de respecter la liberté personnelle d’autrui a une importance fondamentale. Elle est la contrepartie logique du droit à la liberté, inscrit à l’article 5 de la Convention. La Cour européenne des droits de l’homme a énoncé que ce droit «figure parmi les principales dispositions garantissant les droits fondamentaux qui protègent la sécurité physique des personnes» et, en tant que tel, «revêt une importance primordiale» 
			(70) 
			McKay
c. Royaume-Uni, arrêt (Grande Chambre) du 3 octobre 2006,
paragraphe 30. . La Cour a également souligné à plusieurs reprises l’importance du droit à la liberté dans une société démocratique 
			(71) 
			Voir,
par exemple, Winterwerp c. Pays-Bas,
arrêt du 24 octobre 1979, paragraphe 37; Storck
c. Allemagne, arrêt du 16 juin 2005, paragraphe 102.. Toute privation de liberté doit de ce fait avoir une base légale claire 
			(72) 
			Article
5 de la Convention; McKay c. Royaume-Uni,
arrêt (Grande Chambre) du 3 octobre 2006, paragraphe 30. et faire l’objet d’un contrôle juridictionnel indépendant 
			(73) 
			Kurt
c. Turquie, arrêt du 25 mai 1998, paragraphe 123.. Le respect effectif du droit à la liberté implique naturellement pour l’Etat, mais également pour les particuliers, de ne pas priver arbitrairement d’autres personnes de leur liberté. L’Etat est soumis à l’obligation positive de veiller à ce que les particuliers respectent mutuellement le droit à la liberté dans leurs relations 
			(74) 
			Storck
c. Allemagne, arrêt du 16 juin 2005, paragraphe 102.. Un devoir juridiquement applicable de respecter la liberté d’autrui existe déjà dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles, répondant aux conditions établies par la Convention – par exemple l’arrestation d’un citoyen – que la responsabilité des individus de respecter la liberté d’autrui peut être limitée.

5.2.5. Responsabilité de respecter la vie privée d’autrui

  • Toute personne est tenue de respecter la vie privée d’autrui.

51. Les données et les informations à caractère personnel (numériques) étant au cœur de notre monde actuel et pouvant être virtuellement diffusées à la vitesse de la lumière, la reconnaissance d’une responsabilité individuelle de respecter la vie privée d’autrui est indispensable. A l’instar du droit correspondant, en l’occurrence le droit à la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention, cette responsabilité peut avoir un champ d’application très vaste. La notion de «vie privée», par exemple, englobe l’identité personnelle, l’intégrité morale et physique, la sphère privée, la collecte et l’utilisation des informations à caractère personnel, la vie sociale et les relations personnelles 
			(75) 
			Voir,
par exemple, S. et Marper c. Royaume-Uni,
arrêt (Grande Chambre) du 4 décembre 2008, paragraphe 66.. Les Etats ont une obligation positive de garantir les droits inscrits à l’article 8 de la Convention, y compris contre les ingérences par d’autres particuliers 
			(76) 
			Voir,
par exemple, X et Y c. Pays-Bas,
arrêt du 26 mars 1985, paragraphe 23.. Il est donc logique que tous les individus soient tenus de ne pas violer le droit fondamental à la vie privée d’autrui.

5.2.6. Responsabilité de respecter la réputation et l’honneur d’autrui

  • Toute personne est tenue de respecter la réputation et l’honneur d’autrui.

52. La responsabilité de respecter la réputation et l’honneur des autres trouve un fondement solide dans la Convention européenne des droits de l’homme. L’article 10 de la Convention, qui traite de la liberté d’expression, fait explicitement mention dans son paragraphe 2 de la «protection de la réputation ou des droits d'autrui» comme étant l’un des motifs légitimes d’une éventuelle limitation de la liberté d’expression. Par ailleurs, le droit de ne pas être l’objet d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation est explicitement mentionné à l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Cour européenne des droits de l’homme considère qu’il s’agit d’un élément du droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention 
			(77) 
			Pfeifer
c. Autriche, arrêt du 15 novembre 2007, paragraphe 35.. Elle a indirectement reconnu une responsabilité individuelle de respecter la réputation et l’honneur d’autrui à diverses occasions. Dans les affaires dont elle a eu à connaître, la Cour a souvent été amenée à trouver un juste équilibre entre, d’un côté, la liberté d’expression des journalistes et, de l’autre, la réputation et l’honneur des individus. A l’heure où divers médias (par exemple l'internet) permettent une diffusion quasi instantanée des informations, il peut être porté gravement atteinte à la réputation et l’honneur avant même que la victime ou les autorités n’aient le temps de réagir 
			(78) 
			Voir Mosley c. Royaume-Uni, arrêt du
10 mai 2011. La Cour a noté qu’il y avait une atteinte flagrante
et injustifiée à la vie privé du requérant (paragraphe 104), mais
a estimé que l’article 8 n’imposait pas à l’Etat de fournir une
notification préalable juridiquement contraignante (paragraphe 132).
L’absence d’une telle obligation illustre l’importance de la responsabilité
des médias, qui doivent s’abstenir de publier des articles susceptibles
de causer un préjudice irréparable à la réputation ou à l’honneur
d’une personne, sans justification fondée sur l’intérêt public (voir
paragraphe 114). . On ne saurait exagérer l’importance de la responsabilité individuelle à l’égard de la réputation et de l’honneur d’autrui. Si la jurisprudence s’est pour l’essentiel concentrée sur les devoirs des journalistes 
			(79) 
			Voir également à cet
égard l’article 14 du projet de déclaration universelle des responsabilités
de l’homme du Conseil InterAction, op.
cit., qui déclare que les reportages à sensation dégradants
pour la personne ou la dignité humaines doivent être évités en toutes
circonstances. L’affaire Shabanov et
Tren c. Fédération de Russie, arrêt du 14 décembre 2006,
est un exemple dans lequel la Cour a eu à se prononcer sur l’équilibre
entre la liberté d’expression d’un individu et le droit à la vie
privée d’un autre. , il est clair qu’une telle responsabilité s’impose à toute personne participant au débat public 
			(80) 
			Steel
et Morris c. Royaume-Uni, arrêt du 15 février 2005, paragraphe
90..

5.2.7. Responsabilité de respecter et d'assurer l'égalité de traitement et la non-discrimination

  • Toute personne est tenue de respecter et d'assurer le droit à l'égalité de traitement et à la non-discrimination 
			(81) 
			La formulation de ce
principe est tirée de l’article 26 de la Déclaration de Valence
des devoirs et des responsabilités de l’homme, op. cit.; voir aussi articles 27-30
de la Déclaration de Valence des devoirs et des responsabilités
de l’homme, op. cit..

53. La responsabilité de respecter et d'assurer l'égalité de traitement et la non-discrimination est indispensable pour préserver l’égalité de tous les individus; il s’agit à ce titre d’une responsabilité fondamentale dans une société démocratique. Le Conseil de l’Europe joue un rôle essentiel dans la lutte contre la discrimination, par l’intermédiaire de sa Commission européenne contre le racisme et l’intolérance 
			(82) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/default_fr.asp'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/default_fr.asp</a>. et ses activités dans le domaine de la promotion de l’égalité des femmes et des hommes 
			(83) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/equality/default_FR.asp'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/equality/default_FR.asp</a>.. Un fondement de la responsabilité de respecter et d'assurer l'égalité de traitement et la non-discrimination se trouve dans l’article 14 de la Convention, qui traite de la discrimination à l’égard des droits établis dans la Convention, et dans le Protocole no 12 à la Convention, qui traite de la discrimination à l’égard de l’ensemble des droits prévus par la loi. Bien que ces dispositions ne concernent pas les relations purement privées entre les individus (car il s’agirait d’une violation d’autres droits de ces personnes, par exemple le droit à la vie privée), on peut affirmer que la responsabilité individuelle de respecter et d'assurer l'égalité de traitement et la non-discrimination est essentielle pour donner pleinement effet à la protection des droits de l’homme de tous. Cette responsabilité peut également être fondée sur la Charte sociale européenne révisée, dont l’article 20 garantit à tous les travailleurs «l'exercice effectif du droit à l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession sans discrimination fondée sur le sexe» et les règles de l’Union européenne, par exemple les Directives du Conseil 2000/43/CE («Directive sur l'égalité raciale»), 2000/78/CE («Directive sur l'égalité en matière d'emploi») et 2004/113/CE («Directive sur l'égalité des genres»), ainsi que sur divers autres instruments des droits de l’homme, dont par exemple le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965 et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979.

5.2.8. Responsabilité d’acquérir une éducation

  • Toute personne est tenue de faire tout son possible pour acquérir une éducation et faire preuve de diligence en vue de développer ses compétences 
			(84) 
			La
formulation de ce principe s’inspire en partie de l’article 10 du
projet de déclaration universelle des responsabilités de l’homme
du Conseil InterAction, op. cit..

54. L’idée sous-jacente de la responsabilité d’acquérir une éducation est qu’un individu doit développer ses propres capacités de manière à être en mesure d’apporter une contribution significative à la société. L’acquisition d’une éducation formelle de base a généralement été considérée comme un droit, mais il y est fait référence dans de nombreux instruments et systèmes juridiques en tant que devoir juridiquement applicable, du fait de sa nature obligatoire. Une responsabilité d’acquérir au moins une éducation de base trouve un fondement solide par exemple dans la Charte sociale européenne révisée, qui protège le droit des enfants à une instruction obligatoire 
			(85) 
			Article 7, paragraphes
1 et 3, de la Charte sociale européenne révisée. . Parmi les exemples d’autres dispositions traitant de l’acquisition d’une éducation (élémentaire) à la fois en tant que droit et devoir (légalement applicable), on peut citer l’article 26, paragraphe 1, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 13, paragraphes 1 et 2, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Une version limitée et minimale de cette responsabilité engloberait l’acquisition d’une éducation de base, alors qu’une interprétation plus large porterait sur le développement de ses propres compétences au mieux de ses capacités 
			(86) 
			Voir,
par exemple, l’article 25 de l’avant-projet de déclaration sur les
responsabilités sociales de l’homme, op.
cit..

5.2.9. Responsabilité de travailler

  • Toute personne est tenue de travailler.

55. Au même titre que la responsabilité d’acquérir une éducation, la responsabilité de travailler peut être perçue comme faisant partie intégrante de l’obligation plus générale d’apporter une contribution significative à la société. Tout comme la responsabilité d’acquérir une éducation, l’engagement dans le travail est à la fois un droit et une responsabilité 
			(87) 
			Concernant le droit
au travail, voir, inter alia,
l’article 1 de la Charte sociale européenne révisée.. La responsabilité de travailler est bien entendu définie dans les limites des capacités physiques et intellectuelles de la personne 
			(88) 
			Voir également à cet
égard l’article 24 de l’avant-projet de déclaration sur les responsabilités
sociales de l’homme, op. cit.. Certaines dispositions d’instruments internationaux des droits de l’homme, par exemple l’article 23, paragraphe 1, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 6, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, considèrent le travail comme un droit. Il est important de noter que la responsabilité vis-à-vis du travail a été clairement délimitée dans la jurisprudence relative aux droits de l’homme. Hormis dans certaines situations, telles que dans le cadre notamment du service militaire obligatoire et de certaines autres obligations civiques (voir principe XI), une obligation légale visant à forcer les individus à travailler (assortie ou non d’une sanction en cas de non-respect) serait contraire à la législation internationale en matière de droits de l’homme 
			(89) 
			Conventions nos 29
et 105 de l’Organisation international du travail (OIT). Voir Daes
E-I. A., note de bas de page 22 ci-dessus, p. 62. Voir aussi le
Rapport III (partie 4 B), General Survey of the Reports relating
to the Forced Labour Convention, 1930 (no 29), et la Convention
sur l’abolition du travail forcé, 1957 (no 105), Conférence internationale
du travail, 65e session, 1979 (Genève), paragraphe 45..

5.2.10. Responsabilité d’accomplir des obligations civiques

  • Toute personne est tenue d’accomplir des obligations civiques.

56. La responsabilité d’accomplir des obligations civiques doit être jugée essentielle au fonctionnement et à la cohésion de toute société démocratique. Un individu peut être tenu de remplir un certain nombre d’obligations dans l’intérêt de la société, et l’accomplissement de ces obligations ne sera bien entendu en aucun cas considéré comme un travail forcé. Il s’agit «d’obligations dites civiques» qui englobent un large éventail d’activités diverses et variées, indispensables toutefois à l’organisation et au fonctionnement de la société. Un fondement de cette responsabilité figure à l’article 4, paragraphe 3.d, de la Convention, qui énonce que «tout travail ou service formant partie des obligations civiques normales» «n'est pas considéré comme "travail forcé ou obligatoire"» (interdit par la Convention). La Cour européenne des droits de l’homme a estimé, par exemple, que le service de jury obligatoire 
			(90) 
			Zarb Adami c. Malte, arrêt du 20
juin 2006. et le service obligatoire de sapeur-pompier 
			(91) 
			Karlheinz
Schmidt c. Allemagne, arrêt du 18 juillet 1994. relèvent des obligations civiques normales. De même, l’ancienne Commission européenne des droits de l’homme avait jugé que l’obligation pour un employeur de retenir certains impôts sur les salaires d’un employé 
			(92) 
			Quatre
entreprises c. Autriche, décision du 27 septembre 1976. ne contrevient pas à la Convention européenne des droits de l’homme.

5.2.11. Responsabilité de participer au processus démocratique

  • Toute personne est tenue de participer au processus démocratique.

57. Pour qu’une société démocratique puisse exister, et a fortiori prospérer, la participation active de ses membres est primordiale. Cette participation peut prendre différentes formes, dont par exemple le fait de voter. La question du vote peut être perçue à la fois comme un droit et une responsabilité. L’article 3 du Protocole no 1 à la Convention européenne des droits de l’homme énonce que les Etats membres sont tenus d’organiser des élections dans des conditions «qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif». La Cour a affirmé que «la démocratie représente un élément fondamental de "l'ordre public européen"». Elle a par ailleurs noté que, dans son préambule, la Convention «établit un lien très clair entre la Convention et la démocratie en déclarant que la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales reposent sur un régime politique véritablement démocratique» 
			(93) 
			Zdanoka c. Lettonie, arrêt (Grande
Chambre) du 16 mars 2006, paragraphe 98.. La Cour a ajouté que «la démocratie est l’unique modèle politique envisagé par la Convention et, partant, le seul qui soit compatible avec elle» 
			(94) 
			Ibid.. Dans une telle démocratie, une procédure électorale a pour objet de «déterminer la volonté du peuple par l’intermédiaire du suffrage universel» 
			(95) 
			Hirst
c. Royaume-Uni, arrêt (Grande Chambre) du 6 octobre 2005,
paragraphe 62. . Alors que se rendre aux urnes peut être un devoir (comme c’est le cas, par exemple, en Belgique 
			(96) 
			Voir, par exemple,
Dumont H. et Tulkens F., note de bas de page 16 ci-dessus, p. 197-207.), la mise en place d’un tel devoir n’est pas requis par le Protocole no 1. Compte tenu de la nature fondamentale de la démocratie dans la société envisagée par le Conseil de l’Europe, une responsabilité – et non un devoir – de voter, ou du moins de participer d’une manière ou d’une autre au processus démocratique, peut être discernée. L’accent mis par la Cour sur la nature universelle du suffrage, et sur l’importance du fait qu’aucun groupe de personnes ne devrait arbitrairement en être écarté renforce ce point 
			(97) 
			Ibid., paragraphe 59.. La nécessité de recueillir le meilleur taux de participation aux élections visant à soutenir la nature démocratique de la société requiert par conséquent la responsabilité individuelle de participer au processus démocratique.

5.2.12. Responsabilité de faire preuve de solidarité

  • Toute personne est tenue de faire preuve de solidarité à l’égard des autres membres de la communauté.

58. Chaque individu a la responsabilité fondamentale de faire preuve de solidarité à l’égard des autres membres de la communauté. Cette responsabilité peut prendre différentes formes, selon le système de solidarité spécifique mis en place dans la communauté concernée. A titre d’exemple, la solidarité peut impliquer la responsabilité de payer ses impôts et de cotiser à un système national de protection sociale. La contribution au système de sécurité sociale va de pair avec le droit à la sécurité sociale garanti par l’article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l’article 34 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et la Convention no 102 de l’OIT. La Charte sociale européenne révisée en particulier garantit le «droit à la sécurité sociale» (article 12) et le «droit au bénéfice des services sociaux» (article 14). Il est clair que ces droits ne peuvent exister sans une responsabilité corollaire pour les individus 
			(98) 
			Voir,
par exemple, Eichenhofer E., «What a right – the right to social
security», in Van Langendonck J. (ed.), The Right
to Social Security, «Social Europe Series», 12), Intersentia,
Anvers, 2007, p. 162. . S’agissant de la responsabilité de payer des impôts, l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention européenne des droits de l’homme autorise explicitement les Etats à prélever des impôts. D’une manière générale, la responsabilité de solidarité peut également se fonder sur l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

5.2.13. Responsabilité envers les enfants

  • Toute personne est tenue de prendre des mesures appropriées pour la protection, le respect et la garantie des droits de l'enfant. Les parents portent une responsabilité spéciale envers leurs enfants 
			(99) 
			La première partie
de la formulation de ce principe est en partie inspirée de l’article
33 de la Déclaration de Valence des devoirs et des responsabilités
de l’homme, op. cit..

59. Les enfants sont l’avenir de notre planète. Ils sont également, par essence, dans une situation de vulnérabilité et une protection doit, de ce fait, leur être garantie. Tous les individus sont tenus de promouvoir et de faire valoir les droits et le bien-être des enfants. Cependant, les parents (ou les tuteurs légaux) peuvent être considérés comme investis d’une responsabilité spéciale à l’égard des enfants dont ils ont la charge. L’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours prévaloir 
			(100) 
			Voir
à cet égard la référence répétée à cette notion dans la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l'enfant de 1989.. La Cour a par exemple accepté la possibilité d’ingérence dans les droits des parents aux fins de protéger la santé et la morale des enfants 
			(101) 
			Margareta et Roger Andersson c. Suède,
arrêt du 25 février 1992., et, plus généralement, leurs droits et libertés 
			(102) 
			Olsson c. Suède, arrêt du 24 mars
1988.. L’article 5 du Protocole no 7 à la Convention européenne des droits de l’homme évoque l’égalité des droits et des responsabilités entre les époux dans leurs relations avec les enfants, mais il indique également que l’Etat peut intervenir lorsque l’intérêt de l’enfant l’impose. L’article 18 du projet de déclaration universelle des responsabilités de l’homme du Conseil InterAction fait référence aux relations privilégiées entre les enfants et les parents. Plusieurs instruments internationaux des droits de l’homme évoquent le devoir des parents de veiller sur les enfants mineurs et de les éduquer. Une référence quelque peu vague – au sens où elle ne mentionne que «la famille» et non les individus – se trouve dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 24, paragraphe 1) et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 10, paragraphe 1). L’article 7 de la Charte sociale européenne révisée accorde aux droits des «enfants et des adolescents» une «protection spéciale contre les dangers physiques et moraux auxquels ils sont exposés», alors que l’article 17 de la Charte énonce que «les enfants et les adolescents ont droit à une protection sociale, juridique et économique appropriée». Naturellement, la Convention relative aux droits de l’enfant contient des dispositions beaucoup plus détaillées concernant la responsabilité à l’égard des enfants 
			(103) 
			Voir
articles 3, paragraphe 2, 5, 14, paragraphe 2, 18, paragraphe 1,
et 27, paragraphe 2, de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Il y est également fait référence à l’article 26 de l’avant-projet
de déclaration sur les responsabilités sociales de l’homme, op. cit.. Dans sa Recommandation 1501 (2001) sur la responsabilité des parents et des enseignants dans l’éducation des enfants, l’Assemblée a également souligné que les parents sont les «premiers éducateurs» de l’enfant, et qu’en tant que tels «ils ont le droit et le devoir de mettre en place ses bases intellectuelles et émotionnelles, et de développer son système de valeurs et d’attitudes» (paragraphe 3).

5.2.14. Responsabilité envers les personnes âgées et handicapées

  • Toute personne est tenue de prendre des mesures appropriées pour respecter et garantir les droits et le bien-être des personnes âgées ou handicapées 
			(104) 
			La formulation de ce
principe a été inspirée par l’article 34 de la Déclaration de Valence
des devoirs et des responsabilités de l’homme, op. cit..

60. Dans notre monde moderne en constante évolution, les personnes âgées et handicapées sont trop souvent délaissées et oubliées. Les moyens de communication n’ont jamais été aussi nombreux et pourtant, beaucoup de personnes âgées ou handicapées se retrouvent dans une situation d’isolement. Qui plus est, en raison de la diminution des capacités physiques liée à l’âge ou à la survenance d’événements malheureux, tels que des accidents, les personnes âgées ou handicapées peuvent devenir de plus en plus dépendantes des autres, notamment (dans le cas des personnes âgées) des jeunes générations. Si la responsabilité à l’égard des personnes âgées n’est généralement pas explicitement reconnue, l’Assemblée a déjà dans le passé porté une attention spécifique à la situation des personnes âgées en Europe 
			(105) 
			Voir Recommandation 1796 (2007) sur la situation des personnes âgées en Europe.. Il découle du fondement même des droits de l’homme, en l’occurrence du principe de dignité humaine, qu’un soin particulier soit accordé à ceux qui ne sont pas ou plus en mesure d’assurer par eux-mêmes les conditions leur permettant de vivre dans la dignité. L’article 23 de la Charte sociale européenne révisée déclare explicitement que «toute personne âgée a droit à une protection sociale». Il semble que les enfants devenus adultes portent une responsabilité spéciale vis-à-vis de leurs parents. S’agissant des personnes atteintes de handicap, le fondement d’une responsabilité individuelle est à chercher dans l’article 15 de la Charte sociale européenne révisée, qui énonce que «les personnes handicapées ont droit à l'autonomie, à l'intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté». La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (2006), qui appelle les Etats à garantir la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées, est également une source d’inspiration. A titre d’exemple, les Etats sont invités à prendre toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que des «aménagements raisonnables» soient apportés afin de garantir l’égalité des personnes handicapées. Il est également logique que des individus, dans l’exercice de leurs droits individuels envers les personnes handicapées, soient tenus de faire des efforts raisonnables pour répondre aux besoins des personnes handicapées. Une responsabilité individuelle envers les personnes âgées et handicapées est également un élément décisif dans la réalisation des objectifs du Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la promotion des droits et de la pleine participation des personnes handicapées à la société 2006-2015 
			(106) 
			Voir
Comité des Ministres, Recommandation Rec(2006)5 sur le Plan d’action
du Conseil de l’Europe pour la promotion des droits et de la pleine
participation des personnes handicapées à la société: améliorer
la qualité de vie des personnes handicapées en Europe 2006-2015,
adoptée le 5 avril 2006, et son annexe..

5.2.15. Responsabilité à l’égard de l’environnement

  • Toute personne est tenue de respecter et de préserver l’air, l’eau et le sol au nom des habitants actuels et des générations à venir 
			(107) 
			Le texte de ce principe
est inspiré de l’article 7 du projet de déclaration universelle
des responsabilités de l’homme du Conseil InterAction, op. cit. Il est également énoncé
dans d’autres textes, notamment à l’article 9 de la Déclaration
de Valence des devoirs et des responsabilités de l’homme, op. cit.; dans la Déclaration sur
les responsabilités des générations présentes envers les générations
futures de l’UNESCO, adoptée le 12 novembre 1997 par la Conférence générale
de l’UNESCO lors de sa 29e session, <a href='http://www.unesco.org/cpp/uk/declarations/generations.pdf'>www.unesco.org/cpp/uk/declarations/generations.pdf</a>; dans la Convention concernant la protection du patrimoine
mondial culturel et naturel, adoptée par la Conférence générale
de l’UNESCO le 16 novembre 1972, <a href='http://whc.unesco.org/archive/convention-fr.pdf'>http://whc.unesco.org/archive/convention-fr.pdf</a>; dans la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement
climatique et dans la Convention sur la diversité biologique, adoptées
à Rio de Janeiro le 5 juin 1992, <a href='http://www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf'>www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf</a>; dans la Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement adoptée par la Conférence des Nations Unies sur l'environnement
et le développement le 14 juin 1992, <a href='http://www.un.org/documents/ga/conf151/french/aconf15126-1annex1f.htm'>www.un.org/documents/ga/ conf151/french/aconf15126-1annex1.htm</a>; dans la Déclaration et programme d'action de Vienne,
adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme le
25 juin 1993,<a href='http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/%28Symbol%29/a.conf.157.23.fr'>www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/%28Symbol%29/a.conf.157.23.fr</a>. Voir aussi l’article 15 de l’avant-projet de déclaration
sur les responsabilités sociales de l’homme, op.
cit..

61. Durant les dernières décennies, il est devenu de plus en plus évident que l’équilibre environnemental est une tâche hautement délicate et que l’impact de l’activité humaine sur l’environnement peut avoir des conséquences destructrices à long terme. Il est par conséquent de la plus haute importance, pour les générations actuelles et futures, que chaque personne assume la responsabilité de protéger et préserver les richesses de l’environnement. Si cette responsabilité est souvent formulée à titre collectif, il semblerait illogique de ne pas la conférer à chaque personne à titre individuel. De nombreux exemples cités dans la jurisprudence des droits de l’homme, y compris dans celle de la Cour européenne des droits de l’homme 
			(108) 
			Voir, inter alia, Hatton
c. Royaume-Uni, arrêt (Grande Chambre) du 8 juillet 2003,
et Öneryildiz c. Turquie,
arrêt (Grande Chambre) du 30 novembre 2004., ont déjà démontré l’impact destructeur que les problèmes environnementaux générés par l’homme peut avoir pour la protection des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe a également manifesté un intérêt actif pour cette question: en novembre 1998, la Convention sur la protection de l'environnement par le droit pénal (STE no 172) a été ouverte à la signature. Aux termes de la Convention, les Etats sont tenus d’adopter des mesures pour traiter un large éventail d’infractions portant atteinte à l’environnement. A ce jour, la Convention n’est toujours pas entrée en vigueur. Toutefois, les travaux du Conseil de l’Europe témoignent du large consensus sur l’existence d’une responsabilité individuelle à l’égard de l’environnement.

5.2.16. Responsabilité de respecter la propriété de la communauté et la propriété privée

  • Toute personne est tenue de respecter la propriété appartenant à autrui ou à la communauté.

62. Cette responsabilité est en partie une contrepartie logique du droit à la protection de la propriété individuelle qui est énoncé à l'article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Cependant, il est clair qu’elle devrait aller au-delà du simple respect de la propriété d’autrui. Tout dommage causé à la propriété de la communauté ou à une infrastructure a un impact direct sur les intérêts légitimes de la société. La responsabilité individuelle de respecter la propriété doit donc aussi inclure une responsabilité de respecter la «propriété de la société», au sens le plus large.

5.3. Clause finale

  • Les responsabilités énoncées précédemment ne peuvent jamais être interprétées comme portant atteinte, restreignant ou dérogeant aux droits et libertés énoncés dans la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles, la Charte sociale européenne révisée et d’autres instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme.

63. Les responsabilités doivent toujours être raisonnables, et ne peuvent en aucun cas mettre en péril les droits fondamentaux de la personne. Elles doivent, avant tout, guider les individus dans l’exercice de leurs droits fondamentaux. Lorsque les responsabilités sont transposées en devoirs juridiquement applicables, la charge qu’a à subir une personne doit préserver un juste équilibre entre les divers intérêts en cause. Une charge démesurée est toujours inadmissible. Il appartient aux Etats membres de déterminer la portée exacte de ces devoirs, à condition qu’ils respectent les contraintes imposées par la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte sociale européenne révisée et d’autres instruments internationaux et nationaux pertinents des droits de l’homme 
			(109) 
			Voir, par exemple,
l’article 53 de la Convention..

6. Conclusions

64. Aucune société démocratique ne peut survivre, et a fortiori prospérer, sans reconnaître l’existence de responsabilités individuelles. Cependant, la protection et la promotion des droits de l’homme doivent être au cœur de toute approche relative aux responsabilités fondamentales. C’est une telle approche basée sur les droits de l’homme qui peut pleinement contribuer à une description plus précise du statut de l’individu au sein de la société, et renforcer véritablement le cadre démocratique dans lequel ces droits fondamentaux sont invoqués. Une approche des responsabilités fondamentales fondée sur les droits de l’homme est de ce fait indispensable pour une protection et une promotion effectives des droits de l’homme et de la démocratie dans les Etats membres.
65. Le projet de résolution proposée, qui identifie un certain nombre de responsabilités fondamentales faisant déjà l’objet d’un large consensus, marque ainsi une contribution importante sur la voie d’une meilleure protection et promotion des valeurs démocratiques et des droits fondamentaux au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe.