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A. Projet de résolution
(open)
Rapport | Doc. 12546 | 22 mars 2011
Renforcement de la démocratie par l'abaissement de la majorité électorale à 16 ans
Commission des questions politiques et de la démocratie
Résumé
La participation des jeunes à la vie démocratique doit être favorisée, en particulier celle des 16-17 ans qui exercent déjà des responsabilités au sein de la société, mais n’ont pas le droit de vote.
Les Etats membres sont invités à créer les conditions préalables nécessaires à la participation des jeunes dans la vie civique, par l’éducation et la promotion de l’engagement au service de la collectivité, et à examiner les possibilités d’abaisser l’âge de vote à 16 ans ainsi que les âges minimaux d’éligibilité aux différentes élections.
A. Projet de résolution 
(open)1. L’Assemblée parlementaire a examiné à plusieurs reprises
la question de l’abaissement de la majorité électorale, le plus
récemment dans sa Résolution
1630 (2008) «Actualiser l’agenda du Conseil de l’Europe
en matière de jeunesse».
2. L’évolution démographique de l’Europe pourrait entraîner l’accroissement
de la marginalisation des jeunes dans le processus démocratique,
qui risque d’être dominé par des questions intéressant surtout les personnes
plus âgées. Une telle évolution pourrait mettre en danger la stabilité
de la démocratie à une époque où la cohésion sociale est plus nécessaire
que jamais.
3. La montée de l’abstentionnisme électoral dans toute l’Europe,
en particulier dans la classe d’âge des 18-24 ans, est également
inquiétante pour l’avenir de la démocratie. Les études montrent
que plus les jeunes attendent pour participer à la vie politique,
moins ils s’engagent à l’âge adulte.
4. En 2007, l’Autriche est devenue le premier membre du Conseil
de l’Europe et de l’Union européenne et la première démocratie au
monde développé à fixer à 16 ans la majorité électorale pour toutes
les élections municipales, régionales et nationales. L’Allemagne
a également abaissé la majorité électorale dans certains Länder. Le canton suisse de Glaris
a abaissé à 16 ans la majorité électorale pour les élections locales
et cantonales. La question est en débat dans les parlements de plusieurs
autres Etats membres.
5. Rappelant les nombreuses initiatives déjà prises en faveur
de la participation des jeunes, que ce soit par le biais d’institutions
spécifiques ou du système de cogestion, comme le préconise la Recommandation 1019 (1985) sur
la participation des jeunes à la vie politique et institutionnelle,
l’Assemblée insiste sur la nécessité de veiller à ce que les jeunes
soient bien préparés à participer à la vie civique et souligne:
5.1. que plus la proportion de la
société qui participe aux élections est importante, plus les élus
sont représentatifs;
5.2. que les 16-17 ans exercent déjà des responsabilités au
sein de la société, mais sans avoir le droit de vote;
5.3. qu’une meilleure participation électorale contribuera
à sensibiliser les jeunes à la responsabilité qui leur incombe de
définir leur place et leur rôle dans la société;
5.4. que les systèmes éducatifs doivent dispenser une meilleure
éducation à la citoyenneté démocratique pour permettre aux futurs
citoyens, qui devront être des citoyens à part entière, d’exercer leurs
droits nouvellement acquis;
5.5. que les écoles peuvent constituer un modèle de participation
démocratique si les élèves sont intégrés à leur processus décisionnaire;
5.6. que l’âge de vote à 16 ans favoriserait une meilleure
participation de ceux qui votent pour la première fois et partant,
une meilleure participation en général.
6. Il convient aussi d’insister tout particulièrement sur les
principes de la démocratie, qui commandent la participation du plus
grand nombre possible de personnes au processus politique et décisionnaire,
sur le souci constant de tous les démocrates d’élargir et d’améliorer
le fonctionnement démocratique de nos sociétés, sur la possibilité
d’apporter du sang neuf au corps électoral et de donner ainsi un
plus grand espace d’expression aux préoccupations de la jeune génération,
ainsi que sur l’importance de lutter efficacement contre le danger croissant
de l’exclusion des jeunes et sur l’intérêt qu’il y a à faire tout
ce qui est possible pour faciliter leur intégration dans les structures
de la société.
7. En conséquence, l’Assemblée appelle les Etats membres:
7.1. à créer les conditions préalables
nécessaires à la participation des jeunes à la vie civique par l’éducation
et la promotion de l’engagement au service de la collectivité;
7.2. à étudier la possibilité d’abaisser l’âge de vote à 16 ans
dans tous les pays et pour tout type d’élections;
7.3. à examiner la possibilité d’abaisser l’âge minimum d’éligibilité
aux différents types d’élections (locales et régionales, législatives,
sénatoriales, présidentielles) dans tous les cas où cela paraît souhaitable.
B. Exposé des motifs, par M. Aligrudić, rapporteur
(open)1. Introduction
1. Une proposition de résolution intitulée «Renforcement
de la démocratie par l’abaissement de la majorité électorale à 16 ans»
a été déposée auprès de l’Assemblée parlementaire en mai 2009
. Elle a été transmise à la commission
des questions politiques, laquelle m’a nommé rapporteur.

2. La commission des questions politiques a débattu de cette
question lors de sa réunion des 6 et 7 décembre 2010, à Belgrade,
et a eu un échange de vues avec un représentant du Forum européen
de la jeunesse lors de sa réunion des 14 et 15 décembre 2010, à
Paris.
3. L’Assemblée s’intéresse depuis longtemps à la participation
des jeunes à la politique. Dans sa Recommandation 1019 (1985) sur la
participation des jeunes à la vie politique et institutionnelle,
elle se déclarait «convaincue de l’importance de l’initiation et
de la participation active et effective des jeunes à la vie politique
et institutionnelle aux niveaux local, national et européen, de
leur compréhension et de leur engagement personnel dans ce domaine
pour assurer la survie et le développement de la démocratie». Dans sa Recommandation 1286 (1996) relative
à une stratégie européenne pour les enfants, elle exhortait les
Etats membres «à permettre aux enfants de faire entendre leur point
de vue dans toutes les décisions les concernant (…) et à reconsidérer
l’âge auquel les adolescents peuvent bénéficier du droit de vote».
4. En juin 1996, l’Assemblée a adopté la Directive 523 sur la
situation des jeunes en Europe: la jeunesse marginalisée, à la suite
d’un rapport de M. Mikko Elo, dans laquelle l’Assemblée observait
que, «parmi les questions clés de politique générale au niveau national,
il convient de discuter s’il faut, ou comment (…) abaisser l’âge
minimal concernant le droit de vote». Dans sa Recommandation 1315 (1997) sur l’âge
minimal concernant le droit de vote, l’Assemblée ne recommandait
pas l’abaissement de la majorité électorale à 16 ans, mais appelait
les Etats membres à harmoniser, dans les meilleurs délais, l’âge
légal requis pour voter et se présenter aux élections à 18 ans,
tous pays et toutes élections confondus, et à créer les conditions préalables
nécessaires pour assurer la participation des jeunes à la vie civique
par l’éducation et la promotion de l’engagement dans la vie de la
collectivité. Enfin, la Résolution
1630 (2008) «Actualiser l’agenda du Conseil de l’Europe
en matière de jeunesse» souligne que l’encouragement de la participation
active des jeunes à la vie civique et institutionnelle est un élément
clé de la politique de jeunesse du Conseil de l’Europe.
5. La question de l’abaissement de la majorité électorale à 16 ans
est de plus en plus débattue au sein des parlements des pays européens
et certains Etats membres du Conseil de l’Europe ont d’ores et déjà
adopté cette réforme.
2. Situation actuelle: la majorité électorale en Europe
6. A l’heure actuelle, la majorité électorale est généralement
de 18 ans dans l’ensemble des pays démocratiques, depuis qu’une
vaste réforme entreprise dans les années 1970 l’a ramenée de 21
à 18 ans dans de nombreux pays. Depuis, des appels ont été lancés,
notamment par des groupes de la société civile, afin que la majorité
électorale soit abaissée à 16 ans.
7. Aujourd’hui, dans la grande majorité des Etats membres du
Conseil de l’Europe, la majorité électorale est fixée à 18 ans.
Le seul pays européen où le droit de vote est donné à un âge supérieur
est l’Italie, dont les ressortissants ne peuvent voter aux élections
sénatoriales avant l’âge de 25 ans (ils peuvent cependant voter lors
des élections à la Chambre des députés, la chambre basse du Parlement,
à partir de 18 ans).
8. En 2007, l’Autriche est devenue le premier Etat membre du
Conseil de l’Europe et de l’Union européenne et la première démocratie
du monde développé à fixer à 16 ans la majorité électorale pour
toutes les élections – municipales, régionales, nationales et européennes.
Trois Länder (le Burgenland, la Carinthie et la Styrie) ont adopté
cette réforme dès 2003, rejoints en mai de la même année par Vienne.
Salzbourg a suivi, ce qui fait que, dès début 2005, cette réforme
était en vigueur dans cinq Länder sur neuf. Dans le Burgenland,
à Salzbourg et à Vienne, l’abaissement de la majorité électorale
pour les élections municipales a entraîné son abaissement également
pour les élections régionales. A l’issue des élections législatives
de 2006, remportées par la coalition SPÖ-ÖVP, cette dernière a annoncé
que l’une de ses mesures serait d’abaisser la majorité électorale
à 16 ans pour tous les scrutins et dans tous les Länder. La concrétisation
de cette mesure a été lancée en mars et un projet de loi visant
à modifier la Constitution a été soumis au parlement en mai. En juin
2007, le Conseil national a approuvé la proposition sur recommandation
de sa Commission constitutionnelle. Lors des différentes lectures
devant la chambre, l’abaissement de la majorité électorale a rencontré
assez peu d’opposition, puisque quatre partis sur cinq l’ont soutenu
explicitement et qu’il y a même eu des controverses sur le fait
de savoir quel parti était à l’origine de cette idée. L’abaissement
de l’âge d’éligibilité de 19 à 18 ans n’a pas soulevé plus d’objections.
Le projet de loi, voté par l’ensemble des partis, a été approuvé
par le Conseil fédéral le 21 juin 2007.
9. L’Allemagne a également abaissé la majorité électorale à 16 ans
dans certains Länder. En 1995, la Basse-Saxe l’a fait pour les élections
municipales, suivie par les Länder de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale,
de Rhénanie-du-Nord–Westphalie, de Saxe et du Schleswig-Holstein.
10. De même, en 2007, le canton suisse de Glaris a abaissé à 16 ans
la majorité électorale pour les élections locales et cantonales.
11. Les initiatives en faveur de l’abaissement de la majorité
électorale à 16 ans ont porté leurs fruits dans chacune des trois
dépendances de la Couronne britannique entre 2006 et 2008. L’île
de Man fut la première à modifier sa loi en fixant, en juillet 2006,
à 16 ans le droit de vote aux élections législatives. Jersey a suivi
en juillet 2007, en donnant son accord de principe à l’abaissement
de la majorité électorale à 16 ans. La loi est entrée en application
en avril 2008, à temps pour les élections générales qui se sont
tenues fin 2008. En octobre 2007, une proposition du House Committee (Commission des
affaires intérieures) des Etats de Guernesey allant dans le même
sens et approuvée par le States’ Policy
Committee (Commission des affaires politiques des Etats
de Guernesey) a été adoptée par les Etats de délibération. Un décret
d’application consacrant cette loi est paru en décembre 2007. Elle
est immédiatement entrée en vigueur et a rendu effectif l’abaissement
de la majorité électorale, à temps pour les élections législatives
de Guernesey en 2008.
12. En Hongrie, les jeunes sont autorisés, dans certains cas,
à voter dès l’âge de 16 ans. Par exemple, les personnes qui se marient
avant l’âge de 18 ans jouissent dès lors pleinement des droits légaux
reconnus aux adultes et peuvent donc voter.
13. En Slovénie, les jeunes ont le droit de voter à 16 ans s’ils
travaillent.
14. En Norvège, le gouvernement a autorisé le vote à 16 ans aux
élections municipales de 2011 dans 20 communes sélectionnées, dans
le cadre des efforts déployés pour intéresser les jeunes à la vie
politique.
3. Pays européens envisageant d’abaisser la majorité électorale
15. Un certain nombre de pays prennent des mesures concrètes
en vue d’abaisser l’âge de la majorité électorale. En juillet 2010,
la commission mixte du Parlement irlandais pour les questions constitutionnelles
a recommandé que la Constitution soit modifiée afin de permettre
aux jeunes de 17 ans de voter pour élire les députés au Dáil Éireann (chambre basse du parlement).
16. Le Gouvernement finlandais a décidé d’étudier la possibilité
d’abaisser la majorité électorale à 16 ans, dans le cadre de son
programme gouvernemental pour 2007-2011.
17. Au Danemark, des propositions ont été soumises au Folketing (Parlement danois) en
vue de la création d’une commission sur le vote, qui serait chargée
d’examiner la manière d’amener les jeunes à s’engager dans la vie
démocratique et la possibilité d’abaisser la majorité électorale
à 16 ans, ainsi que d’une commission sur la participation chargée
d’étudier le recul de la participation aux élections locales. La
commission sur le vote, composée de représentants de tous les grands
partis politiques, syndicats, groupes de réflexion, organisations de jeunesse, experts
et médias, a été constituée à l’autonome 2010 et devrait rendre
son rapport pour la fin 2011. Lors des élections municipales de
2009, 31 communes ont organisé des élections parallèles pour les 16-17 ans.
18. En septembre 2008, la ministre des Droits de l’homme et des
Minorités ethniques de la République tchèque a introduit une proposition
visant à abaisser la majorité électorale à 16 ans pour les élections
locales, dans le cadre d’un vaste programme destiné à encourager
les jeunes à participer à la vie démocratique et à marquer leur
appartenance à la société.
19. A Malte, des discussions ont eu lieu sur la question de l’abaissement
de la majorité électorale. Dans son programme de juin 2009 en vue
des élections au Parlement européen, le Parti des socialistes européens (PSE)
a proposé de la fixer à 16 ans.
20. Au Royaume-Uni, c’est en décembre 1999 que la possibilité
d’abaisser la majorité électorale à 16 ans a été envisagée sérieusement
pour la première fois, lorsque la Chambre des communes a examiné
en commission un amendement au Representation
of the People Bill (projet de loi sur la représentation
du peuple). C’était la première fois que la question d’accorder
le droit de vote aux jeunes avant l’âge de 18 ans était soumise
au vote à la Chambre des communes. Le gouvernement s’est toutefois
opposé à cet amendement, qui fut rejeté par 434 voix contre 36.
21. En 2004, la Commission électorale a mené une vaste consultation
sur la question de la majorité électorale et de l’âge d’éligibilité;
cette consultation a enregistré une forte participation. Dans ses
conclusions publiées le 19 avril 2004
, la commission recommandait que la
majorité électorale soit maintenue à 18 ans. En novembre 2005, la
Chambre des communes a rejeté par 136 voix contre 128 (vote libre)
une proposition de loi en faveur de l’abaissement de la majorité
électorale à 16 ans. Le parlement a décidé de ne pas inclure de disposition
abaissant la majorité électorale dans la loi sur l’administration
électorale lors de son adoption en 2006.

22. En février 2006, le rapport de l’enquête Power (Power Inquiry) appelait à
abaisser à 16 ans la majorité électorale et l’âge d’éligibilité
à la Chambre des communes. Le même jour, le chancelier de l’Echiquier
de l’époque, Gordon Brown, indiquait dans un article paru dans The Guardian qu’il était favorable
à cette initiative à condition qu’elle soit assortie de mesures
efficaces d’éducation à la citoyenneté.
23. En juillet 2007, le ministère de la Justice a publié un livre
vert intitulé The Governance of Britain
,
dans lequel il proposait la création d’une commission de promotion
de la citoyenneté des jeunes (Youth Citizenship Commission), qui
serait notamment chargée d’examiner la question de l’abaissement
de la majorité électorale. Les propositions du livre vert ont été
mises en pratique et la commission a été créée en juillet 2007.
Une consultation sur la question de savoir si la majorité électorale
devait être abaissée à 16 ans était également préconisée. Un document
de consultation a été publié en octobre 2008; les réponses étaient
attendues en janvier 2009. Une synthèse des réponses a été publiée
par la commission de promotion de la citoyenneté des jeunes en avril
2009. En juin 2009, celle-ci a publié ses recommandations à la suite
de la consultation mais elle n’a pas préconisé d’abaisser la majorité
électorale, laissant cette décision aux politiques.

24. Plus récemment, le Parti travailliste, dans son programme
électoral en vue des élections législatives de 2010, a promis d’améliorer
l’éducation à la citoyenneté pour les jeunes et de soumettre à un
vote libre au parlement la question de l’abaissement de la majorité
électorale à 16 ans. Les libéraux-démocrates se sont engagés à faire
de même s’ils remportaient les élections.
25. En octobre 2007, la conférence du Parti national écossais
a voté à l’unanimité en faveur d’une mesure d’abaissement de la
majorité électorale à 16 ans et d’une campagne pour la dévolution
des compétences nécessaires au Parlement écossais. Le ministre du
Parlement a déclaré à la presse que le Gouvernement écossais avait
conscience que le décalage existant avec les autres droits civiques
à l’entrée dans la vie adulte, comme celui de payer des impôts,
de se marier ou de servir dans les forces armées, amenait les jeunes
à croire que leur avis ne comptait pas ou n’était pas important
. Il a poursuivi en indiquant que l’ambition
du gouvernement était que le projet de loi étendît le droit de vote
aux jeunes âgés de 16 ans et plus pour les «élections –pilotes»
au Conseil de santé et que, si le gouvernement parvenait à ce résultat,
les jeunes auraient le droit de voter dans un domaine dont la compétence
appartient au Parlement écossais. Il aurait souhaité également étendre,
dans une étape future, l’âge de vote à 16 ans aux élections locales,
mais malheureusement, comme c’est le cas avec une grande partie
de la législation électorale écossaise, la réduction de l’âge de
vote pour les élections est de la compétence exclusive de Westminster.
En février 2008, un débat à l’Assemblée galloise a montré que l’abaissement
du droit de vote à 16 ans disposait d’un soutien important.

26. Dans toute l’Europe, la société civile est de plus en plus
favorable à l’abaissement du droit de vote à 16 ans. Le collectif Votes at 16 (Le droit de vote à
16 ans), créé en 2003, s’inscrit dans cette mouvance. Il rassemble
les grandes organisations de jeunesse britanniques, les principaux
partis politiques et d’autres sympathisants. Il est conduit par
un groupe directeur constitué de membres actifs parmi lesquels figurent
des organisations comme le British Youth
Council – où est installé son secrétariat –, la Co-Operative, la Children’s Rights Alliance for England, le Scottish Youth Parliament et la National Union of Students, qui
militent depuis des années pour le droit de vote à 16 ans. Le syndicat
UNISON a également apporté son soutien au collectif Votes at 16.
27. Le Forum européen de la jeunesse, organisation indépendante
de jeunesse basée à Bruxelles et représentant 98 conseils nationaux
de jeunesse et organisations internationales de jeunesse de toute
l’Europe, est à la tête du mouvement en faveur de l’abaissement
de la majorité électorale à 16 ans.
4. Situation actuelle hors d’Europe
28. L’Europe est loin d’être le seul continent où la
question de l’abaissement de la majorité électorale fait débat.
L’Iran est allé jusqu’à donner le droit de vote à 15 ans, avant
de le repousser à 18 ans en janvier 2007, malgré l’opposition du
gouvernement. Au Venezuela, l’abaissement de la majorité électorale
à 16 ans a été proposé lors des révisions constitutionnelles de
2007, mais il a été rejeté par référendum. Un rapport préconisant
d’envisager l’abaissement de la majorité électorale à 16 ans dans
le Territoire de la Capitale australienne, Canberra, a été soumis
à l’assemblée territoriale en septembre 2007, mais il a été rejeté.
En 2009, le Gouvernement australien a lancé un livre vert sur la
réforme électorale, qui mentionne la possibilité d’abaisser l’âge
du droit de vote à 16 ans.
29. La majorité électorale est fixée à 16 ans au Brésil, à Cuba,
en Equateur et au Nicaragua et, à 17 ans en Indonésie, au Timor-Oriental,
au Soudan et aux Seychelles. En Israël, il faut avoir 17 ans pour
voter aux élections locales. Aux Philippines, les personnes de 16 ans
peuvent voter à toutes les élections si elles sont mariées.
5. Examen des arguments en faveur d’un abaissement de la majorité électorale
5.1. Augmentation de la représentativité
30. Le premier argument à mentionner est celui de l’élargissement
de la démocratie car une élection qui fait participer les 16-17 ans
est plus représentative qu’une élection réservée aux personnes de
18 ans et plus. Il est incontestable qu’inclure une fraction supplémentaire
de la société accroît la représentativité des élus. On pourrait
avancer, comme l’a fait un membre de la commission des questions
politiques, qu’il ne faut pas s’arrêter à 16 ans. Cependant, ce
seuil de 16 ans correspond à l’âge de la fin de la scolarité obligatoire
dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe.
31. Depuis le début des révolutions démocratiques en Europe, inaugurées
avec la Révolution française de 1789, l’évolution s’est toujours
faite vers une démocratie plus inclusive par octroi de droits civiques
à un nombre toujours plus grand de citoyens, reconnaissant que les
hommes riches n’étaient pas les seuls à pouvoir prendre des décisions
démocratiques, mais que les femmes et les pauvres en étaient aussi
capables. Le fait d’abaisser l’âge du vote à 16 ans s’inscrirait
dans cette évolution et rendra les démocraties plus démocratiques
en incluant davantage de citoyens dans les processus décisionnels.
La société européenne est confrontée à des changements constants,
à de nouveaux défis, besoins et opportunités, surtout pour les jeunes.
Ces changements appellent une réponse démocratique commune durable,
paneuropéenne, transsectorielle, interculturelle et intergénérationnelle
afin de garantir que les problèmes qui se posent aux jeunes et la
perspective qui est la leur ne soient pas sous-représentés dans
l’agenda politique européen.
5.2. Participation démocratique
32. Un argument avancé est que l’abaissement de la majorité
électorale ne ferait qu’accentuer le problème de l’abstention. D’après
un rapport publié par le Gouvernement britannique, à l’heure actuelle,
la classe d’âge des 18-25 ans est celle qui affiche la plus faible
propension au vote lors des élections. L’adhésion des jeunes aux
partis politiques est en baisse. Il est improbable que le fait d’abaisser
encore l’âge du droit de vote inverse cette tendance. L’abstention
des jeunes tient essentiellement au fait qu’ils se sentent en décalage
par rapport aux partis politiques et aux candidats.
33. Cependant, exclure les jeunes de 16-17 ans des élections favoriserait
la désaffection des 18-24 ans. L’impression de ne pas avoir de réelle
influence n’incite pas à s’investir activement dans les processus décisionnels.
L’abaissement de la majorité électorale favoriserait une plus grande
participation des 16-17 ans au processus démocratique et obligerait
dans le même temps les responsables politiques à définir des politiques
de jeunesse solides et pertinentes.
34. Plus les jeunes seront tenus à l’écart du processus démocratique
formel, plus il sera difficile de les y associer un jour. Lors des
élections de 2005 au Royaume-Uni, le taux de participation des 18-24 ans
n’a pas dépassé les 37%, soit une baisse de deux points par rapport
au précédent scrutin. Selon l’Electoral
Reform Society, si l’on donne aux jeunes la possibilité
de voter à un âge plus précoce, ils seront plus enclins à voter lorsqu’ils
avanceront en âge.
35. D’après une étude réalisée dans trois Länder allemands sur
le taux de participation des 16-18 ans, la pratique du vote serait
plus naturelle pour les jeunes de cette classe d’âge que pour leurs
prédécesseurs qui ont dû attendre leurs 18 ans pour pouvoir voter.
En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le taux de participation des 16-21 ans
est légèrement inférieur à celui de la moyenne des électeurs mais
nettement supérieur (5% à 8% de plus) à celui des 21-30 ans. Des
résultats similaires ont été observés en Basse-Saxe où, en 1996,
la ville de Hanovre enregistrait un taux de participation de 56,5%
chez les 16-17 ans, contre 49% chez les 18-24 ans, le vote des jeunes
de 16-18 ans atteignant un niveau comparable à celui des 35-45 ans.
Les mêmes observations peuvent être faites pour les élections locales
de 1999 en Saxe-Anhalt.
36. Bien que les taux de participation par classe d’âge ne soient
pas disponibles pour l’Autriche, les travaux de recherche menés
par l’Institute for Social Research and Consulting (SORA) et l’Association
internationale de sociologie (AIS) nous donnent une idée des effets
de la réforme. Ces travaux révèlent que plus des trois quarts des
primo-votants lors des élections législatives de 2008 ont suivi
l’actualité politique plus d’une fois par semaine et que plus des
deux tiers des électeurs de 16-18 ans ont déclaré s’intéresser à
la campagne électorale – et ce, alors que seulement 20% des personnes
interrogées dans le cadre de l’enquête de la SORA déclaraient faire
confiance aux principaux responsables politiques –, mais déploraient
que les campagnes électorales ne reflètent pas les préoccupations
des jeunes. Selon les estimations, le taux de participation de la
tranche d’âge à laquelle le droit de vote venait d’être accordé
était identique à celui de l’ensemble de l’électorat en 2008, soit
environ 73%; l’équipe chargée de l’étude n’a par ailleurs dégagé
aucune tendance dominante en fonction de la classe d’âge.
37. Un rapport élaboré par le groupe de réflexion politique britannique
Demos, intitulé A New Frontier,
sur les habitudes de vote au Royaume-Uni a révélé que 19% des 16-17 ans
seraient «absolument certains» de voter et que 65,5% d’entre eux
«auraient plus tendance à voter qu’à ne pas voter». La proportion
des 16-17 ans ayant déclaré qu’ils ne «voteraient pas» (9%) était
légèrement inférieure à celle des plus de 18 ans (11%).
38. Il est avéré que le contexte social est essentiel pour maintenir
un intérêt constant pour la politique et un taux de participation
stable. Pour le chercheur Mark Franklin
, qui étudie le taux de participation aux
élections européennes depuis vingt ans, la stabilité du milieu scolaire,
familial et relationnel exerce une grande influence sur la participation
des primo-votants. Partant de ce constat, une majorité électorale
fixée à 18 ans ne favorise pas la participation des jeunes, puisque
c’est l’âge auquel ils quittent le domicile familial, commencent
leur cursus universitaire et se font de nouveaux amis. Le droit
de vote à 16 ans serait dès lors propice à une plus forte participation
des primo-votants, qui se stabiliserait par la suite à un niveau
plus élevé qu’actuellement.

5.3. Changements démographiques
39. En Europe, l’âge moyen des électeurs augmente inexorablement
d’année en année et la part des jeunes se réduit d’autant. En 2000,
12,4% de la population européenne avaient entre 15 et 24 ans, la
classe d’âge des 65-90 ans représentant quant à elle 16,2%. Les
projections d’Eurostat montrent que, d’ici à 2020, le groupe des
15-24 ans représentera 10,9% de la population et le groupe des 65-90 ans,
près du double, soit 20,6%. L’abaissement de la majorité électorale
pourrait contribuer à maintenir un équilibre démographique entre
les jeunes et les adultes.
40. Il est nécessaire d’avoir une plate-forme politique publique
pour améliorer le dialogue intergénérationnel. Les transformations
de la société et l’évolution démographique appellent une réponse
politique. L’abaissement du droit de vote à 16 ans permettrait de
faire entrer le discours intergénérationnel dans les parlements
et d’amener les thématiques propres à la jeunesse à l’ordre du jour
du débat politique. Les jeunes pourraient ainsi faire entendre leurs
préoccupations à voix égale dans le débat public. Les politiciens
ont tendance à accorder plus d’importance à l’opinion des personnes
qui ont effectivement le droit de vote car elles sont plus intéressantes
pour eux puisque susceptibles de leur apporter leurs voix.
5.4. Droits et responsabilités liés à la citoyenneté
41. Beaucoup de jeunes de 16 ans participent déjà activement
à la vie de la société: dans un grand nombre de pays, ils sont en
droit d’arrêter leurs études à cet âge-là et de chercher du travail;
ceux qui occupent un emploi payent des impôts; ils peuvent également
se marier et assumer des responsabilités civiques.
42. Si, dans de nombreux pays, les jeunes ne peuvent pas voter
à 16 ans, ils peuvent en revanche, comme c’est le cas en Allemagne,
apprendre à conduire, acheter de l’alcool et arrêter leurs études
s’ils ont effectué les années de scolarité obligatoire. De même,
au Royaume-Uni, ils peuvent avoir des relations sexuelles, se marier
avec le consentement de leurs parents, exercer une activité à temps
plein, avoir des enfants, prétendre à des prestations sociales et
avoir leur propre numéro de sécurité sociale, s’engager dans l’armée
et être condamnés pour infraction pénale, toutefois sans encourir
de peine privative de liberté. La situation est à peu près identique
dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. En Autriche,
en France, en Espagne et au Portugal, il est possible de consommer
de l’alcool dès l’âge de 16 ans sans l’accompagner d’un repas (17 ans
au Luxembourg). Comme cela est indiqué plus haut, les jeunes de
16 ans peuvent prendre de plus en plus de responsabilités mais n’ont
toujours pas le droit de voter. Il conviendrait donc sans doute
qu’ils puissent exercer leurs droits civiques en votant aux élections
locales, régionales, nationales et européennes.
5.5. Maturité
43. S’appuyant sur ses conclusions pour l’année 2004,
la Commission électorale du Royaume-Uni
affirme que
les jeunes de 16 ans n’ont tout simplement pas la maturité suffisante
pour voter. Pour la grande majorité, ils vivent encore chez leurs
parents et vont à l’école. A 16 ans, un jeune a encore besoin de
l’accord de ses parents pour se marier et, avant 18 ans, les jeunes
soldats ne sont pas envoyés sur les théâtres d’opérations. Certains
droits, comme l’autorisation d’acheter de l’alcool ou de s’adonner
à des jeux d’argent dans des bureaux de pari ou des casinos, ne
sont pas toujours accordés à 16 ans et des campagnes militent actuellement
pour que l’âge légal requis pour acheter du tabac et des feux d’artifice
soit revu à la hausse. Pour beaucoup, s’ils ont un corps d’adulte,
les jeunes de 16 ans ont toutefois encore une mentalité d’enfant.
La Fondation pour la citoyenneté au Royaume-Uni avance l’argument
suivant : «Si nous décidions d’abaisser la majorité électorale de
18 à 16 ans, faisant ainsi appel à une multitude d’enfants à moitié
éduqués et parfois même sous-éduqués, la démocratie de ce pays s’en
trouverait encore plus décrédibilisée.» 


44. Dans une démocratie, il n’y a cependant pas de «mauvais» choix,
car toutes les possibilités offertes (partis, listes, candidats)
sont légitimes. De plus, l’expérience montre que les choix de vote
des 16-17 ans sont très proches de ceux des 18-24 ans. D’un point
de vue psychologique, le développement moral et cognitif des jeunes
est achevé à l’âge de 14 ans; ainsi, à partir de cet âge, les jeunes
sont dotés d’une capacité de prendre des décisions en connaissance
de cause.
45. Un autre problème soulevé par la question de la maturité est
celui de la disparité existant en Europe en ce qui concerne la responsabilité
liée à l’âge adulte. Elle est flagrante dès lors qu’on examine la
pratique des différents pays concernant l’âge légal requis pour
la consommation d’alcool, pour le mariage et la responsabilité pénale.
46. Une enquête menée en 2004 au Royaume-Uni et publiée dans British Social Attitudes
constatait
un net recul depuis 1994 de l’intérêt que les jeunes manifestent
pour la politique et de leur degré d’attachement à un parti politique
britannique en particulier. Elle observait également que l’écart
traditionnel entre la jeune génération et les générations plus âgées
en matière d’intérêt politique s’était creusé depuis 1986. Si l’intérêt grandit
avec l’âge, son niveau actuel est tellement bas qu’il faudrait,
selon les auteurs de l’enquête, qu’il augmente de manière significative
au cours des dix prochaines années pour que ces groupes «rattrapent»
les générations précédentes.

6. Age d’éligibilité
47. Le débat sur l’abaissement de la majorité électorale
ne saurait faire abstraction de la question de l’âge d’éligibilité,
qui lui est étroitement associée. La Recommandation 1315 (1997) citée
plus haut exhortait également les Etats à abaisser l’âge requis
pour se présenter aux élections. Le principal argument avancé pour justifier
un âge minimal pour pouvoir se présenter à une élection est qu’il
faut une plus grande maturité pour exercer les fonctions de représentant
politique que pour élire ce représentant. Il conviendrait dès lors
de prévoir un délai raisonnable entre le droit de vote et le droit
de se présenter à une élection.
48. Le sentiment prévalant dans les conseils nationaux de jeunesse
soutenant le collectif Votes at 16 est que
l’âge pour se présenter aux élections locales, régionales, nationales
et européennes devrait également être de 16 ans. A 16 ans, les jeunes
assument déjà d’importantes responsabilités dans la société et parfois dans
le secteur privé et associatif; il convient donc de remédier à cette
incohérence.
49. Par ailleurs, l’une des propositions de la campagne Votes at 16 est de ne fixer aucun
âge minimal d’éligibilité; pour juger de l’aptitude d’un individu
à exercer un mandat électif, il conviendrait de s’en remettre uniquement au
processus de sélection interne des partis ainsi qu’aux urnes et
au bon sens des électeurs.
50. Au niveau international, la situation est plus floue en ce
qui concerne l’âge minimal d’éligibilité. Pour tous les niveaux
électoraux, l’âge minimal requis est de 18 ans au Danemark, en Finlande,
en Allemagne, aux Pays-Bas, au Portugal, en Espagne et en Suède,
de 19 ans en Autriche et de 21 ans en Belgique. L’âge standard d’éligibilité
est également de 18 ans en Australie et au Canada. En revanche,
en France, l’âge minimal requis pour se présenter aux élections
locales est de 18 ans, mais il est de 23 ans ou plus pour les représentations parlementaires.
Il faut être âgé d’au moins 23 ans pour se présenter à l’élection
présidentielle.
51. En Italie, la Constitution de 1947 précise qu’il faut avoir
50 ans révolus pour être élu Président de la République, 40 ans
pour être élu sénateur et 25 ans pour être élu député. Il suffit
en revanche d’être âgé de 18 ans pour être élu conseiller régional,
provincial, municipal ou communal.
52. En Norvège, il est possible de se présenter aux élections
au parlement ou aux conseils locaux dès 18 ans, voire 17 pour les
candidats qui auront 18 ans durant l’année de l’élection. Au niveau
national, 68 candidats âgés de moins de 18 ans ont été élus aux
élections municipales et de comté de 2003.
7. Conclusions
53. Le sujet est polémique. La diminution de la participation
électorale, en particulier chez les jeunes, est inquiétante et des
efforts doivent être entrepris pour inverser cette tendance. L’une
des solutions consisterait à ramener de 18 à 16 ans le droit de
vote et d’éligibilité. Plusieurs possibilités sont envisageables:
- – l’introduction de seuils différents selon les élections (par exemple 16 ans pour les élections locales, 17 ans pour les élections régionales et 18 pour les élections nationales);
- – l’introduction de seuils différents pour le droit de vote (par exemple 16 ans) et pour l’éligibilité (par exemple 18 ans pour les élections législatives);
- la possibilité de s’inscrire volontairement (sur les listes électorales) à partir de l’âge de 16 ans;
- l’assujettissement du droit de vote à la situation au regard de l’emploi ou au statut marital.
54. S’il semble logique de fixer une limite d’âge plus élevée
pour se présenter à une élection que pour voter, il paraît difficile
de justifier des seuils différents en fonction du type d’élections.
Lier le droit de vote avant 18 ans à la situation au regard de l’emploi
ou au statut marital serait contraire à la Constitution dans de
nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe.
55. De l’avis du rapporteur, la solution la plus raisonnable consiste
à harmoniser l’âge du droit de vote en le fixant à 16 ans dans tous
les pays et pour toutes les élections, sur une base volontaire,
tout en examinant l’âge minimal requis pour se présenter aux différents
types d’élections (locales, régionales, législatives, sénatoriales et
présidentielles) afin de l’abaisser lorsque cela paraît souhaitable.
56. Il y a de nombreux arguments en faveur de l’abaissement du
droit de vote à 16 ans et très peu contre. De plus, l’expérience
des pays et régions où le droit de vote a déjà été ramené à 16 ans
montre que cela n’a aucun effet négatif.
57. L’Assemblée devrait donc inviter les Etats membres du Conseil
de l’Europe à créer les conditions préalables nécessaires à la participation
des jeunes à la vie civique par l’éducation et la promotion de l’engagement
au service de la collectivité, et à prendre toutes les mesures nécessaires
pour encourager cette participation, notamment en abaissant de 18
à 16 ans la majorité électorale pour les élections locales, régionales,
nationales et européennes.