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Avis de commission | Doc. 12650 | 21 juin 2011

Vivre ensemble dans l'Europe du XXIe siècle: suites à donner au rapport du Groupe d’éminentes personnalités du

Conseil de l’Europe

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rapporteur : M. Arcadio DÍAZ TEJERA, Espagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 3752 du 11 mars 2011. Commission chargée du rapport: commission des questions politiques. Voir le Doc. 12631. Avis approuvé par la commission le 21 juin 2011. 2011 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

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1. La commission des migrations, des réfugiés et de la population félicite le rapporteur de la commission des questions politiques, M. Latchezar Toshev, pour son rapport et soutient le projet de recommandation proposé.
2. La commission considère que le «vivre ensemble» constitue et restera un des principaux enjeux politiques et sociaux pour l'Europe. Pour relever le défi, le leadership politique sera déterminant.
3. Comme l'indique clairement la commission des questions politiques, le rapport du Groupe d’éminentes personnalités «insufflera un regain d'élan et d'engagement politique à diverses activités présentes et futures du Conseil de l'Europe». Le rapport propose un éventail d'initiatives qui, si elles sont mises en œuvre, peuvent apporter une contribution substantielle en faveur non seulement du «vivre ensemble», mais aussi des possibilités de bénéficier et de profiter de ce «vivre ensemble».
4. Du point de vue de la commission, il est essentiel que l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe compensent, au moins partiellement, la crise de leadership que souligne si clairement le rapport du Groupe d’éminentes personnalités, et apportent des réponses et des actions du Conseil de l'Europe, qu'il s'agisse d'initiatives parlementaires ou d'activités de suivi, de normalisation ou de coopération. Pour sa part, la commission des migrations, des réfugiés et de la population est prête à apporter toute l'assistance qu'elle est en mesure de fournir en la matière.
5. Même si elle soutient pleinement le rapport de la commission des questions politiques, la commission aimerait proposer quelques amendements visant à renforcer la réponse de l'Assemblée, et notamment dans le domaine des droits des migrants.

B. Amendements proposés au projet de recommandation

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Amendement A (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, paragraphe 6, après les mots «Les personnes qui viennent», supprimer le mot «légalement».

Explication: On attend le même comportement de toutes les personnes, qu'elles soient entrées légalement ou illégalement dans un pays. Le texte inchangé laisse entendre que seuls les immigrés en situation régulière (entrés légalement) doivent respecter la démocratie, les droits de l'homme, la primauté du droit, etc. En outre, beaucoup de personnes entrent légalement, puis se retrouvent en situation irrégulière (dépassement de la durée du visa, par exemple). Il existe des migrants en situation irrégulière dans tous les Etats membres, et ils sont très nombreux dans certains pays. Leur existence ne saurait être passée sous silence à l'heure de débattre des droits et des responsabilités, et le rapporteur propose par conséquent de supprimer du texte le mot «légalement» pour rendre l'idée d'une situation de fait dont il faut s'occuper.

Amendement B (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 14.5, insérer l'alinéa suivant:

«s'attaquer au déficit démocratique résultant de l'absence de participation démocratique des immigrés, des Roms et d'autres groupes exposés à une marginalisation;»

Explication: La participation démocratique est une question primordiale sur laquelle l’Assemblée s'est penchée par le passé, y compris lors de son récent débat sur la situation de la démocratie en Europe. Il est donc essentiel de mentionner ce déficit démocratique.

Amendement C (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 16.6, insérer l'alinéa suivant:

«étudier quelles mesures sont nécessaires pour garantir les droits élémentaires des migrants en situation irrégulière et de leurs enfants, en reconnaissant que nombre de ces personnes sont exploitées et ne peuvent, ou ne veulent, pas retourner dans leur pays d'origine;»

Explication: L’Assemblée s'est exprimée à maintes reprises sur les problèmes relatifs aux droits des migrants en situation irrégulière. Il s'agit certes d'une question difficile pour les gouvernements et pour le Conseil de l'Europe, mais l’Assemblée est restée ferme sur le fait qu'il existe de graves problèmes de respect des droits et de l'Etat de droit qui résultent de la présence, en Europe, de très nombreuses personnes privées de tout statut et qui ne peuvent être renvoyées dans leur pays d'origine. Par conséquent, les Etats membres doivent trouver des solutions respectueuses des droits, et le Conseil de l'Europe, en sa qualité d'organisation de défense des droits fondamentaux en Europe, ne saurait écarter cette question de son ordre du jour.

Amendement D (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, à la fin du paragraphe 19, ajouter la phrase suivante:

«A l'issue de cette conférence, un agenda des actions à mener par le Conseil de l'Europe devrait être défini par une session ministérielle, et s'inscrire dans le cadre des préparatifs d'un éventuel futur sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe.»

Explication: Cet amendement est important pour garantir un suivi de haut niveau aux nombreuses bonnes idées qui ont été lancées ou qui pourront encore voir le jour à l'issue de la conférence proposée par l'Assemblée. La conférence de l'Assemblée ne devrait pas constituer la fin du processus, mais plutôt participer à la naissance d'un nouvel engagement intergouvernemental.

C. Exposé des motifs, par M. Díaz Tejera, rapporteur pour avis

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«Un aspect des immenses et admirables couleurs et mystères de la vie est que des groupes d'individus diffèrent les uns des autres: dans leurs coutumes, leurs traditions, leur foi, la couleur de leur peau et leur façon de s'habiller, etc. Cette "altérité" des différentes communautés peut évidemment être acceptée avec compréhension et tolérance comme quelque chose qui enrichit la vie: elle peut être honorée et respectée, on peut même s'en réjouir.»
Vaclav Havel, Président de la République tchèque

1. Le rapporteur s'associe à la commission des questions politiques pour déclarer que le rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil de l'Europe vient à point nommé. Il n'est pas trop tard pour que l'Europe traite la question du «vivre ensemble» de manière à créer des ponts au lieu d'avoir à réparer des ponts par la suite, ce qui constitue une réelle menace.
2. Une réforme du Conseil de l'Europe est en cours. Les nombreuses idées proposées dans le rapport du Groupe d’éminentes personnalités peuvent servir de base au Conseil de l'Europe pour mettre à profit son savoir-faire, sa diversité et ses points forts afin de traiter plusieurs des problèmes soulevés.
3. Le rapporteur se limitera à un petit nombre de points essentiels qui intéressent particulièrement la commission des migrations, des réfugiés et de la population. Ce sont les questions pour lesquelles le rapporteur pense que le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire peuvent apporter une valeur ajoutée aux activités déjà menées en Europe, et où tous deux peuvent avoir un impact significatif.

La crise de leadership

4. La crise de leadership a été désignée par le Groupe d’éminentes personnalités et par la commission des questions politiques comme un problème qu'il est nécessaire de surmonter. Il est essentiel que l'Assemblée, en sa qualité de «conscience de l'Europe», montre la voie à suivre et que le Comité des Ministres parvienne, tout en tenant compte des positions nationales, à élaborer des stratégies favorisant le bien-être des personnes qui vivent dans les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe.

Les Européens «avec un trait d'union»

5. Que signifie être un Européen «avec un trait d'union»? Pour le rapporteur, il faut accorder de l'importance aux liens qui unissent, et non aux différences qui séparent. La notion d'Européens «avec un trait d'union» offre un point de départ positif à la création de ponts. Elle mérite d'être explorée, et le rapporteur estime que la commission des migrations, des réfugiés et de la population, et l’Assemblée dans son ensemble, devraient garder cette notion à l'esprit dans leurs travaux. Elle pourrait même faire l'objet d'un futur rapport.

Les exclus – la communauté invisible de l'Europe

6. Le rapporteur se félicite que le Groupe d’éminentes personnalités ait abordé ce point et considère que les préoccupations déjà exprimées par l'Assemblée méritent une attention supplémentaire; voir, par exemple, la Résolution 1509 (2006) relative aux droits fondamentaux des migrants irréguliers et la Résolution 1568 (2007) sur les programmes de régularisation des migrants en situation irrégulière.
7. Rappelons que la question relève à la fois des droits de l'homme et de la primauté du droit. Le rapporteur comprend parfaitement les difficultés politiques que pose l'immigration clandestine, tant du point de vue des droits des migrants en situation irrégulière que de celui de leur rapatriement. Ce sont d'ailleurs elles qui rendent nécessaire un «leadership» en la matière. Toutefois, si une organisation comme le Conseil de l'Europe, qui jouit d'une grande réputation dans le domaine des droits de l'homme, ne veut ou ne peut pas réaliser des progrès sur cette question, force est de se demander qui pourrait bien le faire. L'Assemblée devrait être disposée à poursuivre son travail et à encourager le Comité des Ministres à opter pour une approche transversale pour tenter de résoudre au moins une partie des problèmes de droits de l'homme les plus difficiles et les plus importants auxquels se heurtent les migrants en situation irrégulière et leurs enfants.

Participation démocratique

8. Le rapporteur est entièrement favorable aux appels à un renforcement des travaux réalisés par le Conseil de l'Europe. Ce travail s'appuie sur le solide fondement posé par deux conventions que davantage d'Etats membres devraient ratifier et qui mériteraient d'être mieux connues. Il s'agit de la Convention européenne sur la nationalité (STE n° 166) et de la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144). Le rapporteur rappelle que l'Assemblée avait mis l'accent sur la question de la participation démocratique des migrants lors de son débat de 2008 sur l'état de la démocratie en Europe. Le rapporteur soutient sans réserve l'idée de lancer une campagne de l’Assemblée afin d'obtenir davantage de signatures et de ratifications des deux instruments du Conseil de l'Europe mentionnés ci-dessus. Une telle campagne devrait toutefois s'accompagner d'initiatives parallèles, soutenues par le Comité des Ministres.

Sensibilisation

9. Le rapport du Groupe d’éminentes personnalités rappelle maintes fois la nécessité de veiller à une sensibilisation aux différents problèmes soulignés dans le rapport. Il demande par exemple de sensibiliser au fait que la diversité est une réalité durable, que l'intolérance croissante est un problème qu'il faut absolument traiter, que les préjugés contre les Roms ne peuvent pas continuer, que les attitudes populaires envers les immigrés sont généralement basées sur des visions déformées, etc.
10. Le Conseil de l'Europe a également accumulé une grande expérience à travers des campagnes comme «Tous différents – tous égaux» ou «Dosta!». Le rapporteur convient qu'il faut s'appuyer sur cette expérience en mobilisant non seulement les jeunes par le biais du Centre européen de la jeunesse, mais aussi les collectivités locales par l'intermédiaire du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, les parlementaires dans le cadre de l'Assemblée, les représentants des gouvernements grâce aux comités directeurs et autres, et les organisations non gouvernementales (ONG) par le réseau d'ONG internationales du Conseil de l'Europe; le prestige des différents organes de suivi que sont le Comité européen des droits sociaux, la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance et le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157) doit également être mis à profit. Il ne faut en outre pas oublier les activités remarquables du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et la contribution qu'il pourrait apporter.
11. L'implication de ces différents acteurs doit permettre au Conseil de l'Europe d'assurer à une telle campagne sur le thème du «vivre ensemble» le plus grand impact et la plus grande pertinence possibles.

Les Roms

12. Concernant les Roms, le rapporteur tient à souligner les initiatives prises par l'Assemblée pour encourager leur participation politique, y compris l'accord signé début 2011 entre le Forum européen des Roms et des Gens du voyage et l'Assemblée en vue d'intensifier la coopération. Récemment, l’Assemblée a une fois de plus noté «avec inquiétude que les Roms restent extrêmement sous-représentés dans les organes élus et que leur participation à la vie publique et politique est limitée», et a instamment demandé aux Etats membres de «renforcer la participation et la représentation politiques des Roms aux niveaux national et local, notamment en leur délivrant les documents d'identité nécessaires, en éliminant la discrimination institutionnelle et les obstacles juridiques et/ou en attribuant des sièges réservés aux représentants roms au parlement ainsi que dans les organes régionaux et locaux élus» (Résolution 1740 (2010)). Aux niveaux local, régional et national, les Etats membres devraient prendre des mesures visant à garantir aux personnes appartenant à ce groupe une participation significative au niveau politique. Le Conseil de l'Europe, y compris son Assemblée parlementaire et son Congrès, peut grandement y contribuer.

Rétention des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d'asile

13. Une fois de plus, le rapporteur se félicite de ce que le rapport du Groupe d’éminentes personnalités aborde le problème. Cette question est hautement prioritaire pour la commission des migrations, des réfugiés et de la population, comme l'attestent les travaux récents de l’Assemblée sur la question qui ont abouti à la Résolution 1707 (2010) sur la rétention administrative des demandeurs d'asile et des migrants en situation irrégulière en Europe.
14. Il faudrait disposer de règles européennes sur la rétention en complément des Règles pénitentiaires européennes (qui concernent uniquement les criminels). Grâce à son expérience des Règles pénitentiaires européennes et aux travaux du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), le Conseil de l'Europe est bien placé pour les élaborer. De même, il existe de très bonnes raisons d'approfondir l'examen des alternatives à l'incarcération des immigrés et des bonnes pratiques envisageables en Europe. Une autre idée qui mérite d'être creusée serait de mieux équiper les parlementaires en vue de réaliser des visites individuelles dans les lieux de rétention de leur pays. De nombreux parlementaires possèdent ce droit, mais sont mal équipés pour accomplir cette tâche. La commission des migrations, des réfugiés et de la population a déjà traité le sujet dans le passé et pourrait facilement s'en charger.

Activités normatives dans le domaine du «vivre ensemble» et de l'intégration

15. Le rapport du Groupe d’éminentes personnalités recommande que le Conseil de l'Europe devrait, au cours de ses futures activités normatives, élaborer des lignes directrices traitant à la fois des droits et des responsabilités, et des liens entre les deux. Il recommande aussi d'élaborer un code de bonnes pratiques sur le thème «Vivre ensemble en Europe dans la diversité et dans la liberté». Le rapporteur est entièrement favorable à ces propositions. Il est certes difficile, surtout en Europe, de s'intéresser à la problématique des droits des migrants et à l'incapacité des instruments internationaux ou européens d'attirer les signatures et les ratifications. Un fossé considérable reste donc à traiter et à combler d'une manière ou d'une autre. Une option ambitieuse consisterait à élaborer une convention-cadre sur l'intégration et le «vivre ensemble», qui couvrirait à la fois le volet des droits et celui des responsabilités. On pourrait également tirer parti de l'expérience accumulée avec la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, qui a créé le cadre dans lequel les problèmes des minorités sont aujourd'hui examinés en Europe, pour examiner les questions de droits et de responsabilités dans le contexte de l'intégration et du «vivre ensemble». Ces aspects sont importants non seulement pour les migrants, mais également pour les sociétés d'accueil. Le rapporteur estime que cette question mérite un examen plus approfondi même si, d'un point de vue politique, le débat est déjà parvenu à maturité et pourrait déjà être abordé.
16. Dans un premier temps, le rapporteur soutient pleinement la proposition de faire examiner ces questions dans le cadre d'un code de bonnes pratiques sur la cohabitation, mais pense qu'il est à la fois nécessaire et approprié que le Conseil de l'Europe mène une initiative plus ambitieuse à long terme.

Conférence / réunion de haut niveau

17. Le rapporteur salue la proposition d'organiser une conférence avec la participation du Secrétaire général, de représentants du Comité des Ministres, du Groupe d'éminentes personnalités et de l’Assemblée. Il considère toutefois qu'il devrait s'agir non pas de l'aboutissement, mais du début d'un processus de mise en œuvre de plusieurs des idées avancées par le Groupe d’éminentes personnalités et par la commission des questions politiques, ainsi que de nouvelles idées qui pourraient naître de la conférence proposée. Un puissant suivi intergouvernemental sera nécessaire, et le rapporteur suggère par conséquent qu'il soit traité lors d'une session ministérielle et qu'il figure également au nombre des questions prioritaires lors d'un éventuel futur sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe.

Conclusions du rapporteur

18. Le rapporteur considère que l'Assemblée parlementaire et le Conseil de l'Europe en général devraient voir dans le rapport du Groupe d’éminentes personnalités l'occasion rêvée pour traiter la question du «vivre ensemble» en Europe.
19. Les dangers liés à la tendance de «vivre chacun pour soi» et dans la division ne sont plus à démontrer. Le Conseil de l'Europe peut, grâce à son large éventail de réponses aux problèmes de droits de l'homme aux divers niveaux (civil, politique et gouvernemental) jouer un rôle majeur, surtout si les efforts de ses différents organes peuvent être conjugués et orientés dans la même direction.