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Recommandation 1046 (1986)

Utilisation d'embryons et foetus humains à des fins diagnostiques, thérapeutiques, scientifiques, industrielles et commerciales

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée les 19 et 24 septembre 1986 (13e et 18e séances) (voir Doc. 5615, rapport de la commission des questions juridiques, Doc. 5628, avis de la commission de la science et de la technologie et Doc. 5635, avis de la commission des questions sociales et de la santé). Texte adopté par l'Assemblée le 24 septembre 1986 (18e séance).

L'Assemblée,

1. Rappelant sa Recommandation 934 (1982) relative à l'ingénierie génétique, proposant un éventail de mesures, notamment la reconnaissance d'un droit à un patrimoine génétique qui ne soit pas manipulé artificiellement à l'exception de fins thérapeutiques ;
2. Considérant que les conquêtes récentes des sciences de la vie et de la médecine, et plus particulièrement de l'embryologie animale et humaine, ont ouvert des perspectives scientifiques, diagnostiques et thérapeutiques remarquables ;
3. Considérant que, par la fécondation in vitro, l'homme s'est donné les moyens d'intervenir dans la vie humaine et d'en disposer dans ses tout premiers stades ;
4.
a. Considérant que l'exploitation des possibilités technologiques qu'offrent la médecine tout autant que la science doit être régie par des principes éthiques et sociaux clairement définis ;
b. Considérant que les profits à tirer des progrès de la science et de la technologie médicale devront être évalués avec soin lorsqu'il s'agira de déterminer quand, comment et pour quelles raisons limiter l'exploitation de ces possibilités technologiques ;
c. Se félicitant de la contribution du Comité ad hoc d'experts du Conseil de l'Europe sur les progrès des sciences biomédicales, et de celle des Conseils européens de la recherche médicale, travaillant dans le cadre de la Fondation européenne de la science ;
d. Notant la communication publiée par les Conseils de la recherche médicale de neuf pays d'Europe à l'issue d'une réunion tenue à Londres,les 5 et 6 juin 1986, sous les auspices de la Fondation européenne de la science ;
5. Considérant que dès la fécondation de l'ovule, la vie humaine se développe de manière continue, si bien que l'on ne peut faire de distinction au cours des premières phases (embryonnaires) de son développement, et qu'une définition du statut biologique de l'embryon s'avère donc nécessaire ;
6. Consciente de ce que ce progrès a rendu particulièrement précaire la condition juridique de l'embryon et du fœtus, et que leur statut juridique n'est actuellement pas déterminé par la loi ;
7. Consciente de ce qu'il n'existe pas de dispositions adéquates réglant l'utilisation d'embryons et fœtus vivants ou morts ;
8. Convaincue de ce que, face au progrès scientifique qui permet d'intervenir dès la fécondation sur la vie humaine en développement, il est urgent de déterminer le degré de sa protection juridique ;
9. Tenant compte du pluralisme des opinions s'exprimant sur le plan éthique à propos de l'utilisation d'embryons ou de fœtus, ou de leurs tissus, et des conflits de valeurs qu'il provoque ;
10. Considérant que l'embryon et le fœtus humains doivent bénéficier en toutes circonstances du respect dû à la dignité humaine, et que l'utilisation de leurs produits et tissus doit être limitée de manière stricte et réglementée (voir annexe) en vue de fins purement thérapeutiques et ne pouvant être atteintes par d'autres moyens ;
11. Estimant que l'utilisation d'embryons ou de fœtus et le prélèvement de leurs tissus à des fins diagnostiques et thérapeutiques ne sont légitimes que si les principes et conditions définis dans l'annexe à la présente recommandation sont respectés ;
12. Considérant que toute réglementation exclusivement nationale risque d'être inefficace étant donné que toute activité en la matière pourrait se déplacer dans un autre pays ne prévoyant pas la même réglementation ;
13. Soulignant la nécessité d'une coopération européenne,
14. Recommande au Comité des Ministres :
a. d'inviter les gouvernements des Etats membres :
14.1.1. à procéder à des enquêtes au sujet des rumeurs circulant dans les médias concernant unmerce d'embryons et de fœtus morts, et à en publier les résultats ;
14.1.2. à limiter l'utilisation industrielle des embryons et de fœtus humains, ainsi que de leurs produits et tissus, à des fins strictement thérapeutiques et ne pouvant être atteintes par d'autres moyens, selon les principes mentionnés en annexe, et à conformer leur droit à ceux-ci, ou à adopter des règles conformes, ces règles devant notamment préciser les conditions dans lesquelles le prélèvement et l'utilisation dans un but diagnostique ou thérapeutique peuvent être effectués ;
14.1.3. à interdire toute création d'embryons humains par fécondation in vitro à des fins de recherche de leur vivant ou après leur mort ;
14.1.4. à interdire tout ce qu'on pourrait définir comme des manipulations ou déviations non désirables de ces techniques, entre autres :
a création d'êtres humains identiques par clonage ou par d'autres méthodes, à des fins de sélection de la race ou non ;
l'implantation d'un embryon humain dans l'utérus d'une autre espèce ou l'opération inverse ;
la fusion de gamètes humains avec ceux d'une autre espèce (le test du hamster pour l'étude de la fertilité d'origine masculine pourrait constituer une exception, en fonction des termes stricts d'un règlement) ;
la création d'embryons avec du sperme d'individus différents ;
la fusion d'embryons ou toute autre opération susceptible de réaliser des chimères ;
l'ectogénèse, ou production d'un être humain individualisé et autonome en dehors de l'utérus d'une femme, c'est-à-dire en laboratoire ;
la création d'enfants de personnes du même sexe ;
le choix du sexe par manipulation génétique à des fins non thérapeutiques ;
la création de jumeaux identiques ;
la recherche sur des embryons humains viables ;
l'expérimentation sur des embryons vivants, viables ou non ;
le maintien des embryons in vitro au-delà du quatorzième jour après la fécondation (déduction faite du temps de congélation éventuel) ;
14.1.5. à prévoir les sanctions appropriées afin d'assurer l'application des règles adoptées en exécution de la présente recommandation ;
14.1.6. à élaborer un registre national des centres et services sanitaires accrédités et autorisés à réaliser ces techniques et à les utiliser scientifiquement ;
14.1.7. à faciliter et encourager la création de comités ou de commissions nationaux multidisciplinaires sur les techniques artificielles de reproduction humaine, les activités scientifiques sur le matériel génétique, les embryons et les fœtus humains, afin d'orienter et conseiller les autorités sanitaires et scientifiques, suivre et contrôler l'application de telles techniques, et autoriser des projets spécifiques en l'absence de législation ou de réglementation concrète ;
b. de continuer à étudier les problèmes liés à l'utilisation de tissus d'embryons ou de fœtus humains à des fins scientifiques et d'élaborer, en se fondant sur les points mentionnés au paragraphe 14.A.ii à vii, une convention européenne ou tout autre instrument juridique approprié ouvert aussi à l'accession des pays non membres du Conseil de l'Europe ;
15. Charge ses commissions compétentes de préparer un rapport sur l'utilisation d'embryons et fœtus humains à des fins de recherche scientifique en tenant compte de la nécessité d'établir un équilibre entre le principe de la liberté de la recherche et le respect de la dignité humaine inhérente à toute vie ainsi que les autres aspects de la protection des droits de l'homme.

Annexe ANNEXE - Règles à respecter lors de l'utilisation et du prélèvement de tissus d'embryons ou de fœtus humains à des fins diagnostiques ou thérapeutiques

(open)

A des fins diagnostiques

i. Toute intervention sur l'embryon vivant in utero ou in vitro ou sur le fœtus in utero ou à l'extérieur de l'utérus à des fins diagnostiques autres que celles déjà prévues par la législation nationale n'est légitime que si elle a pour but le bien-être de l'enfant à naître et de favoriser son développement.

ii.L'utilisation de l'embryon et du fœtus mort à des fins diagnostiques (confirmation des diagnostics in utero, ou recherche de la cause d'une interruption spontanée de grossesse) est légitime.

A des fins thérapeutiques

i. Toute intervention sur l'embryon vivant in utero et in vitro ou sur le fœtus vivant in utero ou à l'extérieur del'utérus n'est légitime que si elle a pour but le bien-êtrede l'enfant à naître, à savoir favoriser son développement et sa naissance.

ii. La thérapeutique sur les embryons in vitro ou in utero ou sur les fœtus in utero, ne sera autorisée que pour les maladies des embryons présentant un diagnostic très précis, à pronostic grave ou très mauvais, sans autre solution de traitement et lorsque la thérapeutique offrira des garanties de solution raisonnables de la maladie.

iii. Il est interdit de maintenir en survie artificielle les embryons ou fœtus dans le but d'obtenir des prélèvements utilisables.

iv. Il conviendrait de disposer d'un répertoire des maladies pour lesquelles la thérapeutique dont il est fait état dispose de moyens diagnostiques fiables et présente de bonnes possibilités de succès. Cette liste des maladies devrait être renouvelée périodiquement en fonction de nouvellesconnaissances et de nouveaux progrès scientifiques.

v. La thérapeutique réalisée sur les embryons et les fœtus ne devra jamais avoir d'influence sur leurs caractères héréditaires non pathologiques, ni avoir pour but la sélection de la race.

vi. L'utilisation d'embryons ou de fœtus morts doit avoir un caractère exceptionnel justifié, dans l'état actuel des connaissances, à la fois par la rareté des maladies traitées, l'absence de toute autre thérapeutique également efficace et l'avantage manifeste, tel que la survie, que retirera le bénéficiaire du traitement, et respecter les règles suivantes :

a. la décision et les conditions (date, technique, etc.) de l'interruption de grossesse ne doivent en aucun cas être influencées par l'utilisation ultérieure possible ou souhaitée de l'embryon ou du fœtus ;
b. toute utilisation d'embryon ou de fœtus doit être effectuée par une équipe hautement qualifiée dans des centres hospitaliers ou scientifiques agréés, contrôlés par les autorités publiques. Dans la mesure où la législation nationale le prévoit, ces centres doivent être dotés d'un comité éthique à composition multidisciplinaire ;
c. une totale indépendance doit être garantie entre l'équipe médicale qui procède à l'interruption de grossesse et l'équipe susceptible d'utiliser les embryons et fœtus à des fins thérapeutiques ;
d. l'utilisation ne peut avoir lieu sans le consentement des parents ou des donneurs de gamètes si l'identité de ces derniers est connue ;
e. l'utilisation des embryons, des fœtus ou de leurs tissus ne peut être faite dans un but lucratif ou donner lieu à rémunération