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Recommandation 1134 (1990)

Droits des minorités

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 1er octobre 1990 (14e séance) (voir Doc. 6294, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur : M. Brincat ; et Doc. 6302, avis de la commission des questions politiques, rapporteur : M. Baumel). Texte adopté par l'Assemblée le 1er octobre 1990 (14e séance).

Considérations générales sur les minorités

1. Il existe en Europe de nombreuses catégories de minorités. Elles présentent certaines caractéristiques ethniques, linguistiques, religieuses ou autres qui les distinguent de la majorité des habitants d'une région ou d'un pays donné.
2. Les minorités contribuent grandement au caractère pluriforme et à la diversité culturelle des États membres du Conseil de l'Europe, qui ont souvent adopté une législation spécifique tendant à protéger les intérêts de certaines d'entre elles.
3. Pourtant, on ne peut nier que des problèmes très complexes et graves continuent à se poser dans l'Europe des Vingt-trois.
4. Le respect des droits des minorités et des personnes qui en font partie est un facteur essentiel de paix, de justice, de stabilité et de démocratie.
5. La renaissance des langues et des cultures minoritaires atteste la richesse et la vitalité des civilisations européennes.
6. Avec l'évolution des États d'Europe centrale et de l'Est vers la démocratie, de graves problèmes de minorités apparaissent également dans ces pays. Ils ont été ignorés et négligés pendant de nombreuses années par des régimes autoritaires.
7. De toute évidence, le Conseil de l'Europe se doit d'avoir à cœur les intérêts des minorités ; l'une des principales tâches assignées à l'Organisation est en effet de sauvegarder et de développer les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Les minorités constituent l'un des grands sujets qui appellent une coopération et une consultation avec les pays d'Europe centrale et de l'Est.
8. Parmi les travaux en cours au Conseil de l'Europe touchant les minorités, on peut citer :
8.1. l'élaboration d'une charte européenne des langues régionales et minoritaires ;
8.2. les activités de la commission pour la démocratie par le droit.
9. Une protection juridique adéquate des minorités nécessite donc la reconnaissance de certaines normes minimales.

Principes de base sur les droits des minorités

10. En conséquence, l'Assemblée considère que les principes suivants sur les droits des minorités constituent une base minimale :
10.1. tout citoyen doit avoir un égal accès aux tribunaux et pouvoir bénéficier des droits garantis par la Convention européenne des Droits de l'Homme, y compris le droit de recours individuel prévu à son article 25 ;
10.2. une clause générale de non-discrimination doit être introduite dans cette Convention ;
10.3. la situation particulière d'une minorité peut justifier des mesures spéciales en sa faveur ;
10.4. les minorités doivent être autorisées à avoir des contacts pacifiques, libres et sans entraves avec les ressortissants des États auxquels elles sont unies par une origine ou un patrimoine commun, sans que cela puisse porter atteinte de quelque manière que ce soit au principe de l'intégrité territoriale des États

Minorités nationales

11. S'agissant de minorités nationales, c'est-à-dire de groupes séparés ou distincts, bien définis et établis sur le territoire d'un État, dont les membres sont des nationaux de cet État et présentent certaines caractéristiques religieuses, linguistiques, culturelles ou autres qui les distinguent de la majorité de la population, les principes suivants devraient s'appliquer :
11.1. les minorités nationales ont le droit d'être reconnues en tant que telles par les États sur le territoire desquels elles vivent ;
11.2. les minorités nationales doivent avoir le droit de préserver et de développer leur culture ;
11.3. les minorités nationales doivent avoir le droit de disposer de leurs propres institutions éducatives, religieuses et culturelles. A cette fin, elles doivent aussi avoir le droit de solliciter des contributions volontaires, financières et autres, y compris l'aide des pouvoirs publics ;
11.4. les minorités nationales doivent avoir le droit de participer pleinement aux décisions sur les questions touchant la sauvegarde et l'affirmation de leur identité ainsi qu'à la mise en œuvre de ces décisions ;
11.5. toute personne appartenant à une minorité nationale a le devoir de se conformer aux obligations résultant pour elle de sa citoyenneté ou de sa résidence dans un État européen.

Minorités linguistiques

12. En outre, s'agissant des minorités linguistiques, l'Assemblée adopte les deux principes suivants :
12.1. les personnes appartenant à une minorité linguistique doivent avoir accès à des types et niveaux adéquats de formation publique dans leur langue maternelle ;
12.2. les minorités linguistiques doivent avoir le droit d'obtenir, de fournir, de détenir, de reproduire, de diffuser et d'échanger des informations dans leur langue maternelle sans considération de frontières.

Obligations pour les États

13. En ce qui concerne les États européens, ceux-ci devraient :
13.1. s'engager à garantir la protection des droits des minorités nationales et des personnes qui en font partie ainsi que la possibilité d'exercer effectivement ces droits ;
13.2. prendre toutes les mesures législatives, administratives, judiciaires et autres propres à créer au profit des minorités des conditions qui leur permettent d'affirmer leur identité et de développer leur éducation, leur culture, leur langue, leurs traditions et leurs coutumes ;
13.3. faire le nécessaire, d'une part, pour éliminer les préjugés et promouvoir la connaissance et la compréhension réciproques dans un climat de tolérance et de respect mutuel tant chez les personnes qui appartiennent à des minorités que chez celles qui n'en font pas partie et, d'autre part, pour développer la participation civique active et solidaire de tous les ressortissants de ces États et leur véritable intégration dans une citoyenneté commune ;
13.4. s'abstenir aussi bien de mener des politiques d'assimilation forcée ou de prendre des mesures administratives affectant la composition de la population dans des zones habitées par des minorités nationales que de contraindre ces minorités à se replier sur des « ghettos » géographiques et culturels ;
13.5. appliquer pleinement les dispositions de l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui est ainsi rédigé : « Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue. »
14. L'Assemblée réaffirme la nécessité de respecter pleinement les engagements contenus dans l'Acte final d'Helsinki, le document de clôture de Madrid et le document de clôture de Vienne concernant les minorités nationales et celui adopté à Copenhague en juin 1990.
15. Elle attire en outre l'attention sur les obligations découlant des instruments internationaux relatifs aux minorités nationales, ethniques, religieuses et linguistiques, qui lient les États participant au processus de la CSCE.
16. Étant donné son expérience dans le domaine des droits de l'homme, eu égard aux travaux parlementaires et intergouvernementaux qu'il a menés au sujet des minorités et compte tenu de ses activités actuelles, le Conseil de l'Europe est l'organisation appropriée pour élaborer un instrument juridique dans ce domaine.

Recommandation au Comité des Ministres

17. L'Assemblée recommande dès lors au Comité des Ministres d'élaborer un protocole à la Convention européenne des Droits de l'Homme ou une convention spéciale du Conseil de l'Europe afin de protéger les droits des minorités sur la base des principes précités.