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Recommandation 1213 (1993)

Progrès de la biotechnologie et conséquences pour l'agriculture

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 12 mai 1993 (34e séance) (voir Doc. 6780, rapport de la commission de l'agriculture, rapporteur: M. González Laxe). Texte adopté par l'Assemblée le 13 mai 1993 (36e séance).

1. On peut définir la biotechnologie, qui, en un sens, a une histoire aussi longue que la fabrication du pain ou de la bière, comme étant l'emploi d'organismes, de systèmes et de processus biologiques dans les activités industrielles, les procédés de fabrication et les services. Au cours des années 50, l'élucidation de la nature et du fonctionnement des acides nucléiques (ADN et ARN) a ouvert la voie à une manipulation des éléments constitutifs des organismes vivants permettant de modifier des cellules ou des molécules. On a élargi bien au-delà des limites de la compatibilité sexuelle le réservoir de gènes pouvant servir à «l'hybridation».
2. L'application de la biotechnologie au secteur agricole (y compris à la sylviculture et à la pêche) a permis de créer de nouvelles espèces animales que l'on n'aurait pas pu obtenir avec des méthodes traditionnelles, ainsi que de nouvelles plantes résistant aux insectes et d'autres végétaux génétiquement modifiés. L'utilisation de cultures tissulaires a permis une régénération rapide de cellules donnant des végétaux et des animaux identiques et pleinement développés (ou clones). Certains de ces nouveaux végétaux et animaux ont déjà fait l'objet de dépôts de brevets.
3. La biotechnologie peut être employée à des fins opposées:
3.1. pour augmenter les rendements agricoles ou réduire les intrants;
3.2. pour fabriquer des produits de luxe ou des produits de première nécessité;
3.3. pour remplacer les herbicides et les insecticides chimiques ou les rendre plus efficaces;
3.4. pour améliorer la qualité des troupeaux et des animaux de race ou développer les espèces autochtones des pays en développement;
3.5. pour améliorer les plantes à usage industriel;
3.6. pour transformer les céréales en matières plastiques biodégradables ou en méthanol afin d'en faire du carburant;
3.7. pour hâter la maturité du bétail ou empêcher la maturation sexuelle des sauterelles ou des saumons d'élevage;
3.8. pour produire des aliments ayant une valeur nutritive accrue et un meilleur goût ou mettre au point des tests permettant de dépister les infections bactériennes;
3.9. pour adapter les cultures aux zones tempérées fertiles ou aux régions semi-arides;
3.10. pour combattre les épizooties virales ou reconstituer des populations d'espèces menacées;
3.11. pour réduire la production de «gaz de serre» ou les utiliser dans la production alimentaire;
3.12. pour reproduire par clonage des animaux d'embouche destinés à certains marchés ou constituer des banques d'embryons afin de maintenir la diversité génétique.
4. L'Assemblée est convaincue que la biotechnologie offre au secteur agricole (y compris à la sylviculture et à la pêche) de nouvelles et d'importantes perspectives de développement, qu'il s'agisse de la culture des plantes, de l'élevage des animaux ou de la production de produits alimentaires et non alimentaires (dans les domaines de l'énergie, de l'industrie pharmaceutique, de la médecine).
5. On peut aussi faire mauvais usage de la biotechnologie, notamment en créant de nouvelles maladies ou des espèces animales ou végétales susceptibles d'avoir des effets indésirables sur certains écosystèmes. L'altération des gènes et des cellules et la manipulation des processus physiologiques chez les animaux peuvent également aboutir à des souffrances inutiles, en violation des règlements relatifs au bien-être des animaux.
6. L'Assemblée estime que la manipulation des gènes et des processus biologiques doit être soumise à un contrôle étroit par la mise en œuvre de politiques appropriées destinées à détecter les risques intrinsèques, à éviter les effets nocifs et à encourager les progrès prometteurs.
7. L'Assemblée rappelle la responsabilité des pays développés envers les pays en voie de développement et appuie, dans ce contexte, les engagements respectifs énoncés dans la Convention sur la diversité biologique adoptée à Rio de Janeiro lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement.
8. C'est avec satisfaction qu'elle a pris acte de la Recommandation n° R (92) 9 du Comité des Ministres aux États membres sur l'impact écologique potentiel de l'utilisation contrôlée et de la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés, et de la décision d'organiser, du 24 au 26 novembre 1993 à Strasbourg, une conférence paneuropéenne sur ce thème, qui réunira des écologistes et des scientifiques de haut niveau.
9. Rappelant sa Résolution 870 (1986) relative à la révolution biogénétique en agriculture - un bienfait ou une malédiction?, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:
9.1. d'élargir ses travaux sur la bioéthique (c'est-à-dire l'étude systématique du comportement humain à l'égard de la vie, à la lumière de valeurs et de principes éthiques) aux problèmes liés à la production, à la dissémination, à l'utilisation et à la commercialisation d'organismes vivants, d'animaux et de plantes ou de produits alimentaires et non alimentaires nouveaux ou modifiés, et de participer à l'harmonisation européenne de la législation dans ce domaine;
9.2. d'inviter la Communauté européenne et l'Office européen des brevets à participer à ces travaux;
9.3. d'engager les travaux en convoquant une conférence européenne rassemblant des représentants de toutes les professions et groupes d'intérêts concernés, afin d'examiner la portée et les grandes lignes d'une action européenne concertée et d'exploiter l'expérience déjà acquise dans le cadre des études du Conseil de l'Europe sur la bioéthique;
9.4. d'organiser, sur la base de la conférence paneuropéenne citée ci-dessus, une deuxième rencontre européenne réunissant les représentants du monde scientifique et écologique, et les représentants de toutes les professions et groupes d'intérêts concernés;
9.5. d'encourager la création de comités nationaux chargés d'analyser les aspects bioéthiques de l'application de la biotechnologie au secteur agricole, en particulier en ce qui concerne la recherche sur le terrain. Ces organismes pourraient également donner des avis en ce qui concerne le monitorage des nouvelles découvertes, les réformes politiques nécessaires, et les mesures à prendre pour préserver la biodiversité, et pourraient constituer les antennes nationales d'un réseau européen de coopération;
9.6. d'élaborer une convention européenne sur les aspects bioéthiques de la biotechnologie appliquée aux secteurs agricole et alimentaire.
10. En outre, l'Assemblée demande au Comité des Ministres d'inviter les gouvernements des États membres et la Commission des Communautés européennes:
10.1. à intensifier et à coordonner les activités européennes de recherche et de développement en matière de biotechnologie, et à donner la priorité à la recherche sur la biodiversité naturelle existante ainsi qu'au développement et à l'exploitation durables de ces ressources;
10.2. à tout mettre en œuvre pour ratifier la Convention sur la diversité biologique signée à Rio de Janeiro à l'occasion de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement;
10.3. à privilégier le génie biochimique et ses applications potentielles pour l'industrie pharmaceutique, en général, et pour la production de nouveaux vaccins et de plantes résistant aux maladies, en particulier;
10.4. à encourager la création de nouvelles entreprises destinées à exploiter les inventions biotechnologiques et à adopter un cadre juridique pour leur mise en œuvre;
10.5. à accorder une attention particulière à la nécessité d'améliorer et d'accroître l'information du public par l'organisation de campagnes d'information et d'expositions, et par un étiquetage approprié;
10.6. à renforcer les programmes de formation concernant les biotechnologies et leurs applications aux domaines de l'agriculture, de la sylviculture, de la pêche ainsi qu'à la fabrication et au traitement des produits alimentaires et non alimentaires;
10.7. à accepter le concept des «droits des fermiers» tel qu'il résulte de la résolution de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), adoptée en novembre 1989, et à encourager la mise en œuvre du projet de «Code international de bonne conduite pour la biotechnologie planifiée» élaboré par la FAO;
10.8. à prendre des mesures afin de protéger la biodiversité et les écosystèmes de toutes influences néfastes susceptibles d'être causées par les inventions biotechnologiques, et à utiliser la biotechnologie pour sauvegarder la biodiversité.
10.9. à adopter une politique prudente s'agissant de la délivrance de brevets relatifs à des inventions et des applications biotechnologiques, de manière à prendre dûment en compte les considérations éthiques et les préoccupations touchant la sécurité de l'environnement;
10.10. à soumettre les inventions dans le domaine de la biotechnologie à des évaluations technologiques conditionnant la poursuite des travaux de recherche et de développement, et à œuvrer pour la création d'un bureau international d'évaluation de la biotechnologie;
10.11. à encourager l'inclusion de la bioéthique dans la formation des spécialistes de la biotechnologie et à promouvoir l'élaboration de normes déontologiques pour les travaux concernant les biotechnologies et leurs applications - y compris la création d'organes professionnels au niveau des établissements ainsi qu'aux plans institutionnel, national, européen et international;
10.12. à associer les organisations non gouvernementales concernées à ces travaux.