Imprimer
Autres documents liés

Recommandation 1286 (1996)

Stratégie européenne pour les enfants

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 24 janvier 1996 (4e séance) (voir Doc. 7436, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: M. Cox; et Doc. 7473, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteuse: Mme Err). Texte adopté par l'Assemblée le 24 janvier 1996 (4e séance).

1. Dans sa Résolution 1011 (1993) relative à la situation des femmes et des enfants dans l'ex-Yougoslavie, l'Assemblée invitait déjà de façon pressante tous les Etats réunis au sein du Conseil de l'Europe à souscrire au principe: «les enfants d'abord», à reconnaître les droits des enfants, leur universalité et indivisibilité, et à répondre à leurs besoins essentiels tant en Europe que dans le reste du monde.
2. L'Assemblée décidait, dans la Directive no 491 (1993), d'élaborer, en coopération avec l'Unicef, une stratégie pour les enfants jusqu'à 18 ans, qui, à l'échelle de l'Europe, puisse inspirer et guider les responsables politiques et tous ceux qui s'attachent à la cause des enfants dans leurs actions respectives. Elle tient à rendre un hommage mérité à l'Unicef sans l'expérience et l'expertise de laquelle une telle stratégie n'aurait pas vu le jour.
3. L'Assemblée constate que les droits de l'enfant sont encore loin d'être une réalité dans notre Europe riche et développée, et que les enfants sont souvent les premières victimes des conflits armés, de la récession économique, de la pauvreté et en particulier des restrictions budgétaires.
4. Il importe donc à l'Assemblée d'aider à la traduction, dans les réalités nationales, des engagements souscrits en vertu des dispositions de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, de promouvoir le changement du regard porté sur l'enfant, sujet de droit, et également de favoriser sa participation active et responsable au sein de la famille et dans la société.
5. L'enfant est un citoyen de la société actuelle et de celle de demain. La société a une responsabilité à long terme à l'égard des enfants et doit reconnaître les droits de la famille dans l'intérêt de l'enfant. La prise en compte des droits, des intérêts et des besoins de l'enfant doit être une priorité politique. L'Assemblée est convaincue que le respect des droits de l'enfant et une plus grande égalité entre enfants et adultes aideront à préserver le pacte entre les générations et serviront la démocratie.
6. L'Assemblée recommande au Comité des Ministres d'encourager les Etats membres du Conseil de l'Europe:
6.1. à ratifier la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, dans la mesure où ils ne l'ont pas encore fait, à éliminer les réserves éventuellement apportées et à assurer la mise en application de cette convention, dans sa lettre et dans son esprit, par la révision et l'adaptation de leurs dispositions législatives et réglementaires;
6.2. à ratifier toutes les conventions pertinentes du Conseil de l'Europe en faveur des droits et de la protection de l'enfant, en particulier la toute récente Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants.
7. L'Assemblée recommande également que le Comité des Ministres invite les Etats réunis au Conseil de l'Europe à faire des droits de l'enfant une priorité politique:
7.1. par l'adoption aux niveaux national et local d'une politique dynamique de l'enfance qui tende à la pleine mise en œuvre de la Convention sur les droits de l'enfant, qui fasse de l'intérêt supérieur de l'enfant un principe directeur de toute action et qui anticipe au lieu de répondre à des situations d'urgence ou déjà bien installées;
7.2. en donnant une meilleure représentativité aux enfants par la collecte systématique d'informations, notamment des statistiques détaillées (par âge et sexe), fiables et comparables, qui permettent d'identifier leurs besoins et les questions demandant une action politique prioritaire;
7.3. en retenant une approche globale, cohérente et coordonnée de la politique de l'enfance, qui favorise à tous les niveaux de réflexion et de décision la mise en place de structures pluridisciplinaires, en particulier au niveau ministériel, et la création de coalitions nationales regroupant tous les partenaires concernés;
7.4. en instituant un médiateur (ombudsman) pour les enfants ou toute autre structure qui présente les garanties d'indépendance et les compétences requises à une réelle promotion de la condition de l'enfant, et qui soit accessible au public notamment par des relais locaux;
7.5. en assurant, notamment au niveau de la décision politique, que les intérêts et les besoins des enfants sont toujours dûment considérés et pris en compte, par exemple en introduisant des pratiques telles que celle de «l'évaluation des incidences sur les enfants» («child impact statement») qui permet de prévoir les conséquences probables sur eux de toute mesure envisagée, législative, réglementaire ou autre, quel qu'en soit le domaine, par exemple en matière d'assistance judiciaire;
7.6. en investissant dans les enfants et en en faisant une priorité budgétaire par l'octroi, à tous les niveaux (national, régional et local), de ressources qui soient équitables et adéquates par rapport à celles consacrées aux besoins des autres groupes de la population;
7.7. en garantissant le niveau actuel de leurs contributions et subventions aux différentes organisations nationales et internationales s'occupant de la protection de l'enfant.
8. Le Comité des Ministres devrait inviter instamment ces Etats:
8.1. à garantir, par une reconnaissance explicite dans leurs textes constitutifs ou leur droit interne, les droits civils et politiques des enfants ainsi que leurs droits économiques, sociaux et culturels, tels qu'inscrits dans la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant;
8.2. à garantir le droit de tous les enfants à une éducation gratuite et de qualité pour l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire;
8.3. à informer les enfants, et également leurs parents, de leurs droits par une large diffusion du texte de la Convention sur les droits de l'enfant, par tout moyen possible, y compris le recours aux médias, et par l'introduction, dans le cursus scolaire dès le primaire, d'un enseignement portant sur les droits et les responsabilités de l'enfant;
8.4. à encourager les médias, visuels notamment, à favoriser le droit de l'enfant à un développement sain et équilibré, et, en particulier dans les productions destinées aux enfants, à éliminer la violence et à illustrer les valeurs positives de la société;
8.5. à donner aux enfants des informations sur les moyens et les voies de recours qui sont à leur portée, en cas de violation de leurs droits fondamentaux et, par exemple, à généraliser la pratique de la ligne téléphonique gratuite, d'avocats spécialisés et d'un système judiciaire et administratif favorable aux enfants, qui fassent droit à la demande de protection de chaque enfant contre toute forme de mauvais traitement;
8.6. à prévoir une formation spécifique aux droits de l'enfant pour tous les professionnels en contact avec eux, y compris les enseignants, les différents professionnels de la justice, les travailleurs sociaux, etc.;
8.7. à permettre aux enfants de faire entendre leur point de vue dans toutes les décisions les concernant, et à leur permettre une participation effective, responsable et appropriée à leurs capacités, à tous les niveaux de la vie sociale - au sein de la famille, des communautés locales, à l'école et dans les autres institutions, dans les procédures judiciaires et au niveau du gouvernement central;
8.8. à enseigner aux enfants comment agir en citoyens responsables, à les encourager à s'intéresser aux affaires publiques et à reconsidérer l'âge auquel les adolescents peuvent bénéficier du droit de vote;
8.9. à promouvoir l'éducation à la prévention du racisme, de l'intolérance politique et religieuse, et de la violence, ainsi que l'apprentissage de la tolérance et de la solution pacifique des conflits;
8.10. à accorder une attention particulière au sort et aux besoins spécifiques des enfants immigrés ou réfugiés, ainsi que des enfants marginalisés ou issus de groupes minoritaires;
8.11. à insister sur le lien, dans toute société civilisée, entre, d'une part, les droits et les avantages et, d'autre part, les responsabilités et les obligations, auprès des parents, des familles, des enseignants et tous ceux en contact direct ou indirect avec les enfants, au fur et à mesure de leur développement vers l'âge adulte.
9. L'Assemblée recommande également au Comité des Ministres d'inviter ces Etats à donner crédibilité et cohérence à ce discours sur les droits de l'enfant en lui donnant une réalité hors d'Europe:
9.1. par l'engagement d'œuvrer au respect des dispositions de la Convention sur les droits de l'enfant partout dans le monde, par le biais de toutes mesures unilatérales ou multilatérales appropriées pour lutter contre l'exploitation des enfants et les protéger des conflitsarmés;
9.2. par la promotion de la coopération internationale, notamment en portant leur aide aux pays en voie de développement à au moins 0,7 % de leur PNB et en consacrant au moins 20 % de leur aide aux services sociaux élémentaires indispensables au développement de l'être humain;
9.3. en adoptant une attitude commune plus compréhensive quant au remboursement par ces pays de la dette contractée auprès des organisations mondiales d'aide au développement.

L'Assemblée recommande enfin au Comité des Ministres:

1. de constituer, au sein du Conseil de l'Europe, une structure permanente intergouvernementale à composition multidisciplinaire, habilitée à traiter toutes les questions relatives aux enfants;
2. de lui attribuer, entre autres mandats, celui d'élaborer un rapport annuel sur la situation des enfants en Europe, qui dresse un état des lieux exhaustif, donne un aperçu des réalisations positives et permette de mesurer les progrès encore à faire pour répondre aux exigences de la Convention sur les droits de l'enfant, et de soumettre ce rapport à l'Assemblée parlementaire; ce rapport fera l'objet d'une discussion annuelle par la commission compétente de l'Assemblée parlementaire;
3. d'associer, dans des formes appropriées, aux travaux de cette structure les autres organisations internationales compétentes, en particulier le Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant, le Parlement européen, l'Unicef, les différentes organisations non gouvernementales spécifiques, voire les enfants eux-mêmes;
4. de transmettre la présente recommandation aux Etats réunis au Conseil de l'Europe, aux organismes précités et à la conférence de clôture du projet multidisciplinaire sur l'enfance qui aura lieu à Leipzig au printemps 1996.