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Recommandation 1374 (1998)

Situation des femmes réfugiées en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Voir Doc. 8066, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, rapporteur: Mme Johansson. Texte adopté par la Commission Permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 26 mai 1998.

1. L’Assemblée rappelle et réaffirme sa Résolution 1018 (1994) et sa Recommandation 1229 (1994) relatives à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, sa Recommandation 1236 (1994) relative au droit d’asile, sa Recommandation 1261 (1995) relative à la situation des femmes immigrées en Europe, sa Recommandation 1309 (1996) relative à la formation du personnel accueillant des demandeurs d’asile aux postes frontière et sa Recommandation 1327 (1997) relative à la protection et au renforcement des droits de l’homme des réfugiés et des demandeurs d’asile en Europe.
2. Tout en regrettant que les Etats membres du Conseil de l’Europe ne procèdent pas de façon systématique à la collecte d’informations et de statistiques fiables sur les femmes réfugiées, l’Assemblée considère ce groupe de réfugiés comme particulièrement vulnérable et soumis à des problèmes et des discriminations spécifiques à son sexe.
3. La dépendance accrue dans laquelle se trouvent les femmes réfugiées ainsi que le rôle socioculturel et économique traditionnel qu’elles remplissent dans leur pays d’origine conduisent souvent à un manque de motivation, de confiance et d’amour-propre, ce qui les place dans une situation nettement défavorable par rapport à leurs homologues masculins dès leur arrivée dans le pays d’accueil. C’est pourquoi l’Assemblée reconnaît la nécessité de créer des conditions spécifiques qui permettraient aux femmes réfugiées de surmonter ces difficultés.
4. L’Assemblée s’inquiète tout particulièrement de certaines pratiques dont font l’objet les femmes réfugiées pendant et après la procédure d’examen de leur demande dans les pays d’accueil, pratiques qui risquent de déboucher sur des violations des droits de l’homme.
5. L’Assemblée estime que les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient éliminer toute discrimination liée au sexe parmi les réfugiés et adapter le traitement des femmes réfugiées à leur situation et à leurs besoins spécifiques.
6. Par conséquent, l’Assemblée recommande que le Comité des Ministres:
6.1. charge ses comités compétents en la matière:
a. de procéder à des échanges de vues sur ce thème;
b. d’examiner la possibilité de considérer les persécutions dont font l’objet les femmes comme un critère permettant d’accorder le statut de réfugié;
c. de mettre en œuvre la Recommandation 1371 adoptée le 23 avril 1998 par l’Assemblée, visant à interdire et à réprimer les mutilations sexuelles des femmes;
6.2. assure, dans les pays d’accueil les plus concernés, le financement d’une vaste campagne d’information parmi les personnels de santé et les groupes de réfugiés sur les conséquences dangereuses des mutilations sexuelles pour la santé, l’intégrité physique, la dignité des femmes et leur droit à l’épanouissement personnel;
6.3. encourage le développement de programmes visant à l’intégration et à la réinsertion des femmes réfugiées, avec notamment des pédagogies de soutien, des actions de formation professionnelle et des programmes leur permettant de se constituer un revenu;
6.4. organise et soutienne activement la formation des femmes réfugiées aux droits de l’homme et aux autres thèmes apparentés dans le cadre de la préparation à un éventuel retour;
6.5. invite les Etats membres:
a. à adopter des mesures garantissant la sécurité physique des femmes dans les centres de réfugiés conformément aux lignes directrices du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur la protection des femmes réfugiées;
b. à reconnaître le statut de réfugié aux femmes dont la demande repose sur la crainte fondée de persécutions pour les raisons énumérées dans la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, y compris les persécutions par violences sexuelles ou celles fondées sur le sexe;
c. à s’assurer que les autorités responsables du processus d’examen du statut de réfugié sont correctement informées sur la situation générale des pays d’origine des demandeurs, notamment en ce qui concerne la situation des femmes, sur les éventuelles persécutions fondées sur le sexe et sur leurs conséquences;
d. à revoir les politiques du personnel et du recrutement des autorités concernées afin que celles-ci disposent d’un nombre suffisant d’agents féminins et que, en cas de demande d’octroi du statut de réfugié en raison de persécutions liées au sexe, l’un de ces agents féminins soit disponible;
e. à réexaminer les procédures et politiques en matière d’octroi du statut de réfugié, en vue d’assurer aux femmes déposant leur propre demande d’octroi du statut de réfugié un accès indépendant à la procédure de détermination du statut, même lorsqu’elles sont accompagnées d’un homme;
f. à réexaminer leur politique dans le domaine des droits sociaux et de l’assistance sociale afin que les femmes réfugiées ne soient pas contraintes de s’adonner à la prostitution et en particulier qu’elles se voient offrir des programmes de réorientation et de conseil ainsi que d’autres possibilités réalistes de gagner leur vie;
g. à organiser l’interdiction des mariages forcés, en particulier celui des jeunes filles mineures, y compris lorsque ces prétendus mariages sont célébrés hors du territoire des Etats membres, en privant de tout effet juridique ces unions, sauf au profit de la jeune fille contrainte et des enfants éventuellement nés de l’union (droit à une pension alimentaire pour elle-même et les enfants éventuels), en qualifiant de viol toute relation sexuelle imposée sans son consentement, en prévoyant que cette union imposée est une cause péremptoire de divorce constitutive de faute de la part du soi-disant mari, et, enfin, qu’elle engage la responsabilité pénale et civile de tous ceux qui auront prêté leur concours à cette prétendue union sans recueillir le consentement libre et exprès de chacun des époux, qu’il s’agisse des parents ou des ministres des différents cultes;
h. à informer tout migrant de ces dispositions et des effets civils et pénaux de leur non-respect;
i. à adopter des critères et des lignes directrices relatives aux femmes en quête d’asile, afin de promouvoir une approche féminine plus sensible et d’assurer le respect des besoins spécifiques des femmes, notamment aux ports d’entrée;
j. à permettre l’accès à des services de santé appropriés et à faire en sorte que du personnel médical et social féminin (y compris des interprètes) soit disponible pour les femmes réfugiées;
k. à accorder davantage d’attention aux soins de santé génésiques, avec notamment des conseils en matière de maladies sexuellement transmissibles et l’accès au planning familial et aux moyens de contraception, conformément au manuel publié par le Fonds des Nations Unies pour la population en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé et le HCR;
l. à dispenser des conseils professionnels et des soins thérapeutiques dans le cadre d’une aide générale aux femmes réfugiées ayant connu des expériences traumatisantes;
m. à encourager la création d’organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine des réfugiés pour aider ces derniers à surmonter les problèmes psychologiques qui pourraient découler d’expériences traumatisantes;
n. à identifier les lacunes au niveau des possibilités éducatives dont bénéficient les femmes réfugiées et à mettre à leur disposition les moyens leur donnant accès à l’éducation (garde d’enfants, séminaires pour femmes réfugiées occupant un emploi, etc.);
o. à apporter une assistance aux programmes conçus pour faciliter le retour et la réinsertion des femmes, avec notamment des programmes de formation et de constitution de revenus liés à la situation dans le pays d’origine;
p. à coopérer de façon plus étroite avec le HCR et les organisations non gouvernementales locales, et à encourager la mise en réseau de leurs activités.