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Résolution 1226 (2000)

Exécution des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 septembre 2000 (30e séance) (voir Doc. 8808, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Jurgens). Texte adopté par l’Assemblée le 28 septembre 2000 (30eséance).

1. L’Assemblée estime que la Convention européenne des Droits de l’Homme (ci-après «la Convention») constitue un mécanisme unique de protection des droits de l’homme, qui contribue de manière importante au maintien de la sécurité démocratique et au respect de la primauté du droit sur l’ensemble du continent européen. Il est essentiel, pour maintenir la qualité de cette protection, que les Etats honorent pleinement l’engagement formel qu’ils ont pris de se conformer aux arrêts définitifs de la Cour européenne des Droits de l’Homme (ci-après «la Cour») dans les litiges auxquels ils sont parties.
2. Le système de la Convention repose notamment sur deux principes: la subsidiarité et la solidarité. Selon le principe de subsidiarité, la responsabilité de garantir les droits et les libertés énoncés dans la Convention incombe avant tout aux autorités nationales. La Cour est appelée à statuer uniquement dans les cas où celles-ci ne remplissent pas leurs obligations.
3. Selon le principe de solidarité, la jurisprudence de la Cour fait partie intégrante de la Convention, de sorte que le caractère juridiquement contraignant de la Convention est élargi erga omnes (à toutes les autres parties). Il s’ensuit que les Etats contractants doivent non seulement exécuter les arrêts prononcés par la Cour dans les litiges auxquels ils sont parties, mais également tenir compte des incidences éventuelles que peuvent avoir sur leurs propres systèmes et pratiques juridiques les arrêts prononcés dans d’autres affaires.
4. En vertu de l’article 46, paragraphe 2, de la Convention, le Comité des Ministres contrôle l’exécution des arrêts de la Cour. Par ailleurs, l’article 52 de la Convention dispose: «Toute Haute Partie contractante fournira sur demande du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe les explications requises sur la manière dont son droit interne assure l’application effective de toutes les dispositions de cette Convention.» Toutefois, la Convention ne prévoit aucune sanction à l’encontre des Etats en cas de refus persistant d’exécution. Les mesures à prendre dans de tels cas relèvent ainsi du Statut du Conseil de l’Europe, en particulier son article 8.
5. L’Assemblée constate avec inquiétude que l’exécution de certains arrêts pose aujourd’hui des problèmes considérables qui menacent les résultats obtenus par la Convention au terme de cinquante années d’existence. Certains arrêts de la Cour ne sont toujours pas exécutés après plusieurs années.
6. L’Assemblée estime que cette situation est imputable pour l’essentiel aux Etats parties auxquels il appartient d’exécuter les arrêts de la Cour. En ce sens, les membres des délégations nationales de l’Assemblée ont un rôle à jouer. Toutefois, la Cour, dont les arrêts pèchent parfois par manque de clarté, et le Comité des Ministres, qui n’exerce pas suffisamment de pressions dans le contrôle de leur exécution, ont également leur part de responsabilité.
7. Malgré les progrès réalisés en matière d’effet direct des arrêts de la Cour, la situation actuelle est extrêmement préoccupante. D’une part, la Cour doit faire face à une augmentation du nombre des requêtes due à l’adhésion récente de plusieurs membres; d’autre part, la situation s’est aggravée en raison de très nombreuses affaires relatives à des violations des droits de l’homme qui ont déjà été jugées, mais dont les arrêts rendus n’ont pas encore été suivis des réformes nécessaires pour éviter de nouvelles violations.
8. Les problèmes relatifs à l’exécution des arrêts sont de sept ordres: raisons politiques, raisons liées aux réformes requises, raisons pratiques liées aux procédures législatives internes, raisons budgétaires, raisons liées à l’opinion publique, raisons liées à la rédaction trop ambiguë ou absconse des arrêts, raisons liées à l’interférence avec des obligations émanant d’autres instances.
9. Les solutions sont à envisager tant à l’échelon national qu’à celui du Conseil de l’Europe.
10. Au niveau national:
10.1. les législateurs devraient s’assurer que toute nouvelle législation est pleinement conforme aux dispositions de la Convention;
10.2. les gouvernements devraient prendre les mesures nécessaires pour exécuter les arrêts de la Cour dans les meilleurs délais afin d’éviter que ne soient commises de nouvelles violations;
10.3. les gouvernements devraient garantir le redressement de la situation individuelle des requérants et se doter, le cas échéant, d’une législation prévoyant la révision des procès à la suite d’un arrêt de la Cour;
10.4. les juges et les administrateurs devraient veiller à développer davantage l’effet direct des arrêts de la Cour afin de permettre aux tribunaux nationaux de les appliquer directement;
10.5. les autorités nationales devraient s’assurer qu’il y a une diffusion adéquate de la jurisprudence de la Cour dans la ou les langues du pays;
10.6. en attendant l’entrée en vigueur de réformes définitives, les autorités et les tribunaux nationaux devraient adopter des mesures provisoires.
11. Au niveau du Conseil de l’Europe:
a. le Comité des Ministres devrait:
11.1.1. modifier la Convention pour pouvoir demander exceptionnellement à la Cour une interprétation qui éclaircisse ses arrêts dans les cas où l’exécution donne lieu à des doutes raisonnables et à des problèmes sérieux quant à leur mise en œuvre correcte;
11.1.2. modifier la Convention pour introduire un système d’astreintes (amendes journalières en cas de retard dans l’exécution d’une obligation légale) pour les Etats qui persistent à ne pas exécuter un arrêt de la Cour;
11.1.3. demander aux gouvernements des Hautes Parties contractantes de faire davantage usage de leur droit d’intervenir dans des affaires portées devant la Cour afin de favoriser la clarté des décisions rendues par la Cour;
11.1.4. être plus sévère à l’égard des Etats membres qui ne satisfont pas à l’obligation qui leur incombe d’exécuter les arrêts rendus et prendre les mesures prévues à l’article 8 du Statut en cas de refus persistant;
11.1.5. s’assurer que les mesures prises permettront effectivement d’empêcher que de nouvelles violations ne soient commises;
11.1.6. tenir l’Assemblée informée de l’état de l’exécution des arrêts, notamment par le recours plus systématique à des résolutions intérimaires fixant un calendrier des réformes nécessaires, au niveau des Etats signataires, en vue de l’exécution;
11.1.7. charger le Secrétaire Général de renforcer les programmes d’assistance à la formation de juges et d’avocats dans les Etats membres;
b. la Cour devrait:
11.2.1. veiller à ce que ses arrêts soient clairs et sa jurisprudence cohérente;
11.2.2. être obligée d’indiquer aux autorités nationales concernées, dans ses arrêts, la manière dont elles devraient mettre en œuvre l’arrêt rendu et prendre les mesures individuelles ou générales nécessaires;
11.2.3. indiquer plus souvent dans un arrêt qu’une précédente décision n’a pas été exécutée par l’Etat concerné, qu’elle ne l’a pas été dans son intégralité ou encore qu’elle ne l’a pas été dans les délais fixés;
c. l’Assemblée décide:
11.3.1. d’attirer l’attention du public sur l’exécution des arrêts de la Cour;
11.3.2. de tenir à jour un inventaire permanent de l’exécution des arrêts au point de vue:
a. de la satisfaction équitable accordée aux requérants;
b. des réformes législatives et même, le cas échéant, constitutionnelles nécessaires pour éviter de nouvelles violations;
11.3.3. de débattre régulièrement de l’exécution des arrêts, sur la base de l’inventaire permanent précité et, pour ce qui concerne les arrêts non exécutés mentionnés dans le présent inventaire, d’organiser un débat dans un délai d’un an à dater de la présente résolution;
11.3.4. d’adopter des recommandations à l’intention du Comité des Ministres et, à travers lui, de l’Etat concerné, sur l’exécution de certains arrêts, lorsqu’elle constate des retards anormaux, ou si l’Etat en question a fait preuve de manquements ou de mauvaise volonté dans l’exécution des arrêts, si nécessaire en recourant à un débat d’urgence;
11.3.5. d’inviter les délégations parlementaires des Etats concernés de faire tout leur possible pour obtenir l’exécution rapide et efficace des arrêts;
11.3.6. d’inviter le ministre de la Justice de l’Etat défendeur, ou tout autre ministre concerné, à venir s’expliquer devant elle en personne en cas de refus d’exécution d’un arrêt ou de lenteurs excessives;
11.3.7. de considérer comme justifiant l’ouverture d’une procédure de suivi le refus par un Etat membre d’exécuter une décision de la Cour;
11.3.8. d’envisager, si ces mesures échouent, d’utiliser d’autres moyens, notamment ceux que prévoit son propre Règlement intérieur et/ou une recommandation au Comité des Ministres d’utiliser l’article 8 du Statut;
d. les délégations nationales auprès de l’Assemblée parlementaire devraient être informées régulièrement de la jurisprudence de la Cour et des problèmes relatifs à l’exécution des arrêts dans leur pays.
12. En conséquence, l’Assemblée:
12.1. invite les Hautes Parties contractantes:
a. à prendre les mesures nécessaires à l’exécution des arrêts de la Cour afin d’éviter que ne soient commises de nouvelles violations;
b. au cas où surgirait un doute raisonnable quant à la manière adéquate dont un arrêt devrait être exécuté, à faire usage de leur droit, conformément à l’article 79, paragraphe 1, du Règlement de la Cour, de demander à la Cour une interprétation de son arrêt dans l’année qui suit son prononcé;
c. à veiller à ce que toute nouvelle législation soit pleinement conforme aux dispositions de la Convention;
d. à prendre les mesures nécessaires pour garantir l’effet direct des arrêts de la Cour, afin que ceux-ci puissent être directement appliqués par les tribunaux nationaux;
e. à assurer le redressement de la situation individuelle des requérants, et à veiller à ce que leur législation nationale prévoie la révision des procès à la suite d’un arrêt de la Cour;
f. à adopter des mesures provisoires dans l’attente de l’entrée en vigueur de réformes définitives;
g. à accomplir les réformes législatives et, le cas échéant, constitutionnelles nécessaires pour mettre le droit interne en pleine conformité avec la Convention européenne des Droits de l’Homme et la jurisprudence de la Cour;
12.2. invite les délégations nationales de l’Assemblée à suivre attentivement l’exécution des arrêts de la Cour qui concernent leur gouvernement dans le cadre de leurs parlements respectifs et à prendre toutes les mesures nécessaires pour leur exécution rapide et efficace.