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Résolution 1227 (2000)

Conflit en République tchétchène: développements récents (suivi des Recommandations 1444 (2000) et 1456 (2000) de l’Assemblée parlementaire)

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 28 septembre 2000 (31e séance) (voir Doc. 8840, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: Lord Judd; et Doc. 8843, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Bindig.) Texte adopté par l'Assemblée le 28 septembre 2000 (31eséance).

1. L’Assemblée rappelle sa Résolution 1201 (1999) du 4 novembre 1999, sa Recommandation 1444 (2000) du 27 janvier, sa Recommandation 1456 (2000) du 6 avril et sa Résolution 1221 (2000) du 29 juin 2000.
2. L’Assemblée prend note des informations recueillies par sa commission ad hoc lors de sa visite à Znamenskoïe (Tchétchénie) le 18 septembre et à Moscou du 19 au 21 septembre 2000, ainsi que de l’audition organisée par la commission compétente de la Douma d’État le 21 septembre 2000, concernant le rétablissement de l’économie et du fonctionnement de la société ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales en République tchétchène. Elle se félicite de l’esprit constructif de cette audition, de son caractère franc et ouvert, et de la coopération de la délégation parlementaire russe pour l’organisation de la visite à Znamenskoïe.
3. L’Assemblée répète qu’elle est convaincue que la conduite de la campagne militaire de la Fédération de Russie en République tchétchène et les violations des droits de l’homme qui en ont résulté étaient inacceptables au regard des principes et des objectifs du Conseil de l’Europe, et que cette conduite aurait dû être condamnée sans équivoque par le Comité des Ministres.
4. Toutefois, l’Assemblée reconnaît que l’Histoire jugera l’Assemblée non pas uniquement au nombre ou à la véhémence de ses condamnations répétées, mais également à ses efforts continus pour aider à promouvoir une solution au conflit qui respecte les droits de l’homme.
5. L’Assemblée reconnaît qu’il y a eu quelques développements encourageants, tels que le début du travail des organes des droits de l’homme mis en place par la Fédération de Russie dans le cadre du conflit tchétchène, à savoir le bureau de M. Kalamanov – représentant spécial du Président de la Fédération de Russie pour assurer les droits et les libertés de l’homme et des citoyens en République tchétchène – la Commission de la Douma d’Etat sur la normalisation de la situation politique et sociale et économique, et sur la protection des droits de l’homme en République tchétchène, et la Commission publique nationale sur les enquêtes criminelles et le respect des droits de l’homme dans le nord du Caucase.
6. L’Assemblée considère que le travail de ces organes a été un instrument permettant de recueillir des informations sur les violations des droits de l’homme en République tchétchène, quelle que soit l’identité de leurs auteurs, et qu’il commence désormais à assurer une protection des droits de l’homme dans certains cas particuliers.
7. L’Assemblée considère également que le rôle des trois experts du Conseil de l’Europe dans le travail du bureau de M. Kalamanov a représenté une contribution utile et qu’elle doit se poursuivre.
8. Consciente du fait que la Fédération de Russie continue de faire l’objet d’une procédure de suivi, malgré la suspension des droits de vote de sa délégation, l’Assemblée invite instamment les autorités russes, dans le cadre du respect de leurs obligations et engagements envers le Conseil de l’Europe, à collaborer pleinement avec les deux rapporteurs de sa commission de suivi lors de la préparation des missions d’enquête qui permettront d’établir un nouveau rapport d’information.
9. Cependant, l’Assemblée est profondément préoccupée par les violations graves et persistantes des droits de l’homme en République tchétchène, qui prennent notamment la forme de bombardements et d’assauts arbitraires et aveugles, d’arrestations illégales et de mauvais traitements aux détenus, d’extorsions de fonds et de harcèlement aux points de contrôle, autant d’attitudes qui entraînent des souffrances inutiles et inacceptables parmi la population civile. L’Assemblée est d’avis que toute mauvaise volonté persistante ou toute inaptitude du ministère public à, d’une part, enquêter sur des crimes commis par les militaires fédéraux contre les populations civiles, et à, d’autre part, traduire les coupables en justice conduirait à l’absence d’obligation de rendre des comptes et, de ce fait, à un climat d’impunité qui favoriserait les violations des droits de l’homme et empêcherait le règlement politique du conflit.
10. En conséquence, l’Assemblée invite instamment le Gouvernement de la Fédération de Russie à prendre des mesures rapides et efficaces sur la base du travail des organes précités afin de remédier sans délai aux violations et aux lacunes signalées par ceux-ci, et, en particulier:
10.1. à veiller à ce que les services du procureur militaire engagent des poursuites criminelles systématiques, crédibles et complètes à l’encontre des membres des forces fédérales impliqués dans des crimes de guerre ou dans d’autres violations des droits de l’homme;
10.2. à faire cesser toutes les pratiques illégales aux postes de contrôle, notamment le harcèlement et l’extorsion de fonds, et à limiter activement le nombre de ces postes au strict minimum;
10.3. à faire cesser toutes les arrestations et détentions illégales ou arbitraires ainsi que les mauvais traitements physiques ou psychologiques des personnes détenues;
10.4. à prendre des mesures immédiates afin de clarifier le sort de toutes les personnes disparues, notamment celui de personnalités telles que Ruslan Alikhodzhiyev, ancien Président du Parlement de la République tchétchène;
10.5. à rétablir un système judiciaire efficace en République tchétchène;
10.6. à accélérer la délivrance des documents d’identité;
10.7. à indemniser les victimes pour la perte ou la destruction de leurs biens durant le conflit;
10.8. à accélérer le retour des réfugiés et des personnes déplacées dans leurs propres foyers et, entre temps, à assurer pleinement le respect de leurs droits, leur sécurité et leur dignité en République tchétchène et ailleurs dans la Fédération de Russie, notamment à Moscou.
11. L’Assemblée invite également instamment le Gouvernement russe:
11.1. à accélérer sa recherche d’une solution politique au conflit, notamment par des négociations sans conditions préalables avec des dirigeants civils et avec le commandement militaire tchétchène;
11.2. à enquêter sur tous les massacres de civils dont se seraient rendues coupables les troupes russes, en particulier sur les cas signalés à Alkhan-Yurt (décembre 1999), à Staropromyslovski (janvier 2000) et à Aldi (février 2000), et à poursuivre les auteurs de ces actes;
11.3. à limiter ses opérations de maintien de l’ordre en République tchétchène à ce qui est absolument nécessaire pour assurer la protection de ses propres forces, des autorités locales et de la population;
11.4. à assurer la liberté de circulation de la population civile en République tchétchène;
11.5. à assurer une liberté de mouvement maximale aux médias en République tchétchène.
12. L’Assemblée invite instamment les combattants tchétchènes à respecter pleinement les droits de l’homme et le droit humanitaire international, à renoncer aux prises d’otages, à cesser leurs opérations de combat et à ouvrir le dialogue avec les autorités russes, notamment avec l’administration de la République tchétchène. L’Assemblée condamne l’approbation par les dirigeants tchétchènes d’une série d’attaques mortelles contre des personnes – et leurs familles – travaillant pour l’administration de la République tchétchène. L’Assemblée exprime sa profonde préoccupation à la suite de l’appel du Président Maskhadov demandant le jugement des treize candidats à l’élection de la Douma russe par un tribunal de la charia; elle note que les Tchétchènes prorusses jugés par de tels tribunaux ont été condamnés à mort; elle réaffirme sa totale opposition à la peine de mort en toutes circonstances; elle décide donc d’examiner si un tribunal de la charia a été convoqué et, le cas échéant, si des jugements ont été prononcés.
13. Consciente des inquiétudes concernant les dimensions internationales de la sécurité, l’Assemblée demande instamment aux membres de la communauté internationale de ne pas fournir d’aide aux combattants tchétchènes pour leurs activités militaires.
14. L’Assemblée reste profondément préoccupée par la situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées sur le territoire de l’Ingouchie et, en particulier, sur celui de la République tchétchène. Tandis que leur retour dans leur foyer dépend directement de l’amélioration de la situation en matière de droits de l’homme et de logement, leur indemnisation pour la perte et la destruction de leurs biens, et d’autres mesures d’urgence doivent être immédiatement prises afin de leur assurer un logement adéquat pour l’hiver, le chauffage, la nourriture, les soins médicaux et une éducation assortie d’un matériel convenable. L’Assemblée s’engage à suivre attentivement les problèmes des réfugiés et à solliciter les aides nécessaires auprès des organismes compétents.
15. L’Assemblée appelle le Gouvernement russe à autoriser l’accès des organisations humanitaires internationales et des ONG désireuses de commencer leurs opérations dans les parties de la République tchétchène où la sécurité de leur personnel peut être garantie; elle appelle également les gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe à apporter sans délai un soutien généreux à la réhabilitation humanitaire et à la reconstruction de la République tchétchène.
16. L’Assemblée appelle le Comité des Ministres à suivre les mesures prises par la Russie pour respecter ses obligations en tant que Partie signataire à la Convention européenne des Droits de l’Homme et en réponse aux recommandations et résolutions de l’Assemblée. L’Assemblée appelle en particulier le Comité des Ministres à suivre de près les progrès concernant les enquêtes sur les personnes responsables de violations et les poursuites engagées, et demande instamment aux États membres, en l’absence de progrès significatifs, de suivre d’autres voies pour obliger la Fédération de Russie à rendre compte, notamment celle des plaintes interétatiques devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle appelle également le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à la tenir régulièrement et effectivement informée des activités des experts du Conseil de l’Europe au bureau de M. Kalamanov.
17. L’Assemblée réitère sa détermination à travailler avec les organes parlementaires russes compétents pour assurer le plein respect des normes et des objectifs du Conseil de l’Europe en République tchétchène. L’Assemblée soutient les efforts des membres de la Douma d’Etat et de la délégation russe à l’Assemblée parlementaire qui s’efforcent d’apporter la paix, la démocratie, la protection des droits de l’homme et la stabilité en République tchétchène.
18. L’Assemblée décide de prendre les dispositions pratiques nécessaires pour évaluer les progrès lors de sa partie de session de janvier 2001; elle exprime l’espoir que, d’ici là, les progrès auront été suffisamment convaincants pour permettre à la délégation russe de jouir pleinement de ses droits.