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Recommandation 1504 (2001)

Non-expulsion des immigrés de longue durée

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Voir Doc. 8986, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, rapporteuse: Mme. Aguiar. Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 14 mars 2001.

1. Les immigrés légaux qui, tout en gardant leur nationalité d'origine, se sont installés dans un pays hôte, membre du Conseil de l'Europe, pour y vivre durant une longue période, peuvent, selon la loi en vigueur, se faire expulser de ce pays pour des motifs de protection de l’ordre public, en particulier après avoir été condamnés, voire simplement accusés dans le cadre d'une procédure pénale.
2. Ces immigrés légaux, qui vivent depuis longtemps dans le pays hôte et dont certains sont nés ou ont été élevés dans ce pays, se sont intégrés dans la société d’accueil et ne sont plus ni humainement ni sociologiquement des étrangers. Cela est particulièrement vrai pour la deuxième génération d’immigrés pour qui le pays d’origine de leurs parents est, bien souvent, terrain inconnu.
3. L'application de mesures d'expulsion à leur égard s'avère disproportionnée et discriminatoire: disproportionnée, car elle représente pour la personne concernée des conséquences à vie, entraînant souvent la séparation de sa famille et la rupture avec son environnement, et discriminatoire, car l'Etat ne dispose pas de ce moyen pour ses ressortissants ayant commis les mêmes actes.
4. L'Assemblée est d'avis que ce manque de sécurité de résidence que représente la seule perspective d'expulsion fragilise le processus d'intégration dans la société des étrangers ainsi que de leur communauté et risque de créer une méfiance vis-à-vis des étrangers, qu’ils soient ou non concernés par l'expulsion.
5. L'Assemblée constate avec préoccupation les dérives d’application des règles de droit en matière d’expulsion qui ne prévoient pas de délai d'exécution, et regrette que la Cour européenne des Droits de l’Homme n’ait pas adopté une position claire sur l’expulsion des immigrés de longue durée. Dans ces conditions, ces derniers ne bénéficient pas de la sécurité juridique qu’ils sont en droit d’attendre dans un Etat de droit.
6. L'Assemblée est d'avis que l'ordre irréversible de quitter le territoire est une sanction qui ne devrait plus être appliquée sans prévoir un délai d'exécution.
7. L'expulsion ne devrait en aucun cas s'appliquer aux personnes nées ou élevées dans le pays d'accueil, ou aux enfants mineurs.
8. Les personnes résidant à titre légal dans un pays, antérieurement à l'établissement ou à la restauration de l'indépendance de ce pays, devraient au minimum bénéficier du même niveau de protection que les immigrés de longue durée et, en particulier, ne devraient en aucun cas être expulsées.
9. L'Assemblée juge tout à fait inacceptable que les immigrants légaux de longue durée frappés d'expulsion soient retenus en prison en attendant leur expulsion.
10. L'Assemblée considère qu'une expulsion ne peut s'appliquer que dans des cas tout à fait exceptionnels et quand il est prouvé, dans le respect de la présomption d’innocence, que la personne concernée représente un danger réel pour l'Etat.
11. Prenant en considération la Recommandation (2000) 15 du Comité des Ministres sur la sécurité de résidence des immigrés de longue durée, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:
11.1. d’engager une action en vue d’élaborer un protocole à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales portant sur la protection contre l’expulsion des immigrés de longue durée;
11.2. d'inviter les gouvernements des Etats membres:
a. à reconnaître que l'expulsion d'un immigré de longue durée constitue une sanction disproportionnée et discriminatoire;
b. à reconnaître que la menace d'expulsion constitue un obstacle à l’intégration des migrants de longue durée;
c. à s'engager pour que les procédures et peines de droit commun, appliquées aux ressortissants nationaux, soient également valables pour les migrants de longue durée ayant commis les mêmes actes;
d. à reconnaître que l’expulsion d’une personne pour motif d’ordre public – lorsque sa culpabilité n’a pas été légalement établie – est contraire à la présomption d’innocence;
e. à admettre que l’expulsion d’une personne après qu’elle a purgé une peine de prison constitue une double peine;
f. à assurer que les actes commis par un immigré de longue durée qui constituent une menace ou une atteinte à l’ordre public soient, comme pour les ressortissants nationaux, définis et réprimés dans le cadre du droit pénal;
g. à prendre les mesures nécessaires pour que la sanction d’expulsion soit réservée, pour les immigrés de longue durée, à des infractions particulièrement graves touchant à la sûreté de l’Etat dont ils ont été déclarés coupables;
h. à garantir que les migrants nés ou élevés dans le pays d'accueil, ainsi que les enfants mineurs, ne puissent être expulsés en aucun cas;
i. à donner aux personnes frappées d’expulsion la possibilité de bénéficier d'un examen approfondi de leur situation humanitaire afin de mettre en évidence les conséquences de cette expulsion éventuelle pour elles et leur famille, et pour permettre, le cas échéant, de prendre des mesures alternatives;
j. à prendre les mesures nécessaires pour que les personnes sujettes à expulsion bénéficient des garanties procédurales suivantes:
  • droit à un juge;
  • droit à un débat contradictoire;
  • droit à l’assistance d’un avocat;
  • droit d’appel suspensif, en raison des conséquences irréversibles de l’exécution de l’expulsion.