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Résolution 1323 (2003)
La situation des droits de l'homme en République tchétchène
1. L'Assemblée parlementaire rappelle
ses précédentes résolutions et recommandations relatives au conflit
en République tchétchène. Elle renvoie plus particulièrement à la Résolution 1315 (2003) sur l'évaluation des perspectives de résolution politique
du conflit en République tchétchène, résolution qui conserve toute
sa validité.
2. L'Assemblée réitère sa conviction selon laquelle il ne peut
y avoir de paix sans justice en République tchétchène. La situation
en matière de droits de l'homme dans la république est un facteur
déterminant pour une solution politique équitable, fondée sur la
réconciliation nationale. Sans une amélioration tangible sur le plan
des droits de l'homme, toutes les tentatives de pacification de
la région sont vouées à l'échec.
3. Cela fait maintenant près de dix ans que les habitants de
la République tchétchène vivent dans la peur. Leurs villes et leurs
villages ne sont plus que décombres, leurs champs ont été minés,
leurs amis et leurs proches ont été assassinés, arrêtés illégalement,
portés «disparus», kidnappés, violés, torturés ou spoliés. L'Assemblée
n'a eu de cesse de condamner les atteintes flagrantes aux droits
de l'homme, les violations du droit humanitaire international et
les crimes de guerre commis en Tchétchénie par les deux parties
au conflit. Depuis le tout début de la première guerre de Tchétchénie,
en 1994, l'Assemblée lance des appels pour que les responsables
de ces actes soient traduits en justice – ces appels n'ont guère
été entendus.
4. Les habitants de la République tchétchène n'ont pas simplement
droit à notre compassion; ils ont aussi droit à notre protection.
A ce jour, tous les protagonistes – le Gouvernement de la Fédération
de Russie, l'administration et le système judiciaire russes, les
régimes tchétchènes successifs – ont tragiquement failli dans leur
tâche consistant à assurer cette protection à l'égard des atteintes
aux droits de l'homme. Les organisations internationales et leurs
Etats membres n'ont pas réussi à faire en sorte que les victimes
de ces exactions obtiennent réparation, au plan national ou international.
5. Si les soldats russes et les combattants tchétchènes continuent,
aujourd'hui encore, de commettre de tels actes, c'est essentiellement
parce que leurs auteurs ne sont presque jamais inquiétés. L'Assemblée
rend hommage au courage de certaines victimes, de journalistes,
de membres d'ONG et de militants des droits de l'homme, et aux officiers
intègres des forces de l'ordre, qui ont fait connaître des violations
de la loi et qui, malgré une situation difficile, se sont attachés
à restaurer la justice. Dans le même temps, l'Assemblée est déçue
de voir que les enquêtes pénales sur les violations flagrantes des
droits de l'homme, y compris les massacres de civils tchétchènes
innocents et les assassinats de responsables locaux d'une administration
ou de leur famille, sont néanmoins peu fréquentes et d'une inefficacité
décourageante, si bien qu'elles n'aboutissent guère à des condamnations
en justice (en admettant qu'on en arrive au stade des poursuites pénales,
ce qui est rare).
6. Quant aux mécanismes de réparation non judiciaires mis en
place par les autorités russes, tels que le Bureau du représentant
spécial du Président de la Fédération de Russie pour les droits
de l'homme en République tchétchène, ils ne font que recenser les
plaintes individuelles. L'Assemblée rend hommage au courage des
experts du Conseil de l'Europe qui travaillent en ce bureau, mais
elle demande que toutes les mesures soient prises en vue d'accroître
l'efficacité de leur mandat actuel en ce qui concerne la possibilité d'influencer
la situation des droits de l'homme.
7. Le Gouvernement russe n'a pas renouvelé le mandat du Groupe
d'assistance de l'Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe en Tchétchénie. Le Comité du Conseil de l'Europe pour
la prévention de la torture (CPT) s'est plaint du manque de coopération
de la Fédération de Russie. La Fédération de Russie n'a pas encore
autorisé la publication des rapports du CPT. Lorsqu'elle donne suite
aux recommandations du commissaire aux droits de l'homme du Conseil
de l'Europe, elle le fait avec des retards considérables. La Cour européenne
des Droits de l'Homme, qui a vocation à examiner des atteintes individuelles
aux droits de l'homme, ne peut espérer être en mesure de traiter
de manière effective, par la voie du recours individuel, les violations
systématiques à l'échelle tchétchène. Il est déplorable qu'aucun
Etat membre ou groupe d'Etats membres n'ait encore trouvé le courage
d'introduire une requête interétatique auprès de la Cour.
8. Tout cela génère un climat d'impunité qui est propice à de
nouvelles violations des droits de l'homme et qui représente un
déni de justice pour les milliers de victimes; la population est
tellement excédée que la République tchétchène pourrait devenir
véritablement ingouvernable. Si l'on veut qu'un processus politique positif
s'amorce dans la république, il faut que les atteintes aux droits
de l'homme cessent et que les personnes responsables d'exactions
soient déférées à la justice.
9. Pour obtenir que les droits de l'homme soient dorénavant respectés
dans la République tchétchène, l'Assemblée recommande:
9.1. que les combattants tchétchènes
mettent immédiatement un terme à leurs activités terroristes et renoncent
à toute forme de crime. Toute forme de soutien aux combattants tchétchènes
devrait cesser immédiatement;
9.2. que les forces russes soient mieux contrôlées et que la
discipline soit effectivement assurée: tous les règlements civils
et militaires pertinents et toutes les garanties constitutionnelles,
le droit international, y compris le droit humanitaire, et en particulier
les dispositions pertinentes des Conventions de Genève et les protocoles
y afférents, ainsi que la Convention européenne des Droits de l'Homme
et la Convention européenne pour la prévention de la torture et
des peines ou traitements inhumains ou dégradants, doivent être
intégralement observés au cours de toutes les opérations; la coopération
avec les services du procureur doit s'exercer sans réserve avant,
pendant et après de telles opérations;
9.3. pour autant que la situation sur le plan de la sécurité
le permette, que les troupes soient consignées dans leurs casernes
ou carrément retirées de la République tchétchène;
9.4. que tous ceux qui sont soupçonnés d'avoir commis des exactions
fassent l'objet d'une enquête approfondie et, si leur culpabilité
est établie, qu'ils soient sévèrement punis conformément à la loi,
quels que soient leur grade et leurs fonctions;
9.5. que les recommandations du commissaire aux droits de l'homme
du Conseil de l'Europe soient immédiatement mises en œuvre par la
Fédération russe;
9.6. que la Fédération de Russie autorise sans plus tarder
la publication des rapports du CPT.
10. Désireuse d'obtenir que les personnes responsables d'exactions
soient traduites en justice, l'Assemblée:
10.1. exige des autorités russes qu'elles coopèrent davantage
avec les mécanismes de réparation nationaux et internationaux, tant
judiciaires que non judiciaires;
10.2. invite les Etats membres du Conseil de l'Europe à explorer
sans plus attendre toutes les voies permettant de mettre la Fédération
de Russie face à ses responsabilités, y compris par l'introduction
de requêtes interétatiques devant la Cour européenne des Droits
de l'Homme et par l'exercice de la compétence universelle pour les
crimes les plus graves commis dans la République tchétchène;
10.3. estime que, si les efforts pour livrer à la justice les
personnes responsables de violations des droits de l'homme n'étaient
pas intensifiés et si le climat d'impunité en République tchétchène
continuait de prévaloir, la communauté internationale devrait envisager
la mise en place d'un tribunal ad hoc pour juger les crimes de guerre
et les crimes contre l'humanité commis dans la République tchétchène;
10.4. invite instamment la Fédération de Russie à ratifier sans
tarder le Statut de la Cour pénale internationale.