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Recommandation 1615 (2003)

L’institution du médiateur

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - (voir Doc. 9878,Doc. 9878, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: Mme Nabholz-Haidegger). Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 8 septembre 2003

1. L’Assemblée parlementaire confirme l’importance de l’institution du médiateur au sein des systèmes nationaux de protection des droits de l’homme et de promotion de l’Etat de droit, et son rôle de garant de la bonne conduite des pouvoirs publics. Les médiateurs ont un rôle précieux à jouer à tous les niveaux de l’administration; ils rendent compte de leurs activités aux instances politiques devant lesquelles ils sont responsables.
2. L’Assemblée rappelle les précédents travaux du Conseil de l’Europe en la matière, notamment sa propre Recommandation 757 (1975), ainsi que les Recommandations nos R (85) 13, (80) 2 et Rec(2000)10, et la Résolution (77) 31 du Comité des Ministres. Elle appuie pleinement l’importante action de coordination et de soutien du commissaire aux droits de l’homme, et exprime le souhait d’y prendre part régulièrement. Elle rappelle également l’activité de l’Assemblée générale des Nations Unies et du médiateur européen.
3. L’Assemblée note que l’évolution des modes de protection des droits de l’homme s’est répercutée sur le rôle du médiateur, dans la mesure où le respect des droits de l’homme fait désormais partie des normes qui s’imposent à une bonne administration et qui conditionnent la légalité de ses actes. Les caractéristiques constitutionnelles et législatives propres à chaque pays peuvent en outre conférer au mandat des divers médiateurs des compétences supplémentaires en matière de protection des droits de l’homme. L’Assemblée estime néanmoins que le médiateur est avant tout, par essence, un intermédiaire entre les citoyens et l’administration.
4. La fonction de médiateur comporte un aspect supplémentaire, qui concerne l’administration elle-même. Lorsqu’un fonctionnaire a connaissance d’une situation d’une gravité particulière, face à laquelle le recours aux procédures internes s’avérerait inopérant ou déraisonnable, il convient qu’il dispose d’un mécanisme exceptionnel lui permettant de transmettre directement cette information au médiateur.
5. La neutralité du médiateur et le fait qu’il soit universellement respecté, à la fois par les plaignants et par ceux qui font l’objet de ses enquêtes, sont essentiels au bon fonctionnement de l’institution du médiateur. L’Assemblée considère que le meilleur moyen de préserver ces caractères est de limiter le pouvoir coercitif du médiateur à la pression morale qu’exerce inévitablement la critique publique, par la remise au parlement de rapports dénonçant les cas de mauvaise administration et la condamnation politique de ces situations par le parlement. L’Assemblée estime de ce fait que l’accès des médiateurs aux juridictions administratives et constitutionnelles devrait être limité à des demandes de jugements interprétatifs sur des questions de droit relatives à leur mandat ou à leurs enquêtes particulières, à moins qu’ils représentent un plaignant privé d’un accès direct à ces tribunaux. Il est toutefois préférable qu’une personne ayant qualité pour ester en justice soit habilitée à saisir directement ces juridictions.
6. L’Assemblée estime que les médiateurs devraient tout au plus disposer d’un pouvoir rigoureusement encadré de contrôle des tribunaux. Si les circonstances exigeaient l’exercice d’une telle compétence, elle devrait se limiter à un souci d’efficacité de la procédure et de bonne administration du système judiciaire; en conséquence, la capacité de représenter des justiciables (à moins qu’il n’existe aucun droit d’accès individuel à une juridiction particulière), celle d’engager une action en justice, celle d’intervenir au cours de celle-ci ou celle de rouvrir une affaire devraient être exclues.
7. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée conclut que certaines caractéristiques sont essentielles au fonctionnement efficace de toute institution du médiateur, à savoir:
7.1. sa création au niveau constitutionnel par un texte qui garantisse l’essence des caractéristiques décrites dans ce paragraphe, le détail et les mesures de protection de ces caractéristiques devant être fixés par les dispositions de la loi d’application et le statut de la fonction;
7.2. la garantie de son indépendance à l’égard de l’objet de ses enquêtes, y compris, notamment, en ce qui concerne la réception des plaintes, les décisions relatives à la recevabilité ou à l’irrecevabilité des plaintes ou à l’ouverture d’enquêtes de sa propre initiative, les décisions relatives aux dates et aux modalités des enquêtes, à l’examen des preuves, à l’établissement des conclusions, à l’élaboration et la présentation des recommandations et des rapports, ainsi que la communication au public;
7.3. une procédure exclusive et transparente de nomination et de révocation par le parlement à la majorité qualifiée des voix, suffisamment large pour impliquer le soutien des partis d’opposition, selon des critères rigoureux qui établissent de façon incontestable les qualifications et la compétence appropriées du médiateur, ainsi que sa haute valeur morale et son indépendance politique, à des mandats renouvelables d’une durée au moins équivalente au mandat parlementaire;
7.4. l’incompatibilité de la fonction avec toute autre activité rémunérée et toute participation personnelle à des activités politiques;
7.5. une immunité personnelle contre toute poursuite disciplinaire, administrative ou pénale, ou contre toute sanction relative à l’exercice de ses attributions officielles, autre que sa révocation par le parlement pour incapacité ou faute grave contraire à la déontologie;
7.6. la nomination d’un adjoint défini, sur recommandation du médiateur et avec l’approbation du parlement, habilité à agir pleinement, le cas échéant, en qualité de médiateur;
7.7. la garantie de moyens suffisants à l’exercice de l’ensemble des attributions conférées à l’institution, alloués indépendamment de toute ingérence éventuelle de l’objet des enquêtes, et une autonomie complète en matière budgétaire et de personnel;
7.8. la garantie d’un accès rapide et illimité à toutes les informations nécessaires à l’enquête;
7.9. une procédure interne garantissant le respect des normes administratives les plus exigeantes dans l’activité même de l’institution, notamment l’équité, l’efficacité, la transparence et la courtoisie;
7.10. l’accessibilité au public (en termes à la fois de disponibilité et de compréhensibilité) de l’information relative à l’existence, à l’identité, au but, à la procédure et aux pouvoirs du médiateur, parallèlement à une diffusion large et efficace de l’information relative aux activités, aux conclusions, aux avis, aux propositions, aux recommandations et aux rapports de l’institution;
7.11. une procédure de dépôt des plaintes facilement et largement accessible, simple et gratuite, et dont la confidentialité est établie de façon probante dans tous les cas;
7.12. la garantie de la confidentialité et, en cas de communication publique, de l’anonymat des enquêtes;
7.13. la compétence de donner des avis sur des propositions de réformes législatives ou réglementaires et de faire de telles propositions proprio motu, en vue d’améliorer les normes administratives et le respect des droits de l’homme, lorsque cela s’avère conforme aux termes de son mandat;
7.14. l’exigence que l’administration fournisse, dans un délai raisonnable, des réponses complètes, décrivant la mise en œuvre des conclusions, des avis, des propositions et des recommandations ou exposant les motifs pour lesquels ils ne peuvent être mis en œuvre;
7.15. la présentation par le médiateur d’un rapport annuel au parlement, ainsi que de rapports spécifiques sur des problèmes particulièrement préoccupants ou en cas de manquement de l’administration à mettre en œuvre les recommandations.
8. L’Assemblée prend note avec satisfaction de la Recommandation no R (2000) 10 du Comité des Ministres sur les codes de conduite pour les agents publics. L’Assemblée observe cependant que ce texte n’est pas analogue au Code européen de bonne conduite administrative du médiateur européen et que la plupart des dispositions de ce dernier lui font défaut, mais elle estime que plusieurs d’entre elles figurent dans d’autres textes du Comité des Ministres, notamment en annexe de la Recommandation no R (80) 2 et de la Résolution (77) 31. L’Assemblée considère qu’il serait utile de réunir ces instruments juridiques dans un texte unique qui fournirait des conseils, des instructions et des informations à la fois aux agents de l’administration et au public, dans le cadre de leurs relations mutuelles.
9. L’Assemblée observe que l’inclusion, dans l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, d’un droit à la bonne administration, est profitable au médiateur européen. L’Assemblée estime que l’incorporation de ce droit dans la législation nationale pourrait présenter un grand intérêt, pour des raisons similaires à celles qui motivent l’adoption d’un code de bonne conduite administrative. Le code énumérerait en effet en détail les règles implicitement contenues dans le droit fondamental, en vue de leur mise en œuvre pratique.
10. En conséquence, l’Assemblée recommande aux gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe:
10.1. de créer à l’échelon national (et aux échelons régional et local, le cas échéant), lorsqu’elle n’existe pas encore, une institution portant un titre similaire à celui de «médiateur parlementaire (des collectivités régionales/locales)», de préférence en l’inscrivant dans la constitution;
10.2. de veiller à ce que l’institution du médiateur parlementaire présente les caractéristiques décrites au paragraphe 7 ci-dessus, et à ce que ces caractéristiques soient suffisamment protégées et convenablement détaillées dans la législation d’application et le statut;
10.3. de donner à cette institution un mandat qui englobe clairement les droits de l’homme en tant qu’élément essentiel de la notion de bonne administration et qui comprenne une attribution plus large en matière de droits de l’homme lorsque, en l’absence d’autres dispositifs complémentaires spécifiques, les conditions nationales l’exigent;
10.4. d’exclure du mandat de cette institution le pouvoir d’intenter une action en justice, soit à l’encontre de l’administration, soit à l’encontre des fonctionnaires à titre individuel, devant les juridictions pénales ou administratives, mais d’envisager d’autoriser le médiateur à saisir la Cour constitutionnelle pour des arrêts interprétatifs;
10.5. de prendre activement part au travail du commissaire aux droits de l’homme de coordination des activités des médiateurs des Etats membres;
10.6. à la suite du projet de texte modèle élaboré par le Comité des Ministres, d’adopter au niveau constitutionnel un droit individuel à la bonne administration;
10.7. à la suite du projet de texte modèle élaboré par le Comité des Ministres, d’adopter et de mettre pleinement en œuvre un code de bonne administration, qui devra être efficacement porté à la connaissance du public, de façon à informer les citoyens de leurs droits et de la légitimité de leurs attentes.
11. L’Assemblée recommande par ailleurs au Comité des Ministres:
11.1. d’encourager les Etats membres à mettre en œuvre la Recommandation no R (85) 13, tout en appliquant également les dispositions plus détaillées de l’actuelle recommandation;
11.2. d’élaborer un projet de texte modèle pour la définition d’un droit individuel fondamental à la bonne administration;
11.3. d’élaborer un code modèle de bonne administration, unique, complet et synthétique à partir, notamment, de la Recommandation no R (80) 2 et de la Résolution (77) 31 du Comité des Ministres et du Code européen de bonne conduite administrative, avec la participation des organes appropriés du Conseil de l’Europe – notamment le commissaire aux droits de l’homme et la Commission européenne pour la démocratie par le droit, ainsi que l’Assemblée – et en consultation avec le médiateur européen, afin de définir le droit fondamental à la bonne administration, de manière à faciliter sa mise en œuvre efficace en pratique;
11.4. d’encourager les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe à adopter et à mettre en œuvre le droit et le code susmentionnés, et de leur fournir une assistance technique à cette fin;
11.5. de soutenir le commissaire aux droits de l’homme dans son travail de coordination des activités des médiateurs des Etats membres.