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Résolution 1381 (2004)

Mise en œuvre des décisions de la Cour européenne des Droits de l'Homme par la Turquie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 22 juin 2004 (18e séance) (voir Doc. 10192, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Jurgens). Texte adopté par l’Assemblée le 22 juin 2004 (19e séance).

1. Dans sa Résolution 1268 (2002) sur la mise en œuvre des décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme, l’Assemblée parlementaire, considérant le nombre élevé de décisions contre la Turquie qui n’avaient pas été mises en œuvre (à ce moment-là), a chargé sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme de prendre contact avec la délégation nationale de la Turquie et avec le Gouvernement turc, et de lui faire rapport sur les progrès réalisés.
2. Conformément à cette dernière décision, l’Assemblée a adopté sa Résolution 1297 (2002) sur la mise en œuvre des décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme par la Turquie, dans laquelle elle se félicitait des changements constitutionnels et législatifs qui venaient d’intervenir en Turquie afin de contribuer à prévenir de nouvelles violations de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), tout en déplorant qu’un certain nombre de problèmes n’aient toujours pas été résolus.
3. Ces problèmes concernaient les modalités de paiement de la satisfaction équitable, l’annulation immédiate des conséquences des condamnations pénales pour violation de la Convention (y compris par le rétablissement des droits civils et politiques des requérants), l’ingérence excessive dans la liberté d’expression (notamment dans l’application du Code pénal et de la législation antiterroriste), le contrôle de l’action des membres des forces de sécurité, la dissolution des partis politiques, l’affaire Chypre contre Turquie et enfin l’affaire Loizidou.
4. L’Assemblée accueille avec satisfaction les progrès significatifs qui ont été réalisés depuis les changements constitutionnels et législatifs mentionnés dans le précédent rapport; toutefois, d’autres mesures doivent encore être prises; la mise en œuvre efficace de ces réformes étant cruciale pour obtenir une amélioration réelle du respect de la Convention, tous les efforts doivent être déployés pour parvenir à cet objectif.
5. Tout d’abord, elle se félicite de la résolution de l’affaire Loizidou par le paiement, le 2 décembre 2003, de la satisfaction équitable due à la requérante. Elle regrette toutefois que le paiement de la satisfaction équitable, bien qu’il constitue un grand pas dans la mise en œuvre de l’arrêt de 1998, ne constitue pas la mise en œuvre du fond de la décision (violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la CEDH, par expropriation). Cet élément sera examiné par le Comité des Ministres fin 2005.
6. Enfin, elle se félicite de la libération de Leyla Zana, de Selim Sadak, de Hatip Dicle et d’Orhan Dogan, le 9 juin 2004, dans l’attente de la décision de la cour d’appel concernant le recours formé par les requérants contre leur deuxième condamnation à quinze ans de prison.
7. La situation au regard d’autres domaines prioritaires peut se résumer ainsi:
7.1. s’agissant des affaires qui soulevaient la question des modalités de paiement, ces modalités se sont améliorées, mais des problèmes subsistent toujours dans un certain nombre de cas;
7.2. s’agissant des procès inéquitables, les demandes de nouvelles procédures ont été acceptées et de nouveaux procès ont commencé ou ont eu lieu dans certaines affaires (Sadak, Zana, Dicle et Dogan). Bien que leur condamnation ait été confirmée, les accusés ont été libérés le 9 juin 2004, à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation, dans l’attente de la décision de la cour d’appel;
7.3. l’Assemblée accueille favorablement l’adoption de l’ensemble de la réforme constitutionnelle par la Grande Assemblée nationale turque prévoyant l’abolition de la Cour de sûreté de l’Etat, dont les procès ont été jugés non équitables par la Cour européenne des Droits de l’Homme dans plusieurs de ses arrêts;
7.4. en ce qui concerne l’annulation des conséquences des condamnations infligées en violation de l’article 10 de la CEDH, des mesures sont prises dans ce sens à l’heure actuelle, malheureusement avec un retard excessif, dans un nombre limité de cas, y compris par le rétablissement des droits civils et politiques des requérants (sur les dix-huit affaires mentionnées en 2002, huit requérants n’étaient plus soumis à une restriction de leurs droits fin 2003);
7.5. la nouvelle loi sur la réouverture des procès, qui est entrée en vigueur le 4 février 2003, exclut cependant de sa portée les affaires qui étaient pendantes devant la Cour à la date de son entrée en vigueur, ainsi que les règlements amiables;
7.6. en outre, des améliorations ont été apportées à la liberté d’expression par l’abrogation de l’article 8 de la loi antiterroriste et l’amendement d’autres dispositions légales, en particulier les articles 159 et 312 du Code pénal; il reste cependant plusieurs dispositions inchangées;
7.7. en ce qui concerne la dissolution des partis politiques, aucune mesure nouvelle n’a été signalée depuis 2002; en particulier, il n’y a eu ni modification des articles 68 ou 69 de la Constitution ou des dispositions correspondantes de la loi sur les partis politiques, ni évolution majeure de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle;
7.8. s’agissant de l’arrêt de 1997 dans l’affaire Zana, la nouvelle loi qui devait porter amendement du Code de procédure pénale n’a pas encore été adoptée.
8. En ce qui concerne l’affaire Chypre contre Turquie, des mesures ont été prises sur certains points, mais des questions urgentes, telles que celle des personnes disparues ou celle du droit des enfants chypriotes grecs à recevoir un enseignement secondaire en grec dans la partie nord de Chypre, continuent à être examinées.
9. A la lumière de ce qui précède, il apparaît que la Turquie a mis en œuvre certains arrêts de la Cour. Il reste que certaines des affaires mentionnées dans la précédente résolution de l’Assemblée ne sont toujours pas réglées ou ne le sont que partiellement.
10. En conséquence, l’Assemblée demande instamment aux autorités turques:
10.1. de prendre de nouvelles mesures pour améliorer les modalités de paiement;
10.2. de réviser la législation sur la réouverture des procès afin de la rendre applicable aux jugements rendus après son entrée en vigueur ainsi qu’aux règlements amiables;
10.3. de réviser l’article 6 de la loi antiterroriste pour le rendre compatible avec l’article 10 de la CEDH (voir en particulier les affaires Sürek et Özdemir, et Sürek II);
10.4. de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre l’ouverture d’une école secondaire grecque dans la partie nord de Chypre (affaire Chypre contre Turquie);
10.5. de prendre les mesures nécessaires pour effacer immédiatement, après les jugements, toutes les conséquences des violations constatées par la Cour à l’article 10 de la CEDH;
10.6. de modifier le Code de procédure pénale pour se conformer notamment à l’arrêt Zana;
10.7. d’intensifier rapidement les mesures actuelles visant à empêcher tous les actes de torture et de mauvais traitements.