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Résolution 1402 (2004)
La situation politique en République tchétchène : mesures visant à accroître la stabilité démocratique conformément aux normes du Conseil de l'Europe
1. L?Assemblée parlementaire du Conseil de l?Europe réaffirme sa volonté de promouvoir les droits de l?homme, la démocratie et la primauté du droit en République tchétchène ? en tant que partie intégrante de la Fédération de Russie ? et déplore la grave situation dans laquelle doivent encore vivre les habitants de la Tchétchénie. Cette situation, qui met à mal les valeurs communes en faveur desquelles tous les Etats membres du Conseil de l?Europe se sont engagés, appelle donc une attention soutenue de la part des autorités de la Fédération de Russie ainsi qu?une assistance de tous les organes du Conseil de l?Europe.
2. L?Assemblée se félicite de l?intention des autorités tchétchènes de créer le poste de commissaire aux droits de l?homme (médiateur) en République tchétchène afin de respecter et de promouvoir plus avant les droits de l?homme et l?Etat de droit.
3. L?Assemblée condamne l?extrême violence qui perdure en Tchétchénie et qui est malheureusement devenue là-bas le principal élément formateur de toute une génération. Les morts et les souffrances continuelles provoquées par ce conflit nécessitent, sur place, une action concertée des autorités locales, régionales et fédérales, ainsi que l?assistance de la communauté internationale des nations démocratiques, en particulier les Etats membres du Conseil de l?Europe. Le Conseil de l?Europe et ses Etats membres ne peuvent rester inactifs alors que les attaques terroristes, les tirs embusqués, les mines enterrées, les abus de la force par les services de sécurité et les opérations du crime organisé tuent des gens chaque jour en Tchétchénie et dans les républiques avoisinantes.
4. L?Assemblée condamne aussi énergiquement l?assassinat de l?ancien Président de la République tchétchène officiellement élu, M. Akhmad Kadyrov.
5. L?Assemblée condamne en outre les débordements de l?action terroriste dans d?autres entités fédérées de la Fédération de Russie, voisines de la République tchétchène. Elle condamne résolument l?acte terroriste barbare perpétré à Beslan (Ossétie du Nord), qui doit être considéré comme un crime caractérisé contre l?humanité. L?Assemblée constate avec satisfaction que la prise d?otages à l?école de Beslan fait l?objet d?une enquête de la part des autorités russes compétentes et qu?une commission parlementaire spéciale mise en place par l?Assemblée fédérale de la Fédération de Russie conduit sa propre enquête sur cet acte terroriste, enquête dont les résultats devront être rendus publics.
6. Eu égard aux déclarations répétées de leaders séparatistes tchétchènes niant tout lien avec les récents actes terroristes commis en Fédération de Russie, l?Assemblée met toutefois en doute leur sincérité, notamment alors que Maskhadov a menacé de ne plus se limiter à des actes de sabotage mais de passer à des opérations militaires de grande ampleur, comme l?a annoncé Radio Liberty en juin dernier.
7. L?Assemblée craint que la récente vague d?attaques terroristes conduise à une nouvelle escalade de la violence et à une dégradation de la situation des droits de l?homme dans la région du Caucase du Nord. Elle demande instamment à toutes les autorités concernées de ne pas répondre à la provocation par de nouvelles violences, mais d?agir de manière prudente et réfléchie, et conformément aux principes de proportionnalité et de primauté du droit.
8. L?Assemblée soutient la Déclaration sur l?attaque terroriste de Beslan et la nécessité de renforcer la coopération internationale contre le terrorisme qu?a approuvée la Commission permanente réunie à Oslo le 7 septembre 2004. A cet égard, elle invite les Etats à s?atteler plus activement et sans tarder à l?élaboration d?une convention générale du Conseil de l?Europe contre le terrorisme.
9. L?inexistence d?un Etat de droit en Tchétchénie empêche le développement sur place d?une société à visage humain et démocratique. Les institutions démocratiques y demeureront des constructions creuses et fragiles tant que les gens vivront dans un climat de peur et de misère, où règnent le crime organisé et la lutte entre chefs de bande se disputant des profits rapides, et tant que la terreur quotidienne coûtera la vie à tant de personnes. Les dirigeants politiques tchétchènes doivent donc veiller en priorité à ce que la loi soit respectée et appliquée de la même manière sur tout le territoire de la république.
10. A cette fin, le Président nouvellement élu de la République tchétchène devrait entreprendre publiquement une évaluation exhaustive du conflit qui désignerait les divers acteurs exerçant peut-être une influence dans ce conflit: les terroristes, les chefs de bande, les principaux protagonistes du crime organisé, les membres corrompus et ultraviolents des forces de sécurité ainsi que les chefs de clan et les chefs religieux, et les dirigeants politiques. Lorsque le conflit aura été ainsi balisé, les dirigeants politiques, les chefs militaires, les chefs religieux et les chefs de clan devraient chercher à définir une manière commune de réintégrer dans la société ceux qui perpétuent le conflit tchétchène ou d?élaborer des stratégies efficaces de lutte contre les violations de la loi.
11. L?Assemblée souligne le rôle essentiel des médias et l?importance de garantir la liberté d?expression dans les régions de conflit. La transparence peut aider à prévenir les violations des droits de l?homme et les médias peuvent servir de cadre à un dialogue indirect sur les moyens de régler le conflit.
12. La présence en Tchétchénie d?une grande quantité d?armements lourds et d?armes légères préoccupe beaucoup l?Assemblée, car non seulement elle facilite, mais elle cause aussi la violence quotidienne en Tchétchénie. Les forces de l?ordre devraient donc entreprendre de procéder à une collecte d?armes dans la population et les forces armées russes devraient appliquer des procédures pour prévenir efficacement le trafic d?armements lourds et d?armes légères de l?armée et de toute autre source vers les combattants tchétchènes.
13. La participation démocratique du peuple tchétchène est une condition préalable du développement de la stabilité démocratique dans la république. C?est pourquoi les pouvoirs locaux, régionaux et fédéraux devraient élaborer des programmes de bonne gouvernance et de citoyenneté démocratique. Il faudrait mettre en place à cette fin, pour réaliser un équilibre et faire contrepoids à l?exécutif, un système offrant des recours effectifs et aisément accessibles contre les abus de pouvoir de toute autorité publique. Il conviendrait d?améliorer le climat politique de la République tchétchène en y augmentant l?ouverture, la responsabilité et l?efficacité des institutions politiques, afin de renforcer la confiance des citoyens dans ces dernières.
14. L?Assemblée note que la Constitution de la République tchétchène adoptée en 2003 constitue un progrès sur la voie d?un règlement politique et de la consolidation de la société. Elle offre un cadre juridique pour un système efficace d?administration publique incluant un parlement et des autorités judiciaires.
15. L?Assemblée rend hommage aux efforts inlassables et courageux des organisations de la société civile, et aux militants des droits de l?homme qui ?uvrent pour la paix et la primauté du droit en République tchétchène, par exemple les organisations Memorial, Mothers in Chechnya for Peace et le Groupe d?Helsinki de Moscou. Toutes les institutions publiques sont appelées à soutenir leurs travaux, en particulier la Douma d?Etat de la Russie et la Douma régionale de Tchétchénie qui va être élue dans quelques mois.
16. Tout en déplorant les circonstances dans lesquelles s?est tenue l?élection présidentielle du 29 août 2004 en République tchétchène, qui n?a pas rempli les conditions essentielles requises pour être qualifiée de démocratique, l?Assemblée estime que le Conseil de l?Europe doit néanmoins être prêt à aider le Président tchétchène et son gouvernement dans les efforts qu?ils déploient pour renforcer les droits de l?homme, la démocratie et la primauté du droit. Le défi à venir le plus important que rencontrera le nouveau gouvernement sera de s?assurer le soutien de la population, notamment dans les milieux qui s?estiment dépossédés. L?Assemblée réaffirme sa conviction qu?un gouvernement ne peut obtenir la confiance et le soutien publics que s?il respecte les droits de l?homme, la démocratie et la primauté du droit.
17. L?Assemblée espère que les élections parlementaires en République tchétchène prévues pour le début de 2005 apporteront la nécessaire légitimité. Elle est convaincue que si ces élections doivent apporter cette légitimité, il sera indispensable d?améliorer considérablement la situation en matière de droits de l?homme et de sécurité. Toutes les autorités concernées par les préparatifs et l?organisation de ces élections devront respecter les normes démocratiques reconnues en la matière dans chaque Etat membre du Conseil de l?Europe. Toutes les forces politiques de Tchétchénie devront solliciter leur soutien populaire en participant à ces élections et tous les citoyens de Tchétchénie devront être encouragés à exprimer leur choix politique en allant voter.
18. On entend partout des rumeurs inquiétantes quant aux niveaux considérables de la corruption et du détournement de fonds publics en République tchétchène. Lorsque ce type de comportement criminel a atteint un haut degré d?organisation et d?intensité, les structures criminelles deviennent une menace pour l?autorité des organismes étatiques et pour celle de l?Etat lui-même. Aussi faut-il que les autorités compétentes intensifient leur lutte contre la corruption et contre le crime organisé. Elles doivent être guidées en cela par les conventions pertinentes du Conseil de l?Europe.
19. L?Assemblée demande à la Fédération de Russie:
19.1. d?adhérer à l?Accord du Conseil de l?Europe instituant le Groupe d?Etats contre la corruption (GRECO), ce en quoi elle prouvera sa volonté politique de lutter contre la corruption et contre le crime organisé;
19.2. de reconnaître et de renforcer l?usage de la langue tchétchène dans la vie publique en Tchétchénie.
20. L?Assemblée invite instamment le Gouvernement russe à veiller à ce que les mesures de lutte contre le terrorisme prises ou prévues soient conformes aux normes en matière de droits de l?homme et au droit humanitaire, et notamment à la Convention européenne des Droits l?Homme, aux Conventions de Genève et aux Lignes directrices du Conseil de l?Europe sur les droits de l?homme et la lutte contre le terrorisme.
21. L?Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l?Europe d?analyser l?efficacité du programme actuel d?assistance et de coopération avec la Fédération de Russie en ce qui concerne la République tchétchène et de renforcer les travaux des directions générales opérationnelles du Conseil de l?Europe pour ce qui est de la Tchétchénie.
22. L?Assemblée demande au commissaire du Conseil de l?Europe pour les droits de l?homme de coopérer étroitement avec les institutions pour les droits de l?homme et les organisations non gouvernementales travaillant en République tchétchène.
23. L?Assemblée demande à l?Organisation des Nations Unies, à l?Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et à l?Union européenne de suivre de près la situation politique et celle des droits de l?homme en République tchétchène. Elle demande en outre à l?Union européenne de coopérer avec le Conseil de l?Europe afin de promouvoir la démocratie et la primauté du droit en Tchétchénie, par exemple au moyen de programmes spécifiques d?action commune.
24. L?Assemblée décide de s?occuper activement de cette question et de suivre l?évolution de la situation en République tchétchène s?agissant des droits de l?homme, de la démocratie et de la primauté du droit. A cette fin, elle charge sa commission des questions politiques de créer une table ronde pour l?organisation d?un échange de vues avec les partis politiques et les membres de la classe politique locale, et les autorités fédérales russes, tout en étant consciente que les personnes qui refusent de reconnaître l?intégrité territoriale de la Fédération de Russie et qui acceptent le terrorisme comme un moyen d?atteindre leurs buts ne sauraient participer à cet échange de vues.
25. L?Assemblée estime que d?autres propositions visant à favoriser un règlement du conflit devraient être également examinées, par exemple par un effort concerté de la communauté internationale pour soutenir la reconstruction dans les régions frappées par le conflit armé dans le Caucase.