Imprimer
Autres documents liés

Recommandation 1687 (2004)

Combattre le terrorisme par la culture

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - (voir Doc. 10341, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: M. Sudarenkov). Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 23 novembre 2004

1. Face à la menace croissante du terrorisme dans le monde, l’Assemblée parlementaire insiste sur la nécessité d’une approche globale de lutte contre le terrorisme, alliant les méthodes culturelles aux méthodes politiques, économiques, juridiques et sociales. Il ne s’agit pas ici de confondre le terrorisme aveugle dont sont victimes des innocents avec ce qui n’est parfois qu’un acte de résistance à l’oppression et à la violation des droits de l’homme.
2. La culture sous tous ses aspects – art, patrimoine, religion, médias, science, enseignement, jeunesse et sport – peut jouer un grand rôle pour prévenir le développement d’une mentalité terroriste, pour dissuader les terroristes éventuels et pour les couper de tout soutien plus vaste. Son importance à cet égard est néanmoins fréquemment sous-estimée.
3. Toute action culturelle contre le terrorisme repose sur la compréhension des relations complexes et délicates entre le terrorisme et son contexte culturel.
4. L’Assemblée est résolument opposée à toute tentative de qualifier de terroriste telle culture mondiale, nationale, régionale ou locale. En même temps, dans certaines conditions, n’importe quelle société est capable de secréter du terrorisme. L’interprétation extrémiste de certains éléments d’une culture ou d’une religion particulière, tels le martyre héroïque, le sacrifice, l’apocalypse ou la guerre sainte, ainsi que les idéologies laïques (nationalistes et révolutionnaires) peuvent aussi être invoquées pour justifier des actes terroristes.
5. De plus en plus, toutefois, la culture devient aussi une cible du terrorisme. Au-delà des dégâts matériels et de la destruction des monuments, temples ou symboles d’une culture et d’un mode de vie donnés, les actes terroristes visent l’identité culturelle d’un peuple ou d’une population et endommagent un patrimoine culturel commun à tous les peuples du monde.
6. La mondialisation et la société de l’information permettent des contacts et une interaction sans précédent entre les peuples, les idées et les cultures. Certains de leurs aspects sont cependant de nature à favoriser le terrorisme et les idéologies qui le prônent de plusieurs manières:
6.1. le fossé s’élargit entre pays riches et pays pauvres, peuples riches et peuples pauvres. La pauvreté, l’oppression, le non-respect des droits de l’homme, le sentiment d’injustice et l’absence de perspectives meilleures offrent un terreau fertile à toutes sortes de violences;
6.2. la domination planétaire de la culture occidentale dans ses formes les plus commerciales, fondées sur la violence, l’argent et le sexe, est perçue par les sociétés traditionnelles comme profondément offensante et en contradiction totale avec les normes démocratiques élevées que cette culture est censée refléter;
6.3. le village mondial créé par les médias modernes et l’Internet assure aux actes terroristes une publicité qu’ils n’ont jamais eue dans le passé. Ces actes apparaissent donc, aux yeux des extrémistes, comme le moyen le plus efficace et le plus «rentable» de faire passer leur message;
6.4. les technologies modernes de l’information ont également permis de bien meilleures communication et connexion entre les groupes terroristes, qui conduisent à une nouvelle forme de terrorisme international ayant une dimension «a-territoriale» et «a-culturelle», même si ces groupes revendiquent une affiliation à un territoire ou à une culture donnés;
6.5. la dépendance vis-à-vis des technologies de l’information a entraîné l’apparition du cyberterrorisme, qui menace le fonctionnement de la société moderne par la manipulation des systèmes informatiques.
7. L’Assemblée apprécie une couverture médiatique des actes terroristes et un traitement du débat public sur le terrorisme responsables, et encourage les professionnels des médias à poursuivre les discussions sur la déontologie à respecter.
8. Une plus grande acceptation du terrorisme dépend du seuil de tolérance à la violence comme mode de résolution des conflits dans la société en général, ce que déplore l’Assemblée.
9. Il devient vital de considérer l’enseignement sous l’angle non seulement quantitatif, mais aussi qualitatif, comme mode de transmission non seulement du savoir mais également des valeurs, et comme moyen de développer un esprit critique. L’enseignement devrait aussi offrir la possibilité aux individus de participer pleinement au développement d’une société démocratique juste et équitable, dans laquelle le terrorisme n’a aucune place.
10. Il incombe également à l’enseignement d’améliorer la compréhension mutuelle entre les différents groupes et cultures. Toute action culturelle ayant pour but de combattre le terrorisme doit viser principalement à créer une culture de tolérance, de dialogue, de compréhension, de respect et de pluralisme. Cela permettra de réduire l’aura héroïque des terroristes et contribuera à éradiquer l’acceptation de leurs actes dans l’opinion.
11. L’Assemblée note que plusieurs projets du Conseil de l’Europe sont allés dans ce sens, par exemple ceux sur l’éducation à la citoyenneté démocratique, sur l’enseignement de l’histoire, sur la lutte contre la violence, sur le dialogue interculturel et sur la prévention des conflits. Elle se félicite aussi de la Déclaration sur le dialogue interculturel et la prévention des conflits, adoptée par les ministres européens de la Culture à Opatija, le 22 octobre 2003, de la Déclaration sur l’éducation interculturelle dans le nouveau contexte européen, adoptée par les ministres européens de l’Education à Athènes, le 12 novembre 2003, et des travaux en cours relatifs à une déclaration sur la liberté d’expression et d’information dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Il faut cependant que les différents secteurs de l’Organisation mènent à cet égard une action approfondie et mieux concertée.
12. L’Assemblée recommande donc au Comité des Ministres:
12.1. d’inclure les dispositions pertinentes sur le rôle de la culture dans une future convention générale du Conseil de l’Europe contre le terrorisme, comme cela a déjà été recommandé par l’Assemblée;
12.2. de coordonner l’action des organes du Conseil de l’Europe s’occupant de lutte contre le terrorisme et de culture;
12.3. d’organiser une conférence européenne sur la lutte contre le terrorisme par la culture, avec la participation d’autres organismes européens et internationaux;
12.4. de faire figurer le dialogue interculturel et interreligieux et la prévention des conflits parmi les principaux domaines d’activité du Conseil de l’Europe, et de prendre des dispositions à cette fin dans le plan d’action ainsi que dans la déclaration finale à adopter par le 3e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe;
12.5. de mettre en œuvre ou de renforcer des projets visant:
a. à encourager la réflexion et la recherche sur le terrorisme et la culture, afin de mieux comprendre et étudier les causes et l’évolution du terrorisme;
b. à élaborer des programmes d’enseignement ayant pour but de mieux faire connaître les différentes cultures et religions, et à veiller à ce qu’ils dépassent la dimension européenne;
c. à poursuivre ses travaux sur l’enseignement de l’histoire et la révision des manuels scolaires, et à les étendre aux pays voisins de l’Europe, afin de réduire les préjugés et les stéréotypes, et d’éliminer les incitations au terrorisme;
d. à favoriser le débat sur le terrorisme au sein de la jeune génération; à soutenir le travail international de jeunesse comme un moyen de concrétiser le dialogue interculturel; à développer davantage les projets des jeunes sur la prévention des conflits et la promotion d’une culture de paix;
e. à développer l’éducation aux droits de l’homme et l’éducation à la citoyenneté, créant ainsi une meilleure compréhension des droits de l’homme et des moyens de les protéger;
f. à faire en sorte que, dans leur politique relative aux médias et à l’Internet, les Etats trouvent un juste équilibre entre la protection des droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme;
g. à garantir dans tous les Etats membres un cadre juridique et politique approprié pour la libre expression et la véritable représentation de toutes les opinions, de tous les points de vue politiques, de toutes les croyances religieuses et de toutes les minorités culturelles;
h. à développer les activités culturelles intercommunautaires afin d’atténuer les tensions entre communautés;
i. à favoriser la compréhension et la tolérance en encourageant la diffusion d’œuvres culturelles et audiovisuelles d’autres régions du monde, et en soutenant la mobilité et les échanges d’artistes, d’«auteurs de performances», d’universitaires et de scientifiques;
12.6. de concevoir des projets culturels ciblés sur certaines régions critiques d’Europe où il existe des tensions et un danger de terrorisme;
12.7. de soutenir et de favoriser l’élaboration d’instruments internationaux relatifs à la diversité culturelle, à la coopération et au dialogue;
12.8. d’intensifier le dialogue et la coopération culturelle entre les pays européens et leurs voisins, conformément à la Résolution 1313 (2003) et à la Recommandation 1590 (2003) de l’Assemblée sur la coopération culturelle entre l’Europe et les pays du sud de la Méditerranée.