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Résolution 1415 (2005)

Respect des obligations et engagements de la Géorgie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 janvier 2005 (1re séance) (voir Doc. 10383, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), corapporteurs : MM. Eörsi et Kirilov). Texte adopté par l’Assemblée le 24 janvier 2005 (1re séance).

1. Un an après leur arrivée au pouvoir, les nouvelles autorités géorgiennes sont toujours fermement déterminées à mener des réformes de grande ampleur dans les domaines politique, juridique, social et économique. Elles continuent de bénéficier d’un large soutien de la part de la population et de la communauté internationale. Les résultats dont elles ont pu se prévaloir jusqu’à présent, notamment la réintégration pacifique de l’Adjarie, sont encourageants, mais les autorités devraient maintenir, et même accélérer, le rythme des réformes, pour respecter les normes et principes du Conseil de l’Europe. L’Assemblée parlementaire constate avec satisfaction les progrès réalisés par les autorités géorgiennes en matière de lutte contre la corruption, de réforme des forces de police et de protection de la liberté de religion. Elle se félicite également de l’élection du nouveau médiateur, de la création de groupes de suivi civils dans les commissariats de police de tout le pays, de l’harmonisation de la législation relative aux médias avec les normes du Conseil de l’Europe, de la complète dépénalisation de la diffamation et des mesures prises en vue de transformer la télévision d’Etat en un service public de radiodiffusion.
2. Le gouvernement s’efforce de mener des réformes alors que la situation reste instable en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Les corapporteurs comprennent bien les problèmes auxquels les autorités doivent faire face à cause de la persistance des conflits avec les deux régions sécessionnistes. Ils demandent au Gouvernement géorgien de continuer à faire preuve de retenue et à chercher une solution politique pacifique. Par ailleurs, il est essentiel que les autorités persévèrent dans la voie des réformes politiques et économiques. Une Géorgie prospère, ouverte, tolérante et démocratique offre la meilleure chance de sortir pacifiquement de la confrontation actuelle avec les régimes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, et de restaurer l’intégrité territoriale du pays.
3. A cet égard, l’Assemblée est encouragée par la proposition de plan de paix pour les deux régions sécessionnistes lancée par le Président Saakashvili. Elle appelle les autorités géorgiennes à en négocier les termes avec les représentants de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, lesquels ne devraient laisser passer aucune occasion de mettre un terme à ces deux conflits – qui n’ont que trop duré – et à leurs conséquences dommageables pour tous les citoyens de Géorgie. L’Assemblée invite également la Fédération de Russie à faire tout son possible pour soutenir le processus de paix et le rétablissement de l’intégrité territoriale de la Géorgie.
4. En respectant pleinement les obligations qui lui incombent en tant qu’Etat membre, la Géorgie renforcera sa stabilité politique et sa sécurité démocratique. La liste des engagements restants comporte des obligations en rapport avec la quasi-totalité des grands défis auxquels les autorités géorgiennes sont confrontées aujourd’hui – de la lutte contre la corruption jusqu’aux efforts visant à restaurer l’intégrité territoriale de la Géorgie par des moyens pacifiques, en passant par la protection des droits de l’homme et des droits des minorités, et la réforme du système judiciaire.
5. Dans sa Résolution 1363, adoptée en janvier 2004, l’Assemblée parlementaire a témoigné son soutien et sa compréhension au nouveau gouvernement en convenant de revoir les délais dans lesquels les autorités doivent respecter les engagements pris lors de l’adhésion de la Géorgie au Conseil de l’Europe. Ces délais sont énumérés dans le paragraphe 9 ci-dessous. L’Assemblée tient à bien préciser d’emblée qu’ils ne pourront être renégociés et qu’elle attend du Gouvernement géorgien qu’il honore dorénavant ses promesses en totalité et à temps.
6. L’étendue de la corruption et de l’anarchie qui régnaient en Géorgie sous l’ancien gouvernement explique le caractère extraordinaire de la transition – la révolution des roses. Un an plus tard, l’heure est venue de normaliser la situation et de replacer le processus politique dans le cadre institutionnel du pays. La situation postrévolutionnaire ne doit pas servir d’alibi à des décisions précipitées et à un laxisme sur le plan de la démocratie et des droits de l’homme. La priorité est l’édification d’un socle solide et durable, sur lequel puisse reposer une Géorgie stable, prospère et démocratique pour les générations à venir.
7. La révolution des roses et les deux consultations électorales qui ont suivi, considérées dans l’ensemble comme libres et équitables par les observateurs internationaux, ont abouti à la formation d’un gouvernement très fort, ce qui peut être un atout pour faire face aux problèmes politiques, économiques et sécuritaires du pays ; encore faut-il que ce gouvernement fort aille de pair avec un système de freins et contrepoids démocratiques qui fonctionne efficacement. Ce n’est pas encore le cas. Aujourd’hui, la Géorgie se caractérise par un régime semi-présidentiel, avec un Président investi de pouvoirs considérables, une opposition parlementaire faible, une société civile affaiblie, un système judiciaire qui n’est pas encore suffisamment viable et indépendant, une démocratie locale sous-développée ou inexistante, des médias qui s’autocensurent et un modèle d’autonomie en Adjarie qui laisse à désirer.
8. C’est pourquoi l’Assemblée demande aux autorités de créer les conditions nécessaires à la mise en place et au fonctionnement d’un système puissant et efficace de contre-pouvoirs démocratiques. Les autorités devraient se montrer ouvertes au dialogue ainsi qu’aux conseils, et engager des discussions publiques sur les voix critiques. Dans les circonstances actuelles, c’est une des clés du succès des réformes.
9. Après avoir consulté les autorités géorgiennes, l’Assemblée fixe les délais suivants pour le respect des obligations et engagements de la Géorgie, et demande aux autorités :
en ce qui concerne les conventions du Conseil de l’Europe :
a. de signer et de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, avant septembre 2005 ;
b. de ratifier la Charte sociale européenne révisée et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, avant septembre 2005 ;
en ce qui concerne les questions constitutionnelles :
a. de s’engager à créer une deuxième chambre parlementaire, pour que les régions autonomes soient représentées au niveau de l’Etat, à l’issue de la réintégration politique et administrative de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie au sein de la Géorgie ;
b. de revoir le modèle d’autonomie récemment adopté pour l’Adjarie dans le contexte de la réforme territoriale et administrative de la Géorgie, dans le sens indiqué par l’avis de la Commission de Venise ;
en ce qui concerne la population meskhète: de créer sans plus attendre les conditions juridiques, administratives et politiques nécessaires pour pouvoir engager sous peu le processus de rapatriement, en vue de l’achever d’ici à l’année 2011 ;
en ce qui concerne les conflits de 1990 à 1994 :
a. d’adopter un cadre juridique garantissant la restitution des droits de propriété et des droits de location, ou le dédommagement pour les pertes patrimoniales subies au cours de ces conflits d’ici à septembre 2005 ;
b. de garantir aux personnes déplacées à l’intérieur du pays les mêmes droits qu’au reste de la population, notamment en matière d’emploi et de logement ;
en ce qui concerne l’autonomie locale: d’achever les réformes territoriale et administrative suffisamment tôt avant les prochaines élections locales, notamment en ce qui concerne l’élection de tous les maires, et de veiller à ce qu’elles soient conformes à la Charte européenne de l’autonomie locale ;
en ce qui concerne le fonctionnement de la justice et de la police :
a. d’achever la réforme du système judiciaire, du Bureau du procureur général et de la police, dans le respect scrupuleux des normes du Conseil de l’Europe et en étroite collaboration avec les experts de l’Organisation ;
b. avant l’entrée en vigueur des récents amendements constitutionnels relatifs à la nomination des juges de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle de Géorgie, de consulter les experts du Conseil de l’Europe pour s’assurer de leur compatibilité avec ses normes et ses principes. L’Assemblée craint particulièrement que certains des changements proposés, notamment le droit exclusif conféré au Président de désigner les candidats à la fonction de juge, conjugué à la disposition selon laquelle tous les juges actuellement en exercice seront relevés de leurs fonctions à l’entrée en vigueur des nouvelles règles, mais aussi la possibilité que les juges puissent servir deux mandats consécutifs au lieu d’être limités à un seul mandat, aient une incidence défavorable sur l’indépendance de ces institutions judiciaires d’une importance cruciale ;
en ce qui concerne la lutte contre la corruption : d’intensifier les efforts visant à éradiquer ce phénomène, en prenant des mesures structurelles de longue durée, conformément aux recommandations du GRECO et dans le plein respect des droits de l’homme et du principe de la prééminence du droit ;
en ce qui concerne les droits de l’homme et le principe de la prééminence du droit :
a. de revoir d’un œil critique la procédure du plea bargaining, qui, sous sa forme actuelle, permet à des délinquants présumés d’utiliser le produit de leur crime pour éviter la prison, et risque d’être mise en œuvre de manière arbitraire et abusive, voire pour des motifs politiques ;
b. d’envisager de prendre des mesures d’urgence pour lutter contre le grave problème du surpeuplement des établissements pénitentiaires et des centres de détention provisoire, y compris en amnistiant des détenus appartenant à des catégories vulnérables, telles que les malades, les jeunes et les personnes âgées, en élargissant les critères d’application des peines non privatives de liberté et en développant le recours à ces peines, et en recourant plus largement aux mesures de substitution à la détention provisoire ;
c. d’éradiquer la «culture de la violence» qui se perpétue dans les prisons et les centres de détention provisoire de Géorgie, et recouvre des incidents de torture et mauvais traitements par des agents des forces de l’ordre, en prenant des mesures préventives efficaces, en menant systématiquement une enquête sur toute allégation de violence, y compris en procédant sans tarder à un examen médical et en réprimant sévèrement les violences avérées ;
d. d’éradiquer immédiatement toute forme de torture.
10. L’Assemblée rappelle que la décision de revoir les délais des engagements contractés par la Géorgie a été prise en janvier 2004 en raison des événements extraordinaires qui se sont produits dans le pays. En conséquence, cette décision ne peut nullement constituer un précédent pour revoir les délais fixés par l’Assemblée dans ses avis concernant l’adhésion d’autres pays membres.
11. Dans le but de renforcer le mécanisme des freins et contrepoids démocratiques, l’Assemblée demande aux autorités géorgiennes de revoir les changements constitutionnels de février 2004, en tenant compte de l’avis de la Commission de Venise, notamment en ce qui concerne les pouvoirs considérables du Président. Avant les prochaines élections législatives, elles devraient aussi abaisser le seuil de 7 % qu’un parti doit atteindre pour être représenté au parlement, afin de créer les conditions nécessaires à la formation d’un parlement pluraliste et véritablement représentatif.
12. Enfin, l’Assemblée encourage les autorités géorgiennes à intensifier leurs efforts visant à résoudre de manière pacifique et politique les conflits qui perdurent avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Dans le même temps, elle invite la Fédération de Russie à user de sa grande influence pour soutenir ces efforts et aider à créer les conditions nécessaires pour garantir une large autonomie à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie, et pour rétablir l’intégrité territoriale de la Géorgie. L’Assemblée se réjouit du dialogue parlementaire bilatéral instauré récemment entre les autorités russes et géorgiennes, et propose ses bons offices, en vue de contribuer à rendre cette initiative fructueuse.
13. L’Assemblée convient de continuer à mener sa procédure de suivi et de vérifier que la Géorgie a respecté ses obligations et engagements en octobre 2005.