Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1438 (2005)

La liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes dans les zones de conflits

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 avril 2005 (14e séance) (voir Doc. 10521, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur : M. Jarab). Texte adopté par l’Assemblée le 28 avril 2005 (14e séance).

1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelle l’importance de la liberté d’expression et d’information dans les médias pour les sociétés démocratiques et pour toute personne. Cette liberté constitue une valeur fondamentale, garantie partout en Europe par la Convention européenne des Droits de l’Homme. Une situation de guerre ou de conflit ne supprime pas la nécessité de la diffusion d’informations adéquates par les médias ; bien au contraire, elle la rend plus impérieuse encore.
2. Les journalistes en reportage dans des zones à risque, telles que des zones de guerre ou de conflit, ou des zones de non-droit, sont souvent confrontés à des conditions de travail difficiles et dangereuses, et sont même parfois largement et systématiquement pris pour cibles par des groupes terroristes cherchant à attirer l’attention des médias, comme actuellement en Irak. Dans certaines circonstances, il convient donc de mettre en balance, d’une part, la liberté d’expression et d’information, et, d’autre part, d’autres considérations fondamentales, notamment les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité, pour les journalistes. Il ne faut pas transiger sur la protection de ces droits sous prétexte que la loi du marché exigerait davantage de reportages en provenance des zones à risque et que le public serait de plus en plus avide de reportages à sensation.
3. L’Assemblée déplore la multiplication des assassinats, enlèvements et disparitions de journalistes travaillant dans des zones de conflit ou sur des sujets sensibles, et considère ceux-là comme des atteintes particulièrement graves à la liberté d’expression et d’information dans les médias. La large publicité offerte aux enlèvements de journalistes et l’acceptation des demandes des ravisseurs, tel le versement de sommes importantes, augmentent considérablement les risques pour les reporters travaillant dans des zones dangereuses et limitent ainsi la possibilité, pour le public, d’être informé correctement.
4. Préoccupée par la situation de la liberté d’expression et d’information dans les médias en Irak, l’Assemblée déplore le grand nombre de décès et de disparitions de journalistes survenus dans ce pays, et le maintien en détention de Florence Aubenas, Hussein Hanoun al-Saadi, Sorin Dumitru Miscoci, Marie-Jeanne Ion et Eduard Ovidiu Ohanesian. Elle demande la libération immédiate des otages.
5. L’Assemblée rend hommage aux organisations non gouvernementales comme l’International News Safety Institute, l’International Press Institute, Reporters sans frontières, la Fédération internationale des journalistes, Article 19 et l’Institute for War & Peace Reporting, qui apportent une aide et des conseils aux journalistes travaillant dans des situations dangereuses et des zones de conflit.
6. Se félicitant de l’élaboration, à l’initiative de Reporters sans frontières, de la Charte sur la sécurité des journalistes en zones de conflit ou de tension, l’Assemblée rappelle l’importance de n’envoyer dans ces régions que des journalistes expérimentés et bien préparés, qui partent de leur plein gré, de leur fournir le matériel de sécurité, de communication et de premiers secours dont ils ont besoin, de leur apporter une aide psychologique à leur retour, et de les faire bénéficier d’une assurance couvrant la maladie, les blessures, le rapatriement, l’invalidité et le décès.
7. L’Assemblée rappelle et réaffirme que les journalistes doivent être considérés comme des civils, en vertu de l’article 79 du Protocole additionnel (I) aux Conventions de Genève de 1949, à condition qu’ils n’entreprennent aucune action qui porte atteinte à leur statut de personnes civiles et sans préjudice du droit, pour les correspondants de guerre accrédités auprès des forces armées, de bénéficier du statut prévu par l’article 4.A.4 de la Convention (III) de Genève, une fois tombés sous le pouvoir de l’ennemi.
8. Rappelant la Déclaration du Comité des Ministres et sa Recommandation no R (96) 4 sur la protection des journalistes en situation de conflit et de tension, l’Assemblée invite tous les Etats membres et observateurs à se conformer pleinement à ces dispositions et notamment :
à respecter le droit à la liberté d’expression et d’information ;
à ne pas restreindre l’utilisation des dispositifs de communication, tels que les téléphones fixes ou mobiles, les téléphones satellites et les appareils de radiocommunication ;
à donner des instructions à leurs forces armées et à leurs forces de police pour qu’elles apportent une assistance et une protection aux journalistes ;
à faciliter l’accès des journalistes au territoire de leur destination en leur délivrant les visas et les autres documents de voyage nécessaires ;
à respecter la confidentialité des sources utilisées par les journalistes.
9. Tous les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe sont appelés :
à faire en sorte que les journalistes puissent travailler en toute sécurité sur leur territoire ;
à enquêter sur tous les actes de violence ou les incidents mortels dont sont victimes des journalistes, survenus sur leur territoire, ainsi qu’à l’étranger lorsque leurs forces armées ou de sécurité peuvent y avoir été impliquées, y compris en cas d’incidents dus à des tirs amis.
10. En outre, l’Assemblée appelle les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe à mettre en place des programmes obligatoires de formation et d’information pour les correspondants de guerre intégrés dans les forces armées, ces programmes devant se dérouler avant le départ.
11. Les médias devraient indiquer clairement au public quels reportages ont été réalisés par des correspondants de guerre intégrés dans les forces armées ou de sécurité.
12. L’Assemblée souligne que, si, pour leur propre sécurité, les journalistes qui sont intégrés dans les forces armées ou de sécurité ne peuvent travailler que dans certaines zones, les restrictions à leurs reportages doivent être réduites au strict minimum requis pour éviter la divulgation d’informations confidentielles susceptibles de compromettre les opérations militaires en cours.
13. Les employeurs et les organisations professionnelles de journalistes devraient organiser des cours pour préparer les journalistes aux risques dans les zones de conflit. Les médias devraient déclarer publiquement qu’aucune rançon ne sera versée aux ravisseurs, qu’aucune concession politique ne leur sera accordée et que les déclarations politiques de journalistes pris en otage sont faites sous la contrainte et n’ont donc aucune valeur.
14. Tous les journalistes et leurs employeurs sont encouragés à adhérer à la Charte sur la sécurité des journalistes en zones de conflit ou de tension, élaborée par Reporters sans frontières.
15. Se référant à la Déclaration du Comité des Ministres sur la protection des journalistes en situation de conflit et de tension du 3 mai 1996, l’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’accorder une attention particulière au sort des journalistes en situation de conflit et de tension, et à suivre régulièrement les cas des journalistes disparus, détenus, blessés ou tués dans l’exercice de leur profession dans des Etats membres ou observateurs, ou dans le cadre d’opérations militaires ou de maintien de la paix menées à l’étranger par des Etats membres ou observateurs du Conseil de l’Europe.