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Recommandation 1706 (2005)

Médias et terrorisme

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 20 juin 2005 (17e séance) (voir Doc. 10557, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur : M. Jarab). Texte adopté par l’Assemblée le 20 juin 2005 (17e séance).

1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe considère que le terrorisme ne doit pas affecter la liberté d’expression et d’information dans les médias en tant qu’un des fondements essentiels de toute société démocratique. Cette liberté comprend le droit du public à être informé des questions d’intérêt général, notamment des actes et des menaces terroristes, et des réponses qui y sont données par l’Etat et les organisations internationales.
2. Les actes terroristes sont des actes qui visent à faire naître la terreur, la peur ou le chaos dans le public. La propagation de tels sentiments dépend largement des images et des messages véhiculés par les reportages réalisés sur les actes et les menaces terroristes. L’omniprésence des médias à l’échelle mondiale accentue fréquemment ces effets de manière disproportionnée.
3. L’Assemblée rappelle sa Résolution 1271 (2002) et sa Recommandation 1550 (2002) sur la lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’homme, et réaffirme que le fait de combattre le terrorisme ne doit pas servir de prétexte à une restriction des libertés et des droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des Droits de l’Homme et par les textes juridiques du Conseil de l’Europe qui en découlent. A cet égard, elle soutient les Lignes directrices sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme adoptées le 11 juillet 2002 par le Comité des Ministres.
4. En s’appuyant sur la Déclaration du Comité des Ministres – faite le 2 mars 2005 – sur la liberté d’expression et d’information dans les médias dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l’Assemblée insiste sur le fait que l’on ne peut invoquer l’article 15 de la Convention européenne des Droits de l’Homme dans les affaires de terrorisme pour restreindre cette liberté au-delà des limitations prévues à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention, étant donné que l’action terroriste ne peut ni être considérée comme relevant de la guerre au sens juridique, ni mettre en danger la vie d’une nation démocratique.
5. L’Assemblée juge nécessaire que le public et les médias aient conscience du fait que les terroristes, à travers leur action, s’adressent au public et utilisent par conséquent les médias de manière à avoir le plus fort impact possible. Cela est d’autant plus important que les terroristes ont appris à se servir des technologies de l’information dans le but de disséminer leurs propres enregistrements audiovisuels, messages électroniques ou sites web sur l’Internet, ce qui oblige les Etats et les médias à réagir en conséquence.
6. Afin de respecter la vie privée et la dignité humaine des victimes d’actes terroristes et de leur famille, l’Assemblée souligne l’importance d’une information complète du public au sujet de tels actes, notamment en ce qui concerne la souffrance qu’ils infligent et le contexte socioculturel et politique dans lequel ils s’inscrivent. Un débat public approfondi, ayant pour objet des actes de terrorisme concrets, peut aboutir à l’élaboration de réponses adaptées au problème et décourager des gens qui envisageraient de rejoindre un groupe terroriste.
7. L’Assemblée fait confiance à la capacité de la culture et du système politique de l’Europe, de même qu’à celle de ses citoyens, hommes et femmes politiques, et journalistes, pour éviter les reportages traitant du terrorisme de manière sensationnaliste.
8. L’Assemblée invite les professionnels des médias :
à élaborer, dans le cadre de leurs organisations professionnelles, un code de conduite à l’attention des journalistes, photographes et rédacteurs en chef travaillant sur des actes ou menaces terroristes, afin de tenir le public informé sans contribuer de manière indue à l’impact du terrorisme ;
à mettre en place des formations destinées aux professionnels des médias, de façon à ce qu’ils aient davantage conscience du caractère sensible des reportages sur le terrorisme ;
à coopérer, par l’intermédiaire par exemple de leurs organisations professionnelles, pour éviter de se lancer dans une course à l’information et aux images sensationnalistes, qui revient à jouer le jeu des terroristes ;
à éviter de servir les intérêts des terroristes en exacerbant le sentiment de peur généralisée que peuvent créer leurs actions ou bien en leur offrant une tribune de choix ;
à s’interdire de publier des photos choquantes ou de diffuser des images d’actes terroristes qui violent la vie privée et la dignité humaine des victimes ou qui contribuent à accentuer la terreur qu’inspirent de tels actes au public ainsi qu’aux victimes et à leur famille ;
à ne pas aggraver, par les nouvelles et les commentaires qu’ils rendent publics, les tensions sociales qui sous-tendent le terrorisme, et en particulier à ne pas répercuter un discours de haine, quel qu’il soit.
9. L’Assemblée demande à tous ses membres ainsi qu’à ses délégations d’observateurs de tenir compte de cette recommandation dans le travail mené à l’échelon national et d’organiser un débat sur la question au niveau de leurs parlements nationaux respectifs.
10. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres de demander aux Etats membres et observateurs :
d’informer régulièrement le public et les médias de l’action du gouvernement et des stratégies adoptées pour combattre le terrorisme et ses causes ;
de s’abstenir d’interdire ou même de restreindre indûment la diffusion dans les médias d’informations et d’opinions traitant du terrorisme ou de la réaction des autorités à des actes ou menaces terroristes, sous le prétexte de lutter contre le terrorisme ;
d’informer, à leur demande, les médias traitant du terrorisme de la situation sécuritaire spécifique à chaque contexte, afin d’éviter que des journalistes enquêtant sur le terrorisme soient exposés, sans raison, aux dangers que représentent des terroristes ou une action antiterroriste menée par des autorités d’Etat ;
d’inclure dans leurs programmes scolaires des cours d’éducation aux médias, de manière à encourager une approche critique et approfondie de leur contenu, tout en sensibilisant suffisamment tôt les citoyens à l’horreur que constituent les actes terroristes ;
d’établir une coopération entre leurs autorités judiciaires et de police pour empêcher la diffusion par des terroristes d’images et de messages illégaux sur Internet ;
d’appliquer aux messages à contenu terroriste le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, dès lors que ceux-ci préconisent ou encouragent la haine ou la violence à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de la race, de la couleur, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique, ou de la religion, dans la mesure où cette dernière sert de prétexte à l’un ou l’autre de ces éléments.
11. L’Assemblée demande au Comité des Ministres :
de surveiller la façon dont est traité le terrorisme dans les médias européens, notamment à la lumière de sa Déclaration sur la liberté d’expression et d’information dans les médias dans le contexte de la lutte contre le terrorisme ;
de préparer, conseillé en cela par les professionnels des médias et leurs organisations professionnelles, et en coopération avec eux ainsi qu’avec l’UNESCO et d’autres organisations travaillant dans le même domaine, un manuel à l’attention des journalistes qui effectuent des reportages sur des actions terroristes et la violence ;
de commencer à élaborer un protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, qui fixe un cadre à la coopération en matière de sécurité entre Etats membres et observateurs en matière de lutte contre le cyberterrorisme, lequel pourrait prendre la forme d’attaques à grande échelle sur et par des systèmes informatiques, et menacerait alors la sécurité nationale d’un Etat, la sûreté publique ou le bien-être économique du pays.