Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1457 (2005)

Suivi de la Résolution 1359 (2004) sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 22 juin 2005 (21e séance) (voir Doc. 10564, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Bruce).

1. Depuis 2001, année de l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, l’Assemblée parlementaire a examiné la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan à trois reprises, en janvier 2002, en juin 2003 et en janvier 2004. Dans sa Résolution 1359 (2004), elle «demande formellement au Gouvernement azerbaïdjanais la libération immédiate pour raisons humanitaires des prisonniers politiques dont l’état de santé est très critique, des prisonniers dont les jugements sont entachés d’illégalité, des prisonniers ayant été des activistes politiques ou des membres éminents de précédents gouvernements, et des membres de leur famille, des amis ou des personnes qui leur étaient liés (…) [ainsi que des] prisonniers politiques restants déjà identifiés dans la liste des experts».
2. Depuis l’adoption de la Résolution 1359 (2004), le Président de la République d’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, a signé six décrets de grâce, respectivement les 17 mars, 10 mai, 3 septembre et 29 décembre 2004, et les 20 mars et 20 juin 2005. Ces décrets ont permis la libération de 52 prisonniers politiques et de 93 prisonniers politiques présumés, parmi lesquels 3 personnalités politiques de haut rang – Suret Huseynov, ancien Premier ministre, Raqim Gaziyev, ancien ministre de la Défense, et Alikram Gumbatov – et 7 membres emblématiques de l’opposition politique.
3. L’Assemblée se félicite particulièrement des derniers décrets de grâce du Président Aliyev des 20 mars et 20 juin 2005, qui, en conduisant à la libération d’un grand nombre de prisonniers politiques, constituent un pas décisif vers la résolution du problème.
4. L’Assemblée salue le travail des experts indépendants nommés en 2001 par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe afin d’examiner la liste de 716 noms de prisonniers politiques présumés. Les experts ont achevé leur mandat en juillet 2004 après avoir rendu des avis sur 124 cas, concluant que 62 d’entre eux étaient des prisonniers politiques.
5. Elle regrette, cependant, la décision du Secrétaire Général de l’époque de ne pas prolonger le mandat des experts indépendants, afin de leur permettre d’examiner la liste supplémentaire des cas de prisonniers politiques présumés qui avaient été omis lors de l’établissement de la liste initiale.
6. L’Assemblée se félicite du dialogue constructif et ouvert qui s’est établi avec la délégation parlementaire de l’Azerbaïdjan à l’Assemblée. Elle reconnaît que des efforts réels ont été accomplis par la délégation dans la recherche d’une solution définitive. Elle se félicite en particulier de la création d’une task force rassemblant des représentants des autorités et des représentants d’ONG de défense des droits de l’homme, et soutient les efforts visant à développer un véritable dialogue avec la société civile.
7. L’Assemblée relève également que les listes communiquées par les organisations de protection des droits de l’homme comportent un certain nombre de personnes dont les procès en révision suscitent des préoccupations quant au respect des normes relatives à un procès équitable. Elle salue la décision des autorités azerbaïdjanaises de fournir à ces personnes une opportunité supplémentaire de saisir la Cour européenne des Droits de l’Homme et d’exercer d’autres moyens de recours pour mettre fin à toute violation commise lors de leur procès.
8. L’Assemblée condamne fermement les dysfonctionnements graves du système judiciaire de l’Azerbaïdjan, qui conduisent à la fabrication de nouvelles affaires, dans lesquelles des personnes, par dizaines voire par centaines, se trouvent accusées et jugées collectivement pour des motifs tels que: tentatives de coup d’Etat, atteintes à la sûreté de l’Etat, terrorisme ou troubles graves à l’ordre public, qui n’ont pas toujours de rapport avec les faits.
9. L’Assemblée déplore que, en dépit de ses demandes répétées, les autorités azerbaïdjanaises aient continué de procéder à l’arrestation et à la condamnation de centaines de personnes, pour des raisons manifestement politiques:
190 personnes ont été arrêtées dans le cadre des événements d’octobre 2003. 47 d’entre elles ont été condamnées à des peines d’emprisonnement fermes et 88 autres à des peines de prison avec sursis; 36 ont été graciées le 20 mars 2005, les 11 autres ont été libérées par décision de justice ou à l’expiration de leur peine;
quelque 60 autres personnes ont été arrêtées et condamnées depuis 2001-2002 dans le cadre d’autres affaires, pour beaucoup sans fondement.
10. L’Assemblée prend note de la conclusion de la task force concernant les trois personnes qualifiées de «prisonniers politiques» par les experts indépendants, selon laquelle, étant donné la violence prétendue de leurs crimes et tous les autres éléments de leur dossier, on n’insistera pas sur leur libération extrajudiciaire. L’Assemblée prend note de l’engagement des autorités azerbaïdjanaises d’ouvrir également la possibilité à ces personnes de saisir la Cour européenne des Droits de l’Homme dans le cas où leurs procès d’appel en révision devant les tribunaux de l’Azerbaïdjan ne seraient pas satisfaisants.
11. Au regard des engagements souscrits et des assurances données par les autorités azerbaïdjanaises que la question serait réglée à la satisfaction de l’Assemblée d’ici à la session d’automne 2004, l’Assemblée ne saurait considérer la question des prisonniers politiques comme définitivement close dès lors:
que 3 prisonniers politiques, reconnus comme tels par les experts indépendants, sont toujours emprisonnés;
que 41 personnes, qui n’ont pas été reconnues prisonniers politiques par les experts indépendants, sont également toujours en prison, et parmi elles des cas litigieux ou des cas de prisonniers ayant un état de santé préoccupant, sur lesquels l’Assemblée a appelé à plusieurs reprises l’attention des autorités;
qu’au moins 45 personnes, dont les cas n’ont pas été soumis aux experts indépendants – soit parce que leur nom a été omis de la liste initiale soumise aux experts, soit parce qu’elles ont été arrêtées et condamnées après le commencement de leur mandat –, qui sont considérées par l’Assemblée comme des prisonniers politiques présumés, sont elles aussi actuellement en détention.
12. L’Assemblée prend note de l’engagement des autorités azerbaïdjanaises de réexaminer les cas de 36 des 45 prisonniers politiques présumés et des 41 prisonniers non reconnus comme politiques. Elle demande aux autorités azerbaïdjanaises de procéder soit à la libération conditionnelle de ces personnes, soit à l’organisation dans les meilleurs délais d’un procès en appel, en cassation ou en révision, sous la réserve que ces procédures respectent pleinement les exigences d’un procès juste et équitable posées par la Convention européenne des Droits de l’Homme.
13. L’Assemblée est choquée par la violence avec laquelle ont été réprimées, en février 2005, les tentatives de mutinerie dans certaines prisons. Elle condamne fermement le recours à la violence, les mauvais traitements et les tortures qui ont été infligés aux prisonniers politiques et aux prisonniers politiques présumés, et elle appelle les autorités azerbaïdjanaises à mettre un terme à l’impunité dont jouissent certaines unités des forces de l’ordre. Elle se déclare profondément choquée par le fait que des membres de la cellule de lutte contre la criminalité organisée, qui fait office de centre de torture en Azerbaïdjan, ont bénéficié de promotions en reconnaissance des services rendus.
14. Elle se déclare également toujours préoccupée par les conditions de détention et les restrictions apportées aux droits des détenus et de leur famille. Elle invite les autorités azerbaïdjanaises à mettre rapidement en oeuvre les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
15. L’Assemblée déplore les conditions dans lesquelles s’est déroulée la libération d’Alikram Gumbatov, qui a été contraint à l’exil et s’est vu retirer la nationalité azerbaïdjanaise. Elle exprime sa gratitude au Gouvernement des Pays-Bas, qui lui a accordé l’asile politique et dont la médiation avec les autorités dans cette affaire a permis de trouver une issue positive.
16. L’Assemblée salue le travail accompli depuis plusieurs années par les ONG d’Azerbaïdjan, qui oeuvrent avec courage et obstination, dans des conditions difficiles, pour assister les prisonniers et leur famille.
17. Elle demande aux autorités azerbaïdjanaises de mieux appliquer aux prisonniers politiques et aux prisonniers politiques présumés les dispositions du Code pénal (articles 76, 77 et 78) qui prévoient la possibilité d’une libération conditionnelle lorsque le condamné a déjà accompli les deux tiers ou les trois quarts de sa peine, suivant les cas.
18. L’Assemblée réaffirme fermement sa position de principe suivant laquelle les détenus qui ont été reconnus comme prisonniers politiques doivent être libérés. Elle demande aux autorités azerbaïdjanaises de trouver une issue rapide et définitive à la question des prisonniers politiques et prisonniers politiques présumés:
en libérant les trois prisonniers politiques restants, reconnus comme tels par les experts indépendants, ou en ouvrant la possibilité de voir leurs affaires réellement examinées par la Cour européenne des Droits de l’Homme, moyennant un procès en révision ou en appel, comme l’ont proposé les autorités azerbaïdjanaises;
en libérant immédiatement, en application des dispositions du Code pénal relatives à la libération conditionnelle, les prisonniers politiques présumés qui ont déjà purgé plusieurs années de leur peine;
en libérant ou en rejugeant les prisonniers politiques présumés dont les jugements sont contraires aux principes du droit à un procès équitable;
en libérant, pour des raisons humanitaires, les prisonniers politiques présumés qui sont gravement malades;
en libérant ou en rejugeant les prisonniers politiques présumés qui ont été impliqués dans certains événements politiques à un degré moindre et très secondaire, sachant que les commanditaires présumés ont été eux-mêmes déjà graciés;
en libérant les prisonniers politiques présumés qui n’ont d’autre lien avec les événements en question que d’être parent, ami ou simple connaissance des membres éminents de précédents gouvernements;
et elle salue l’engagement des autorités azerbaïdjanaises d’exploiter toutes les procédures juridiques possibles (amnistie, procès en révision devant les tribunaux de plus haute instance, libération conditionnelle, libération pour motif de santé, grâce) afin de résoudre ce problème.
19. L’Assemblée constate que la législation pénale en vigueur en Azerbaïdjan comporte des dispositions et des procédures qui sont manifestement une survivance de la législation soviétique. Elle demande instamment aux autorités azerbaïdjanaises de collaborer activement et pleinement avec le Conseil de l’Europe à la réforme de son système judiciaire, et en particulier de lui adresser sans délai le Code pénal pour expertise, afin d’en vérifier la compatibilité avec la Convention européenne des Droits de l’Homme et la jurisprudence de la Cour.
20. Eu égard au nombre des prisonniers graciés mais privés de leurs droits civiques et de ceux qui ont été condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis et qui encourent la levée du sursis à la moindre incartade, l’Assemblée fait part de ses sérieux doutes quant au caractère libre et équitable des élections législatives qui se dérouleront en novembre 2005.
21. Enfin, l’Assemblée renouvelle sa demande au Parlement de l’Azerbaïdjan d’adopter sans délai une loi d’amnistie générale, véritable mesure de réconciliation nationale, concernant les groupes de personnes impliquées dans certains événements. Une telle amnistie est le seul moyen permettant la libération de prisonniers politiques présumés et l’annulation des poursuites à l’encontre de ceux qui ont fui le pays, qui, exilés politiques, souhaitent revenir en Azerbaïdjan et qui sont privés de toute possibilité de participer à la vie publique dans leur pays.