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Recommandation 1720 (2005)

Education et religion

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 4 octobre 2005 (27e séance) (voir Doc. 10673, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur : M. Schneider). Texte adopté par l’Assemblée le 4 octobre 2005 (27e séance).

1. L’Assemblée parlementaire réaffirme avec force que la religion de chacun, y inclus l’option de ne pas avoir de religion, relève du domaine strictement privé. Cependant, cela n’est pas incompatible avec la constatation du fait qu’une bonne connaissance générale des religions et par conséquent un sens de la tolérance sont indispensables à l’exercice de la citoyenneté démocratique.
2. Dans sa Recommandation 1396 (1999) sur la religion et la démocratie, l’Assemblée affirmait que «plusieurs problèmes de la société moderne ont aussi une composante religieuse, tels que les mouvements fondamentalistes intolérants et les actes terroristes, le racisme et la xénophobie, les conflits ethniques».
3. La famille joue un rôle primordial dans l’éducation des enfants, y compris dans le choix d’une éducation religieuse. Cependant, dans beaucoup de familles, la connaissance des religions est en train de se perdre. De plus en plus de jeunes manquent de repères pour bien appréhender les sociétés dans lesquelles ils évoluent et celles auxquelles ils sont confrontés.
4. Les médias – presse écrite et audiovisuel – peuvent avoir un rôle d’information très positif. Cependant, certains d’entre eux, surtout parmi ceux destinés au grand public, font très souvent preuve d’une regrettable méconnaissance des religions, comme l’indiquent par exemple les amalgames fréquents entre l’islam et certains mouvements fondamentalistes et radicaux.
5. La politique et la religion ne devraient pas se mélanger. Cependant, la démocratie et la religion ne doivent pas être incompatibles. En effet, elles doivent être des partenaires valables dans les efforts pour le bien commun. En s’attaquant aux problèmes de société, les autorités publiques peuvent éliminer beaucoup de situations qui favorisent l’extrémisme religieux.
6. L’éducation est essentielle pour combattre l’ignorance, les stéréotypes et l’incompréhension des religions. Les gouvernements devraient aussi faire plus pour garantir la liberté de conscience et d’expression religieuse, pour encourager l’enseignement du fait religieux, pour promouvoir le dialogue avec et entre les religions, et pour favoriser l’expression culturelle et sociale des religions.
7. L’école est un élément majeur de l’éducation, de la formation de l’esprit critique des futurs citoyens et donc du dialogue interculturel. Elle pose les bases d’un comportement tolérant, fondé sur le respect de la dignité de chaque personne humaine. En enseignant aux enfants l’histoire et la philosophie des principales religions avec mesure et objectivité, dans le respect des valeurs de la Convention européenne des Droits de l’Homme, elle luttera efficacement contre le fanatisme. Il est essentiel de comprendre l’histoire des conflits politiques justifiés au nom de la religion.
8. La connaissance des religions fait partie intégrante de celle de l’histoire des hommes et des civilisations. Elle est tout à fait différente de la croyance en une religion donnée et de sa pratique. Même les pays où une confession est largement prédominante se doivent d’enseigner les origines de toutes les religions plutôt que d’en privilégier une ou de promouvoir le prosélytisme.
9. En Europe, diverses situations coexistent. D’une manière générale, les systèmes scolaires – en particulier les écoles publiques dans les pays dits laïques – ne consacrent pas suffisamment de ressources à l’enseignement des religions, ou – en particulier dans les pays à religion d’Etat et dans les établissements confessionnels – privilégient une seule religion. Certains pays ont interdit le port de symboles religieux dans les établissements scolaires. Ces dispositions ont été jugées conformes à la Convention européenne des Droits de l’Homme.
10. Malheureusement, un peu partout en Europe, il n’y a pas assez d’enseignants en mesure d’assurer l’étude comparative des différentes religions, d’où l’intérêt de créer pour cela un institut européen de formation des enseignants (au moins pour les formateurs des futurs enseignants), qui pourra profiter de l’expérience de plusieurs instituts et facultés dans les différents pays membres, faisant depuis longtemps des recherches et donnant des enseignements sur les religions comparées.
11. Le Conseil de l’Europe accorde à l’éducation un rôle central dans la construction d’une société démocratique, mais l’étude des religions dans les écoles n’a pas encore fait l’objet d’une attention particulière.
12. L’Assemblée constate par ailleurs que les trois religions monothéistes du Livre ont des racines communes (Abraham) et partagent beaucoup de valeurs avec d’autres religions, et que ces valeurs sont à l’origine de celles défendues par le Conseil de l’Europe.
13. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres :
13.1. d’étudier les approches possibles de l’enseignement des religions pour les niveaux primaire et secondaire, par exemple par des modules de base qui seraient ensuite adaptés aux différents systèmes éducatifs ;
13.2. de promouvoir la formation initiale et continue des enseignants du fait religieux dans le respect des principes évoqués dans les paragraphes précédents ;
13.3. d’envisager la création d’un institut européen de formation d’enseignants pour l’étude comparative des religions.
14. L’Assemblée recommande aussi au Comité des Ministres d’encourager les gouvernements des Etats membres à veiller à l’enseignement du fait religieux aux niveaux primaire et secondaire de l’éducation nationale, notamment sur la base des critères suivants :
14.1. son objectif doit consister à faire découvrir aux élèves les religions qui se pratiquent dans leur pays et celles de leurs voisins, à leur faire voir que chacun a le même droit de croire que sa religion «est la vraie» et que le fait que d’autres ont une religion différente, ou n’ont pas de religion, ne les rend pas différents en tant qu’êtres humains ;
14.2. il devrait inclure l’histoire des principales religions, ainsi que l’option de ne pas avoir de religion, en toute neutralité ;
14.3. il devrait donner à la jeunesse des outils pédagogiques lui permettant d’aborder en toute sécurité les partisans d’une approche religieuse fanatique ;
14.4. il ne doit pas franchir la limite entre le culturel et le cultuel, même pour un pays à religion d’Etat. Il ne s’agit pas de transmettre une foi, mais de faire comprendre aux jeunes pourquoi des millions de gens puisent à ces sources ;
14.5. les enseignants des religions devront avoir une formation spécifique. Il devrait s’agir d’enseignants d’une discipline culturelle ou littéraire. Cependant les spécialistes d’une autre discipline pourraient être chargés de cet enseignement ;
14.6. il appartient aux autorités publiques de veiller à la formation des enseignants et de définir les programmes, qui doivent être adaptés à la spécificité de chaque pays et à l’âge des élèves. Pour la mise au point de ces programmes, le Conseil de l’Europe consultera tous les partenaires concernés par cette démarche, y compris les représentants des confessions religieuses.