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Résolution 1502 (2006)

La cohésion sociale face aux défis démographiques

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 29 mai 2006 (voirDoc. 10923, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteuse: Mme Vera Oskina; etDoc. 10937, avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: M. Michael Hancock).

1. Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont confrontés à des changements démographiques sans précédent, qui auront des incidences importantes sur l’ensemble de la société. La population de l’Europe devrait diminuer d’environ 100 millions d’habitants d’ici à 2050 (variante moyenne des projections des Nations Unies). Cette tendance découle notamment d’une baisse continue de la fécondité et de l’augmentation de l’espérance de vie.
2. Dans la plupart des pays européens, on a constaté une baisse importante des taux de fécondité. Pour l’ensemble de l’Europe, ce taux était de 1,8 enfant par femme en 1990 et de 1,4 en 2002. Le niveau nécessaire pour le renouvellement de la population est de 2,1. On relève toutefois des différences importantes d’un pays européen à l’autre. En 2003, le nombre d’enfants par femme était inférieur à 1,2 en Ukraine et en République tchèque; en Fédération de Russie, le nombre d’enfants par femme en 2004 était de 1,37, mais supérieur à 2 en Albanie et en Turquie. Globalement, cette tendance contribuera au vieillissement de la société et à la diminution de la population.
3. Tandis que la fécondité continue de baisser et que l’espérance de vie augmente, l’Europe se trouve aujourd’hui au premier rang du processus de vieillissement de la population. La diminution de la population européenne s’accompagne d’une transformation de la pyramide des âges: d’aujourd’hui à 2050, le pourcentage de personnes âgées de 20 à 64 ans régressera d’environ 60 % de la population totale actuelle à environ 50 %, et celui des personnes de 65 ans et plus d’environ 15 % à près de 30 %. Compte tenu de la réglementation actuelle sur les retraites, il y aura de moins en moins de personnes actives pour supporter le fardeau d’une population européenne vieillissante.
4. Un certain nombre de tendances démographiques générales témoignent de l’évolution des modes de constitution de la famille en Europe au cours de ces vingt dernières années: le taux brut de nuptialité a légèrement augmenté dans la plupart des pays européens; l’âge du premier mariage a augmenté; le nombre de divorces est en hausse; et les unions libres, c’est-à-dire la cohabitation hors mariage, ont également augmenté en Europe. Dans certains pays, elles représentent plus de la moitié des unions en phase de constitution de la famille. Les familles monoparentales, les ménages d’une personne, les unions libres, les couples homosexuels et les familles recomposées sont aujourd’hui des modes de vie plus courants et socialement mieux acceptés, comme le montrent les études sur les valeurs sociales.
5. Depuis le début des années 1980, l’Europe dans son ensemble est devenue un continent d’immigration. Dans la plupart des pays européens, l’immigration est aujourd’hui la composante la plus importante de l’accroissement de la population. Souvent, les naissances dans les foyers d’immigrants contribuent de manière non négligeable à l’accroissement naturel de la population.
6. Le contexte européen du vieillissement et de la diminution de la population, d’une part, et le contexte mondial du ralentissement de l’accroissement démographique, d’autre part, constituent des défis économiques, sociaux, culturels et environnementaux considérables, et exigent une action politique concertée à court, à moyen et à long termes. Les politiques éducatives, de contrôle des naissances et migratoires requerront une attention particulière. Baisse démographique et vieillissement de la population nécessitent des politiques adaptées dans de nombreux domaines de la vie sociale et économique.
7. Il est temps de repenser les politiques sociales en Europe afin de relever les défis à venir. Si chaque pays se distingue par sa structure démographique et ses traditions culturelles, sociales et économiques, un certain nombre de principes et de comportements communs demeurent cruciaux pour l’orientation de la réforme en Europe.
8. L’Assemblée parlementaire recommande donc aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. d’aborder les nouveaux défis démographiques des sociétés modernes en tenant plus particulièrement compte de la fécondité et des politiques relatives à la famille et à la longévité, et de celles liées à la vieillesse ou aux migrations en tant que questions démographiques clés à prendre en considération pour identifier les domaines d’action prioritaires en matière de cohésion sociale;
8.2. pour ce qui est de l’évolution des modes de constitution de la famille:
8.2.1. de promouvoir un environnement plus favorable aux enfants et aux familles dans tous les secteurs de la société, notamment en milieu urbain, incluant logement, programmes de protection de l’enfance, conditions de travail, politiques fiscales, horaires et équipements de loisirs, afin que les enfants soient à nouveau perçus comme une composante bienvenue de la société. Il convient de promouvoir les valeurs axées sur l’enfant et sur la famille, entre autres en introduisant dans le système scolaire la thématique de la famille et de la population. Il convient de repenser l’organisation du travail, de la parentalité et de la retraite, dans la perspective de toute une vie;
8.2.2. d’adopter des mesures permettant aux individus et aux couples d’exercer leur droit de décider librement et consciemment du nombre de leurs enfants et de l’espacement de leurs naissances. Ces mesures devraient faciliter l’accès des individus et des couples à l’éducation, à l’information et aux méthodes de régulation de la fécondité, y compris le traitement de la stérilité, indépendamment des objectifs démographiques généraux. Il convient d’assurer et de soutenir des services de conseil et de planning familial de qualité, afin de réduire encore le nombre d’interruptions volontaires de grossesse;
8.2.3. de reconnaître la conciliation de la vie professionnelle avec la vie familiale comme un principe qui doit gouverner toute politique et stratégie visant à l’amélioration de la cohésion sociale et de la croissance démographique;
8.2.4. de veiller à ce que la situation matrimoniale, la maternité et l’éducation des enfants ne soient plus considérées comme des obstacles insurmontables pour l’emploi des femmes;
8.2.5. de rendre le travail et les études plus faciles à concilier avec la maternité, pour contribuer à relever le taux très bas de fécondité. Ainsi, les pays nordiques ont des taux de fécondité relativement plus élevés, avec une forte participation des femmes au marché de l’emploi;
8.2.6. de fournir un effort particulier pour réduire l’incertitude des jeunes adultes en ce qui concerne l’accès au logement et au marché du travail, ce qui peut expliquer les disparités internationales en matière de constitution des familles. De fait, l’ajournement du passage à la parentalité peut constituer une réponse rationnelle à des facteurs incitatifs d’ordre socio-économique;
8.2.7. de tirer pleinement parti des expériences des pays qui ont le mieux réussi à créer un cadre politique favorable aux femmes, aux enfants et à la famille, atteignant ainsi des taux de fécondité relativement élevés. Seule une approche générale cohérente, combinant des politiques et des instruments financiers, techniques et fiscaux, peut réussir à régler les problèmes liés à la famille. Les politiques explicites en matière d’emploi, de logement et d’éducation ont un impact notable sur les politiques de la famille et les modèles familiaux;
8.2.8. d’analyser minutieusement les conséquences des formes alternatives au modèle familial et du divorce ainsi que le risque de pauvreté, la moindre réussite scolaire, le sous-emploi et d’autres formes d’exclusion sociale sur le bien-être des enfants et des parents;
8.3. pour ce qui est du vieillissement de la population et de ses défis pour les politiques sociales:
8.3.1. de s’assurer que les personnes âgées vivant seules auront accès aux réseaux formels de soutien (infirmiers, médecins, hôpitaux) et/ou aux réseaux informels (amis, voisins) pour compenser l’absence de soutien familial ou le remplacer;
8.3.2. de modifier progressivement la politique sociale et économique pour tenir compte de l’évolution de la pyramide des âges;
8.3.3. de promouvoir le vieillissement actif en donnant la possibilité de travailler plus longtemps à ceux qui sont en bonne santé et qui en expriment le souhait, et en accordant une plus grande importance au nombre d’années travaillées, plutôt qu’à l’âge du départ à la retraite, en d’autres termes, en faisant preuve d’une plus grande souplesse;
8.3.4. de concevoir des politiques diversifiées pour permettre aux personnes de travailler plus longtemps dans des conditions favorables à la santé, notamment en encourageant les possibilités de formation et de réorientation;
8.3.5. d’adapter le secteur de la santé et des soins de longue durée au nombre croissant de personnes très âgées;
8.4. pour ce qui est de l’impact des migrations sur la société et sur les politiques:
8.4.1. de promouvoir l’intégration réussie des immigrés et de leurs familles, en particulier ceux venant de pays non européens, dans leurs sociétés d’accueil européennes. L’absence d’intégration peut déboucher sur l’émergence de conflits sociaux, voire créer un terrain fertile au terrorisme et à d’autres activités criminelles;
8.4.2. de poursuivre les politiques liées aux migrations de manière concertée entre les pays d’origine, de transit et de destination, afin de prévenir les migrations clandestines, de s’attaquer à leurs causes premières et de réguler ainsi le phénomène des migrations. La protection internationale des personnes démunies est un élément important de toute stratégie de gestion des migrations. La stratégie pour une gestion organisée des migrations, adoptée par les Etats membres du Conseil de l’Europe, constitue un cadre approprié de coopération bi- et multilatérale;
8.4.3. de considérer les politiques du logement, de l’emploi, de l’éducation et linguistiques, les politiques en matière de droits culturels et religieux, de participation à la vie politique, d’acquisition de la nationalité et de relations entre les communautés comme des questions politiques clés, particulièrement dans les villes et les régions urbaines de l’Europe;
8.4.4. de veiller, en ce qui concerne ce domaine, au respect des droits fondamentaux, de la dignité et des droits sociaux, culturels et politiques des immigrés.