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Résolution 1530 (2007)
Enfants victimes: éradiquons toutes les formes de violence, d’exploitation et d’abus
1. L’Assemblée parlementaire estime,
comme les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres du Conseil
de l’Europe l’ont affirmé dans la Déclaration finale et le Plan
d’action adoptés lors du 3e Sommet (Varsovie,
16-17 mai 2005), que le Conseil de l’Europe a un rôle important
à jouer pour trouver des solutions concrètes et efficaces aux cas
de violence, d’exploitation et d’abus à l’égard des enfants, quelles
que soient leurs formes.
2. L’Assemblée soutient la mise en place, dans ce contexte, du
programme d’action triennal (2006-2008) du Conseil de l’Europe pour
la promotion des droits de l’enfant et la protection de l’enfance
contre la violence, «Construire une Europe pour et avec les enfants»,
qui a été lancé à Monaco les 4 et 5 avril 2006.
3. Elle demeure préoccupée par le nombre élevé d’enfants, au
sein des Etats membres, victimes de violence, de maltraitance, d’exploitation,
de traite, du trafic de leurs organes, de prostitution infantile
et de pédopornographie, notamment du fait de leur vulnérabilité,
de leur incapacité juridique en tant que mineurs et de l’insuffisance
de la protection juridique et sociale qui leur est accordée.
4. Les statistiques recueillies dans ce domaine par des organisations
internationales telles que l’UNICEF ou l’Organisation internationale
du travail (OIT) restent encore en deçà de la réalité, dans la mesure
où nombre d’enfants ne sont pas en mesure de signaler aux autorités
ou aux associations spécialisées les violences et les abus dont
ils font l’objet.
5. L’Assemblée rappelle qu’il existe un large arsenal juridique
au niveau international visant à garantir les droits des enfants
et à lutter contre certaines formes d’exploitation, en particulier
la Convention des Nations Unies de 1989 relative aux droits de l’enfant
et ses protocoles, et, plus récemment, la Résolution 61/146 sur les droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée
générale des Nations Unies le 19 décembre 2006, la Convention no 182
de l’OIT relative à l’interdiction des pires formes de travail des
enfants et l’engagement mondial pris lors du 2e Congrès
mondial sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales,
en 2001 à Yokohama.
6. Quant au niveau européen, l’Assemblée rappelle, en particulier,
les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe, notamment la
Convention européenne des Droits de l’Homme (STE no 5),
la Charte sociale européenne révisée (STE no 163),
la Convention européenne pour la prévention de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126),
les conventions spécialisées comme la Convention sur la cybercriminalité
(STE no 185) et la Convention du Conseil
de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE
no 197), ainsi que nombre de ses propres
résolutions et recommandations, relatives à la reconnaissance, à
la promotion et à la protection des droits des enfants.
7. L’Assemblée rappelle la réponse du Comité des Ministres du
20 avril 2005 à sa Recommandation
1666 (2004), dans laquelle il a souligné l’importance qu’il attachait
à la question de la protection des enfants et sa détermination à
protéger les enfants en tant que groupe nécessitant une protection
spéciale contre toute forme de violence.
8. Il est important que l’Assemblée parlementaire et le Comité
des Ministres veillent à ce qu’une action résolue soit menée au
niveau paneuropéen pour éradiquer toutes les formes de violence
à l’encontre des enfants. De ce point de vue, il est indispensable,
dans la mesure où les enfants sont également des sujets de droit,
de leur accorder une protection juridique adéquate, ainsi qu’une
représentation juridique extrafamiliale quand cela s’avère nécessaire.
9. L’Assemblée se félicite du récent commencement des travaux
relatifs à un projet de convention du Conseil de l’Europe sur la
protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels.
10. Elle estime que, au-delà des mesures normatives déjà prises
et face à la multitude de textes visant chacun des formes spécifiques
de violence, une approche intégrée au niveau européen est indispensable
pour rendre plus efficace et plus lisible la protection des enfants
face à des situations intolérables – qui perdurent, voire dans certains
domaines qui se développent – de discrimination, de violence, d’exploitation
et d’abus revêtant les aspects les plus divers. Elle considère ainsi
qu’il conviendrait de renforcer le dispositif conventionnel existant
en adoptant une démarche visant une protection intégrée des enfants
quel que soit le type de violence, d’exploitation ou d’abus exercé,
ainsi que de renforcer la coopération entre les Etats membres dans
ce domaine.
11. L’Assemblée est également préoccupée par l’accroissement du
contentieux familial transfrontalier dont les enfants sont les victimes
directes. A cet égard, elle rappelle la Convention du Conseil de
l’Europe sur les relations personnelles concernant les enfants (STE
no 192) et encourage les Etats membres
à la ratifier dans les plus brefs délais.
12. A cet égard, également, l’Assemblée estime qu’il est urgent
de renforcer la coopération entre tous les Etats membres en mettant
en œuvre des procédures judiciaires rapides et adaptées aux enfants,
lorsqu’elles n’existent pas déjà, notamment dans le cadre de conflits
familiaux, parallèlement aux possibilités de médiation qui n’aboutissent
pas toujours, afin d’éviter aux enfants le préjudice supplémentaire
que leur causent des procédures contentieuses longues et douloureuses.
Par ailleurs, l’Assemblée encourage tous les Etats membres à fournir
à une partie de leurs juges une formation spécialisée sur les questions
relatives aux enfants.
13. L’Assemblée rappelle par ailleurs sa Recommandation 1460 (2000) relative à l’institution d’un médiateur pour les enfants,
et salue l’appui du commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe en faveur de la généralisation dans les Etats membres
de telles institutions, ou de l’élargissement des compétences des médiateurs
déjà en place à la promotion et à la défense des droits des enfants,
ainsi qu’au renforcement de la protection de l’enfance.
14. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée parlementaire invite
tous les parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe:
14.1. à consolider et à développer
des stratégies et des politiques nationales destinées à protéger
les droits des enfants;
14.2. à examiner le cadre législatif existant et à le compléter
le cas échéant pour assurer la protection des enfants contre toutes
formes de violence, d’exploitation et d’abus, en érigeant en infraction
pénale en rapport avec son degré de gravité toute atteinte portée
à l’intégrité physique ou morale de l’enfant et en l’assortissant
de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives;
14.3. à harmoniser ces normes pour établir une protection des
enfants commune à tous les Etats, notamment en ce qui concerne la
notion d’intérêt supérieur de l’enfant et la définition des infractions pénales
dont les enfants sont victimes;
14.4. à prévoir des normes juridiques visant:
14.4.1. à suspendre, lorsqu’une telle
disposition n’existe pas déjà, le délai de prescription des infractions
graves jusqu’à ce que la victime ait atteint l’âge de la majorité;
14.4.2. à instaurer l’imprescriptibilité des infractions les plus
graves commises à l’encontre d’enfants;
14.4.3. à étendre la compétence juridictionnelle des Etats de
façon à poursuivre efficacement les auteurs des infractions graves
commises à l’encontre des enfants en dehors de leurs frontières;
14.4.4. à instaurer des procédures judiciaires civiles et pénales
qui soient rapides et adaptées aux enfants, comprenant, par exemple,
le droit d’être entendu par un juge s’ils ont une capacité de discernement,
le droit de disposer d’un avocat aux frais de l’Etat ou le droit
d’obtenir l’aide juridictionnelle appropriée;
14.4.5. à former des magistrats spécialisés à de telles procédures,
notamment pour les préparer à interroger des enfants victimes de
violence, d’exploitation ou d’abus; et, lorsque cela est absolument
nécessaire, à confronter les accusés et les victimes d’une manière
qui préserve l’intérêt de l’enfant et celui de la justice;
14.4.6. à adapter les procédures judiciaires civiles et pénales
aux enfants en privilégiant des méthodes ménageant leur sensibilité,
notamment en ce qui concerne leur témoignage et leur comparution
(par l’utilisation de la vidéo, par exemple);
14.4.7. à encourager les Etats membres à instaurer une législation
interdisant aux personnes condamnées pour des infractions sexuelles
commises sur des enfants de se rendre à l’étranger.
15. L’Assemblée appelle également les Etats membres:
15.1. à ratifier les instruments juridiques
internationaux et européens relatifs à la protection des enfants,
énumérés ci-dessus;
15.2. à instaurer, ou à les promouvoir s’ils existent déjà,
des mécanismes de médiation destinés à alléger les souffrances des
enfants, notamment dans le cadre de la séparation de leurs parents,
et à créer un médiateur pour les enfants pouvant être saisi directement
par eux dans les cas graves, ou à développer les compétences des
médiateurs existants pour englober la protection infantile contre
toutes les formes de violence;
15.3. à renforcer la coopération, aux plans national et international,
entre les services de police et les autorités en charge de l’instruction
pour lutter efficacement contre l’exploitation et la traite des
enfants en Europe et ailleurs;
15.4. à œuvrer en faveur de la création d’un organisme national
qui centraliserait les informations concernant les enfants victimes
de violence, d’exploitation ou d’abus et les personnes condamnées
pour de telles infractions, en vue d’élaborer un fichier central
qui permette l’échange d’informations, fichier auquel toutes les
parties intéressées devraient avoir accès et qui favoriserait ainsi
la lutte contre ces phénomènes et la résolution de conflits impliquant
des enfants, en particulier les conflits familiaux, avec une plus
grande célérité; et à œuvrer en faveur de la création d’un observatoire
de la maltraitance dans chaque Etat et au niveau européen, qui établirait
des statistiques fiables sur les cas de violence, d’exploitation
et d’abus touchant les enfants;
15.5. à mettre en place des organes européens spécialisés, ainsi
que des réseaux nationaux et internationaux de coopération et de
coordination entre les autorités gouvernementales, les autorités judiciaires,
les services de police, les organismes nationaux et les ONG spécialisés
dans la protection des droits des enfants.
16. L’Assemblée appelle, enfin, les Etats membres à renforcer
leur politique sociale de protection de l’enfance:
16.1. en élaborant des plans d’action
tant au niveau national qu’au niveau local, pour éliminer la violence,
l’exploitation et les abus commis à l’encontre des enfants, notamment
au sein de la famille, à l’école, dans les institutions d’accueil
et dans la communauté;
16.2. en mettant en œuvre, dans la durée, des mécanismes d’éducation,
d’information et de sensibilisation des enfants, des parents, des
professionnels et de toutes les autorités spécialisées dans la protection
juridique et sociale infantile portant sur la détection de la maltraitance
et de toutes formes d’abus, et sur les moyens de lutte contre ces
phénomènes;
16.3. en organisant un suivi régulier et attentif des enfants
victimes ou auteurs de comportements violents, afin de leur réserver
un soutien émanant de professionnels dûment formés à cet égard,
et d’assurer leur réadaptation et leur réinsertion sociales;
16.4. en créant des mécanismes de surveillance des institutions
chargées d’accueillir des enfants (telles que les écoles, les orphelinats,
les centres de placement, les centres de détention de jeunes délinquants,
etc.), mais aussi des méthodes de détection (par exemple par le
biais de visites médicales scolaires et préscolaires et d’entretiens
avec des psychologues) des actes de violence et des situations d’exploitation
ou d’abus afin de constater et de sanctionner tout comportement
de ce type envers un enfant;
16.5. en mettant en place des numéros de téléphone gratuits,
des répondeurs téléphoniques et des sites internet permettant aux
enfants d’effectuer des signalements anonymes de cas de violence, d’exploitation
ou d’abus, et en favorisant une large diffusion des informations
destinées aux enfants victimes de maltraitances de toute sorte,
et concernant notamment les structures sociales, les associations
spécialisées, les organismes ou les institutions tels que le médiateur,
auxquels les enfants peuvent s’adresser directement et de façon
anonyme pour dénoncer les actes de violence commis à leur encontre
ou à l’encontre d’autres enfants.
17. L’Assemblée encourage sa commission de suivi à continuer à
inclure la protection de l’enfance dans ses activités de contrôle
et dans ses rapports.