Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1530 (2007)

Enfants victimes: éradiquons toutes les formes de violence, d’exploitation et d’abus

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 janvier 2007 (3e séance) (voir Doc. 11118, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Gardetto). Texte adopté par l’Assemblée le 23 janvier 2007 (4e séance).

1. L’Assemblée parlementaire estime, comme les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l’Europe l’ont affirmé dans la Déclaration finale et le Plan d’action adoptés lors du 3e Sommet (Varsovie, 16-17 mai 2005), que le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer pour trouver des solutions concrètes et efficaces aux cas de violence, d’exploitation et d’abus à l’égard des enfants, quelles que soient leurs formes.
2. L’Assemblée soutient la mise en place, dans ce contexte, du programme d’action triennal (2006-2008) du Conseil de l’Europe pour la promotion des droits de l’enfant et la protection de l’enfance contre la violence, «Construire une Europe pour et avec les enfants», qui a été lancé à Monaco les 4 et 5 avril 2006.
3. Elle demeure préoccupée par le nombre élevé d’enfants, au sein des Etats membres, victimes de violence, de maltraitance, d’exploitation, de traite, du trafic de leurs organes, de prostitution infantile et de pédopornographie, notamment du fait de leur vulnérabilité, de leur incapacité juridique en tant que mineurs et de l’insuffisance de la protection juridique et sociale qui leur est accordée.
4. Les statistiques recueillies dans ce domaine par des organisations internationales telles que l’UNICEF ou l’Organisation internationale du travail (OIT) restent encore en deçà de la réalité, dans la mesure où nombre d’enfants ne sont pas en mesure de signaler aux autorités ou aux associations spécialisées les violences et les abus dont ils font l’objet.
5. L’Assemblée rappelle qu’il existe un large arsenal juridique au niveau international visant à garantir les droits des enfants et à lutter contre certaines formes d’exploitation, en particulier la Convention des Nations Unies de 1989 relative aux droits de l’enfant et ses protocoles, et, plus récemment, la Résolution 61/146 sur les droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 19 décembre 2006, la Convention no 182 de l’OIT relative à l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’engagement mondial pris lors du 2e Congrès mondial sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, en 2001 à Yokohama.
6. Quant au niveau européen, l’Assemblée rappelle, en particulier, les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe, notamment la Convention européenne des Droits de l’Homme (STE no 5), la Charte sociale européenne révisée (STE no 163), la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126), les conventions spécialisées comme la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), ainsi que nombre de ses propres résolutions et recommandations, relatives à la reconnaissance, à la promotion et à la protection des droits des enfants.
7. L’Assemblée rappelle la réponse du Comité des Ministres du 20 avril 2005 à sa Recommandation 1666 (2004), dans laquelle il a souligné l’importance qu’il attachait à la question de la protection des enfants et sa détermination à protéger les enfants en tant que groupe nécessitant une protection spéciale contre toute forme de violence.
8. Il est important que l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres veillent à ce qu’une action résolue soit menée au niveau paneuropéen pour éradiquer toutes les formes de violence à l’encontre des enfants. De ce point de vue, il est indispensable, dans la mesure où les enfants sont également des sujets de droit, de leur accorder une protection juridique adéquate, ainsi qu’une représentation juridique extrafamiliale quand cela s’avère nécessaire.
9. L’Assemblée se félicite du récent commencement des travaux relatifs à un projet de convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels.
10. Elle estime que, au-delà des mesures normatives déjà prises et face à la multitude de textes visant chacun des formes spécifiques de violence, une approche intégrée au niveau européen est indispensable pour rendre plus efficace et plus lisible la protection des enfants face à des situations intolérables – qui perdurent, voire dans certains domaines qui se développent – de discrimination, de violence, d’exploitation et d’abus revêtant les aspects les plus divers. Elle considère ainsi qu’il conviendrait de renforcer le dispositif conventionnel existant en adoptant une démarche visant une protection intégrée des enfants quel que soit le type de violence, d’exploitation ou d’abus exercé, ainsi que de renforcer la coopération entre les Etats membres dans ce domaine.
11. L’Assemblée est également préoccupée par l’accroissement du contentieux familial transfrontalier dont les enfants sont les victimes directes. A cet égard, elle rappelle la Convention du Conseil de l’Europe sur les relations personnelles concernant les enfants (STE no 192) et encourage les Etats membres à la ratifier dans les plus brefs délais.
12. A cet égard, également, l’Assemblée estime qu’il est urgent de renforcer la coopération entre tous les Etats membres en mettant en œuvre des procédures judiciaires rapides et adaptées aux enfants, lorsqu’elles n’existent pas déjà, notamment dans le cadre de conflits familiaux, parallèlement aux possibilités de médiation qui n’aboutissent pas toujours, afin d’éviter aux enfants le préjudice supplémentaire que leur causent des procédures contentieuses longues et douloureuses. Par ailleurs, l’Assemblée encourage tous les Etats membres à fournir à une partie de leurs juges une formation spécialisée sur les questions relatives aux enfants.
13. L’Assemblée rappelle par ailleurs sa Recommandation 1460 (2000) relative à l’institution d’un médiateur pour les enfants, et salue l’appui du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en faveur de la généralisation dans les Etats membres de telles institutions, ou de l’élargissement des compétences des médiateurs déjà en place à la promotion et à la défense des droits des enfants, ainsi qu’au renforcement de la protection de l’enfance.
14. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée parlementaire invite tous les parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe:
14.1. à consolider et à développer des stratégies et des politiques nationales destinées à protéger les droits des enfants;
14.2. à examiner le cadre législatif existant et à le compléter le cas échéant pour assurer la protection des enfants contre toutes formes de violence, d’exploitation et d’abus, en érigeant en infraction pénale en rapport avec son degré de gravité toute atteinte portée à l’intégrité physique ou morale de l’enfant et en l’assortissant de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives;
14.3. à harmoniser ces normes pour établir une protection des enfants commune à tous les Etats, notamment en ce qui concerne la notion d’intérêt supérieur de l’enfant et la définition des infractions pénales dont les enfants sont victimes;
14.4. à prévoir des normes juridiques visant:
14.4.1. à suspendre, lorsqu’une telle disposition n’existe pas déjà, le délai de prescription des infractions graves jusqu’à ce que la victime ait atteint l’âge de la majorité;
14.4.2. à instaurer l’imprescriptibilité des infractions les plus graves commises à l’encontre d’enfants;
14.4.3. à étendre la compétence juridictionnelle des Etats de façon à poursuivre efficacement les auteurs des infractions graves commises à l’encontre des enfants en dehors de leurs frontières;
14.4.4. à instaurer des procédures judiciaires civiles et pénales qui soient rapides et adaptées aux enfants, comprenant, par exemple, le droit d’être entendu par un juge s’ils ont une capacité de discernement, le droit de disposer d’un avocat aux frais de l’Etat ou le droit d’obtenir l’aide juridictionnelle appropriée;
14.4.5. à former des magistrats spécialisés à de telles procédures, notamment pour les préparer à interroger des enfants victimes de violence, d’exploitation ou d’abus; et, lorsque cela est absolument nécessaire, à confronter les accusés et les victimes d’une manière qui préserve l’intérêt de l’enfant et celui de la justice;
14.4.6. à adapter les procédures judiciaires civiles et pénales aux enfants en privilégiant des méthodes ménageant leur sensibilité, notamment en ce qui concerne leur témoignage et leur comparution (par l’utilisation de la vidéo, par exemple);
14.4.7. à encourager les Etats membres à instaurer une législation interdisant aux personnes condamnées pour des infractions sexuelles commises sur des enfants de se rendre à l’étranger.
15. L’Assemblée appelle également les Etats membres:
15.1. à ratifier les instruments juridiques internationaux et européens relatifs à la protection des enfants, énumérés ci-dessus;
15.2. à instaurer, ou à les promouvoir s’ils existent déjà, des mécanismes de médiation destinés à alléger les souffrances des enfants, notamment dans le cadre de la séparation de leurs parents, et à créer un médiateur pour les enfants pouvant être saisi directement par eux dans les cas graves, ou à développer les compétences des médiateurs existants pour englober la protection infantile contre toutes les formes de violence;
15.3. à renforcer la coopération, aux plans national et international, entre les services de police et les autorités en charge de l’instruction pour lutter efficacement contre l’exploitation et la traite des enfants en Europe et ailleurs;
15.4. à œuvrer en faveur de la création d’un organisme national qui centraliserait les informations concernant les enfants victimes de violence, d’exploitation ou d’abus et les personnes condamnées pour de telles infractions, en vue d’élaborer un fichier central qui permette l’échange d’informations, fichier auquel toutes les parties intéressées devraient avoir accès et qui favoriserait ainsi la lutte contre ces phénomènes et la résolution de conflits impliquant des enfants, en particulier les conflits familiaux, avec une plus grande célérité; et à œuvrer en faveur de la création d’un observatoire de la maltraitance dans chaque Etat et au niveau européen, qui établirait des statistiques fiables sur les cas de violence, d’exploitation et d’abus touchant les enfants;
15.5. à mettre en place des organes européens spécialisés, ainsi que des réseaux nationaux et internationaux de coopération et de coordination entre les autorités gouvernementales, les autorités judiciaires, les services de police, les organismes nationaux et les ONG spécialisés dans la protection des droits des enfants.
16. L’Assemblée appelle, enfin, les Etats membres à renforcer leur politique sociale de protection de l’enfance:
16.1. en élaborant des plans d’action tant au niveau national qu’au niveau local, pour éliminer la violence, l’exploitation et les abus commis à l’encontre des enfants, notamment au sein de la famille, à l’école, dans les institutions d’accueil et dans la communauté;
16.2. en mettant en œuvre, dans la durée, des mécanismes d’éducation, d’information et de sensibilisation des enfants, des parents, des professionnels et de toutes les autorités spécialisées dans la protection juridique et sociale infantile portant sur la détection de la maltraitance et de toutes formes d’abus, et sur les moyens de lutte contre ces phénomènes;
16.3. en organisant un suivi régulier et attentif des enfants victimes ou auteurs de comportements violents, afin de leur réserver un soutien émanant de professionnels dûment formés à cet égard, et d’assurer leur réadaptation et leur réinsertion sociales;
16.4. en créant des mécanismes de surveillance des institutions chargées d’accueillir des enfants (telles que les écoles, les orphelinats, les centres de placement, les centres de détention de jeunes délinquants, etc.), mais aussi des méthodes de détection (par exemple par le biais de visites médicales scolaires et préscolaires et d’entretiens avec des psychologues) des actes de violence et des situations d’exploitation ou d’abus afin de constater et de sanctionner tout comportement de ce type envers un enfant;
16.5. en mettant en place des numéros de téléphone gratuits, des répondeurs téléphoniques et des sites internet permettant aux enfants d’effectuer des signalements anonymes de cas de violence, d’exploitation ou d’abus, et en favorisant une large diffusion des informations destinées aux enfants victimes de maltraitances de toute sorte, et concernant notamment les structures sociales, les associations spécialisées, les organismes ou les institutions tels que le médiateur, auxquels les enfants peuvent s’adresser directement et de façon anonyme pour dénoncer les actes de violence commis à leur encontre ou à l’encontre d’autres enfants.
17. L’Assemblée encourage sa commission de suivi à continuer à inclure la protection de l’enfance dans ses activités de contrôle et dans ses rapports.