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Recommandation 1811 (2007)

La régionalisation en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 3 octobre 2007 (33e séance) (voir Doc. 11373, rapport de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales, rapporteur: M. de Puig). Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2007 (33e séance).

1. L’Assemblée parlementaire constate qu’une majorité d’Etats membres du Conseil de l’Europe sont des Etats fédéraux, confédéraux ou régionalisés, où les régions jouissent d’un fort degré d’autonomie ou, du moins, d’une décentralisation administrative considérable.
2. Elle constate en outre que la sphère politique régionale est une réalité institutionnelle d’une grande utilité en tant que niveau subétatique de gouvernement dans une majorité d’Etats membres du Conseil de l’Europe, dans la mesure où la région, pour des raisons de superficie et de proximité, est le niveau idéal pour l’exercice de la gouvernance.
3. L’Assemblée souligne que, sur la base des principes politiques qu’il promeut, le Conseil de l’Europe a toujours soutenu le développement d’une Europe des régions, conçue comme une garantie supplémentaire de la démocratie dans la mesure où elle accroît les possibilités pour les citoyens de participer activement à la vie politique.
4. Elle observe que le Conseil de l’Europe est aussi favorable à la régionalisation en raison de son efficience politique, administrative et financière, puisqu’il s’agit d’un niveau de gouvernement plus proche de la réalité quotidienne et des citoyens que ne l’est l’Etat.
5. Elle observe aussi que de nombreux Etats européens ont accompli ces dernières années des progrès considérables en matière de développement ou de restructuration de leurs systèmes d’administration fédérale, régionale ou autonome.
6. L’Assemblée note qu’une majorité d’Etats membres du Conseil de l’Europe comptent des communautés dotées d’une forte identité culturelle, politique et historique, qui ne sont pas simplement des régions, mais aussi des peuples et des sociétés à l’identité collective marquée (qu’on les appelle régions, nations, nationalités, pays, etc.) et qui, sans avoir créé leur propre Etat, conservent des caractéristiques distinctes qui déterminent leur aspiration politique à l’autonomie.
7. Elle considère qu’il est nécessaire de créer un niveau subétatique solide au sein des Etats membres, ne serait-ce que pour garantir une plus grande efficience de la gouvernance dans les Etats qui ne pourraient pas assurer une action de la puissance publique qui soit permanente et effective sur l’ensemble de leur territoire.
8. L’Assemblée note l’élan insufflé au mouvement régionaliste du fait de son association avec le concept de bonne gouvernance, la nécessité d’appliquer le principe de subsidiarité et les revendications des citoyens concernant l’organisation au niveau régional.
9. Elle souligne l’importance du régionalisme dans le projet européen, dont témoigne le fait que l’Union européenne a mis en place des fonds structurels au niveau régional et conçu des milliers de projets mis en œuvre à ce même niveau, afin de parvenir à une plus grande cohésion sociale et territoriale.
10. L’Assemblée note également que certains Etats semblent encore réticents à toute forme de régionalisation, aussi limitée soit-elle, et continuent de nier la présence de minorités sur leur territoire.
11. Elle est fermement convaincue qu’une large majorité des citoyens des Etats membres souhaitent préserver l’existence de l’Etat en tant qu’institution essentielle du processus politique, principal détenteur de prérogatives en matière de politique internationale et niveau ultime de la prise de décision au sein des institutions européennes.
12. L’Assemblée constate toutefois qu’au cours des dernières années un nombre considérable de nouveaux Etats ont été créés en Europe et que nous voyons maintenant apparaître de nouvelles nations dont l’indépendance et le statut d’Etat sont reconnus par la communauté internationale.
13. Elle rappelle le précédent établi par – et les conditions exigées pour – l’indépendance du Monténégro et témoigne du chemin accompli par le Kosovo sur la voie de l’indépendance, apparemment acceptée par une partie de la communauté internationale.
14. Elle tient compte du fait que, dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, au sein des communautés marquées par une conscience politique profonde de leur identité, il existe des minorités nationalistes qui revendiquent leur indépendance et leur accession au rang d’Etat à part entière.
15. L’Assemblée rappelle l’existence de conflits fondés sur l’appartenance ethnique ou sur l’existence de minorités nationales, culturelles/linguistiques, religieuses ou frontalières, et la nécessité de parvenir à résoudre ces problèmes de manière pacifique, durable et satisfaisante pour toutes les parties.
16. Elle est consciente des problèmes que la création de nouveaux Etats peut entraîner, tels que des conflits de toute sorte, des clivages au sein des sociétés, des affrontements entre les minorités et la majorité, entre les différentes minorités ou entre des pays voisins, et le risque d’une déstabilisation profonde du projet européen.
17. L’Assemblée insiste sur le caractère démocratique des Etats européens, qui veut que ces situations soient toujours traitées par des moyens démocratiques, tels que des élections, des référendums, des réformes constitutionnelles et institutionnelles, et la création de nouvelles entités, en s’appuyant toujours sur la participation des citoyens, auxquels il appartient en dernier ressort de trancher.
18. Elle est convaincue que la plupart de ces problèmes peuvent être résolus de manière satisfaisante dans le cadre d’une autorité subétatique institutionnalisée, en application des principes de subsidiarité, du régionalisme, de l’autonomie ainsi que du fédéralisme.
19. L’Assemblée note que le régionalisme a rencontré un succès considérable dans les Etats européens qui l’ont mis en place, comme le montrent des exemples tels que l’Autriche, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Suisse ou le Royaume-Uni.
20. Elle est convaincue en outre des vertus de la gouvernance régionale, de l’efficacité de la subsidiarité et de la force démocratique de la proximité, qui rapproche les citoyens de l’administration des affaires publiques.
21. L’Assemblée pense que l’exercice des droits des minorités est compatible avec les actions de l’Etat, qui doit prendre en compte ces minorités et défendre leurs droits culturels, linguistiques, religieux et politiques.
22. Elle reconnaît le rôle que les organisations régionalistes ont joué en Europe, et en particulier des institutions européennes telles que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe («le Congrès») ou le Comité des régions de l’Union européenne, ainsi que des associations telles que la Conférence des assemblées législatives régionales européennes (CALRE), qui représente le régionalisme européen au niveau parlementaire.
23. L’Assemblée soutient l’initiative du Congrès d’élaborer un nouveau projet de texte sur la démocratie régionale, à adopter en mai 2008, qui proposera des solutions à la fois souples et réalistes dans un document qui devrait recueillir l’adhésion d’une majorité des Etats membres et, le moment venu, celle du Comité des Ministres, en vue de préparer un instrument juridique offrant un cadre institutionnel correspondant à l’évolution que connaissent la plupart des pays européens.
24. Elle se félicite du succès de la première Conférence des parlements nationaux et des assemblées régionales européennes qu’elle a organisée conjointement avec la CALRE à Strasbourg le 12 septembre 2007.
25. L’Assemblée souhaite poursuivre sa coopération avec les institutions régionales européennes, en particulier avec le Congrès et sa Chambre des régions, afin de développer une approche commune et d’explorer le potentiel considérable du régionalisme pour l’Europe de demain.
26. Elle souhaite également renforcer ses liens avec les régions dotées de pouvoirs législatifs et avec les organisations qui les représentent, telles que la Conférence des régions européennes à pouvoir législatif (REGLEG) au niveau des gouvernements régionaux ou la CALRE pour ce qui concerne les assemblées régionales.
27. Elle veillera en particulier à nouer des relations avec la CALRE et avec les parlements des régions dotées de pouvoirs législatifs, afin de coopérer dans le domaine du parlementarisme et de comparer le rôle des parlements régionaux, des parlements nationaux et des organisations parlementaires internationales telles que l’Assemblée parlementaire.
28. En conséquence, l’Assemblée invite le Comité des Ministres à recommander aux Etats membres:
28.1. de s’employer résolument à améliorer, ou mettre en place lorsqu’il n’existe pas encore et là où ce serait approprié, un système régional en tant que niveau de gouvernance subétatique, afin de moderniser les institutions et de les adapter aux nouveaux défis politiques, économiques et sociaux du monde moderne, dans le respect des principes défendus par le Conseil de l’Europe;
28.2. d’utiliser cette voie pour résoudre les problèmes de structure institutionnelle et de répondre aux revendications des régions ayant une ambition nationale, afin de leur accorder un degré satisfaisant d’autonomie en tant qu’instrument de leur réalisation politique, en coopération avec le gouvernement et les autres institutions de l’Etat et, le cas échéant, avec celles de l’Union européenne;
28.3. de corriger la situation de marginalisation dont souffrent de grandes régions au sein des institutions européennes et de leur accorder une reconnaissance et un statut qui leur permettront de participer au projet européen de manière proportionnée à leur contribution, et de vaincre ainsi leur sentiment actuel de frustration.
29. L’Assemblée invite en outre le Comité des Ministres:
29.1. à insister sur le respect scrupuleux des droits de l’homme, et en particulier des droits des minorités, qui peuvent trouver dans le régionalisme un modèle pour parvenir à une reconnaissance démocratique et à une application pleine et entière de ces droits, conformément aux principes du Conseil de l’Europe;
29.2. à soutenir une idée du régionalisme suffisamment large et souple pour qu’aucune forme d’organisation régionale ne soit jamais imposée: ce seront les Etats qui choisiront, le moment venu, la forme de régionalisation qui convient le mieux à leurs citoyens, puisque ce seront ces derniers qui trancheront en dernier ressort;
29.3. à soutenir les organisations régionalistes européennes, notamment en renforçant le rôle du Congrès, afin de donner au mouvement régionaliste une plus grande cohérence et de lui insuffler une logique européenne allant bien au-delà des exigences spécifiques de chaque Etat.
30. L’Assemblée invite par ailleurs le Congrès:
30.1. à s’efforcer de développer le mouvement régionaliste sous toutes ses formes, et sous la forme la plus appropriée pour chaque situation, afin de mettre en valeur la réalité positive et la bonne gouvernance que représente l’Etat régionalisé;
30.2. à poursuivre ses travaux sur le nouveau projet de texte relatif à la démocratie régionale, en appliquant des critères actualisés et souples qui permettront son adoption, à la fois par le Comité des Ministres et par une majorité d’Etats membres;
30.3. à réserver l’appartenance à la Chambre des régions aux seuls représentants de régions dans les Etats membres où elles existent, et à la Chambre des pouvoirs locaux aux représentants de collectivités intermédiaires et locales;
30.4. à accorder aux régions dotées de pouvoirs législatifs, compte tenu de leur caractère politique particulier, un statut et une reconnaissance spécifiques, et à rechercher des solutions structurelles qui leur permettront de débattre et d’adopter des décisions à leur propre niveau.
31. L’Assemblée invite également l’Union européenne:
31.1. à faciliter la participation des grandes régions européennes aux politiques communes et aux processus de prise de décision ainsi qu’à la mise en œuvre des réglementations de la Communauté européenne, en leur accordant une reconnaissance et un statut appropriés;
31.2. à renforcer le rôle des régions dans les institutions de l’Union européenne, notamment en développant les compétences et les moyens du Comité des régions;
31.3. à reconnaître, dans le cadre des travaux de rédaction du nouveau traité modificatif que doit préparer la Conférence intergouvernementale, le rôle important des régions et de la politique régionale.