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Résolution 1597 (2008)
Listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne
1. L’Assemblée parlementaire réaffirme
que le terrorisme peut et doit être combattu efficacement par des moyens
respectant et préservant les droits de l’homme et la prééminence
du droit.
2. Elle estime que les organisations internationales, telles
que les Nations Unies et l’Union européenne, devraient être exemplaires
sur ce point et constituer un modèle pour les Etats, compte tenu
de la noblesse des objectifs affirmés dans leurs textes fondateurs
et de la crédibilité dont elles ont besoin pour les atteindre.
3. Les sanctions ciblées visant certaines personnes ou entités
(«listes noires») décrétées par le Conseil de sécurité des Nations
Unies (CSNU) et par le Conseil de l’Union européenne sont, en principe,
préférables aux sanctions générales pesant sur des Etats. Ces dernières
ont souvent des conséquences néfastes sur les populations vulnérables
des pays concernés, généralement sans affecter leurs dirigeants,
tandis que les sanctions ciblées ne nuisent qu’aux individus considérés
comme responsables des violations en cause.
4. Dans le même temps, les sanctions ciblées (telles que les
restrictions de déplacement et le gel des avoirs) ont un impact
direct sur des droits fondamentaux individuels tels que la liberté
de mouvement et la protection de la propriété. Bien que la nature
de ces sanctions – pénale, administrative ou civile – ne soit pas du
tout claire et demeure sujette à débat, leur application doit, en
vertu de la Convention européenne des Droits de l’Homme (STE no 5)
et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
des Nations Unies (PIDCP), respecter certaines normes minimales
de protection procédurale et de sécurité juridique.
5. Le respect de ces normes de procédure et de fond est en outre
indispensable à la crédibilité et à l’efficacité des sanctions ciblées.
5.1. Les normes minimales de procédure
en vertu du principe de la prééminence du droit recouvrent le droit
qu’a chacun:
5.1.1. d’être promptement
avisé et pleinement informé des accusations portées contre lui et de
la décision prise, ainsi que des raisons qui motivent cette décision;
5.1.2. de jouir du droit fondamental d’être entendu et de pouvoir
assurer sa défense;
5.1.3. de pouvoir saisir rapidement une instance indépendante
et impartiale dans le but de modifier ou d’annuler la décision restreignant
ses droits;
5.1.4. d’être indemnisé en cas de violation de ses droits.
5.2. Les normes minimales de fond exigent une définition claire
des motifs ayant conduit à l’imposition de sanctions et des preuves
devant être réunies à l’appui.
5.3. La procédure des «listes noires» doit être limitée dans
le temps. Il est inadmissible que des personnes restent sur la liste
noire pendant des années, alors que les autorités de poursuite pénale
– après une longue enquête – n’ont absolument rien découvert à leur
encontre.
5.4. Il est également important de tenir compte des recours
en justice. Le Conseil de l’Union européenne et les Etats membres
de l’Union doivent exécuter immédiatement les décisions des instances
judiciaires européennes et nationales compétentes ayant des implications
sur le statut des personnes et des entités figurant sur les listes.
6. L’Assemblée constate que les normes de procédure et de fond
actuellement appliquées par le CSNU et par le Conseil de l’Union
européenne, malgré quelques améliorations récentes, ne remplissent
absolument pas les critères minimaux énoncés ci-dessus et bafouent
les principes fondamentaux des droits de l’homme et de la prééminence
du droit.
6.1. S’agissant de la
procédure, force est de constater et de vivement déplorer que même
les membres du comité chargé de décider de l’inscription d’une personne
sur liste noire ne connaissent pas tous les motifs à l’origine du
dépôt de la demande d’inscription faite par un membre. La personne
ou le groupe concerné n’est le plus souvent ni avisé de cette demande,
ni entendu s’il le désire, ni même, parfois, informé de la décision
prise – jusqu’à ce qu’il tente de passer une frontière ou d’utiliser
un compte bancaire. Aucune mesure ne prévoit de réexamen indépendant
des décisions prises ni de réparation pour les violations de droits
subies. Une telle procédure est dès lors totalement arbitraire et sans
crédibilité aucune.
6.2. De même, les critères justifiant le recours aux sanctions
ciblées sont à la fois vastes et imprécis, et les sanctions peuvent
être imposées sur la base de simples soupçons. Cette situation est
déplorable et viole les droits de l’homme et les libertés fondamentales.
7. L’Assemblée considère ces pratiques comme indignes d’instances
internationales telles que les Nations Unies et l’Union européenne.
Estimant qu’il est à la fois possible et nécessaire que les Etats
appliquent les différents régimes de sanctions dans le respect de
leurs obligations internationales au regard de la Convention européenne
des Droits de l’Homme et du PIDCP, elle appelle:
7.1. le CSNU et le Conseil de l’Union
européenne à modifier les normes de procédure et de fond applicables
aux sanctions ciblées pour les aligner sur les critères présentés
au paragraphe 5 ci-dessus;
7.2. les Etats membres du Conseil de l’Europe qui siègent,
à titre permanent ou non, au CSNU ou qui font partie de l’Union
européenne à user de leur influence au sein de ces instances pour
défendre les valeurs affirmées par la Convention européenne des
Droits de l’Homme, à la fois en veillant à ce que les normes de
procédure et de fond soient dûment améliorées et par le bais de
leurs prises de position concernant des cas individuels;
7.3. l’Assemblée générale de l’ONU et le Parlement européen
à revoir, respectivement, les régimes de sanctions ciblées de l’ONU
et du Conseil de l’Union européenne afin de leur apporter les améliorations
nécessaires dans le sens du respect des droits de l’homme et de
la prééminence du droit.
8. L’Assemblée invite tous les Etats membres du Conseil de l’Europe
ainsi que l’Union européenne à adopter des procédures nationales
et communautaires appropriées mettant en œuvre les sanctions imposées à
leurs ressortissants ou à leurs résidents légaux par le CSNU ou
par le Conseil de l’Union européenne, afin de remédier aux lacunes
des procédures de l’ONU et de l’Union aussi longtemps qu’elles subsisteront.
9. L’Assemblée rappelle à tous les Etats membres du Conseil de
l’Europe qu’ils ont signé et ratifié la Convention européenne des
Droits de l’Homme et ses protocoles, et qu’ils se sont ainsi engagés
à en respecter les principes, et que ces derniers s’appliquent à
la mise en œuvre des sanctions édictées par les Nations Unies et
l’Union européenne.