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Résolution 1642 (2009)

Accès aux droits des personnes handicapées, et pleine et active participation de celles-ci dans la société

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 janvier 2009 (2e séance) (voir Doc. 11694, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: M. Marquet). Texte adopté par l’Assemblée le 26 janvier 2009 (2e séance). Voir également la Recommandation 1854 (2009).

Résolution 1642 (2009)

1. Plus d’une personne sur dix souffre d’une forme quelconque de handicap, ce qui représente au total 650 millions de personnes dans le monde, avec une proportion encore plus forte en Europe, qui compte à elle seule jusqu’à 200 millions de personnes handicapées. On constate une corrélation entre l’âge et le handicap, car, sous l’effet du vieillissement de la population et de l’amélioration des soins de santé, le nombre de personnes handicapées en Europe s’accroît et continuera d’augmenter.
2. L’Assemblée parlementaire rappelle que la Convention européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe (STE no 5) protège toute personne, y compris les personnes handicapées, et que l’article 15 de la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) garantit expressément aux personnes handicapées l’exercice effectif du droit à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté. Plus récente et très attendue, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées est entrée en vigueur le 3 mai 2008. L’Assemblée salue ce texte qui décrit en détail les droits des personnes handicapées, y compris des enfants handicapés, et qui contribuera certainement au changement de perception essentiel à l’amélioration de la situation physique et mentale de ces personnes.
3. L’Assemblée constate que, dans la pratique, l’accès aux droits des personnes handicapées physiques et mentales à égalité avec les personnes valides reste souvent un vœu pieux et se révèle insuffisant. Aussi se félicite-t-elle de l’élaboration par le Conseil de l’Europe du Plan d’action 2006-2015 pour la promotion des droits et de la pleine participation des personnes handicapées (Recommandation Rec(2006)5 du Comité des Ministres), qui cherche à répondre concrètement aux problèmes les plus graves et les plus courants rencontrés par les personnes handicapées, et à favoriser l’égalité des chances, et qui préconise un ensemble de mesures pour améliorer la situation des personnes handicapées dans tous les aspects de la vie quotidienne.
4. L’Assemblée considère que ce plan d’action du Conseil de l’Europe relatif aux personnes handicapées doit servir de document de référence pour toutes les nouvelles politiques et actions adoptées dans le domaine du handicap, et d’outil de promotion en Europe de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Elle invite tous les Etats membres à participer, à promouvoir et à mettre en œuvre ce plan d’action, aussi bien au plan national qu’au niveau local, et à initier les réformes nécessaires pour enfin rectifier les inégalités qui perdurent malgré les multiples déclarations d’intention.
5. De plus, l’Assemblée demande aux Etats membres, par le biais de leurs parlements nationaux, de communiquer régulièrement au Conseil de l’Europe les progrès réalisés dans la mise en œuvre du plan d’action. Elle invite également les organes compétents du Conseil de l’Europe à faire le point sur la situation à mi-parcours de ce plan d’action 2006-2015 relatif aux personnes handicapées en organisant une conférence européenne en 2010.
6. L’Assemblée invite les Etats membres à intégrer les questions du handicap dans tous les domaines de la décision politique, à s’assurer que tous les programmes relatifs au handicap bénéficient des ressources suffisantes et à veiller à ce que les personnes handicapées physiques et mentales puissent jouir de la pleine citoyenneté sur un pied d’égalité avec les autres. La lutte contre les discriminations et les violences, et l’adoption de mesures positives doivent aller de pair. Pour accélérer l’intégration dans la société, l’Assemblée estime que certains domaines clés d’intervention doivent être traités en priorité.
7. Tout d’abord, l’Assemblée invite les Etats membres à s’assurer que les personnes handicapées disposent de la capacité juridique et l’exercent au même titre que les autres membres de la société:
7.1. en garantissant que personne ne limite ni n’exerce à leur place leur droit de prendre des décisions, que les mesures les concernant soient adaptées à leur situation et qu’une tierce personne puisse les aider à prendre des décisions;
7.2. en prenant les mesures nécessaires pour que, en conformité avec la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif, les personnes mises sous tutelle ne se voient pas privées de leurs droits fondamentaux (y compris leur droit d’accéder à la propriété, d’avoir un emploi, une vie de famille, de se marier, de voter, de créer ou rejoindre une association, de faire appel à la justice et de rédiger un testament) et que, lorsqu’elles ont besoin d’une aide extérieure pour les exercer, une assistance adéquate leur soit accordée sans se substituer à leur volonté;
7.3. en prévoyant des garanties suffisantes contre les abus commis sur des personnes sous tutelle, notamment en mettant en place des mécanismes de contrôle régulier de la tutelle et en s’assurant que la législation prévoit des examens obligatoires, réguliers et significatifs de la tutelle, auxquels la personne concernée est pleinement associée et pour lesquels elle est convenablement représentée sur le plan juridique.
8. L’Assemblée estime que, pour permettre la participation active des personnes handicapées à la société, il est impératif de respecter leur droit de vivre au sein de la collectivité. Elle invite les Etats membres:
8.1. à s’investir dans le processus de désinstitutionnalisation en réorganisant les services et en réaffectant les ressources des établissements spécialisés aux services de proximité;
8.2. à proposer une assistance adaptée et durable, essentiellement en moyens humains et matériels (en particulier financiers), aux familles qui s’occupent d’un proche handicapé à domicile;
8.3. à mettre en place des organes efficaces et indépendants d’inspection des établissements spécialisés existants.
9. S’agissant de l’emploi, l’Assemblée invite les Etats membres à assurer – dans toute la mesure du possible – aux personnes handicapées l’accès à un emploi durable:
9.1. par des mesures d’incitation à travailler lorsqu’elles le peuvent; après une évaluation objective et individuelle de l’employabilité des personnes handicapées, un accompagnement doit leur permettre de trouver un emploi approprié ou de retrouver leur emploi précédent;
9.2. par des mesures spécifiques appropriées pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes adultes handicapés au sortir des institutions où ils ont passé toute leur vie;
9.3. par la protection des personnes handicapées contre la discrimination, à chacune des étapes de l’embauche – de la sélection au recrutement – et tout au long du parcours professionnel;
9.4. par des mesures réellement incitatives pour encourager les employeurs à employer des personnes handicapées, notamment par l’application de procédures de recrutement qui garantissent que les offres d’emploi sont effectivement proposées aux personnes handicapées, et en procédant à des aménagements raisonnables du lieu et/ou des conditions de travail;
9.5. par la prise en compte, dans la législation et les réglementations en matière de santé et de sécurité, des besoins spécifiques des personnes handicapées et l’élimination de toute disposition discriminatoire à leur égard;
9.6. par la mise en œuvre de mesures de soutien telles que l’emploi protégé ou assisté pour les personnes qui ont besoin d’une aide personnalisée sur le marché du travail; il faut également faire en sorte que les personnes handicapées puissent passer d’un emploi protégé ou assisté à un emploi normal;
9.7. par des mesures incitant les employeurs à créer de nouveaux emplois, spécifiquement à l’intention des personnes handicapées.
10. Dans le domaine de l’éducation, autre domaine prioritaire, l’Assemblée invite les Etats membres:
10.1. à reconnaître à toutes les personnes handicapées, et tout particulièrement aux enfants, quelles que soient la nature et la gravité de leur handicap, un accès égal à l’éducation, à tous les niveaux, et à accorder une attention particulière aux besoins éducatifs des enfants vivant dans des établissements spécialisés;
10.2. à soutenir et à promouvoir l’apprentissage et la formation professionnelle tout au long de la vie des personnes handicapées; il est important que des transitions puissent être assurées entre chaque phase de leur éducation et entre l’éducation et l’emploi;
10.3. à veiller à ce que tous les programmes et matériels pédagogiques du système d’enseignement général soient accessibles aux personnes handicapées;
10.4. à garantir l’accès à une éducation non traditionnelle afin que les personnes handicapées puissent développer des aptitudes qu’elles ne pourraient pas acquérir par le biais de l’éducation normale.
11. L’Assemblée invite les Etats membres à assurer le respect des droits des personnes handicapées à tous les niveaux du système éducatif, par toute mesure appropriée, notamment par la sensibilisation des enfants au handicap dès leur plus jeune âge, dans le cadre des programmes d’enseignement dispensés dans les écoles et les institutions d’enseignement général.
12. Pour l’Assemblée, créer une société pour tous implique un accès égal de tous les citoyens à l’environnement dans lequel ils vivent. Elle invite les Etats membres à rendre cet environnement réellement accessible aux personnes handicapées et à supprimer les obstacles existants qui les empêchent de participer pleinement à la vie quotidienne et de jouir de leurs droits fondamentaux:
12.1. en intégrant les principes de la conception universelle dans la formation à tous les métiers concernant l’environnement bâti, tels que les architectes, les ingénieurs ou les urbanistes, afin de simplifier la vie de tous en rendant l’environnement plus accessible, facile d’utilisation et compréhensible;
12.2. en supprimant tous les obstacles existant dans les bâtiments publics et les espaces publics intérieurs et extérieurs, et en veillant à ne pas créer de nouvelles difficultés. Toutes les nouvelles constructions doivent être conformes aux principes de la conception universelle, comme les trottoirs, qui ne doivent pas être construits sans bordures inclinées;
12.3. en accordant une attention particulière à la sécurité des personnes handicapées dans la conception et la réalisation des procédures d’évacuation et d’urgence;
12.4. en permettant aux animaux, assistant ou guidant les personnes handicapées, le libre accès à tous les bâtiments et espaces publics.
13. L’Assemblée invite les Etats membres à œuvrer en faveur de l’égalité d’accès aux installations sociales, aux sites culturels et aux installations sportives, et à sensibiliser l’opinion au potentiel qu’offrent l’exercice physique, les sports, un mode de vie sain et les méthodes psychologiques de rééducation dans la réalisation de l’intégration et de la réinsertion sociales. L’Assemblée invite les Etats membres à promouvoir la recherche scientifique dans ces domaines et à consentir un effort particulier en faveur du développement et de la promotion du mouvement paralympique.
14. L’Assemblée considère que l’accessibilité au transport demeure un domaine prioritaire, malgré de réels progrès dans la mise en œuvre de politiques de transports accessibles, notamment des transports publics. Elle invite les Etats membres:
14.1. à incorporer une sensibilisation au handicap dans les cours de formation standard destinés au personnel des transports publics;
14.2. à obliger les responsables des services de transport public à fournir des services accessibles à tous les utilisateurs;
14.3. à autoriser et à prévoir une place pour les animaux assistant ou guidant (les chiens d’aveugle, par exemple) les personnes handicapées dans tous les transports publics;
14.4. à prévoir un nombre suffisant de places de parking adaptées pour les véhicules des personnes handicapées à mobilité réduite et à s’assurer qu’ils en sont les seuls utilisateurs.
15. L’Assemblée demande aux Etats membres d’assurer l’égalité d’accès des personnes handicapées aux soins de santé et de promouvoir la consultation des personnes handicapées ou de leurs représentants dans le processus de décision relatif à leurs soins. Il convient de veiller:
15.1. à ce que toutes les informations pertinentes leur soient fournies de manière compréhensible;
15.2. à donner la priorité à l’adoption de directives appropriées et de mesures efficaces de détection, de diagnostic et de traitement du handicap à un stade précoce; il convient d’élaborer des directives appropriées pour la détection précoce ainsi que des mesures d’intervention;
15.3. à tenir compte du vieillissement de la population et des conséquences sanitaires qui en découlent, notamment pour les personnes handicapées;
15.4. à ce que les professionnels des soins de santé de tous les Etats membres acceptent la dimension des droits humains et sociaux des personnes handicapées, et ne se concentrent pas uniquement sur l’aspect médical du handicap;
15.5. à former des professionnels, en particulier des travailleurs sociaux et professionnels de santé, en nombre suffisant et à promouvoir la prévention de la maltraitance auprès de l’ensemble des acteurs des établissements de soins;
15.6. à offrir, avec la participation des intéressés, des services de réadaptation complets, accessibles et adaptés afin de permettre aux personnes handicapées de parvenir à une autonomie maximale et d’exploiter au mieux leurs capacités physiques, mentales, professionnelles et sociales.
16. L’Assemblée invite les Etats membres à garantir aux personnes handicapées le plein accès aux médias, y compris à la presse écrite, aux médias électroniques et à l’internet.
17. Le nombre croissant de personnes âgées en Europe augmente le risque de handicap, d’autonomie réduite, de recours accru à divers services d’assistance et de détérioration de la qualité de la vie. De nombreux facteurs de risque concernant le handicap chez les personnes âgées, dont plusieurs sont liés à des critères socio-économiques et aux conditions de vie, sont cependant modifiables, mais le manque de données concernant les personnes handicapées est un frein à l’élaboration de politiques pertinentes. L’Assemblée estime donc qu’il est urgent d’effectuer des recherches sur les soins de santé propres aux personnes âgées handicapées et de conduire des études économiques en la matière, ainsi que:
17.1. des recherches sur les facteurs de risque liés à l’environnement, qui n’ont pas fait l’objet d’un intérêt particulier jusqu’à présent;
17.2. des recherches approfondies sur les mesures visant à réadapter et à réintégrer les personnes handicapées dans la communauté;
17.3. d’encourager la recherche scientifique appliquée, notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies, les appareils et les produits pouvant contribuer à une vie autonome et à une meilleure participation des personnes handicapées à la vie de la communauté.
18. Considérant que l’attitude de la société, les préjugés et les mentalités figées demeurent l’obstacle le plus important à l’accès aux droits des personnes handicapées et à leur pleine et active participation dans la société, l’Assemblée invite les Etats membres:
18.1. à intensifier les campagnes d’information et de sensibilisation du grand public aux questions relatives au handicap;
18.2. à poursuivre et à réprimer juridiquement les pratiques discriminatoires et les attitudes inacceptables à l’encontre des personnes handicapées, en particulier les actes de maltraitance, qu’ils soient individuels ou commis au sein d’établissements de soins;
18.3. à diffuser des exemples de bonnes pratiques dans tous les domaines de la vie courante, afin de faire mieux comprendre – à tous et particulièrement aux plus jeunes la portée de cette question, que ce soit dans la société civile, dans l’environnement professionnel ou dans le milieu éducatif;
18.4. à garantir la participation pleine et active des personnes handicapées à chacun de ces processus.
19. L’Assemblée invite les Etats membres concernés à démontrer leur volonté politique d’accélérer l’accès aux droits des personnes handicapées en ratifiant et en mettant en œuvre:
19.1. la Charte sociale européenne révisée – en acceptant notamment l’article 15 sur les personnes handicapées et son protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives qui permet à des organisations non gouvernementales nationales et/ou internationales de soumettre des réclamations au Comité européen des Droits sociaux en cas de violation de ces derniers par les Etats;
19.2. la récente Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif qui permet également aux particuliers et aux groupes de particuliers de faire valoir leurs droits.