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Résolution 1645 (2009)

Enquêtes sur les crimes qui auraient été commis par de hauts responsables sous le régime Koutchma en Ukraine: l’affaire Gongadze, un exemple emblématique

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 janvier 2009 (4e séance) (voir Doc. 11686, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: Mme Leutheusser-Schnarrenberger). Texte adopté par l’Assemblée le 27 janvier 2009 (4e séance). Voir également la Recommandation 1856 (2009).

1. L’Assemblée parlementaire, rappelant sa Résolution 1466 (2005) sur le respect des obligations et engagements de l’Ukraine, souligne l’importance qu’elle attache à la sécurité des journalistes et des militants politiques, notamment ceux liés à des groupes d’opposition, dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
2. Les crimes perpétrés à l’encontre de journalistes et de militants politiques doivent donner lieu à une enquête des autorités compétentes, en priorité et sans ingérence politique. Les autorités doivent s’efforcer d’identifier les auteurs directs de ces crimes mais également leurs commanditaires et organisateurs, sans égard au grade et à la fonction des suspects.
3. S’agissant de l’affaire Gongadze, l’Assemblée salue le langage clair employé par la Cour européenne des droits de l’homme concluant, dans son arrêt du 8 novembre 2005, aux violations des articles 2, 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5). Elle souligne l’importance de sa complète exécution en temps utile, qui doit inclure, sans plus attendre, la mise en œuvre des actes d’investigation négligés par les autorités.
4. L’Assemblée se félicite également de la récente condamnation de trois ex-policiers du ministère de l’Intérieur pour l’assassinat de Georgiy Gongadze. Elle déplore cependant la libération de leur supérieur hiérarchique direct, le général Poukatch, puis sa fuite lors d’une nouvelle tentative d’arrestation, ainsi que le décès soudain de l’ancien ministre de l’Intérieur, Iouri Kravtchenko, intervenus dans des circonstances troubles.
5. L’Assemblée reste profondément préoccupée par l’absence de progrès dans la poursuite de ceux qui ont commandité et organisé l’assassinat de Georgiy Gongadze, et réitère son point de vue selon lequel l’affaire ne peut être considérée comme réglée tant que les commanditaires et les organisateurs ne sont pas poursuivis au même titre que les auteurs directs du crime.
6. L’authenticité des enregistrements de conversations qui auraient été réalisés dans le bureau du Président, évoquant divers actes criminels (les «enregistrements Melnytchenko»), devrait être vérifiée sans plus tarder de manière à permettre l’utilisation, selon le cas, des conclusions de cette analyse comme preuve devant les tribunaux.
7. L’Assemblée se félicite que le bureau du procureur général ukrainien soit disposé à autoriser la participation d’experts étrangers à l’examen des enregistrements et du matériel utilisé pour les réaliser. Cette démarche devrait inciter le témoin en question à remettre en temps voulu ces éléments aux autorités. Tout en regrettant que les autorités ukrainiennes aient tant tardé à lancer une demande officielle de coopération juridique, elle invite les autorités requises à y répondre favorablement, compte tenu de la faisabilité technique d’une telle expertise à un stade aussi avancé.
8. Indépendamment de leur authentification, ces enregistrements peuvent fournir des pistes précieuses quant aux témoins ou apporter d’autres preuves qui devraient être exploitées. De nouveaux actes d’investigation, tels que ceux proposés par une équipe d’enquêteurs en octobre 2005, restent à entreprendre, notamment une enquête sur les circonstances dans lesquelles, en 2003, deux fonctionnaires de haut rang, M. Fere et M. Dagaev, ont été victimes d’une attaque cérébrale, frappant le premier d’une incapacité permanente et entraînant le décès du second.
9. S’agissant de l’assassinat du militant politique O. I. Podolsky, l’Assemblée salue la condamnation des ex-policiers qui ont reconnu leur culpabilité. Néanmoins, dans le contexte de l’affaire Gongadze, elle estime qu’il convient maintenant d’identifier et de déférer en justice les commanditaires et organisateurs de ce crime.
10. D’autres crimes qui ont défrayé la chronique – tels ceux dont ont été victimes le député de la Verkhovna Rada O. S. Yelyashkevich et le journaliste I. Aleksandrov, ainsi que le décès, lors de sa détention, de I. Honcharov, chef présumé d’un groupe criminel agissant au sein du ministère de l’Intérieur – illustrent le grave dysfonctionnement des forces de l’ordre durant l’ère Koutchma et au-delà.
11. En conséquence, l’Assemblée invite:
11.1. le bureau du procureur général ukrainien à suivre toutes les pistes d’enquête pour identifier les instigateurs et organisateurs du meurtre de Georgiy Gongadze ainsi que des autres crimes mentionnés aux paragraphes 9 et 10 ci-dessus, et notamment:
11.1.1. à poursuivre résolument l’authentification des «enregistrements Melnytchenko», avec la participation d’experts étrangers;
11.1.2. à recourir à d’autres moyens disponibles pour établir l’authenticité de ces enregistrements, tels que l’interrogatoire en tant que témoins des personnes dont les voix ont été prétendument enregistrées et la comparaison entre des discussions soi-disant enregistrées et des événements qui se sont réellement produits;
11.1.3. à ouvrir une enquête pénale pour établir la responsabilité du manquement – déterminé par la Cour européenne des droits de l’homme – à protéger Georgiy Gongadze et à enquêter correctement sur sa disparition comme l’avait demandé l’Assemblée dans sa Résolution 1466 (2005);
11.1.4. à enquêter sur les circonstances de la remise en liberté du général Poukatch en 2003 et de sa fuite lors de la tentative d’arrestation qui aurait eu lieu plus tard en Israël, et à engager, le cas échéant, des poursuites pénales contre les responsables;
11.1.5. à réexaminer les circonstances du décès de l’ancien ministre de l’Intérieur, Iouri Kravtchenko, et à enquêter aussi sur le délit d’incitation au suicide qui pourrait avoir été commis;
11.1.6. à interroger en tant que témoins d’autres membres du personnel de haut rang ou d’anciens membres du ministère de l’Intérieur susceptibles de détenir des informations sur l’unité spéciale dirigée par le général Poukatch;
11.1.7. à enquêter sur les circonstances exactes dans lesquelles deux ex-fonctionnaires de haut rang présumés impliqués dans l’affaire Gongadze ont été victimes à peu de temps d’intervalle d’une attaque cérébrale, entraînant le décès de M. Dagaev et plongeant M. Fere dans le coma;
11.2. toutes les personnes dont les voix figureraient sur les «enregistrements Melnytchenko», à coopérer pleinement avec le bureau du procureur général en fournissant des échantillons de voix à des fins de comparaison et en tant que témoins;
11.3. les responsables politiques ukrainiens à s’abstenir de toute ingérence dans l’enquête sur les commanditaires et les organisateurs de l’assassinat de M. Gongadze, et sur d’autres crimes.
12. L’Assemblée décide de continuer d’observer de près la progression des affaires susmentionnées dans le cadre de sa procédure de suivi concernant l’Ukraine.